JesusMarie.comSaint Robert Bellarmin
Saint Robert Bellarmin
Les Controverses de la Foi Chrétienne contre les Hérétiques de ce Temps
Disputationes de controversiis christiniæ fidei adversus hujus temporis hæreticos.
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2019 01 08 début
LES SACREMENTS EN PARTICULIER
LIVRE SECOND

LE SACREMENT DE CONFIRMATION

Sur le sacrement de confirmation, il y a six controverses.
La première : est-ce un sacrement propre et véritable ?
La seconde : la matière du sacrement.
La troisième : la forme du sacrement.
La quatrième : l’effet du sacrement.
La cinquième : le ministre du sacrement.
La sixième : les cérémonies.

La première controverse comportera trois parties.
La première : les erreurs sur le sacrement de confirmation.
La deuxième : la confirmation de la vérité.
La troisième : la réfutation des objections.

                                     CHAPITRE 1
Les erreurs et les mensonges sur le sacrement de confirmation.
Presque tous les hérétiques de notre temps enlèvent la confirmation du nombre des sacrements.  Car, même si, en l’an 1548, au conventum de Lipsiensis,  les théologiens de Lipsiensis et ceux de Wirtemberg reçurent sept sacrements, y compris la confirmation, comme sacrement proprement dit conférant la grâce, ils ne persévérèrent pas longtemps dans leur reconnaissance de la confirmation comme véritable sacrement.
  En effet, presque tous ceux qui ont écrit avant ou après cette date rejettent la confirmation.  Mais, comme ils ne peuvent nier que, dans l’église ancienne, ait existé un rite appelé confirmation, ils ont imaginé que ce rite n’était pas un véritable sacrement institué par Jésus-Christ,  mais une cérémonie quelconque introduite par l’Église, pour des raisons d’ordre pratique.  Kemnitius parle de cette cérémonie en six chapitres  (2 par, examen, page 320). C’est lui, en effet, qui décrit avec le plus de précision  le rite luthérien de la confirmation.
Il dit, d’abord, que  quand  ceux qui ont été baptisés  dans l’enfance parviennent  à l’âge de raison, on doit leur enseigner le petit catéchisme; et quand  ils ont appris au moins les choses essentielles, on doit les amener à un évêque qui, devant l’Église, leur apprendra ce qu’ils ont reçu de leur baptême, et ce qu’ils ont promis.  Deuxièmement.  Les enfants doivent réciter publiquement la profession de la foi et la doctrine qu’ils ont apprise.  Troisièmement.  On doit les interroger sur les principaux chapitres de la doctrine chrétienne, et recevoir leurs réponses.  Quatrièmement.  On doit leur faire comprendre que, par cette profession de foi,  ils sont en désaccord  avec les païens, les hérétiques, les fanatiques, et les mondains.  Cinquièmement.  Par une pressante exhortation, on doit les persuader de persévérer dans la profession de foi, et les convaincre qu’ils sont confirmés en professant leur foi.  Sixièmement.  On doit faire une prédication publique pour ces enfants, pour que, par son Esprit Saint, Dieu daigne les gouverner et les confirmer dans cette profession de foi.  On peut, en même temps, ajouter une imposition des mains.
Cette conception du sacrement de confirmation Luther l’avait présentée brièvement dans son livre sur la captivité de Babylone (au chapitre de la confirmation).  Il nie, là, que ce soit un véritable sacrement. Mais, il ajoute qu’on peut la recevoir comme une cérémonie ecclésiastique, comme la consécration de l’eau et d’autres choses.   Zwingli (dans son livre de la vraie et fausse religion, au chapitre des autres sacrements), nie que la confirmation soit un sacrement. Et il ajoute que ce fut un rite institué par l’Église, et un examen des enfants qui ont été baptisés dans l’enfance.  C’est ce qu’enseigna aussi, après, Philippe  (dans lieux, chapitre sur la confirmation), et Calvin (livre 4, chapitre 19, verset 4), Jean Brentius  (dans la confession de Virtemberg, chapitre sur la confirmation).
Ils ne sont cependant par les premiers à avoir rejeté le sacrement de confirmation.  Même si Jean Wiclef (livre 4, chapitre 14, trilogie) ne semble pas rejeter ce sacrement, il soutient, cependant, qu’on ne peut pas le prouver avec l’Écriture, et il blâme ouvertement la doctrine des catholiques.  Il dit même qu’il semble à certains  que ce sont les évêques qui ont introduit la confirmation avec tous ses rites.  Il ne dit pas qu’ ont tort ceux qui pensent ainsi.  Il laisse plutôt entendre qu’il est de leur avis.  Dans un livre, qu’on trouve difficilement, il rejette ouvertement l’onction du saint chrême, comme l’atteste Thomas Waldensis (tome 2, sacrements, chapitre 113.)
Avant Wiclef,  les Vaudois  rejetèrent ce sacrement, au témoigne d’Énée Sylvius (dans son histoire de la Bohème, chapitre 35).  Et avant eux tous, les novatiens, selon Theodoret  (livre 3 des fables hérétiques) : « Les novatiens écartaient complètement la  pénitence de leur association,  et à ceux qui ont été aspergés, ils ne conféraient pas le saint chrême. Voilà pourquoi les pères bénis ont commandé que soient oints les membres de cette hérésie qui se joignaient au corps de l’Église. »
 La raison pour laquelle les novations rejetèrent ce sacrement  ne fut pas une raison convaincante,  ou un texte clair de l’Église, parce que Novatien lui-même (comme l’écrit  Eusèbe au sujet du pape Corneille, dans le livre 6, chapitre 33 de son histoire) fut baptisé alité, sans les cérémonies coutumières de l’Église. Et il ne se soucia pas, par la suite, de compléter les cérémonies omises. Et c’est pour cela qu’il ne fut pas marqué du saut du Saint-Esprit.  Et comme il entendait parler en mal de lui à cause de cette omission,  il s’en tira en niant  qu’il  n’était pas nécessaire d’oindre les hommes après le baptême.
Optatus écrit (dans son livre 2, contre Parmenianus) que les donatistes n’eurent que du mépris pour ce sacrement.   Mais il est difficile de déterminer s’ils détestaient ce sacrement en lui-même, ou en tant qu’il était administré par les catholiques.  Il est probable qu’ils aient méprisé ce sacrement pour lui-même,  comme aussi les Ariens  et d’autres hérétiques qui, quand ils se convertissaient à la vraie église, devaient recevoir le sacrement de confirmation.
Mais, revenons aux hérétiques de notre époque. Leur doctrine est tellement chargée de mensonges crasses, d’impudents blasphèmes qu’il est tout à fait évident que ceux qui attaquaient ce sacrement avaient  accueilli le malin esprit en plénitude; et que ceux qui le reçoivent avec révérence ont reçu la plénitude du Saint Esprit.
Jean Calvin (antidote du concile, session 7,  canon  2) : « Parmi les anciens, il n’y en a pas un  qui fasse mention d’une huile. Ni même au moyen-âge, où abondaient déjà beaucoup de vices »  Or, plusieurs anciens, et même parmi les plus anciens, ont parlé de l’huile.  Tertullien (livre 1, contre Marcion) dit, en parlant des sacrements du Christ : « Lui, il ne répudia pas l’eau du Créateur, ni l’huile avec laquelle il oint les siens. »  Et saint Augustin : « livre 5, chapitre 20, contre les Donatistes) : « Si ce qui est écrit  dans l’Évangile  (Dieu n’écoute pas un pécheur) voulait dire qu’on ne célèbre pas les sacrements pour un pécheur,  comment Dieu a-t-il pu exaucer la prière d’un homicide, ou celle faite sur l’eau d baptême,  sur l’huile,  sur l’eucharistie, ou sur la tête de ceux auxquels on impose  les mains ? » Enfin, des auteurs anciens comme Tertullien, Cyprien, Cyrille  en ont souvent parlé.  Kemtnitius, en effet,  rejette ces pères par leur nom, et, par mépris;  et il appelle le sacrement de confirmation le chrême cyrillien.
Le même Calvin (au même endroit, canon 3 du concile de Trente) affuble les pères du nom d’ânes et de porcs, tout en voulant paraitre très modeste.  Ensuite (dans son institution, livre 4, chapitre 19, verset 8, il dit : « La prétention des confirmés (des oints)  est que, dans le baptême, ils n’ont perçu aucune promesse qui les fortifie  dans les combats à mener dans le futur. »
Or, aucun catholique n’enseigne cela.   Car  la citation qu’il fait de l’épitre de Melchiade : « Dans le baptême nous sommes régénérés pour la vie, dans la confirmation nous sommes armés pour le combat,  » il faut la référer, cette citation, à l’effet propre à chacun de ces sacrements.  Car, le propre du baptême est de régénérer à la vie, même si cette grâce de la régénération vaut aussi pour éviter les péchés. Et le propre de la confirmation  est une augmentation de force pour lutter contre les ennemis de la foi.
De plus, au verset 10, Calvin profère un autre mensonge  en disant : « Ne montrent-ils pas qu’ils sont des donatistes ceux qui  jugent la vertu du sacrement  d’après la dignité du ministre ? »  Il dit cela parce que nous enseignons que ce sacrement ne peut être conféré que par un évêque.  Or, Calvin n’ignorait certes pas que les donatistes avaient coutume de parler d’une autre dignité, c’est-à-dire de la dignité de l’honnêteté et de l’innocence, et non de la dignité du ministère ecclésiastique.  Car, autrement, même un Calvin serait un  donatiste, lui qui ne veut pas que le baptême soit conféré par un laïc ou une femme, mais seulement par un ministre public.  Il a donc parlé contre son intelligence et sa science, et a donc menti.
Et voici les  propres paroles du pape et martyr Melchiade , cité par lui à tort et à travers.:  « Bouche sacrilège ! Tu oses comparer la graisse souillée par ton haleine, et   ensorcelée par le susurrement de tes paroles,  avec l’eau sanctifiée par la parole de Dieu ? Or c’était encore faire montre de peu de malhonnêteté.  Tu vas jusqu’à  affirmer  que c’est cela la réponse du saint siège, que ce sont là les oracles du trépied apostolique. »
 Calvin pouvait-il  avec plus impudence blasphémer contre un si saint homme ?  Pouvait-il plus clairement montrer qu’il n’avait rien en commun avec l’église ancienne ?  Et voici ce que dit saint Augustin (épitre 162), de saint Melchiade : « Quelle était magnifique la dernière sentence prononcée par Melchiade.  Comme elle est innocente, intègre, profitable et pacifique. »
Au verset 11, Calvin profère cet autre mensonge : « Voici que l’eau est devenue obsolète, et laissée sans valeur.   Les papistes ne magnifient que l’huile dans le baptême ! »  Un passage du maître des sentences, qu’il interprète de travers,  lui a fourni  l’occasion de pondre ce mensonge.   Le maître dit (livre 4, dist 7, chap 2) que, dans un certain sens, le sacrement de confirmation est plus noble que le sacrement de baptême,  en raison du ministre qui le donne, et du membre sur lequel il est administré, car, le front est le plus noble de tous les membres.
Calvin a pensé que le maître comparait l’onction sur le sommet de la tête, qui se fait au baptême, avec  l’onction sur le front qui se fait à la confirmation;  et qu’il pensait  donc  que  le baptême  ne consistait pas dans de l’eau, mais  seulement dans de l’huile.
 Or, Calvin n’a pas voulu comprendre le vrai sens des paroles du maitre des sentences.   Car, ce n’est pas avec l’onction du baptême qu’il compare l’onction de la confirmation,  mais avec le baptême lui-même qui est conféré avec de l’eau, non  avec de l’huile.  Car, il compare entre eux les sacrements.   Dans le baptême, ce n’est pas  l’onction qui est  le sacrement, mais l’aspersion de l’eau.
 Mais, dit Calvin, l’aspersion de l’eau se fait aussi sur le front.  Je réponds que la différente entre le baptême et la confirmation est que la confirmation ne se confère que sur le front, tandis que l’aspersion de l’eau peut se faire sur le front au au-dessus du front.   Quand on baptise les enfants, on ne répand habituellement de l’eau que sur le sommet de la tête.  Une autre différence : la confirmation n’est donnée que par le seul évêque, tandis que le baptême peut être donné aussi bien par un prêtre que par un évêque.  Et voilà pourquoi,  tant à cause du ministre que du sujet, la confirmation est supérieure au baptême, comme le dit à juste titre le maître des sentences.   Voilà pourquoi le mensonge est sans aucun fondement qui lui fait dire que les catholiques  ne font aucun cas de l’eau dans le baptême.
Au même endroit Calvin dit que, dans le baptême ou dans la confirmation, l’huile n’a pas plus de valeur  pour lui que du fumier.  Or, de l’une et de l’autre huile les saints pères ont toujours parlé dans les termes les plus honorables, comme nous l’avons montré plus  haut  dans la dispute sur les cérémonies du baptême, et comme nous le montrerons plus loin, quand nous traiterons de la matière de la confirmation.
Passons maintenant à Martin Kemnitius qui profère lui aussi beaucoup d’insultes et de mensonges.  Mais, contentons-nous d’une seule citation.  Dans son examen du concile de Trente (2 par page 298),  il agglutine trois mensonges.  Le premier.  L’onction du chrême provient  de l’école de Montan.  Le second.  Tertullien et Cyprien sont, dans ces passages, des montanistes.   Le troisième.  Saint Jérôme réfute cette sentence dans son dialogue contre les lucifériens.  Or, aucun auteur n’a jamais prétendu que cette erreur provenait de Montan,  même s’ils sont  nombreux  à avoir  écrit sur Montan : Tertullien (dans son livre sur la prescription),  Épiphane (hérésie 48), Eusèbe (livre 4, chapitre 14),  Clément d’Alexandrie (strom 4),  Philastrius (dans son catalogue),  saint Jérôme (dans son épitre à Marcella sur les erreurs de Montan), saint Augustin (hérésie 26),  Theodoret (livre 3 sur les fables hérétiques), saint Jean Damascène (dans son livre sur les 100 hérésies).  Or, aucun de ces auteurs n’a soufflé mot de cela.
Mais, même si jamais personne n’en a parlé, Kemnitius imagine que Montan fut l’auteur de cette hérésie, parce que Tertullien est devenu montaniste; et que c’est lui, Tertullien,  qui a écrit que le Saint-Esprit était donné aux baptisés  par l’onction du chrême.  Or, même si  Tertullien est devenu montaniste dans les dernières années de sa vie, tout ce qu’il  a écrit ne provient pas  nécessairement  des erreurs de Montan.  Autrement, il faudra compter parmi les hérésies de Montan la filiation divine du Christ, la célébration du baptême dans l’eau,  de l’eucharistie avec du pain et du vin, et tous les autres mystères qu’il explique.
Et quelle n’est pas l’impudence  de Kemnitius de faire un montaniste du très célèbre martyr Cyprien ?  Et que dire de ce que cet auteur ne soit pas toujours conséquent avec lui-même !  En effet, à la page 317, il dit que cette erreur a été inventée par des pères très anciens, Tertullien, Cyprien, et Corneille.  S’ils l’ont inventée, ils ne l’ont donc pas reçue de Montan !
Un autre mensonge crasse est que saint Jérôme réfute cette erreur dans son dialogue contre les lucifériens.  Car, dans ce dialogue,  tout ce qu’explique saint Jérôme, c’est comment on dit qu’est donné le Saint-Esprit par l’imposition des mains, alors qu’il est donné aussi avant le baptême. Or, loin de  rejeter  Montan,  Tertullien, ou les saints évêques Corneille et Cyprien, il ne les nomme même pas.  Et du fait que saint Jérôme  ai dit que  le Saint-Esprit est donné dans le baptême,  il ne s’ensuit pas qu’il ait rejeté la sentence de Tertullien et de Cyprien qui enseignent que c’est dans la confirmation qu’il est donné.
Autrement saint Jérôme réfuterait aussi saint Luc qui dit dans les Actes 8 : « Il n’était pas encore venu sur aucun d’entre eux,  mais ils n’avaient été baptisés qu’au nom du Seigneur Jésus.  Ils imposèrent alors les mains su eux, et ils recevaient l’Esprit Saint. »  Or, saint Jérôme ne réfute personne.  Car, Luc et les autres ne nient pas que l’Esprit Saint soit donné au baptême, mais non dans cette plénitude avec laquelle il est donné dans la confirmation.
                                        CHAPITRE 2
On prouve le sacrement de confirmation par l’Écriture.
Je vais avoir recours à cinq arguments pour prouver que la confirmation  est vraiment un sacrement proprement dit, comme l’enseigne le concile de Trente (session 7, canon 1 sur la confirmation.)  D’abord, par l’Écriture, ensuite par la tradition. Enfin, par les témoignages des souverains pontifes et des conciles, des pères grecs et des pères latins.
La confirmation est un sacrement proprement dit.    Trois choses sont requises à l’essence d’un sacrement chrétien proprement dit.  D’abord, la promesse d’une grâce,  puis un signe visible avec une parole,  qui est le moyen ou l’organe par lequel la promesse est appliquée.  Ensuite, un mandat divin par lequel il est ordonné d’agir ainsi.  Ces trois conditions  nos adversaires nous demandent de les leur montrer dans la sainte Écriture.
Calvin (livre 4, chapitre 19, verset 5), et Kemnitius  ( 2 par, examen, page 276) : « Pour la confirmation, quels sont donc les moyens par lesquels  il faut  croire que l’Esprit Saint  veuille être vraiment efficace ?  Avant toutes choses, nous demandons  qu’on nous montre, dans la parole de Dieu, un mandat clairement exprimé,  et une promesse divine.  Car, quand nous avons ces choses là,  nous savons que nous devons nous servir révérencieusement de ces moyens en tant que divinement institués. »
 Il ne demande donc rien d’autre, et avec raison, car tout se résume à cela.   Tous, en effet, sont d’accord pour reconnaitre que, quand ces trois conditions sont réunies,  nous avons affaire à un vrai sacrement.
La promesse nous l’avons amplement dans Jean  (X1V), où le Seigneur promet un Esprit paraclet qui console dans toutes les adversités.  De même au chapitre XV.  Il promet un Saint Esprit qui rendra   les disciples forts et  intrépides  dans la proclamation de la vérité.  Et, au chapitre 16 :  un esprit qui convaincra le monde de péché, de justice et de jugement, c’est-à-dire qui donnera la force aux apôtres de vaincre l’incrédulité  des hommes, de témoigner de la justice du Christ, et d’annoncer que le prince de ce monde est jugé.
 Luc dit la même chose à la fin : « Restez assis dans la cité jusqu’à ce que vous soyez munis de force par en haut. »  Ensuite, aux Actes 1 : « Vous recevrez la vertu du Saint Esprit qui surviendra en vous, et vous serez mes témoins. »  Cela, certes, c’est une promesse divine, contenue dans l’Écriture.  Et on ne peut absolument pas nier que c’est à des hommes déjà baptisés et justes  qu’est promise une grâce plus grande du Saint Esprit qui les fortifiera dans la confession de la foi.
Or, le moyen ou l’organe ou le signe sensible, qui consiste dans des choses et des paroles,  par lequel est appliquée cette promesse, c’est l’imposition des mains jointe à une prière.   Par un miracle et un bienfait singuliers, les apôtres, le jour de la pentecôte,  reçurent, sans moyen ou sacrement,  cette grâce promise.(Actes 11).
 Mais, les autres reçurent cette même grâce du ministère des apôtres, par ce moyen, comme on le voit dans Actes V111 : « Alors, ils leur imposaient les mains, et ils recevaient le Saint-Esprit. »  Et avant,  Jésus leur avait dit de prier pour qu’Il vienne.  On a la même chose dans les actes X1X.  Et que ce moyen (l’imposition des mains) soit  vraiment le moyen par lequel est accomplie la promesse d’envoyer le Saint-Esprit,  l’effet le montre avec évidence.  Car, le Saint-Esprit venait sur  chaque baptisé  sur lesquels les apôtres imposaient les mains.
Ensuite, que ce don qui était donné alors, à tous les baptisés, par les mains des apôtres,  était exactement ce qui avait été promis aux apôtres, le témoignage de saint Pierre nous le montre.  Dans Actes 2, il prêchait au peuple, et il leur promettait qu’ils recevraient s’ils croyaient  et étaient baptisés,   le même don  qu’il avait lui-même reçu.  Et il citait Joël qui avait prédit que ce don serait répandu  non seulement sur les apôtres, mais sur toute chair.   Le même Pierre  (Actes X1), certifiait que Corneille et ses compagnons avaient reçu le même don que les apôtres avaient reçu à la Pentecôte. « Il n’a pas fait de différence entre vous et nous. »  Et, cependant, l’Écriture ne rapporte jamais d’autres moyens ou signes sensibles, pour communiquer ce don, que l’imposition des mains jointe à  la prière.
Il reste le mandat.   Mais, à la place d’un mandat à eux donné, nous présentons l’exécution d’un mandat.  Car les apôtres n’auraient jamais aussi habituellement  et avec autant de confiance, imposé les mains à des baptisés pour que survienne sur eux le Saint-Esprit, si le Seigneur ne le leur avait pas commandé.  Exemple.  Quand un serviteur, qui n’est pas sot,  fait quelque chose qu’il ne peut pas faire sans l’ordre de son maître, tous comprennent qu’il en a reçu l’ordre, même s’il ne le dit pas.  Si des licteurs arrêtent  un homme puissant au milieu du forum, ou si des voyageurs indiquent  à des sénateurs que le sénat se réunira à tel jour etc…  Que ce rite fut ordinaire et commun à tous les baptisés,  les chapitres 8 et 19 des Actes nous le montrent; ainsi que l’Épitre aux Hébreux, chapitre 6.
Calvin lui-même (livre  4, chapitre 19, verset 5) dit que si on lui demandait de lui montrer un mandat, il se répondrait à lui-même au nom des catholiques : «  ils s’appuient sur l’exemple des apôtres ceux qui estiment qu’ils n’ont rien fait par témérité. » Et, acceptant cette réponse, il dit : « Qu’il en soit bien ainsi.  Ils ne seront pas réprouvés par nous  s’ils se montrent être les imitateurs des apôtres. »
Voyons maintenant ce que les adversaires ont à répondre à cela.   La première réponse est celle de Calvin, au lieu cité.  Il dit que cette imposition des mains ne fut pas un sacrement, mais une certaine offrande des baptisés à Dieu.  Ils avaient coutume, en effet, par l’imposition des mains, d’offrir à Dieu ceux qu’ils avaient baptisés.
Mais cette réponse est facile à réfuter.  D’abord, Calvin se contente d’affirmer cette sentence.  Il ne la prouve et ne peut la prouver par aucun texte de l’Écriture, mais par sa seule autorité.  Car, voici ce qu’il dit : « Ne pense pas qu’à cette imposition des mains corresponde un mystère céleste, mais interprète une cérémonie de cette sorte  comme se recommandant et s’offrant à Dieu, par ce geste,  ceux à qui on impose les mains. »  Or, l’Écriture dit que l’effusion d’un don admirable venait toujours après cette imposition des mains.  Elle dit même plus, car elle affirme  que, par cette imposition des mains, était donné le Saint Esprit (Actes V111).
 Et Tite 111 : « Nous sommes sauvés par le lavement de la régénération. »  Comme le lavement  n’est pas une simple ablution,  mais un mystère (sacrement) qui confère la grâce, il en va de même de l’imposition des mains.  Ce n’est pas un simple geste, mais un mystère qui confère la grâce.   De plus, offrir à Dieu un baptisé, ce n’est pas quelque chose de plus grand que baptiser, surtout selon Calvin, qui prétend qu’il n’y a aucun mystère dans cette cérémonie.  Ceux qui les avaient baptisés pouvaient donc,  selon lui, les offrir à Dieu.
Or, c’est le contraire que l’Écriture enseigne.  Dans Actes V111, nous lisons que le diacre Philippe avait baptisé, mais n’avait pas pu imposer les mains.   On a du faire venir Pierre et Jean de Jérusalem,  pour faire cette imposition des mains.  Et, dans Actes X1X,  en présence de saint Paul, on baptise deux cents hommes, et on ne précise pas par qui, car tous pouvaient baptiser.   De plus, quel besoin y avait-il d’une nouvelle oblation si, par le fait même que quelqu’un est baptisé, il s’offre à Dieu,  se soumet à ses lois et se met à son service ?
La deuxième réponse est celle de Calvin au même endroit, et de Brentius (dans son confession de Virtemberg, au chapitre de la confirmation).  Ils disent que, au début de l’église naissante,  des dons visibles du Saint-Esprit ont été donnés aux fidèles par les mains des apôtres, comme le don des langues, des miracles, et d’autres semblables.   Il s’ensuit donc que cette imposition des mains n’était pas un sacrement, parce qu’elle ne donnait pas la  grâce de la justification.  Et il le confirme  par des choses semblables.   Par exemple.  L’ombre de Pierre  guérissait des malades, ainsi qu’un mouchoir de Paul.  Mais, nous n’en faisons pas des sacrements.
Mais, il est facile de répondre à cela.  Car, ceux qui prétendent que cette imposition des mains ne donnait que des dons comme celui  des langues et de guérison, ne disent pas la vérité.  Car, ces choses données gratuitement  ne portent pas le nom de Saint Esprit;  et on ne dit pas que le Saint Esprit habite en ceux qui possèdent ces dons.  On dit plutôt  que le Saint esprit fuira la feinte, et n’habitera pas dans un corps soumis aux péchés. (Matthieu V11).   Or, par l’imposition des mains, l’Esprit Saint est donné. (Actes V111, et X1X).  Il ne s’agit donc pas seulement des dons donnés gratuitement.
Deuxièmement. Était donné par l’imposition des mains ce qui avait été promis par le Seigneur  (Jean 14, 15, 16) et par Luc, à la fin, comme nous avons montré plus haut.  Or, ce que le Seigneur avait promis ce n’était pas le don des langues et de guérison  (car cela fut un certain ajout), mais la grâce qui fortifie et confirme la foi.  Troisièmement.  Ces dons n’étaient pas communs à tous, comme on le voit dans  Romains X11 et 1, et Corinthiens X11.  « Est-ce que tous prophétisent ?  Tous parlent-ils en langues ? »  Or, par l’imposition des mains, le Saint Esprit était donné à tous, comme on le déduit des lieux cités : Actes V111, et X1X.
 Quatrièmement.   Dans Hébreux V1,  l’apôtre énumère l’imposition des mains avec le baptême, avec la foi, la pénitence et toutes les choses qui se rapportent au salut.  Et surtout, aux fondements de la religion, comme l’apôtre le dit à cet endroit.  Or, il est certain que parler en langues et prophétiser n’appartiennent pas au salut, encore moins aux fondements de la religion.
Cinquièmement.  Si le Saint Esprit donné par l’imposition des mains ne conférait pas d’autres grâces que ces dons miraculeux,  il est certain qu’on n’aurait pas demandé aux plus importants apôtres (Pierre et Jean) de descendre de Jérusalem à Samarie,  pour imposer les mains.  Car, le diacre Philippe faisait  un assez grand  nombre de miracles, et on ne ressentait pas le besoin d’autres thaumaturges.  Sixièmement.  C’est ce que montrent aussi les exemples présentés par nos adversaires, comme l’ombre de Pierre et le vêtement de Paul.  Or, nous n’avons jamais lu que, par ces instruments, l’Esprit Saint ait été donné, mais seulement la santé temporelle.
La troisième solution Calvin en parle, dans le livre cité, mais  Kemnitius la développe plus longuement (page 290.)  Ce fut un privilège singulier, propre aux apôtres, de donner le Saint-Esprit par l’imposition des mains.  Ils ont donc eu un mandat spécial et une promesse particulière.   Nous, nous n’avons pas un tel mandat, ni une telle promesse.  Ce serait donc une grande témérité de tenter de les imiter.
 On confirme l’argument par l’évènement.  Car, un effet suivait l’imposition des mains des apôtres.  Aucun effet ne suit l’imposition de nos mains, et les langues de feu ne descendent pas.  Ce don a donc cessé. Et c’est une cérémonie  oiseuse et vaine  qui est demeurée.
Cette opinion est facile, elle aussi, à réfuter.   D’abord, les adversaires n’indiquent pas où le Seigneur a commandé à ses apôtres d’imposer les mains pour qu’on reçoive le Saint-Esprit. Or, nous lisons en Marc fin : « Ils imposeront les mains sur les malades, et ils iront mieux. »  Mais ces choses sont dites pour toutes, non seulement pour les apôtres : « Ces signes accompagneront ceux qui croient. »  Et, de plus, cette imposition des mains avait pour but de guérir les maladies, non de faire venir le Saint Esprit.  Nous lisons, en effet, dans les Actes, qu’Ananie avait reçu l’ordre  d’imposer les mains sur saint Paul.   Ce passage, Calvin l’applique à tort et à travers  à l’imposition des mains dont nous parlons maintenant (antidote session 7, canon 3, chapitre de la confirmation, et institutions livre, 4, chapitre 19, verset 10.)
Mais ce passage est hors de propos. Car, cette imposition des mains fut de nature curative, et servit à éliminer la cécité corporelle, non à donner le Saint-Esprit.  Voilà pourquoi elle a été faite avant le baptême.  Deuxièmement.   Ils ne montrent pas non plus qu’aucune promesse ait jamais été faite aux  apôtres que le Saint-Esprit serait donné  à tous ceux auxquels ils imposeraient les mains.  Car, le Seigneur avait promis aux apôtres le Saint-Esprit qu’ils reçurent après la Pentecôte.  Mais, qu’ils aient à le donner aux autres, nous ne le lisons jamais.  Et, cependant, ils le donnaient, et habituellement.  Une promesse particulière n’était donc pas requise.  Troisièmement.  Une promesse générale n’a pas été faite seulement aux apôtres,  mais à toute l’Église.  Et la cérémonie, par laquelle était appliquée cette promesse, devait donc être générale et perpétuelle.
On prouve l’antécédent.  Même si c’est aux apôtres que le Seigneur parlait, quand il leur promettait le Saint-Esprit, il parlait cependant en eux, à toute l’Église, comme le dit saint Léon dans son sermon 9 sur le carême : « Toue l’Église entendait universellement son salut dans ceux qui étaient présents.  Voilà pourquoi le Seigneur a dit en saint Matthieu, à la fin : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la consommation du monde. »  Il parlait là à ceux qui allaient tous mourir dans le premier centenaire, et il leur dit quand même qu’il sera toujours avec eux, parce qu’ils seront toujours dans leurs descendants.  Il en de même de cet autre texte (Luc XX11) : « Faites cela en mémoire de moi. »  Ce qu’il disait aux apôtres s’adressait certainement aussi à d’autres, qui n’étaient pas des apôtres.
   Saint Pierre  comprenait très bien que ces promesses annonçaient que le Saint-Esprit serait donné à tous ceux qui croiraient et seraient baptisés.  Et il alléguait la prophétie de Joël : « Je répandrai mon Esprit sur toute chair. »  Et pour une raison évidente.   Car, la raison pour laquelle Dieu promit et donna l’Esprit Saint  ne vaut pas moins pour nous que pour les apôtres.   Car, c’est en tout temps que les fidèles ont besoin de la vertu du Saint-Esprit pour résister aux persécutions et confesser la foi.  Car, le Seigneur n’a pu ni voulu pourvoir à son Église pendant seulement dix ans ou vingt ans,  mais perpétuellement, c’est-à-dire aussi longtemps qu’elle en aura besoin.
Mais Kemnitius répond que cette promesse est générale, et que l’instrument par lequel elle est appliquée n’est pas l’imposition des mains, mais d’autres moyens comme le baptême et l’eucharistie.  Or, c’est une affirmation téméraire et partisane, et contraire à la parole de Dieu  que de vouloir inventer des instruments par lesquels sont appliquées les divines promesses.   Car, si le baptême et l’eucharistie  sont les instruments qui appliquent les promesses divines,  pourquoi les apôtres se servaient-ils de l’imposition des mains ?  Le baptême et l’eucharistie faisaient-ils donc défaut ?  De plus,  c’est avant la passion du Sauveur que les apôtres ont été baptisés et ont reçu l’eucharistie, et pourtant le Saint-Esprit leur a été promis bien après tout cela.   Ce n’est donc pas par le baptême et l’eucharistie qu’ils  ont reçu en plénitude les dons qui sont octroyés  par le sacrement de confirmation.
Ensuite,  aux Actes V111, les Samaritains avaient été baptisés, et pourtant, saint Luc, en mots très clairs,  déclare que l’Esprit Saint n’était venu sur aucun d’eux, si ce n’est après l’imposition des mains des apôtres.   Donc, puisque l’Écriture enseigne si clairement que le moyen pour recevoir ce don est l’imposition des mains, quelle témérité n’y a-t-il pas à le rejeter et à en concocter d’autres !
Mais, rétorquent-ils,  l’effet qui venait après l’imposition des mains, a complètement cessé.   Je réponds.  Il a cessé  quant aux symboles visibles, non quant à la grâce invisible.  Car, que le Saint-Esprit puisse être donné de façon invisible, on le voit par l’exemple que donne  le Seigneur.  N’a-t-il  pas soufflé sur ses disciples en disant : « Recevez le Saint-Esprit ? »
Qu’il ait du toujours le donner, et toujours invisiblement, on l’a prouvé un peu avant.  Il y avait une bonne raison  pour expliquer qu’il ait   été donné visiblement au début, et invisiblement après.  Ces miracles étaient nécessaires, au tout début de l’Église pour enraciner et nourrir la foi.  Voilà pourquoi saint Augustin dit  (livre 3, chapitre 16 sur le baptême) : « Car par l’imposition des mains, le Saint-Esprit  n’est plus donné maintenant, comme il l’était à la l’église naissante,  avec des miracles sensibles et temporels, qui l’attestaient  et le recommandaient à la foi des   illettrés.  Car qui s’attend, aujourd’hui, à ce que se mettent à parler en langues ceux sur qui on impose les mains, pour qu’ils reçoivent le Saint-Esprit ?  Mais, leur paix intérieure nous fait comprendre  que, invisiblement et secrètement, la charité divine a  été infusée dans leurs cœurs. »
D’autres textes nous font comprendre la même chose.   Car, au début de l’Église, ceux qui croyaient opéraient des miracles (Marc, fin) : « Ceux qui croiront feront les signes suivants : ils imposeront les mains sur la malades,  et ils seront guéris. »  Maintenant, cet effet de la foi a cessé.  La foi n’en est pas pour autant devenue oiseuse et vaine, car elle conserve son effet principal, qui est de vivifier : « Car le juste vit de la foi. »  Voir Grégoire dans son homélie sur l’évangile de l’ascension.
 Pour une raison semblable, au début de l’Église, on punissait les pécheurs par des peines visibles, comme dans le cas d’Ananie et de Saphyr (Actes V), de Simon le magicien (Actes X111), et de ceux qui communient indignement (1 Corinthiens 11).  Et parce que, de nos jours, ces péchés ne sont pas punis par des peines visibles, sont-ils, pour autant, impunis ?  Ne sont-ils pas punis au moins invisiblement, et dans cette vie, et dans l’autre ?  La même chose vaut donc pour les bons.
La quatrième  est celle de Kemnitius, page 291). Tout ce passage des Actes (8 et 19)  n’a rien à voir avec nous   qui  rejetons, dit-il,  l’imposition des mains, et mettons à sa place l’onction du saint chrême.
Cette réponse ne vaut rien.  Car, pour omettre ce qu’on devra dire plus bas sur le saint chrême,  c’est une grande fausseté d’affirmer que l’imposition des mains a été rejetée.  Car, l’évêque impose deux fois les mains aux confirmands, comme on le voit dans le pontifical romain :  une première fois quand il étend sur eux les mains en priant, et une deuxième fois quand il signe sur le front et oint.  Car, comme ce signe de croix  et cette onction se font avec la main, on les appelle à juste titre imposition des mains, comme l’enseigne Hugues (livre 2, chapitre 2, par 7 sur les sacrements).  On constate la même chose dans Marc  V11.   Quand on demanda au Seigneur d’imposer les mains à un lunatique,  il le fit en touchant avec son doigt et la langue et les oreilles.
                                        CHAPITRE 3
On prouve la vérité par des témoignages des souverains pontifes
Nous allons laisser de côté les témoignages qui n’affirment pas, en termes clairs, que la confirmation soit un sacrement.  Car ils ne s’imposent pas, puisqu’on peut facilement les entendre au sens d’un sacrement au sens large.  Nous ne citerons donc que les témoignages qui démontrent la chose elle-même, c’est-à-dire une cérémonie, distincte du baptême,  qui donne la grâce.
Le premier est le pape et martyr saint Clément.  Voir livre 3, constitutions apostoliques, chapitres 10, 16 et 17, et livre 7, chapitre 44.  Le deuxième est saint Urbain, dans son épitre décrétale : « Tous les fidèles doivent, après le baptême, recevoir, par l’imposition des mains des évêques, le Saint Esprit, pour qu’ils deviennent des chrétiens complets. »  Le troisième est saint Corneille, pape et martyr (dans son épitre à Fabien d’Antioche, d’après Eusèbe, livre 6,  chapitre 33 de son histoire) : « Il n’a pas été rendu parfait par le sceau du chrême.  Il n’a donc pas pu mériter le Saint-Esprit. »
 Le quatrième est le pape martyr,  saint Melchiade (dans son épitre aux évêques d’Espagne).   Comme on lui avait demandé lequel de ces deux sacrements était le plus grand, le baptême ou la confirmation, il répondit par ces mots :  « Sachez que l’un et l’autre est un grand sacrement. »  Et, il ajouta que « la confirmation l’emporte sur le baptême en ce qu’elle ne peut être conféré que par les pontifes suprêmes, les évêques ».   Il affirme donc là clairement  que la confirmation est un  sacrement proprement dit, puisqu’il le compare avec le baptême, et le juge supérieur, à un certain point de vue.  Or, tous admettent que le baptême est un véritable sacrement, un sacrement proprement dit.
Le cinquième est le pape saint Eusèbe (dans son épitre 3 : « Le sacrement de l’imposition des mains, il faut lui accorder une grande vénération parce qu’il ne peut être conféré que par les souverains pontifes. »  Et il le prouve par les Actes des apôtres.  Le sixième est le pape  saint innocent 1 (dans son épitre à Decentius, chapitre 3) : « Il est permis aux prêtres d’oindre les baptisés d’un chrême qui a été consacré par l’évêque.  Mais non sur le front, ce qui est réservé aux seuls  évêques quand ils communiquent le saint Esprit Paraclet. »
  Et il donne comme exemple les Actes des Apôtres V111.  Ici, le pape Innocent distingue clairement l’onction épiscopale qui se fait dans la confirmation par un évêque et qui communique le Saint-Esprit  de l’onction qui se fait par le prêtre dans le baptême, et qui n’est pas un sacrement, mais un sacramental.   Et il ajoute que cela descend de l’enseignement des apôtres.
Le septième est saint Damase (dans son épitre 4).  Le huitième est le pape saint Léon  (épitre 86, ou 88).  Le huitième saint Jean 11 (dans son épitre aux évêques de Germanie).  Ces trois papes déclarent qu’il n’est permis qu’aux seuls évêques, et non aux chorépiscopes,  de donner l’Esprit Saint par l’imposition des mains, et par l’onction du chrême sur le front.  Et le pape Jean 111, citant les papes Damase et Léon,  donne la raison de leurs décrets.  C’est parce que, dans les actes des apôtres, (chapitre V111) les apôtres étaient les seuls à donner l’Esprit Saint par l’imposition des mains.   Ils parlaient donc de la même cérémonie qui était en usage au temps des apôtres.
 Le dixième est saint Grégoire qui (dans le livre 3, épitre 9) avertit  les prêtres de ne pas oser oindre du chrême les baptisés sur le front, puisque ce ministère relève exclusivement des évêques.   Et au chapitre 1 des cantiques des cantiques, il explique le verset : « dans les vignes d’Engaddi » en  disant que c’est là que nait le baume  qui est utilisé avec l’huile dans la bénédiction pontificale du chrême, lesquels  signifient les dons du Saint-Esprit. »  Ajoutons aussi Innocent 111 (au chapitre cum venisset,  l’onction sacrée.)
                                                     CHAPITRE 4
                   On prouve la même chose avec les conciles
Le premier est le très antique concile eliberitanus (canon 38).  Après avoir dit que, en cas de nécessité, un laïc pouvait baptiser, il ajoute : « Si l’enfant survit,  qu’on l’emmène à l’évêque, pour qu’il puisse être perfectionné par l’imposition des mains. »  On trouve la même chose dans le canon 77 jubet diacono, si quos baptizaverit.
Le second est le concile d’Arles 1, célébré au temps de saint Sylvestre.  Le canon 8 stipule que si hérétiques qui retournent à l’Église  ont été baptisés au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, il ne fallait pas réitérer le baptême, mais qu’un évêque devait leur imposer les mains pour qu’il reçoive le Saint-Esprit, car ces hérétiques avaient coutume de donner le baptême, mais non la confirmation.
Le troisième est celui d’Arles 2, sous le même Sylvestre.  Il décrète la même chose  en parlant du chrême avec l’imposition des mains.  Le quatrième est le très ancien concile de Laodicée où, au canon 7, où  on ordonne aux novatiens  d’être oints par le saint chrême.  Et au canon 48 : « Il faut que ceux qui ont été baptisés reçoivent le très saint chrême, et deviennent participants du royaume céleste. »  Le cinquième est le concile d’Aurélie d’après Gratien  (sur la consécration, dist 5, canon  ut jejuni) : « Qu’ils viennent à jeun à la confirmation de l’âge parfait.  Qu’on les avertisse de faire d’abord une confession pour que, purifiés, ils puissent recevoir  le don du Saint-Esprit. »
Le sixième est celui de Meldensis d’après Gratien  (même distinction, canon ut episcopi) : « Que les évêques ne donnent le Saint-Esprit, par l’imposition des mains, que quand ils sont à jeun. »  Le septième est le deuxième concile d’Espagne (canon 7).  Il reproduit la citation faite plus haut du pape saint Léon.   Le huitième concile, célébré par saint Boniface, évêque et martyr, que l’on trouve dans la vie du pape Sirius, tome 111.   Il est statué là que les évêques devaient faire le tour de leurs diocèses en confirmant.
À ces conciles s’ajoutent des conciles généraux, comme celui de Constantinople 111,  canon 7,  de Florence (dans l’instruction aux Arméniens), et  du concile de Trente  (session 7, canon 1 sur la confirmation.)
                                             CHAPITRE 5
              On prouve la même chose avec les pères Grecs.
Le premier est Denys l’aréopagite.  1 hiérarchie ecclésiale, chapitre 2, part 2 : « On conduit au pontife le baptisé revêtu d’une robe blanche,  et le pontife signe le baptisé avec l’onguent divin et déifiant. »  Et, au paragraphe 3 : « En appliquant  cette onction, il le rend parfait. »  Et, au chapitre 4, paragraphe 3 : « C’est à ceux qui ont été consacrés par le mystère très saint de la régénération que donne la venue du Saint-Esprit l’onction d’onguent  qui consomme le mystère . »  Tu vois ici la cérémonie et son effet,  et la raison pour laquelle la confirmation est appelé un sacrement proprement dit.
Clément d’Alexandrie qui, selon Eusèbe (livre 3, chapitre 17 de son histoire, d’après la traduction de Christophorsonius), rapporte l’histoire d’un jeune que saint Jean l’évangéliste avait remis entre les mains d’un évêque nouvellement créé, et il dit, entre autres choses : « L’évêque l’a illuminé par le sacrement du baptême, l’a perfectionné ensuite par le vrai sceau du Seigneur, et il l’a contresigné pour la garde de toute son âme. »
Il parle là ouvertement du sacrement de confirmation,  qui est le sceau du Seigneur imprimé sur le front,  et qui apporte une protection par la grâce qu’il confère.  Justin (question 137 des orthodoxes).  Il écrit que quand sont terminés  les mystères du baptême, «  les fidèles sont signés par le saint onguent ».
Origène (homélie 8 sur le Lévitique, près de la fin) : « Si donc  à ceux qui se sont détournés du péché une purification est donnée par toutes les choses que nous avons dites plus haut, il faut savoir que le don de la grâce du Saint-Esprit  est représenté par l’image de l’huile, pour que celui qui a renoncé au péché  ne puisse pas obtenir seulement  une purification,  mais soit aussi rempli de l’Esprit Saint. » Et, dans l’homélie 9, passé le milieu : « Tous ceux qui ont été oints par l’onguent du saint chrême sont devenus prêtres (évêques), au sens où saint Pierre dit à toute l’église : « Vous êtes un peuple élu, un sacerdoce royal. »
Saint Cyrille de Jérusalem  a composé cinq catéchèses mystagogiques.   La première et la deuxième, il les consacre au baptême.  La troisième au sacrement de confirmation,  et la quatrième et la cinquième  à l’eucharistie :  trois sacrements qui sont reçus le même jour par les néophytes.  Il appert donc que saint Cyrille ne considérait pas la confirmation comme un sacrement  au sens large, mais comme un sacrement proprement dit, puisqu’il le met sur le même pied  que le baptême et l’eucharistie.
De plus, dans la catéchèse 3 au lieu cité, il parle ainsi : « Comme, après l’invocation du Saint-Esprit, le pain de l’eucharistie  n’est plus un pain ordinaire,  mais est le corps du Christ,  de la même façon, après avoir été consacré, l’onguent  n’est plus un onguent quelconque, mais le chrême du Christ.   À  la venue de l’Esprit saint et vivifiant,   il  reçoit de  sa divinité le pouvoir de sanctifier l’âme, en oignant symboliquement le front et les autres sens. »
Notons d’abord, que, dans ce passage, il compare le chrême avec l’eucharistie.  Ce qui est un argument pour prouver que l’un et l’autre sont des sacrements proprement dits.  Notons ensuite que l’onguent consacré a la vertu de sanctifier, ce qui est propre aux seuls vrais sacrements, qui sont des instruments de sanctification.   Troisièmement.  Non seulement ils ont le pouvoir de sanctifier, mais l’âme est réellement sanctifiée par le Saint-Esprit quand le front est oint par le saint chrême.
 Notons enfin que cet auteur parle avec  la précision d’un théologien quand il dit que, après la consécration, le pain est le corps du Christ,  et quand il ne dit pas que, après la consécration,  l’onguent est le Saint-Esprit. Pour que nous ne pensions pas que saint Cyrille imagine une transsubstantiation de l’huile dans le Saint-Esprit, semblable à celle qui se fait dans le pain.  Mais il dit que ce n’est pas un pain quelconque, ou un pain nu, mais le chrême du Christ, qui a reçu du Saint-Esprit le pouvoir de sanctifier.
Le même saint Cyrille enseigne au même endroit  comment le Christ reçut le baptême.  Ensuite, comment il descendit  sur lui sous la forme d’une colombe.  Troisièmement, comment enfin  il fut tenté.   Il dit qu’il en va ainsi de nous.   Nous sommes d’abord baptisés,  ensuite, par le Christ nous recevons le Saint-Esprit, et puis nous descendons à la lutte contre le démon.  Il dit, au même endroit, que  le chrétien tire son nom du mot chrême.  Car comme le chrétien s’appelle un oint, il ne semble pas digne de ce nom celui qui n’a pas été oint par cet onguent, par lequel les chrétiens obtiennent leur perfectionnement.  Il dit aussi avec raison, au même endroit  que quand saint Jean  (épitre 1, chapitre 2) a dit (« Et l’onction que vous avez reçue de lui de meure en vous, et cette onction vous enseignera en toutes choses. ») il fait allusion au chrême par lequel est donné le Saint-Esprit, qui nous enseigne en toutes circonstances.
Saint Grégoire de Naziance (dans son sermon sur le saint lavement) dit : « Si, par le baptême, tu t’es confirmé toi-même, et si par une aide sublime et puissante tu prends soin de ton âme et de ton corps en les signant par l’onction et le Saint-Esprit, comme autrefois Israël  quand le premier né a été protégé pendant la nuit meurtrière, qu’est-ce qui t’arrivera ?  Et quel secours te seras-tu procuré ?  Écoute les récompenses énoncées par Salomon : si tu t’assoies, tu seras intrépide;  si tu dors, tu auras un sommeil paisible. »
Amphilochius dans la vie de saint Basile (si c’est vraiment lui l’auteur de ce livre) écrit : « L’évêque Maximin a baptisé  Basile et Eubulus, et  les a revêtus d’une robe blanche.  Puis, les oignant du saint chrême, il leur donna une communion vivifiante. »    Theodoret (dans son commentaire  du chapitre 1 des cantiques des cantiques) : « Ceux qui, après avoir renoncé à Satan et confessé leur foi, sont initiés par le baptême,   sont oints ensuite  par l’onguent du chrême comme un signe, ou une marque royale spirituelle.  Et  par cette onction visible, ils reçoivent la grâce invisible du très saint Esprit. »
Saint Jean Damascène (livre 4, chapitre 10 sur la foi) : « L’huile,  qui est utilisée dans le baptême, signifie l’onction qui fait de nous des oints (des Christ) et qui nous annonce la miséricorde de Dieu par l’Esprit Saint. »
 Il parle clairement du sacrement de confirmation, qui est donné après le baptême.  Car, un peu avant, il avait dit  que, aux apôtres, le Saint Esprit avait été donné en forme de feu, et il ajoute peu après qu’à nous il est donné pas l’huile.  Il est certain que la confirmation des apôtres, le jour de la pentecôte, ne correspond pas au baptême, mais à  la confirmation par le chrême.  Et un peu après, le même auteur dit que comme la colombe apporta un rameau d’olivier après le déluge,  de la même façon, après le baptême,  dont le déluge était une figure, le Saint-Esprit vient par l’huile, dont fut une figure la colombe avec le rameau d’olivier.
 Les mots grecs qu’il emploie (to elaion baptismati  tapalambanetai) devraient être traduits ainsi : « L’huile succède au baptême, c’est-à-dire à l’huile qui est reçue au baptême. », comme Oecolampadius traduit.  Car, dans le grec, on n’a pas  « dans le baptême » et le verbe tapalambanetai  se dit proprement  de ce qui est reçu pour succéder à autre chose.
                                          CHAPITRE 6
        On prouve la même chose avec les auteurs latins.
Tertullien (dans son livre de la résurrection de la chair ) semble présenter brièvement tout le rite, à savoir l’onction, le signe de croix,  et l’imposition des mains : « La chair est ointe, pour que l’âme soit consacrée.  La chair est signée, pour que l’âme soit munie.  La chair est ombragée par l’imposition des mains, pour que l’âme soit illuminée par l’Esprit. »  Et, au même endroit, il associe  ce sacrement avec le baptême et l’eucharistie.   Car, il avait dit auparavant : « La chair est lavée pour que l’âme soit purifiée. »  Et, après toutes ces choses, il ajoute : « La chair est nourrie du corps du Christ, pour que l’âme s’engraisse de Dieu. »
De même (dans le livre 1 contre Marcion, non loin de la fin), il unit de nouveau l’onction de l’huile avec l’eau du baptême et le pain de l’eucharistie.  Et, il dit la même chose dans le livre sur la prescription des hérétiques.   Enfin (dans son livre sur le baptême), il dit : « Ensuite, après être sortis du bain, nous sommes oints par l’onction bénite. »  Et, un peu après : « L’onction s’écoule en nous charnellement, mais nous est spirituellement profitable. »  Et un peu après : « Après cela, on impose les mains, en  invoquant et invitant l’Esprit Saint par la bénédiction. »
Saint Cyprien (livre 1, dernière épitre) : « Il est nécessaire que soit oint celui qui aura été baptisé, pour que, après avoir reçu le chrême, il soit l’oint de Dieu;   et puisse avoir en lui la grâce du Christ. »   Et, dans le livre 2, épitre 1 : « Ils peuvent  être pleinement sanctifiés  et devenir  fils de Dieu s’ils naissent de l’un et l’autre sacrement ».
Ne voyez-vous pas que la confirmation est appelée sacrement, et qu’elle est mise sur le même pied que le baptême ?  D e même, dans l’épitre à Jubanus : « Voici ce qui se passe chez nous aussi.   Ceux qui sont baptisés dans l’église sont  offerts par les préposés de l’Église;  et par notre prière et notre imposition des mains, ils reçoivent le Saint-Esprit.  Et tout s’achève par le sceau dominical. »
Si quelqu’un nous objecte que, dans ces passages, saint Cyprien plaide la cause des anabaptistes, il faudra répondre que  c’est vrai, mais que, pour autant,  ne sont pas fausses les choses  qu’il dit procéder du rite du chrême en tant qu’effet.  Car, l’église catholique a toujours  condamné l’erreur de saint Cyprien sur l’anabaptisme.  Mais elle n’a jamais statué qu’était erroné ce qu’il enseignait sur la confirmation.  Et saint Augustin (dans son livre 5 sur le baptême), réfute les arguments de Cyprien  en faveur de l’anabaptisme.  Mais, il n’a jamais, même pas par un seul mot, blâmé  ce que saint Cyprien avait magnifiquement écrit sur le sacrement de confirmation.
Même si l’auteur des sermons sur les œuvres du Christ (que nous trouvons dans les œuvres de Cyprien),  n’est pas vraiment Cyprien,  il est quand même un auteur très ancien et fort instruit.  Il attribue ouvertement  au chrême consacré le pouvoir de sanctifier, de la même manière que saint Cyrille,  dont nous avons déjà écouté les paroles.   Or, voici ce qu’il dit dans son sermon sur l’onction du chrême : « Aujourd’hui,  dans l’église,  pour sanctifier le peuple d’acquisition, le crème sacré est conféré  dans la participation de la dignité et du nom.  Il  exprime l’unité de la gloire sacerdotale;  et, c’est pour initier à ces dignités,  que l’onction a été divinement instituée. »
Et, plus bas, parlant du chrême : « Ce n’est pas par sa nature propre qu’il procure un effet à des éléments sanctifiés, mais c’est la vertu divine qui opère puissamment.  La vérité est rendue présente par le signe,  et l’Esprit par le sacrement. »  Et plus bas : « Et, par le bienfait de cette onction, la sagesse et l’intelligence  nous sont divinement octroyées,  le conseil et la force  nous sont surnaturellement accordés,  la science, la piété et la crainte nous sont infusées par des inspirations surnaturelles. »
Le prochain est Eusèbe Émissenus, ou quiconque fut l’auteur du sermon sur la pentecôte.  Ce fut certes un latin, et un auteur insigne.  Voici ce qu’il  dit dans son sermon sur la pentecôte : « Ce que, maintenant, pour confirmer les néophytes, l’imposition des mains répartit à chacun,   c’est la descente du Saint-Esprit  sur le peuple des croyants,  qui le donnait alors à tous. »  Et plus bas : « Donc, l’Esprit Saint qui, sur les eaux du baptême, descendit  dans un élan salutaire, procure, dans la fontaine,  la plénitude de l’innocence, et dans la confirmation, il pourvoit à  l’augmentation de la grâce. »
 Quand Prudence, dans sa psukomakia,   décrit la lutte de la luxure et de la sobriété, il dit : « Après qu’ont été inscrits,  par l’huile,  les sceaux sur le front,  que donnent  un onguent royal ,  et un chrême perennel…. » Et dans son hymne avant le sommeil : « Adorateur de Dieu, souviens-toi  que tu as reçu la rosée sainte de la fontaine et du lavement, et que tu as été rénové par le chrême. »
Pacianus, (dans son livre sur le baptême) dit : « Par le lavement, les péchés sont purgés;   par le chrême, l’Esprit saint nous est sur-infusé.  L’un et l’autre de ces deux, c’est de la main et de la bouche du préposé que nous les obtenons. »   De même,  (dans l’épitre 1  au novatien Symphronianus : « Si donc  le pouvoir  du lavement et du chrême   descend des évêques  (des apôtres), ainsi que  le droit de lier et de délier, le chrême est donc de loin plus grand. »
 Tu vois que, dans ce texte, la confirmation n’est pas seulement associée au baptême et à la pénitence,  mais déclarée plus grande.  Car il dit que pouvoir oindre avec le chrême  constitue un  pouvoir d’un plus grand charisme   que lier ou délier.  Et il prouve par là que l’évêque peut lier et délier parce qu’il peut  baptiser et consigner avec le chrême, qui sont de plus grandes choses.   De même, dans l’épitre 2 : « Où est l’Esprit dans votre peuple,  que ne contresigne pas un prêtre oint ? »
Saint Ambroise (livre 3, chapitre 2 sur les sacrements) : « Vient ensuite le sceau spirituel, parce qu’il vient après la fontaine, pour que  la perfection soit donnée quand, à l’invocation du prêtre, le Saint Esprit est répandu. »  Et (dans le livre de l’initiation aux mystères, chapitre 7) : « Répète que tu as reçu le sceau spirituel »  Et plus bas : « Conserve ce que tu as reçu.  Dieu le père t’a signé,  le Seigneur Christ t’a confirmé. »
Après que  (dans son dialogue contre les lucifériens) saint Jérôme ait dit que, par l’imposition des mains, les évêques donnent le Saint-Esprit, il ajoute : « Tu exiges qu’on te montre où cela est écrit ?  Dans les actes des apôtres.  Mais, même si l’autorité des Écritures n’était pas si décisive, le consentement de toute la terre sur ce sujet devrait avoir la force d’un précepte. »
Saint Augustin (livre 4, chapitre 26, de la trinité) dit que l’Église conserve encore ce qu’ont fait les apôtres (Actes 8) : « Ses préposés imposent les mains pour qu’on reçoive le Saint-Esprit ».  Au même endroit,  il parle aussi du chrême.  De même, dans la préface  de son deuxième sermon sur le psaume 26, il dit que « par cette onction, les hommes sont perfectionnés spirituellement. »  De même, (dans son livre 3 sur le baptême, chapitre 16,  et dans le traité 6 de son épitre sur saint Jean), il dit  que maintenant, ceux qui reçoivent l’imposition des mains ne parlent pas en langues, mais «  qu’ils reçoivent quand même réellement le Saint Esprit, et que la grâce est infusée invisiblement et secrètement ».
Mais son texte principal se trouve dans son livre 2 contre les lettres de Petilianus, chapitre 104 : « En parlant de l’onguent, dit-il, Petilianus  cherche à  interpréter le sacrement du Chrême de la façon suivante : il est sacrosaint comme étant le sceau de choses invisibles, mais il peut exister dans des hommes méchants. »  Et plus bas, saint Augustin dit  : « On peut donc faire cette distinction dans  le saint sacrement visible,  qui peut exister aussi bien  dans les mauvais que dans les bons.   Pour les premiers, il est là pour leur récompense, pour les autres, pour leur condamnation, de par l’onction invisible de la charité qui appartient en propre aux bons.
Saint Bède (livre 6 sur saint Luc),  dit  en expliquant les paroles suivantes de saint Luc 22 : « Et après être sorti,  il allait, selon sa coutume, sur le mont des oliviers » : « Il amène ses apôtres sur le mont des oliviers,  pour montrer que tous ceux qui ont été baptisés dans sa mort, doivent être confirmés par le chrême très élevé du Saint Esprit. »
Se présentent après ceux-là ceux qui ont traité la question pour elle-même, comme Raban (livre 1, chapitre 30, sur l’institution des clercs).  Amalarius  (livre 1 sur les devoirs des ecclésiastiques). Hugues (livre 2, par 4, sur les sacrements), et le Maître des sentences avec toute son école (livre 4, dist 7, les sentences).
Et, à toutes ces citations nous ajoutons  la confirmation de trois miracles,  donnés par Dieu.   Le premier se trouve dans Optatus  (livre 3). Il rapporte qu’une ampoule du saint chrême qu’un arien avait jetée par une fenêtre,  n’a pas pu se briser, car elle avait été interceptée par la main d’un ange.  L’autre se trouve dans la vie de saint Rembert  de Brème, évêque de Surius, tome 1,  au mois de février, l’en 700.   Nous lisons là que Rembert a rendu la vue à un aveugle en le confirmant.  Le troisième est dans la vie de saint Malachie, écrite par saint Bernard.  « Saint Malchus guérit, en le confirmant, quelqu’un qui avait subi la mauvaise influence de  ceux qu’on appelle lunatiques. »  Il parlait du précepteur de Malachie, l’évêque Malchus.
                                       CHAPITRE 7
On réfute leurs arguments contre la vérité qui sont tirés des pères.
Voyons maintenant ce que répondent les adversaires à tant de témoignages des pères, et ce qu’ils nous objectent.   Calvin rejette tout simplement les pères.   En effet, (au livre 4, chapitre 19, verset 4),  il dit que saint Jérôme a halluciné en pensant que le rite de confirmation avait été exercé par les apôtres.   Et, aux versets 8 et 10, il s’en prend avec violence à saint Melchiade, comme nous l’avons noté plus haut, au chapitre 1.  Ensuite, au chapitre 12, il parle ainsi : « Comme ils se voient vaincus  par la parole de Dieu et des raison probables,  ils prennent comme prétexte  que cette observance  est très ancienne, et qu’elle a été confirmée par l’approbation d’un très grand nombre de siècles.  Même si cela était vrai, ce ne leur serait d’aucun profit,  car un sacrement ne vient  pas de la terre, mais du ciel, non  des hommes, mais de Dieu. »
Comme si nous recourions aux pères pour enseigneur que c’est eux qui ont institué ce sacrement-là.  Nous admettons que les sacrements viennent du ciel, et non de la terre, mais nous nous servons de certains  hommes comme témoins des sacrements. Leur témoignage ne doit pas être considéré comme venant de la terre, mais du ciel, car ce n’est pas de leur tête qu’ils ont tiré ce qu’ils pratiquent, mais de la doctrine des apôtres et de la tradition de l’Église. Ajoutons que nous n’admettons par que  nous n’ayons aucune parole de l’Écriture qui plaide en notre faveur, puisque  nous l’avons déjà  montré dans le deuxième chapitre.
Deuxièmement.   Le même Calvin, au même endroit, nie que les pères aient connu ce sacrement : « Mais pourquoi nous objectent-ils l’ancienneté, puisque, quand les pères voulaient parler en propres termes, ils n’ont jamais recensé plus que deux sacrements ?  S’il fallait demander un renfort à notre foi, nous avons une citadelle inexpugnable en ce que les anciens n’ont jamais reconnu  ceux que les papistes énumèrent.   Les anciens,  il est vrai, ont parlé de l’imposition des mains.  Mais l’ont-ils appelée sacrement ?  Saint Augustin dit clairement (livre 3, chapitre 16 sur le baptême) « que ce n’est rien d’autre qu’une prière. »   Kemnitius ajoute (page 319) l’autorité de Gratien qui (au canon arianos 1 quest 1) déduit, de ce texte de saint Augustin que l’imposition des mains n’est pas un sacrement, parce qu’elle peut être répétée, puisqu’elle n’est rien d’autre qu’une certaine prière.
Cette seconde objection repose sur deux mensonges éhontés.  Calvin ose affirmer que les anciens n’ont jamais reconnu que deux sacrements.  Ce mensonge, nous l’avons réfuté par les témoignages ci-haut cités,  et quand nous avons traité du nombre des sacrements.  Calvin nie aussi que les anciens aient appelé la confirmation  sacrement.  Nous avons réfuté ce mensonge par les citations  de Melchiade, d’ Eusèbe, de Cyprien, d’Augustin et d’autres.  Et au sujet du texte de saint Augustin que cite Calvin, je réponds que saint Augustin ne parle que de la simple imposition des mains qui se faisait lors de la réconciliation des pénitents,  non de l’imposition des mains avec chrême,  qui est proprement le sacrement de confirmation.
Mais Calvin insiste en disant : « Qu’ils ne nous assomment pas avec leur bavardages et  leurs distinctions fétides :  saint Augustin, osent-ils dire,  ne parlait pas de l’imposition des mains de la confirmation, mais de celle qui était utilisée pour la guérison ou la réconciliation.  Son livre est encore là. »   Et Calvin prouve qu’il s’agit des deux impositions (guérison, confirmation) en même temps,  parce que saint Augustin parle des hérétiques qui retournent à l’Église  et qui ne sont pas rebaptisés, mais sur lesquels on impose les mains , et qui de cette façon reçoivent le Saint-Esprit.  Et il confirme son propos  par le livre 5, chapitre  23 sur le baptême.
Je réponds d’abord  que si ces considérations prouvaient quelque chose, elles prouveraient que la confirmation est le seul sacrement qu’on puisse répéter.  Elles ne prouveraient pas qu’il n’est pas un sacrement proprement dit, ce que Calvin avait à prouver.  Car, saint Augustin parle ainsi : « L’imposition des mains n’est pas comme le baptême qui ne peut pas être répété.  Car, qu’est-elle d’autre qu’une prière sur un homme ? »  Du  fait que l’imposition des mains est une prière, saint Augustin n’en conclut pas qu’elle n’est pas un sacrement,  mais qu’elle n’est pas un sacrement qui ne peut  pas être répété.   Car, on peut facilement prouver que c’est un sacrement.  En effet, voici la matière sensible : l’imposition des mains;  la forme, la prière;  l’effet, la grâce de l’Esprit Saint, comme Calvin lui-même le soutient.  Pourquoi n’est-elle donc pas un sacrement ?
On ne peut pas non plus conclure de ce passage que la confirmation est un sacrement réitérable.  Car, comme je l’ai dit, il ne s’agit pas ici de la confirmation, mais de la réconciliation des pénitents.  Ce que je prouve par les raisons suivantes.   D’abord, saint Augustin enseigne souvent  que la confirmation se fait avec le chrême, comme on le voit pas les lieux cités. Or, dans le texte présent,  non seulement il ne dit pas un seul mot sur le chrême,  mais il laisse entendre clairement qu’il est question de l’imposition des mains sans le chrême.  Autrement, il n’aurait pas dit : « qu’est-ce autre qu’une prière ? »  Car, on pourrait lui répondre : c’est une consécration, et une consignation par l’onction du chrême.
Deuxièmement.  Le sacrement de confirmation, une fois qu’il a été donné, ne peut pas être répété, selon le concile de Tarragone, et le rescrit du pape Grégoire 11, comme  Gratien l’atteste (dist 5, canon sur la  consécration). On en a parlé aussi dans le canon de homine. Et, de plus, on trouve la même chose dans saint Augustin (livre 2, chapitre 104, contre les lettres de Petilian). Il dit, là, que « le sacrement de confirmation, comme celui du baptême, peut être et demeurer dans les mauvais, mais pour leur condamnation. »   S’il demeure dans les mauvais, il ne peut donc pas être redonné à ceux qui se convertissent,  puisqu’ils l’ont déjà et ne l’ont jamais perdu.  On peut donc conclure de ce qu’il enseigne ici,  que quand il a dit que l’imposition des mains pouvait se répéter, il ne parlait pas du sacrement de confirmation.
Troisièmement.  Saint Augustin parle de la réconciliation des pécheurs, comme Calvin le reconnait,  et c’est ce que les textes cités nous font manifestement comprendre.   Mais l’imposition des mains de la réconciliation est, surtout dans l’église occidentale, distincte de l’imposition des mains de la confirmation.  Saint Augustin ne parlait donc pas de l’imposition des mains de la confirmation.
Nous prouvons l’antécédent avec l’épitre 1 du pape Vigile (chapitre 3) où il affirme cela formellement.  Avec l’épitre 61 de saint Grégoire (livre 9), où il dit que, dans l’église orientale, on avait coutume d’être reçu par l’onction du chrême; en Occident, par la seule imposition des mains.  Cette diversité de cérémonies s’explique ainsi : les ariens, dans leur secte, n’étaient pas confirmés par le chrême, alors que les occidentaux l’étaient.  Voilà pourquoi, en Orient, il fallait oindre les ariens qui revenaient à l’Église, parce que cela leur manquait.  Et voilà pourquoi aussi le concile de Nicée ((récemment traduit de l’arabe), au canon 13, ordonnait que soient oints les ariens qui retournaient à l’Église.  Or, si, même en occident, les ariens rejetaient la confirmation, cependant, quand ils revenaient à l’Église, ils n’étaient pas confirmés tout de suite,  mais plus tard, selon les circonstances, comme nous le faisons aujourd’hui avec  les luthériens qui reviennent à l’Église.  C’est peut-être aussi parce que cette onction, dans l’église orientale, n’était pas un sacrement, mais un rite quelconque.
Quoi qu’il en soit, le pape Grégoire dit, en toutes lettres, qu’en occident, on ne les oint pas, mais qu’on les réconcilie par l’imposition des mains.  Voilà pourquoi quand saint Augustin, qui était de l’église occidentale, parle de la réconciliation des hérétiques par l’imposition des mains, il ne parle donc pas de la confirmation qui ne se faisait pas sans onction,  mais d’une simple réconciliation.
Deux choses semblent contredire notre explication.  La première.   Au livre 3 sur le baptême,  (chapitre 16), dans le même chapitre où saint Augustin  avait dit que l’imposition des mains n’était rien d’autre qu’une prière,  il a dit aussi que, par cette imposition des mains, on ne s’attendait pas à ce que les confirmands parlent en langues, comme cela se faisait au temps des apôtres,  mais qu’il suffisait que le Saint Esprit soit infusé invisiblement.  Or, c’est précisément ce passage que nous avons déjà cité en parlant du sacrement de confirmation.  Saint Augustin, parle donc de l’imposition des mains de la confirmation.  Ou il emploie équivoquement l’imposition des mains dans un seul et même chapitre.  Ce qui semble absurde.
L’autre.  Au livre 5, chapitre 23 du baptême, saint Augustin  dit que, par l’imposition des mains réconciliatrice,  le Saint Esprit est donné.  Or, cela est, pour nous, un effet de la confirmation.  Donc, pour saint Augustin, l’imposition des mains confirmatrice et l’imposition des mains réconciliatrice étaient donc une seule et même chose.
Je réponds à la première que, dans le même chapitre, saint Augustin a, sans faute de sa part,  parlé de l’imposition des mains dans deux sens différents.  Car, son intention était de réfuter l’argument de saint Cyprien, qui, du fait que l’Esprit Saint ne pouvait être donné et reçu que dans la seule église catholique, concluait que les sacrements des hérétiques n’étaient ni vrais ni valides.  Or, pour réfuter cet argument,  saint Augustin explique, au début du chapitre, ce que l’on doit entendre par l’Esprit Saint, quand on dit qu’il ne peut être donné que dans la seule église catholique  par l’imposition des mains.  Il faut entendre, dit-il, le don de charité, que ne peuvent avoir que les bons,  et seulement dans l’église catholique, parce que, en dehors, d’elle aucun n’est bon.  Dans ce passage, saint Augustin entend l’imposition des mains dans un sens général,  qui vaut autant pour la confirmation que pour la réconciliation, ou pour une ordination.  Car, par elle, la grâce et la charité sont toujours données à ceux qui n’y mettent pas d’obstacle.
Il veut donc montrer que, par l’imposition des mains, est réellement donné le don de la charité.  Et il l’affirme en donnant comme exemple l’imposition des mains de la confirmation quand il dit qu’on ne s’attend pas  que ceux sur qui on impose les mains parlent en langues, mais que la charité leur est infuse secrètement.  Il emploie donc, ici, l’expression imposition des mains dans un sens plus strict (c’est-à-dire la seule imposition des mains de la confirmation), sans faire de vicieuse équivoque, car ce qui convient à tout le  genre peut être déclaré correctement  par l’exemple d’une seule espèce.
Il retourne ensuite à l’argument de Cyprien, et distingue trois choses : le sacrement, le don du Saint-Esprit gratuitement donné, comme une prophétie, et le don qui fait un reconnaissant, c’est-à-dire la charité.  Et il dit que en dehors de l’église ou dans les hommes mauvais, les deux premières peuvent exister, mais non la troisième.  Et que c’est pour cela qu’il faut revenir à l’Église pour que, par l’imposition des mains de la réconciliation, ils l’a reçoivent.  Et comme quelqu’un aurait pu penser que cette imposition des mains ne pouvait pas être répétée, comme on ne peut répéter ni le baptême, ni la confirmation ni l’ordre,  c’est pour cette raison qu’il ajoute qu’on peut répéter cette imposition des mains de la réconciliation, parce qu’elle n’est rien d’autre qu’une prière sur un homme, c’est-à-dire, elle n’est pas une consécration qui demeure et qui imprime un caractère.  Comme elle n’est qu’une cérémonie qui aide la prière, elle peut être répétée.
À l’autre argument, je réponds, comme je l’ai déjà dit, que le Saint Esprit  est donné par l’imposition des mains en vue de plusieurs effets.  Car,l’imposition des mains dans la confirmation est donnée pour fortifier l’âme dans la profession de la foi;  l’imposition des mains de la réconciliation est donnée pour la rémission des péchés;  l’imposition des mains du sacrement de l’ordre  est donnée pour procurer le pouvoir d’administrer les sacrements.
Au texte de Gratien allégué par Kemnitius, je réponds que Gratien veut dire que l’imposition des mains dont parle saint Augustin n’est celle ni du sacrement de confirmation, ni celle du sacrement de l’ordre.  Il a tout à fait raison de dire cela. Et il le prouve correctement par le fait qu’elle peut être répétée.  Il ne nie pas que ce soit  le sacrement de réconciliation, car, même l’eucharistie, qui est certes un sacrement proprement dit, peut être répétée.
La troisième objection  est que, pour les anciens, la confirmation ne fut que la catéchèse des enfants qui avaient été baptisés à leur naissance.  C’est ce que soutient Calvin, (au même endroit, versets 4 et 13) où il cite Léon (épitres 35 et 77) et saint Jérôme (livre contre les lucifériens).   Tous pensent de la même façon.  Mais c’est une objection qui ne vaut rien du tout.  Car, d’abord, ni l’Écriture, ni aucun auteur ne parle de cette catéchèse.  Dans les Actes  (8 et 19), il est écrit que les apôtres ont prié, on imposé les mains, et que c’est de cette façon qu’a  été  donné le Saint Esprit.  Or, il n’est fait aucune mention de l’examen des enfants.  Les pères parlent comme nous l’avons montré plus haut.  Saint Léon , dans les .épitres 35 et 77 ne dit rien sur ce sujet, car il parle de la réconciliation des hérétiques, non de l’examen des enfants.  Saint Jérôme non plus, ne prononce pas le mot examen.
D’ailleurs, non seulement cette proposition n’est pas conforme à la doctrine des pères, mais elle leur répugne.  Car, les pères ont donné même aux enfants la confirmation par l’onction et l’imposition des mains, comme l’enseigne expressément  Innocent 1 (épitre 1, et dans son livre  sur les dogmes ecclésiastiques, chapitre 52, et son ordre romain. )  Et de plus, il est très certain qu’ils le donnaient  aux enfants avant l’eucharistie, comme nous le montre le sermon de saint Cyprien sur ceux qui ont apostasié pendant la persécution.  Ils ne leur donnaient l’eucharistie qu’après la confirmation, comme nous le montrent Denis, Ambroise et d’autres.  Or, il est certain que des enfants ne sont pas capables de comprendre une catéchèse, ni de répondre aux questions d’un examen.  Et les adversaires ne veulent pas que cet examen s’adresse à des enfants, mais à des adolescents.  Il est donc évident que tous les pères ne parlent pas du rite de confirmation que  les hérétiques de notre temps ont créé de toutes pièces  Enfin, presque tous les pères ont parlé du Chrême,  et du signe de croix sur le front.  Et c’est en cela qu’ils ont placé l’essence de ce  sacrement, comme leurs citations le démontrent.
Dans la deuxième partie de son examen (page 297), Kemnitius disserte des sentences des pères;  et il réduit à cinq chapitres toutes ses solutions.  Il dit d’abord que, parmi les auteurs cités en faveur du sacrement de confirmation, beaucoup sont des apocryphes  et des faussaires.  Mais c’est parler pour rien.   Car, même si les épitres citées de Melchiade, d’Eusèbe et d’Urbain, les livres de Denys l’aréopagite, les homélies d’Eusèbe Emissenis, et les sermons de Cyprien sur les œuvres capitales du Christ, sont pour certains, des œuvres douteuses, et même contrefaites, nous en avons quand même un grand nombre de tout à fait certaines et parmi les auteurs les plus approuvés.  Mais ces auteurs qu’on dit douteux ou apocryphes sont quand même anciens et excellents, même si on n’est pas sur que ce soit eux qui aient écrit les livres qui portent leur nom.
Deuxièmement.   Il ajoute que des auteurs qui parlent de la confirmation  sont reconnus par tous pour avoir vraiment écrit les livres qui portent leur nom, mais qu’ils venaient de l’école de Montan, comme Tertullien et Cyprien.  Mais, nous avons déjà démontré que c’est  un impudent mensonge.  Il dit aussi que d’autres, qui sont de vrais auteurs,  ont appelé la confirmation sacrement, mais improprement, au sens large, parce que c’est une cérémonie humaine qu’on a coutume d’utiliser dans le baptême.  Et c’est dans ce sens qu’il explique les passages de saint Augustin cités par nous (livre 20, chapitre 26, sur la trinité,  et livre 2, chapitre 104, contre les lettres de Peilian).  Mais Kemnitius commet ici une grosse erreur.
Nous avons montré, plus haut,  que presque tous les pères distinguaient la confirmation du baptême,  et l’effet spirituel qui leur est attribué, et qui n’appartient proprement et vraiment qu’à ces sacrements.  Et c’est ce qui se dégage clairement  des passages de saint Augustin ci-haut cités que, à sa façon coutumière, Kemnitius  a cités incorrectement et en les tronquant.  Car, dans le premier texte, il dit  que les préposés de l’Église imposaient les mains  et les oignaient du chrême  pour que soit donné le Saint Esprit , comme faisaient autrefois les apôtres (Actes V111).  Or, il est certain que l’action des apôtres ne fut pas une cérémonie humaine ajoutée au baptême, mais une autre cérémonie, divine, et très efficace.
Dans l’autre texte, Saint Augustin fait beaucoup d’efforts pour montrer que la vraie confirmation, comme le baptême,  peut être donnée et reçue par les méchants.  Or, quel besoin y avait-il  de donner péniblement des preuves  pour une cérémonie purement humaine et stérile ? Et qui pouvait nourrir des doutes à ce sujet ?   Puis, ce même Augustin, au même endroit, dit que les mauvais reçoivent le sacrement de confirmation visiblement, sans la grâce invisible du Saint Esprit, et qu’ils le reçoivent pour leur condamnation.  Or, il ne mettrait pas, dans les mauvais, une distinction si nette entre le sacrement visible et la grâce invisible s’il ne croyait pas que, dans les bons, ils sont unis de façon à ce que l’un soit donné par l’autre.  Et, une cérémonie purement  humaine n’est pas reçue pour la condamnation, même si elle reçue par des mauvais.  Enfin, saint Augustin dit, au même endroit, que le sacrement du chrême est un sacrement  comme l’est le baptême lui-même.  Et quel blasphème ce serait de rabaisser le baptême à n’être plus qu’une cérémonie humaine !
Quatrièmement.  Kemnitius  dit que même si les anciens ont parlé de différentes façons de cela,  il n’y en eut aucun, dans la prime antiquité,  qui ait extorqué au baptême ses effets propres  pour les attribuer au chrême, comme le font les papistes aujourd’hui. Et parce que saint Cyrille de Jérusalem lui donnait du fil à retordre, il met en doute qu’il ait été le véritable auteur des catéchèses; et le soupçonne d’avoir, pendant un certain temps, erré dans la foi.  Ce qui lui permet de rejeter comme faux ce qu’enseigne saint Cyrille.    Mais tout cela n’est qu’une bouffée de vent.  Car, aucun de nous ne dit qu’il faut  enlever au baptême ses effets pour les reporter à la confirmation, mais nous attribuons à chacun de ces sacrements ses effets propres respectifs.
Au sujet des catéchèses de saint Cyrile, personne n’en a jamais mis en doute la paternité.  Et Kemnitius ne donne aucune raison ou prétexte qui nourrirait son doute.  Au sujet de la probité et de la crédibilité de saint Cyrille, nous possédons un témoignage irrécusable,  une lettre du concile de Constantinople au pape Damase (d’après Theodoret, livre 5, chapitre 9).  Tout le concile œcuménique  recommande vivement Cyrille « qui a livré de nombreux et grands combats pour la foi contre les Ariens. »
Cinquièmement.  Kemnitius dit que les pères parlent fort différemment des auteurs récents.  Car, les anciens inculquent une imposition des mains qui est maintenant abolie.  De même,  les anciens parlent de l’huile, mais aucun auteur approuvé ne décrit un mélange d’huile et de baume, comme le font les plus récents.  De plus, les anciens attribuent au baptême les effets que les auteurs récents attribuent à la confirmation, comme donner la grâce, donner le Saint Esprit, parfaire, et armer contre le diable.  Enfin, les auteurs anciens annexent  l’onction au baptême;  les auteurs récents les séparent.
 En parlant ainsi,  Kemnitius radote ou hallucine.  D’abord, il est faux que l’imposition des mains ait été abolie, comme  nous l’avons démontré plus haut, au chapitre 2.   Ensuite, le pape saint Grégoire (chapitre 1 des cantiques) dit en toutes lettres que l’huile est mélangé au baume, et il est certes, un auteur très approuvé.  Ensuite, il est faux que les pères attribuaient au baptême les mêmes effets  que ceux que nous  attribuons aujourd’hui à la confirmation, même si les noms des effets sont parfois semblables.  Car, le baptême donne une grâce et le Saint Esprit, mais pour d’autres effets que ceux que procure la confirmation.  Ne voyons-nous pas (en Jean XX) que c’est par une insufflation que le le Seigneur a donné l’Esprit-Saint à ses apôtres  ?  Et cependant, au même moment, il leur a promis le Saint-Esprit. (Actes 1), et il l’a donné (Acte 2).
  Le baptême arme aussi, parce qu’il donne la grâce pour bien agir.  Mais la confirmation ajoute une force spéciale pour professer la foi.  Voilà pourquoi il a été dit aux apôtres déjà baptisés : « Restez assis dans la cité, jusqu’à ce que vous soyez revêtus de la force d’en haut. »  Enfin, le baptême perfectionne, dans son genre,  parce qu’il fait réellement et vraiment des justes et des fils de Dieu.  Mais, pourtant, la confirmation  perfectionne encore, dans son genre.  Exemple.  Un enfant  est parfait, quant à son essence,  mais ne l’est pas quant à la taille et le poids.  C’est pourquoi les pères qui ont parlé magnifiquement du baptême ont aussi parlé magnifiquement de la confirmation, comme les citations données plus haut le montrent.
 L’objection qu’il fait à propos de l’union de l’onction avec le baptême démontre  tout simplement son ignorance.  Car, les anciens avaient même coutume d’unir le baptême avec l’eucharistie, pour les baptêmes d’enfants autant que pour les baptêmes d’adultes.  Et pourtant, nul ne doute que ces deux sacrements soient des sacrements distincts.  Aujourd’hui, quand on baptise des adultes, on donne le même jour le baptême, la confirmation et l’eucharistie, comme le faisaient les anciens.  Mais, quand on baptise des enfants, on reporte les autres sacrements  jusqu’à ce que les enfants parviennent à l’âge de raison.  En effet, ces sacrements ne sont pas nécessaires aux enfants, et c’est avec plus de fruit et de révérence qu’ils peuvent être reçus par les adultes.   Les luthériens ne nous contredisent pas là-dessus.
                                                      CHAPITRE 8
                  La matière du sacrement de confirmation
 Vient ensuite une autre question qui porte sur la matière de ce sacrement.  Même si nous avons dit plusieurs choses là-dessus dans le chapitre précédent,  la chose demande d’être expliquée avec plus de précision.  La matière éloignée de ce sacrement  tous les catholiques, à l’unanimité, enseignent  que c’est de l’huile mêlée à du baume, qui a été consacré par un évêque.  La matière prochaine, qui est proprement l’autre partie de ce sacrement,  est l’onction (avec le mélange de baume et d’huile consacré par l’évêque), faite sur le front du confirmand  en forme de croix.
 Non seulement les  hérétiques rejettent tout cela, mais ils en font des gorges chaudes, et  ce mélange de baume et d’huile ils l’appellent, par mépris,  graisse ou embonpoint. Et, à la page 324, Kemnitius  ne pense même  pas devoir oindre, avec ce chrême, les pieds d’un impie torréfiés par une longue marche au soleil.  Et l’on dit qu’en Gaule, les calvinistes oignaient leurs jambières avec ce chrême.  Pour établir plus commodément la vérité, j’énoncerai les propositions suivantes.
 La première. Le chrême, ou l’onction, est la matière du sacrement de confirmation.  Cette proposition est, pour les catholiques, tout à fait certaine.  Car, c’est ce qu’enseignent le concile de Florence (dans son instruction aux arméniens), le concile de Trente  (session 7, canon 2 sur la confirmation).  On le prouve par les deux textes de l’Écriture où il est fait expressément mention de cette onction, ou qui y font surement allusion.  Le premier est 11 Corinthiens 1 : «  Le Dieu qui nous confirme, qui nous a oints, signés, et a donné  les arrhes de l’Esprit  dans nos cœurs. »
Les pères voient dans ce texte le sacrement de confirmation.  Comme saint Ambroise (le chapitre 7 du livre sur l’initiation aux mystères), Anselme, et Theodoret dans son commentaire.   Et c’est ce que ces mots signifient clairement.  Car, d’abord, le verbe «confirmer » est propre à ce sacrement, dans lequel la force est donnée.  Ensuite « il nous a oints » indique une onction externe. Et s’il se rapporte à une onction interne, il fait en même temps allusion à une onction externe.  Car l’opération interne du Saint-Esprit  est appelée onction, parce qu’elle  a coutume d’être donnée et signifiée par une onction externe.  Le « il vous a signés » peut se référer autant  à la contresignature par le caractère qu’au signe de croix externe qui, dans le sacrement, est imprimé sur le front.  Ensuite, le « il a donné les arrhes de l’Esprit dans nos cœurs » désigne ouvertement l’effet principal de ce sacrement, qui est un don de la charité.
 L’autre passage est celui de 1 Jean 11 : « Quant à vous,  que l’onction que vous avez reçue de Lui demeure en vous. »  Ce texte les pères l’appliquent au sacrement de confirmation.  Saint Cyrille de Jérusalem (dans sa catéchèse mystagogique 3),  et saint Augustin (traité 3 sur l’épitre de saint Jean) disent qu’il s’agit là du sacrement de l’onction  dont l’effet est seulement une vertu invisible.
 On le prouve en second lieu, et avec plus d’efficacité, par le consentement unanime des pontifes, des conciles, des pères grecs et latins, que nous avons cités plus haut.   Les témoignages de l’Écriture, il est vrai,  tiennent la première place.  Mais, quand ils ne sont pas aussi clairs qu’on aimerait, l’autorité de l’Église qui recommande clairement ces textes de l’Écriture, revêt alors une immense importance.
 La seconde proposition.   La matière de la confirmation n’est pas seulement de l’huile,  mais de l’huile mêlée au baume.  On le prouve d’abord par la tradition.   Même si Denys l’aréopagite  ne nomme pas expressément le baume, il en décrit clairement l’effet ou la propriété.  Au chapitre 4, part 3, de sa hiérarchie ecclésiastique, il enseigne que le chrême est composé de différentes choses, et qu’il est odoriférant.  Voici ces paroles : « Nous apprenons que la composition de l’onguent est une mixture de matériaux  qui répandent une suave odeur. »
 Saint Clément (livre 8, chapitre 44) des constitutions apostoliques)  Dans la bénédiction du chrême, il fait mention d’une odeur parfumée.   Saint Fabien, pape et martyr, (dans son épitre 2 aux orientaux), dit ouvertement  que c’est le Christ lui-même qui a institué que le chrême soit confectionné avec de l’huile mêlée à du baume.   Saint Cyprien, ou quiconque est l’auteur du sermon sur l’onction du chrême, dit : « Aujourd’hui, dans l’église, le saint chrême est confectionné.  Le mélange d’huile et de baume sacerdotal exprime l’unité de la gloire royale. »
 Saint Grégoire de Tours (livre sur la gloire des martyrs, chapitre 41) raconte  un miracle prodigieux, qu’avait raconté   Prudence dans son livre contre les Juifs.  Là où Prudence  disait seulement  « lavé et oint » (comme le requérait la poésie), Grégoire  dit : « Lavé par le baptême, et oint par le baume. »  Grégoire témoigne donc  qu’au temps de Prudence, il y avait du baume dans le chrême.  Et même bien avant l’époque de Prudence.  Car, le même Grégoire raconte une histoire qui est arrivée au temps d’un empereur païen.  Quand il examinait  les intestins des victimes et cherchait des réponses par les artifices des démons,  il n’obtint aucun résultat.  C’était parce que les démons redoutaient la présence d’un adolescent  qui accompagnait l’empereur.  Cet adolescent avait été lavé par le baptême,  et oint sur le front par le chrême.
 Comme nous l’avons déjà dit, saint Grégoire premier  (chapitre 1 du cantique des cantiques) affirme en toutes lettres que le chrême est composé avec de l’huile et du baume.  C’est aussi ce qu’ont enseigné le concile de Florence (dans son instruction aux Arméniens), et tous les scolastiques, ainsi que tous les auteurs récents.
 Même si les autres pères anciens  n’employaient pas le mot  baume, ils   laissaient entendre assez  clairement que c’était du baume qu’ils parlaient,  quand ils appelaient l’onction qui est donnée dans le sacrement de confirmation  chrême, et non huile.  Car, par l’usage qu’en fait l’église, le mot chrême ne signifie pas seulement de l’huile,  mais un onguent confectionné de plusieurs choses.   Un texte d’Innocent 111 nous fait bien comprendre cela, (chapitre sur la pastorale, sur la non-itération des sacrements). Il rapporte que, par erreur,  quelqu’un avait été confirmé uniquement par de l’huile bénite, et non avec un onguent confectionné avec de l’huile et du baume, comme c’est la coutume.  Et il écrit que cette personne  n’avait été ointe qu’avec de l’huile bénie, non avec du chrême.  Peut-onc avoir une plus claire distinction entre  l’huile et la mixture d’huile et de baume ?
 Il en est ainsi dans le concile de Carthage 2 (canon 36) où il est dit qu’il n’est pas permis aux prêtres de confectionner un chrême.  Qu’est-ce d’autre confectionner un chrême si ce n’est faire un seul onguent de plusieurs ingrédients ?
 Se présente ensuite une figure de l’ancien testament.   Car, l’onguent que Dieu a ordonné de confectionner (Exode XXX), pour oindre le tabernacle et les prêtres,  était une figure du chrême de l’Église, qui est  le brai tabernacle  de Dieu,  et qui oint les baptisés.  C’est ce qu’enseignent saint Cyprien (dans son sermon sur l’onction du chrême), et saint Pierre Damien (dans son sermon 1 sur la dédicace.)  Cet onguent était composé d’huile d’olives avec l’ajout de sucs odoriférants, dont l’un était de la  myrrhe, et l’autre du baume.
 Il  se produit aussi quelque chose de cocasse.   Car, en voulant ridiculiser, Kemnitius se rend lui-même ridicule.  Les théologiens, comme saint Thomas, (3, par question LXX11,  enseignaient que la matière du sacrement doit signifier l’effet du sacrement.  Or, l’effet de ce sacrement est principalement la confirmation dans la foi, qui requiert deux choses : la pureté, et la ferveur de la foi dans le cœur, ainsi que la constance dans la confession orale de la foi.  La première est signifiée par l’huile, qui est un liquide très pur,  subtil,  clair, beau.  Le second n’est pas moins bien signifié par le baume,  lui qui répand une bonne odeur sur les autres.
 De plus, les effets de ce sacrement sont signifiés  par les langues de feu qui apparurent aux apôtres le jour de la pentecôte.  Car, même si les apôtres ont été confirmés immédiatement par Dieu, en ce jour-là, sans sacrement, cependant  l’effet invisible ne s’est pas produit sans un signe symbolique visible.  Ces deux signes, les langues et les feux, ou plutôt  ce seul signe constitué de deux signes (des langues de feu) correspond admirablement  à notre sacrement formé d’huile et de baume, ou au chrême formé de ces deux mêmes éléments.
 Kemnitius se moque de ces rapprochements (page 286) en ces mots : « Dresse tes oreilles, cher lecteur, tu  vas entendre  quelque chose d’inouï et de tout à fait génial. »  Et plus bas : « Je sais  que tu t’émerveilleras  quand tu auras entendu.  Le feu de la pentecôte correspond à l’huile du pontife dans la confirmation !  Pour quelle raison ?  Parce que l’huile nourrit le feu.  Mais c’est ce que fait aussi un morceau de bois de chêne, qui se durcit à la fumée.  La forme des langues répond au baume, parce qu’il est odoriférant.  Mais qu’est-ce que les langues ont en commun avec des odeurs ?  Sommes-nous parfumés par une langue ? »
 Or, il n’est pas surprenant qu’un homme sot  entende sottement  ce qui a été bien dit et bien écrit par les doctes.  Car, nous ne disons pas, évidemment, que l’huile correspond au feu parce qu’elle nourrit le feu, mais que, dans l’Écriture, la sagesse et la charité ont été représentées par le feu,  et aussi  le Saint esprit  qui éclaire et réchauffe les cœurs, comme le feu éclaire et réchauffe les corps.  De la même façon, dans les Écritures, l’huile ou l’onction  signifient également la charité et la sagesse, et le Saint-Esprit lui-même.  Car, l’huile rend les choses claires, perceptibles, et en même temps donne de la saveur, amollit et pénètre.
 Au sujet du feu, nous lisons dans Luc X11 : « Je suis venu mettre le feu sur la terre. » Et aux Hébreux X11 : « Notre Dieu est un feu consumant. »  Au sujet de l’onction, nous lisons des choses semblables.  Actes X : « Il l’a oint du Saint-Esprit, et de sa force. »  Et en 1 Jean 11 : « L’onction vous enseignera toutes choses. »  Kemnitius ne trouvera pas dans l’Écriture un texte où l’Esprit Saint est comparé à un morceau de bois de chêne.   En ce qui a trait aux langues et au baume, la ressemblance réside en ceci : comme par la langue la voix est communiquée, et que c’est  de cette façon que s’exprime à l’extérieur la profession de foi, c’est aussi par le baume qu’est communiquée l’odeur, et c’est de cette façon qu’est signifiée la proclamation externe de la vraie foi.  Mais assez des âneries de Kemnitius.
 La troisième proposition. Le chrême, qui est la matière du sacrement de confirmation, doit d’abord être béni et consacré.  Tous les catholiques s’entendent là-dessus.  Mais Calvin et Kemnitius taxent cette bénédiction de superstition et de magie.  Calvin (livre 4, chapitre 19, verset 8) appelle le chrême consacré « l’huile du démon polluée par un mensonge. »  Et Kemnitius (page 287) dit qu’on doit l’appeler le chrême « enchanté ou  ensorcelé ».
 Nous prouverons donc cette vérité par des témoignages des anciens pontifes, des conciles et des pères.   Saint Clément (livre 7, chapitres 42 et 44 des constitutions apostoliques)  parle assez longuement de cette consécration, qu’il fait même remonter jusqu’aux apôtres.  Le pape Fabien enseigne la même chose (dans son épitre 2 citée plus haut).  Il ajoute même  que, à chaque année, (à la férie 5 de la cène du Seigneur) un nouveau chrême doit être consacré.  Saint Damase 1 épitre 4,  Innocent 1 (épitre 1, chapitre 3) , Léon 1 (épitre 88),  Gelase 1 (épitre 1),  Jean 111 (épitre unique), saint Grégoire 1 (chapitre  1 des cantiques), et Innocent 111 (chapitre cum venisset, la sainte onction).  Tous ces pères enseignent clairement et formellement que le chrême doit être consacré, et cela, par le seul évêque.
 On le prouve ensuite par  les conciles.  Le canon 69 du concile de Nicée (selon la traduction récente en latin du codex arabique) parle expressément de trois consécrations, qui sont encore en vigueur dans l’église catholique de maintenant : celle de l’huile des catéchumènes, celle des infirmes, et celle du chrême.  Le concile de Laodicée (canon 48) parle du très saint chrême.  Le concile romain, sous Sylvestre, interdit aux prêtres (au canon 5) de faire du chrême, parce que c’est une cérémonie qui relève des évêques.  Donc, faire un chrême ce n’est pas seulement mélanger de l’huile avec du baume, mais aussi consacrer le tout.  Car, autrement, même les pharmaciens pourraient faire du chrême.  Un peu après, les conciles de Carthage 2, canon 3, et 3, canon 36, ordonnent aux prêtres, à chaque année, d’aller quérir du chrême auprès de leur évêque propre, et cela, non par des jeunes clercs, mais par eux-mêmes, ou par celui qui préside ou par le sacristain.   Nous voyons donc dans ce concile, qui pour tous possède une grande autorité,  qu’au sujet du renouvellement du saint chrême,  chaque année on trouve la même chose que ce qu’on lit dans la lettre du pape Fabien qui est, pour certains, apocryphe.
Nous voyons aussi  quel respect, quelle révérence, le concile a portée à cette sainte huile quand il a interdit qu’elle soit apportée par des jeunes clercs,  et  quand il a prescrit expressément que ce soit à celui qui préside à  la paroisse ou au moins au sacristain, d’aller la chercher.   Le concile de Vasense dit la même chose  (canon 3).  Il dit qu’il ne convient pas que les choses sublimes soient confiées à de simples clercs; que celui qui vient la chercher doit être au moins sous-diacre.  Le concile de Tolède 1 (canon 20) déclare, à son tour, qu’il n’est permis qu’à l’évêque de consacrer le chrême; et qu’il faut aller le lui demander à chaque année, avant pâque.  Le concile 2 de Hispalense, (canon 7) et le concile de Bracarense (canon 37), le concile de saint Boniface martyr, (que l’on trouve dans sa vie), et celui de Wormasciense (canons 2 et 8) et celui de Florence (instruction aux Arméniens) enseignent la même chose.
 Il faut noter que, à l’exception de celui de Florence, ces conciles sont non seulement très anciens, mais ont été célébrés dans des provinces différentes.   Nicée et Laodicée, en Grèce,  le romain et le florentin en Italie,  les Carthaginois en Afrique,  ceux de Tolède et d’Hispalensis en Espagne, celui de Bracarense en Lusithanie,  de Vasense en Gaule,  et celui de saint Boniface et de Wormasciense en Allemagne.  Ce qui nous fait comprendre que c’est toute l’église ancienne qui a foulé aux pieds les hérétiques de ce temps, qui exècrent la consécration du saint chrême, et qui la voient  comme une incantation, ou un tour de passe-passe de magicien.
 Troisièmement.  On le prouve avec les pères.  Denys l’aréopagite parle de cette consécration  dans tout le quatrième chapitre de sa hiérarchie ecclésiastique.  Il affirme même qu’il l’a apprise des apôtres.  Théophile d’Antioche,   le sixième successeur de saint Pierre  (livre 1 à Autolycus, qui se trouve au tome 5 de la bibliothèque des saints pères) appelle  le saint chrême « l’huile divine ».  Il dit aussi que c’est à cause de cette onction, que les chrétiens sont appelés chrétiens (oints).
 C’est quelque chose qu’il faut relever contre Kemnitius, qui, page 305, accuse saint Cyrille de mensonge contre la parole de Dieu, parce qu’il avait dit « qu’ils n’étaient pas dignes d’être appelés chrétiens ceux qui n’ont pas été oints du chrême ». ---« Il appert cependant, réplique Kemnitius,  que le mot chrétiens vient d’Antioche, comme le témoigne saint Luc Actes X1. »  Comme si ce nom ne pouvait pas avoir été donné d’abord à Antioche  et provenir, en même temps,  du mot chrême.  Il est  tout à fait  certain  que, étant proche des temps apostoliques,  Théophile d’Antioche connaissait mieux l’histoire d’Antioche que Kemnitius, qui est un allemand, et qui vient tout juste de commencer à respirer.
 Tertullien (au livre du baptême) : « Une fois sortis du bain, nous sommes oints par l’onction bénie. »    Saint Cyprien (livre 1, épitre 12) : « C’est sur l’autel que l’huile est sanctifiée.  Or, celui qui n’a ni autel, ni église, ne peut pas sanctifier la créature huile.  L’onction spirituelle ne peut donc pas exister chez les hérétiques, puisqu’il est certain que, chez eux,  l’huile ne peut pas être consacrée,  et que l’eucharistie ne peut pas être faite. »    L’auteur du sermon sur l’onction du chrême (que l’on trouve dans les œuvres de saint Cyprien dit (férie 5, cène du Seigneur) dit  : « Aujourd’hui, l’onguent est préparé pour la sanctification. »
 Saint Basile (chapitre 27 de son livre sur le Saint-Esprit) écrit : « Nous bénissons  l’eau du baptême et l’huile de l’onction. »  Saint Cyrille de Jérusalem (catéchèse 3 mystagogique) : « Après avoir été consacré, le  saint onguent n’est plus un onguent quelconque (nu), mais le chrême du Christ. » Optatus (livre 2 ) : « Pour que vos évêques violent toutes les choses sacrosaintes, ils ordonnèrent de nourrir les chiens avec l’eucharistie, et de projeter par la fenêtre l’ampoule du saint chrême, pour la casser. »  Or, il est certain que, si le chrême n’avait pas été consacré, Optatus  n’aurait pas  dit que le chrême est « sacrosaint),  et il ne l’aurait pas comparé avec l’eucharistie.
 Saint Augustin (livre 5 sur le baptême, chapitres 19 et 20),  commente l’argument de saint Cyprien qui lui permettait de prouver que « les hérétiques  n’avaient pas les vrais sacrements,  parce qu’ils ne peuvent pas consacrer d’huile, avec laquelle sont oints les baptisés pour qu’ils reçoivent l’Esprit Saint ».  Il ne dit pas (ce qu’il aurait du dire selon Calvin et Kemnitius) qu’on n’a nul besoin de consacrer de l’huile, que c’est de la superstition et de l’incantation,  mais il répond que les hérétiques peuvent consacrer l’huile,  car le pouvoir de consacrer ne leur vient pas de leur hérésie, mais de l’ordination qu’ils ont reçue, qui est vraie et sainte.
 Et il le prouve ainsi.   SI, de l’avis même de saint Cyprien,  les prêtres catholiques homicides  et adultères peuvent consacrer l’huile,  pourquoi les hérétiques ne le pourraient-ils pas,  pourvu qu’ils aient été vraiment ordonnés ? : « Pourquoi Dieu pourrait-il consacrer l’huile par les paroles qui sortent de la bouche d’un homicide,  et ne le pourrait-il pas sur un autel que des hérétiques ont dressé ? »  Voir aussi son traité 118 sur saint Jean, près de la fin,
 À ces auteurs s’adjoignent  Bède (chapitre 8 des Actes),  Rupert (livre 5, chapitre 17, sur l’office divin), Isidore (livre 1, chapitre 28,  des offices divins),  Raban (livre 2,  sur les divins offices, chapitre de la férie 5, la cène du Seigneur), Amalarius  (livre 1 sr les offices ecclésiastiques, chapitre  de la même férie 5), et saint Pierre Damien (sermon 1 sur la dédicace du temple.)
 La quatrième proposition.   Pour qu’elle soit vraie, et soit la matière prochaine de ce sacrement,  l’onction du chrême en forme de signe de croix doit être faite sur le front du baptisé.   Les textes déjà cités ont rendu cette proposition évidente.  Parmi les pontifes, Damase, Innocent, Léon,  Jean 111 et Grégoire 1 parlent explicitement du signe de croix sur le front.  Et parmi les conciles, il y a celui d’Hispalensis et de Florence.   Parmi les pères, Tertullien (livre sur la prescription) : « Il signe sur le front ses soldats. »  Saint Cyrille (catéchèse mystagogique 3), Prudence  dans psulomaxia,   saint Augustin  (psaume 161), en commentant ce verset : « Sur le chemin où je marchais ils  m’ont tendu un piège. »  Il dit,  là, que différents sacrements sont reçus sur différentes parties du corps, les uns sur tout le corps, comme le baptême, d’autres  dans la bouche,  comme l’eucharistie,  d’autres sur le front, en forme de signe de croix, dans la confirmation.  Et il donne pour raison que c’est parce que le front  est le lieu de la pudeur.  Il est donné comme  un signe, pour qu’on ne rougisse pas de confesser le Seigneur,  même devant des persécuteurs.  Raban,  Pierre Damien disent la même chose, ainsi que tous les autres.
                                                   CHAPITRE 9
 On réfute les objections contre la matière de la confirmation
 La première objection est celle de Brentius (dans la confession de Wirtemberg, chapitre sur le baptême).     L’usage du chrême appartient aux éléments de ce monde, et aux cérémonies judaïques, dont nous éloigne saint Paul en disant (Coloss 11) : « Si vous êtes morts avec le Christ aux éléments de ce monde,  pourquoi êtes-vous encore retenus par eux ? »  Je réponds que si cet argument avait quelque valeur, il prouverait qu’on ne peut pas, non plus, utiliser de l’eau dans le baptême, ni du pain dans l’eucharistie,  car ces choses étaient utilisées par les Juifs.  N’avaient-ils pas l’eau d’expiation,  et les pains de proposition ?  Voilà pourquoi, comme l’eau et le pain ont pu servir pour l’ombre et la vérité,  l’huile le peut aussi.  Saint Paul nous détourne des cérémonies judaïques qui sont des éléments étrangers qui ne peuvent pas justifier.   Il ne nous détourne pas des sacrements chrétiens, même s’ils sont formés de la même matière.
 La seconde objection.   Denys l’aréropagite laisse entendre assez clairement  que le rite du chrême  provient en partie  des onctions des athlètes païens, et en partie de la loi mosaïque.  Deutéronome X11 : « Veillez à ne pas imiter les Gentils et ne pas demander leurs cérémonies. »   Je réponds que Denys attribue aux apôtres du Christ la doctrine du chrême; non aux Juifs et non aux païens, comme nous l’avons montré plus haut.  Ce qu’il dit des Juifs se rapporte à la figure de ce sacrement,  non à son essence ou à sa vérité.  Et ce qu’il dit des athlètes  n’a rien à avoir avec les cérémonies ou le culte, comme l’imagine en rêve Kemnitius,  mais par l’effet du sacrement qu’on peut expliquer par quelque chose de semblable.  Car, comme les athlètes étaient oints  pour pouvoir remporter la victoire dans un combat corporel,  nous sommes oints nous aussi, par le Saint-Esprit pour triompher de nos ennemis dans le combat spirituel.
 Plusieurs pères se sont servis de cette comparaison, dont saint Jean Chrysostome, saint Ambroise, saint Augustin, et d’autres.   Et le témoignage du Deutéronome est hors de propos, car les athlètes n’étaient pas oints pour honorer Dieu par cette cérémonie.
 La troisième objection. Les actes des conciles attestent que le chrême a été institué par Sylvestre.  Les apôtres n’ont donc pas pu s’en servir.  Je réponds que  seuls les actes des conciles, qui se trouvent dans la vie de Sylvestre, attestent que  c’est Sylvestre  qui a prescrit  que les prêtres touchent le sommet de la tête du baptisé avec le saint chrême.  Or cette onction est différente de celle de la confirmation qui est donnée sur le front par l’évêque.  Que le saint chrême n’a pas pu être institué par le pape Sylvestre  nous le montrent assez clairement  Tertullien, Théophile d’Antioche,  Cyprien, Corneille et d’autres cités plus haut.   Ils ont tous vécu avant le pape Sylvestre,  et ils parlent expressément du saint chrême.
 Le premier argument de Kemnitius porte sur la pentecôte.  Aux actes 2 et 10, le Saint Esprit est donné sans chrême.  De même, dans Actes 8 et 9, on fait mention,  de l’imposition des mains, mais non du chrême.   Je réponds qu’aux chapitres 2 et 10 des Actes, ce n’est pas par le moyen  des sacrements que le Saint-Esprit a été donné là, mais que c’est par un privilège de Dieu que l’effet du sacrement ait été donné sans le sacrement.
 Pour les autres citations des Actes, on peut donner deux réponses.   La première qui est celle de certains scolastiques qui disent que l’apôtre a administré ce sacrement de différentes façons.  Parce que, comme aux premiers temps, l’Esprit Saint descendait visiblement, l’onction était moins nécessaire, et l’imposition des mains suffisait.   Le feu externe  qui apparaissait miraculeusement attestait suffisamment le feu interne.     Et, plus tard, quand les formes visibles cessèrent,  c’est alors qu’on commença à se servir de l’onction, pour signifier, par elle, ce qui, auparavant, était signifié par l’apparition miraculeuse de signes visibles.
 Tu rétorqueras peut-être que les apôtres n’avaient pas le pouvoir de  choisir la matière de ce sacrement.   Ils te répondront  que ce n’est pas eux qui l’ont instituée, mais que c’est du Christ qu’ils ont reçu le mandat de se servir tantôt  de l’imposition des mains, tantôt du saint chrême, comme ils le jugeraient bon.  Cette solution n’est pas tout à fat improbable, et saint Thomas ( 3 par quest LXX11, art 2)  ne l’a pas en horreur, et peut-être pourrait-on faire dire quelque chose de cela aux conciles de Florence et d’Innocent. Ils disent, en effet, que l’onction sacrée, est donnée, dans le sacrement de confirmation, à la place de l’imposition des mains apostolique.
 Il existe une autre solution qui me parait de loin plus vraisemblable.  C’est celle de Thomas Waldensis (tome 2, chapitre 113, les sacrements)  et de Hugues de Saint-Victor (livre 1, par 7, cap 2 sur les sacrements)   Ils disent que l’onction du chrême et l’imposition des mains sont une seule et même chose.  Car, dans les épitres de Paul et de Jean, on en fait mention, mais non  de l’institution du chrême.
 La troisième objection de Kemnitius est contre la troisième proposition.  Il est avéré que le baume natif a péri avec les arbres.  Car Pline écrit (livre 12, chapitre 25) que le vrai baume n’a coutume de naitre que dans deux jardins de Judée, qui ont déjà été dévastés. « La matière de la confirmation  a donc péri, écrit Kemnitius,  si elle requiert nécessairement du baume.  Et on ne peut pas remplacer le baume nature par un baume artificiel et factice, comme on ne peut pas remplacer l’eau du baptême par de l’eau d’érable, ni le vin de l’eucharistie par du cidre.  Il n’est donc pas probable que le Christ ait voulu instituer un sacrement avec une chose  si précieuse, si rare, si incertaine qu’on ne peut obtenir que par un grand labeur et de grandes dépenses.
 Je réponds que la question qui se pose aux théologiens est la suivante :  le baume est-il requis dans le chrême par une nécessité  provenant du sacrement lui-même,  ou seulement par une nécessité provenant d’un précepte.  Tous les anciens théologiens (dist 7, livre 4, sent) et les jurisconsultes (chapitre pastorale,  sur  la non répétition des sacrements) enseignent  que le baume est requis par une nécessité qui vient du sacrement lui-même,  de sorte que le sacrement serait invalide s’il était donné sans baume.  Mais les auteurs plus récents comme  Cajetan (3 part question LXX11, art 2), Dominique a Soto (livre 4, dist 7, quest 1, art 2), et François Victoria (dans son précis du sacrement de confirmation) estiment que le baume n’est pas requis par la nécessité du sacrement, mais qu’il doit être nécessairement employé à cause d’un précepte divin.  Les deux se basent sur un texte du droit canon (chapitre sur la pastorale, la non réitération des sacrements), que chacun interprète dans son sens.
 Aucune de ces deux opinions est de foi ou contre la foi.  Et il se trompe Kemnitius quand (à la page 309) quand il enseigne que le concile de Florence a défini, contre les scolastiques, que le baume était requis dans le chrême.  Car, le concile n’exprime pas comment il est requis, mais il dit seulement que la matière est l’huile avec le baume, comme il avait dit aussi que, dans l’eucharistie, la matière est le vin avec de l’eau.  Et cependant, tous estiment  que, dans l’eucharistie,  l’eau ne fait pas  partie de l’essence,  et que, sans elle, le sacrifice serait invalide.
 Je nie, ensuite que, comme le prétend Kemnitius, le baume véritable et natif ait péri.  Car, même si, selon ce que pensait Pline, le baume ne poussait que dans deux jardins de Judée,  il pousse encore dans les Indes, et c’est de là qu’il nous arrive.  Il importe peu que Pline ait ignoré cela, car il ne pouvait pas tout savoir.  On ne doit pas dire non plus que le baume importé de Indes est artificiel et factice, même s’il n’est pas de la même espèce que celui de Judée.  Il peut, en effet, y  avoir diverses espèces de baume comme il y a différentes espèces de vin.
 Ajoutons que  quand il parle de deux jardins, il décrit une époque ancienne.   Car, en son temps, on raconte qu’il y avait plusieurs arbres balsamiques en Palestine.  Et, saint Jérôme, qui vécut trois cents ans après Pline, (chapitre 27 d’Ezéchiel), et aussi saint Grégoire, qui vécut deux cents ans après saint Jérôme, et cinq cents ans après Pline, affirment que, de leur temps, le baume poussait dans les vignes d’Engaddi.  Il est donc faux de dire que baume natif a péri.
 À la confirmation, c’est la pratique de l’Église qui répond.  Car, bien que le baume soit précieux et rare, il n’a jamais encore fait défaut dans l’Église, et la confirmation n’a jamais été remise à plus tard à cause d’une pénurie de baume.  Si Dieu a pu y pourvoir pendant quinze cents ans, il ne cessera certes pas de le faire.
 La cinquième objection est contre la quatrième proposition.  Kemnitius va la chercher chez Cyrille et Ambroise.  Dans sa troisième catéchèse mystagoqique, saint Cyrille dit que « tous les sens du corps sont oints par le chrême. »   Dans son livre sur l’initiation aux mystères (chapitre 6). Saint Ambroise dit que « la tête est ointe, et que l’huile coule sur la barbe. »   Il n’est donc pas certain que, comme nous le disons, l’onction ait été donnée sur le front.
Or, Cyrille au lieu cité, veut que ce soit le front qui soit principalement oint, et ensuite les autres sens.  Cela ne nous contredit en rien, car, la seule chose que nous disons c’est que le sacrement est nul si l’onction n’a pas été faite sur le front.  Nous ne nions pas que, selon les rites d’autres églises, d’autres parties du corps puissent être ointes.   Et dans le  passage cité, saint Ambroise ne parle pas de l’onction de la confirmation,  mais de celle qui se fait dans le baptême,  que nous affirmons, nous aussi, devoir être faite sur le sommet de la tête.  C’est dans le chapitre  suivant que saint Ambroise parle de la confirmation.
                                          CHAPITRE 10
                    La forme du sacrement de confirmation
 Les paroles suivantes sont la forme de ce sacrement : « Je te signe du signe de la croix, et je te confirme par le chrême du salut, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. »  On ne peut douter que ce soit une forme qui convient, puisqu’elle indique ouvertement  et la cause principale qui est la sainte trinité, et la cause ministérielle qui est celui qui profère ces paroles;  et l’effet du sacrement,  qui, est, en le confirmant par le chrême et en le signant de la croix, de faire un soldat du Christ,  de fortifier et d’armer.  Nous trouvons cette formule dans le concile de Florence, dans le pontifical romain,  et chez saint Thomas (111 par quest LXX11, article 4.
 On ne trouve pas, chez les anciens auteurs, toutes ces paroles, présentées dans le même ordre,  mais le sens est le même.  Et cela suffit,  car la vertu de la forme sacramentelle repose dans le sens, non dans un son ou un nombre de lettres.  Autrement, si on disait ces mots en hébreu ou en grec ou dans une autre langue, ils n’auraient aucun effet.    L’ordre romain, qui est un livre très ancien, et qui est cité par Alcuin et Amaralic,  qui vécurent avant l’an 800, dit dans l’office du samedi saint,  en décrivant le rite de la confirmation, que l’évêque,  doit en priant réciter cette formule : « Signe-les, Seigneur, du signe de la croix ! »  Et, quand il touche le front avec le pouce, il dit : « Je te confirme au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. »
 Nous voyons ici que le sens des mots est le même.  Il importe peu qu’il dise : « Signe-le » et que nous disions « Je te signe. »  Car, nous signifions toujours que c’est Dieu qui signe principalement, et l’homme, secondairement, comme un ministre. Voilà pourquoi nous considérons comme légitime la formule dont se servent les Grecs dans le baptême : « Que le serviteur du Christ soit baptisé ! »  Même si nous le disons d’une autre façon.   Et que, dans l’ordre romain, on n’ait pas « par le chrême du salut », nous ne voyons pas là une insuffisance, car  le chrême est inclus dans le mot confirmé, et l’action  elle-même montre suffisamment  que c’est par le chrême que s’opère la confirmation.
Ce serait aussi la même chose si quelqu’un disait : je te baptise, ou je te baptise avec de l’eau.  Nous ne considérons donc pas que ces mots soient essentiels, bien qu’on ne doive pas les omettre parce que l’Église prescrit qu’on les dise.   Dans la formule du baptême le mot ego (moi)  n’est pas essentiel, et dans la formule de l’eucharistie le mot enim (car) ne l’est pas non plus.
 Ce qui nous fait comprendre deux choses.  La première.  Alcuin (dans son livre sur les divins offices, au chapitre du samedi saint) dit que quand le pontife romain confirme, il a coutume d’oindre le front et de dire : au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.  Il n’emploie pas la formule au complet, mais seulement une partie.  Et il cite l’ordo romain où, comme il l’avait dit, il y a beaucoup plus de mots.
 La deuxième.   Nous comprenons qu’ils se trompent ceux qui pensent que saint Ambroise avait employé la forme de la confirmation quand il avait dit (livre 2, chapitre 7 sur les sacrements): « Tu es venu au prêtre ?  Qu’est-ce qu’il t’a dit ?  Que Dieu le Père tout puissant qui t’a régénéré par l’eau et par le Saint-Esprit,  et qui t’a remis tes péchés, t’oigne pour la vie éternelle ! »  Car, ces paroles prononcées par saint Ambroise sont dites par le prêtre quand il oint le sommet de la tête du baptisé pendant le baptême.  Et c’est après cette  cérémonie que vient la confirmation épiscopale.
 Voilà pourquoi Amalarius (livre 1, chapitre 27 des offices ecclésiastiques) dit que ces paroles sont celles du prêtre qui ne se sert que de la forme   déprécatoire.  Car, ce n’est pas seulement par mode déprécatoire, mais par son pouvoir propre qu’il a reçu de Dieu, qu’un évêque dit : « Je te confirme. »  D’ailleurs, parmi les pères, saint Ambroise , en est un qui parle assez clairement  de cette forme,  quand il dit, par exemple (au chapitre 7 des livres sur l’initiation aux mystères) : « Conserve ce que tu as reçu.   Dieu le Père t’a signé, le Seigneur Christ t’a confirmé. »   Il ne faut pas s’étonner qu’il ait omis certaines choses.  Car, en cet endroit, il ne se proposait pas de décrire toute la forme, mais il ne faisait que rappeler à la mémoire des confirmés le rite avec lequel ils avaient été confirmés.  Et, pour atteindre ce but,  quelques mots lui suffisaient.
 Il ne faut pas trouver étrange que les pères ne parlent pas expressément de cette forme.  Ils ne décrivent pas, non plus, la forme des autres sacrements,  parce que c’étaient des choses qui, par un usage quotidien, étaient connues de tous les chrétiens;  et  aussi pour que ces mystères ne soient pas connus   sans nécessité par les gentils qui liraient ces livres.  Voilà pourquoi il n’y aucun ancien qui nous dise,  en toutes lettres,  que la forme du baptême est : « Je te baptise au nom du Père, du Fils, et du Saint-Esprit. »   Il en est de même pour la confirmation.  Ils disent seulement : celui qui l’oint lui impose les mains.   Cette solution semble plus probable, car il appert que, dans la confirmation les apôtres ont utilisé un chrême, comme le rapportent Denys et Clément.  Et de plus, ont parlé de l’onction des anciens auteurs,  comme Theophile, Antioche,  Tertullien, Cyprien, Corneille, Origène et d’autres,  avant lesquels il n’y avait pas eu de concile œcuménique, durant lequel il aurait pu être institué.
 Il va de soi aussi que,  pour qu’on puisse défendre ce point, on doive désirer  que les apôtres aient toujours usé de la même matière,  et non tantôt d’une et tantôt d’une autre.   Car, cela est plus sur et plus efficace.  Et pourquoi, je le demande, ne peut-on pas défendre cela ?  « Parce que, disent-ils,  Luc parle de l’imposition des mains, mais il ne parle pas d’un saint chrême. »  ---Mais jamais Luc, jamais aucune écriture, jamais aucun auteur ancien n’a dit que les apôtres avaient administré ce sacrement de différentes manières.   Et que dans les paroles de Luc, on puisse aussi y voir le chrême, nous pouvons le prouver de plusieurs façons.  Mais que les apôtres aient changé de matière, on ne peut le prouver que par l’autorité des auteurs les plus récents.
 Je le prouve donc ainsi.   En imposant les mains, les apôtres ont toujours signé avec le chrême.  Saint Luc a donc résumé le rite  en nommant un tout par une partie.   Car, les mêmes pères qui, en un endroit, disent que le Saint-Esprit est donné par l’imposition des mains, disent en un autre endroit, qu’il est donné par l’onction du chrême, et il leur arrive aussi de joindre les deux.  De quoi il ressort que l’une et l’autre appartiennent au rite de ce sacrement, et que c’est pour cela qu’ils parlent tantôt de l’une tantôt de l’autre.
 Parlant de ce rite dans son livre sur la résurrection de la chair, Tertullien  dit que « la chair est ointe,  qu’elle est signée,  et ombragée par l’imposition des mains ».  Mais, cependant, dans son livre des prescriptions,  il ne parle que du signe de croix  sur le front.  Saint Cyprien (livre 1, dernière lettre)  ne parle que de l’onction.   Dans son livre 2, épitre 1, quand il traite de la même chose,  il ne parle que de l’imposition des mains.   Et dans son épitre à Jubajanus,  il ajoute à l’imposition des mains le sceau ou signe du Seigneur, dont il n’avait pas parlé dans ses deux premières épitres.
 Il en est ainsi du concile d’Arles 1, (canon 8).  Il nomme seulement l’imposition des mains.  Et, cependant, au concile d’Arles 2, célébré un peu après, il nomme, en traitant le même sujet,  l’onction du chrême (canon 17).  Saint Damase et saint Léon, ci-haut cités, disent qu’il n’est pas permis aux chorépiscopes d’oindre le front des baptisés avec du chrême.  Et cependant,  Jean 111,  citant ce même décret, et alléguant nominalement Damase et Léon, ne dit pas un mot sur le chrême ou le front, mais appelle tout simplement ce rite imposition des mains.  On pourrait amener plusieurs exemples de cette sorte.  Qu’y a-t-il donc d’étonnant à ce que saint Luc ait signifié tout un rite par une seule partie ?
 Je prouve la même chose par une autre raison.  Quand les pères disent que seuls les évêques peuvent donner le Saint-Esprit par l’onction du chrême, ils se réfèrent toujours à Actes V111, comme nous le montrent  Innocent 1 (épitre 1), Damase (épitre 4), saint Léon (épitre 88), Saint Cyprien (à Jubajanus), saint Augustin (livre 15, chapitre 26 sur la trinité), et les autres déjà cités.  Donc, ou les  apôtres ( actes (V111) oignaient du chrême en imposant les mains, ou tous ces pères ont mal argumenté.
 Tu diras qu’ils ont bien argumenté parce que, même si les apôtres ne se servaient pas de chrême,  le chrême qu’ils utilisaient a pris la place de l’imposition des mains. --- Il faut dire plutôt le contraire, car s’il en était ainsi, un au moins parmi les pères nous aurait mis sur la piste, pour que nous saisissions la force de leur argumentation.
 Je prouve ensuite la même chose avec des textes scripturaires semblables  qui nous font comprendre quelque chose en quelques mots, quand il  y a plusieurs choses à comprendre.  Exemples.   Dans les épitres à Timothée et à Tite, saint Paul appelle toujours une ordination une imposition des mains.  C’est ce que signale saint Augustin (chapitre 9 du livre sur la foi et les mœurs, et au chapitre 8 des Actes).  Car nous y lisons qu’un eunuque a été  baptisé par le diacre Philippe en disant : « Crois que Jésus est le Fils de Dieu. »  Saint Augustin note avec raison que Luc raconte la chose en résumé, mais qu’il faut absolument croire que l’eunuque avait été examiné longtemps, et que les autres cérémonies avaient été employées dans son baptême.
 L’autre exemple pourrait porter sur ce que saint Luc a écrit (actes 8 et 19) : les apôtres baptisaient au nom du Christ. Or, comme nous l’avons montré plus haut, les apôtres baptisaient au nom du Père, du Fils et du  Saint-Esprit.  Saint Luc, dans une chose connue de tous,  a préféré parler en mots brefs.  Un autre exemple pourrait être tiré de saint Paul (Tite 3).  Il dit que nous sommes sauvés par le bain de la régénération, sans dire un mot sur les paroles qui sont la forme du baptême.  Mais il parlait surement d’un lavage avec paroles, comme il l’a d’ailleurs dit expressément ailleurs (Éphésiens V1).   Il serait beaucoup trop long de donner tous ces exemples.
 Mais il se présente ici une difficulté majeure.  Notre réponse semble répugner à Innocent 111 ( chapitre cum venisset,  l’onction sacrée), et au concile de Florence (instruction aux Arméniens).   Car, Innocent dit que le chrême sur le front désigne l’imposition des mains faite par les apôtres.    Et le concile dit que la confirmation est donnée maintenant dans l’Église à la place  de l’imposition des mains.
 Je réponds  que n’appartient pas à la foi tout ce qu’il y a dans les décrets et les conciles, mais seulement les choses qui ont définies.  Or, ce dont il est question ici n’a pas été défini.  On en a tout simplement parlé en passant pour expliquer quelque chose.
Je tenterai ensuite une réponse meilleure, et plus sure.  En disant que le chrême prend la place de l’imposition des mains,  Innocent et le concile ne veulent pas dire que les apôtres ne se servaient pas de chrême et que nous ne nous servons pas de l’imposition des mains.  Ils veulent dire ceci : ce que faisaient les apôtres,  quand  on dit qu’ils imposaient les mains,   les évêques d’aujourd’hui le font quand on dit qu’ils confirment avec le chrême.  Ils n’établissent pas une distinction entre un rite et un autre rite, mais entre une manière de parler et une autre manière de parler, et entre personnes et personnes.  Et ensuite, entre l’imposition des mains d’autrefois  et celle d’aujourd’hui.
On avait coutume autrefois d’appeler imposition des mains le sacrement qu’on appelle aujourd’hui confirmation.   De plus, la première était donnée par les apôtres, et l’autre par les évêques.  Ensuite, la première était plus efficace parce que, avec l’effet interne, elle donnait aussi l’effet externe;  et avec la grâce qui fait un reconnaissant, elle donnait aussi gratuitement les dons des langues et des miracles.  On peut donc dire, de ce point de vue, que ce qui se fait maintenant se fait à la place de ce qui se faisait autrefois, même si, quant à la substance, c’est la même chose.
Et que ce soit cela leur sens, on le prouve de deux façons.  La première.  Parce que le concile et le pape Innocent ne disent pas que le chrême remplace l’imposition des mains,  mais que le sacrement de confirmation prend la place de l’imposition des mains.  Or, tous admettent sans conteste que les apôtres donnaient le sacrement de confirmation, qu’ils se soient servis du chrême, ou qu’ils ne s’en soient pas servis, parce que Innocent et le concile disent que les évêques sont, dans l’église, à la place des apôtres, ou en tant que leurs représentants. Or, il est certain que les apôtres étaient de vrais évêques, même s’ils avaient quelque chose de plus.
La deuxième objection de Kemnitiius contre cette proposition est tirée des pères.   Il dit que Tertullien (dans son livre sur le baptême) soutient que cette onction provient de l’ancienne discipline, c’est-à-dire de l’ancien testament.  Elle n’a donc pas été instituée par le Christ.  Dans son sermon sur le lavement des pieds, saint Cyprien enseigne que ces cérémonies n’ont pas été instituées par le Christ, mais par les hommes. Et, dans son sermon sur le chrême, il dit que cette onction est un reliquat de l’ancien testament.  Saint Basile dit qu’il n’existe aujourd’hui aucune parole écrite   (logon gegrammenon ) sur l’onction du chrême.  Il conclut des paroles de ces pères, qu’est clairement réfuté le mensonge du pape Fabien martyr, selon lequel cette onction a été donnée aux apôtres par le Christ.
Je réponds que Tertullien dit seulement que, dans l’ancien testament, des figures de ce sacrement ont précédé la réalité de la chose. Il ne s’ensuit pas qu’il n’ait pas été institué par le Christ.   Car, le même affirme que le déluge a été une figure du baptême, et cependant, comme le reconnait Kemnitius, Tertullien ne nie pas que le baptême ait été institué par le Christ.
Dans son sermon sur le lavement des pieds, saint Cyprien ne parle pas du sacrement de confirmation, quand il dit que les cérémonies des sacrements ont été instituées par les hommes, mais des autres rites que nous utilisons.  C’est plutôt le contraire que nous découvrons dans cet auteur.  Car, dans ce sermon sur le lavement des pieds, il dit que le Christ est l’auteur de son sacrement, et dans le sermon suivant, qui porte sur le chrême, il dit que cette onction est d’institution divine, et qu’elle est un sacrement.  Qu’elle a donc été instituée par le Christ.
Le fait qu’elle provienne de l’ancien testament ne milite pas contre elle, car, comme l’enseigne aussi Tertullien, elle n’existait autrefois  que comme figure du sacrement de la nouvelle loi.  Et saint Basile n’enseigne rien qui nous soit contraire à nous ou à  saint Fabien.  Car nous ne disons pas, nous non plus,  que l’institution du saint chrême est racontée dans les saintes lettres.  Ce que nous disons c’est que nous le savons par une tradition non écrite, mais très sure, à laquelle il faut prêtre foi comme à l’évangile, comme l’écrit saint Basile (livre du Saint-Esprit, chapitre 27).
Ces choses ne répugnent pas non plus à ce qui a été dit au début du chapitre précédent, à savoir que le baptême est donné par l’invocation du Saint-Esprit (sans parler de l’eau.)  Saint Denys ne dit-il pas, dans le dernier chapitre de sa hiérarchie ecclésiastique,  qu’il n’est pas permis de mettre par écrit les mots utilisés par l’Église dans l’administration des sacrements. Et Innocent 1, (lettre 1, chapitre 3), dit, en parlant de la confirmation : « Je ne peux pas dire les paroles,  de peur d’aller plus loin que ce qu’exige une simple consultation. »  Enfin, le maître des sentences lui-même (livre 4, dist 7) n’a pas voulu écrire les paroles de la forme de ce sacrement.  Tellement est archi connue la forme, ou  les paroles dont se servent les évêques quand ils administrent ce sacrement.
Mais, venons-en aux objections des hérétiques.   La première objection est celle de Calvin (livre 4, chapitre 19, verset 5).  Après avoir rappelé cette forme (je te signe du signe de la croix), il dit : «  Beau et sublime !  Mais, où est donc la parole de Dieu ? »   Je réponds que la parole de Dieu n’a pas été écrite, mais transmise, comme le témoigne suffisamment la coutume de l’église universelle.  Nous n’avons pas non plus, dans l’Écriture,  les paroles des autres sacrements en termes exprès.  Il n’est écrit en aucun endroit, dans l’Écriture  qu’on doive dire en baptisant : « Je te baptise. »  Et Calvin ne reconnait-il pas  (livre 4, chapitre 19, verset 31)  que l’ordination des ministres est un sacrement ?  Et, cependant, il ne trouvera jamais, dans l’Écriture, la parole  qui, avec l’élément, fait le sacrement, comme lui-même le requiert pour la confirmation.
J’ajoute que nous avons au moins les mots en général, puisque,  à Actes 8, on dit que les apôtres priaient quand ils imposaient les mains.  Car, les formes des sacrements sont souvent appelées des  prières mystiques, même si elles sont proférées par la parole du préposé.  Car, c’est toujours de  Dieu que, dans les sacrements, est attendue ce que demande  l’opération principale du sacrement.  Et faisant allusion à la forme de ce sacrement, Saint Paul (2 Cor 1) en a exprimé les paroles principales quand il  a dit : « Le Dieu qui nous confirme et qui nous signe. »
La deuxième objection (verset 7) : « Qu’est-ce qui leur permet de l’appeler l’huile du salut ?  Qui leur a enseigné de chercher le salut dans l’huile ? »  Et plus bas : « Je prononce cela avec audace non en mon nom, mais au nom du Seigneur : ceux qui appellent l’huile « huile du salut » renient le salut qui est dans le Christ, et n’ont pas de part dans le royaume des cieux. L’huile est pour le ventre, et le ventre pour l’huile.   Dieu détruira l’un et l’autre. »
Je réponds que tout cet argument ne s’appuie que sur l’autorité de Calvin.  Car, il ne présente aucune parole de Dieu, même s’il affirme mensongèrement qu’il parle au nom de Dieu,  quand il dit qu’ils renient le Christ ceux qui appellent l’huile,  l’huile du salut.  Si dans l’huile nous recherchions le salut sans le Christ,  Calvin ne parlerait pas pour ne rien dire.  Mais, puisque nous faisons de l’huile un instrument pour appliquer la grâce du Christ,  comment Calvin peut-il imaginer que celui qui se sert de cette huile renie le Christ ?   Ajoutons qu’on rencontre souvent, dans l’Écriture, cette sorte d’expression.  (4, Rois 13) « La flèche du salut »  (11 Cor V1)  « Le jour du salut », (Luc 1)  « La science du salut ».
Ajoutons encore  que l’argument de Calvin ne vaut pas moins contre l’eau du baptême et le pain de l’eucharistie, que contre l’huile de la confirmation, car on appelle l’eau du baptême lavement de régénération et de rénovation, et le pain de l’eucharistie, pain de vie (Jean V1).  Calvin répond, au même endroit, que dans les sacrements, il faut considérer deux choses : la nature des éléments, qui est corruptible, et ne peut pas apporter le salut;  et la force spirituelle, imprimée par la parole de Dieu, à cause de laquelle  l’eau dans le baptême, et le pain et le vin dans l’eucharistie, apportent le salut.  Je lui demande donc : pourquoi ne pourrions-nous pas dire la même chose de l’huile ?
La troisième objection est celle de Kemnitius (part 2 de son examen, page 288) : « La forme de ce sacrement (signo te signo crucis) ne se trouve pas dans les anciens écrivains, ni même dans les canons. »   Je réponds que j’ai déjà répondu à cette question.
La quatrième objection au même endroit : « Dans les pontificales, la forme n’est pas la même.   Car Gabriel rapporte que certains disent   « chrême de sanctification, » à la place de « chrême du salut. »  Et Gerson a la forme suivante : « Je te marque du signe de la croix, et du chrême du salut. »
Je réponds que ces autres choses veulent dire la même chose  que notre forme.   Car, le sens est toujours le même que tu dises « salut » ou   « sanctification »; « je confirme » ou « je marque).  Car, bien qu’il faille utiliser les termes prescrits et ne rien changer, ce qu’on ne peut faire sans pécher,  cependant (comme nous l’avons dit souvent), pourvu que le sens demeure le même,  le sacrement est toujours conféré.  Et il peut facilement arriver qu’il y ait, dans différentes églises,  une certaine variété dans les paroles.  Mais, c’est sans importance, pourvu que le sens demeure le même, comme on le voit dans la forme du baptême des grecs et des latins.

2019 01 08 fin
 
 2019 01 11 deb
                                           CHAPITRE 11
                                 L’effet de ce sacrement
L’effet de ce sacrement est double.  Un premier.  Il confère une grâce qui fait un reconnaissant, et même plus grande que celle du baptême, pour fortifier l’âme contre les assauts du démon, mais moins grande  pour obtenir la rémission des péchés.  En effet, il ne remet pas toute la peine, comme le fait le baptême.  Il n’y a pas lieu d’ajouter quoi que ce soit ici, car tout a été abondamment prouvé dans la première controverse.  Nous avons prouvé que la confirmation est un sacrement proprement dit, parce que l’Écriture et tous les pères affirment que, par cette cérémonie, est donnée une immense grâce, et même le Saint-Esprit.
L’autre effet est le caractère qui nous inscrit dans la milice du Christ, comme le baptême nous inscrit dans la famille du Christ.  Ce caractère de la confirmation on le prouve de la même manière qu’on a prouvé le caractère du baptême : par le fait que la confirmation ne peut pas être réitérée.  Nous avons montré, plus haut, qu’il est impossible de trouver une autre raison qui explique  pourquoi ces sacrements ne peuvent pas être répétés, que  parce qu’ils impriment un caractère indélébile.  C’est donc aussi par l’effet qu’on démontre le caractère, quand nous disons que ce sacrement ne peut pas être réitéré.
Que la confirmation ne puisse pas être répétée, on le prouve par saint Paul (épitre aux Hébreux, V1) : « Ne posant pas de nouveau le fondement de la  pénitence pour les œuvres mortes,  de la foi en Dieu, de la doctrine du baptême, et de l’imposition des mains. »  D’après  saint Jean Chrysostome, Theodoret,  Theophylactus et les autres,  par imposition des mains l’apôtre entend, dans ce passage, le sacrement de confirmation, qui était donné tout de suite après le baptême.  Saint Paul enseigne là qu’il n’est pas permis  à celui qui tombe après le baptême et la confirmation, de revenir au baptême et à la confirmation.  Car, ce sont là les fondements qu’il n’est permis de poser qu’une fois.
On le prouve ensuite par le concile de Tolède 8, canon 7, où il est dit ouvertement  que le chrême une fois donné ne peut pas être redonné, ni non plus les ordres sacrés.   Le concile de Tarraconensis dit la même chose, ainsi qu’un décret de Grégoire 11 (Gratien dist 5, la consécration, canon dictum est, et canon de homine).  Auxquels j’ajoute le concile de Florence dans son instruction aux Arméniens, et celui de Trente (session 7, canon 9).
Nous trouvons la même chose chez les pères.  Saint Cyprien, ou quiconque fut l’auteur du sermon sur le lavement des pieds, dit : « Les règles ecclésiastiques interdisent de réitérer le baptême.  Personne ne reçoit de nouveau les ordres sacrés une fois reçus.   Personne n’oint ou ne consacre de nouveau avec la sainte huile.  Personne ne déroge au ministère des prêtres par l’imposition des mains.  Car, ce serait mépriser le Saint-Esprit,  si pouvait s’évacuer ce que lui-même a sanctifié, ou si une autre sanctification pouvait amender ce qu’il a statué et confirmé une fois. »
Saint Augustin (livre 1, chapitre 104, contre les lettres de Petilianus) enseigne clairement que le sacrement du chrême, une fois donné, demeure même dans les plus méchants, et ne peut jamais être aboli.  Il ne peut donc pas être répété.  Raban enseigne la même chose (livre 1, chapitre 39, sur l’institution des clercs), ainsi que Amalaric, (livre 1, chapitre 7, les offices ecclésiastiques.)
                                     CHAPITRE 12
                         Le ministre de ce sacrement
Vient ensuite la cinquième controverse.  Le ministre du sacrement de confirmation est-il seulement l’évêque ?  Même si les hérétiques enlèvent la confirmation du nombre des sacrements, ils se comportent comme s’ils en faisaient un sacrement, quand ils soutiennent   que ce ministère ne se rapporte en rien aux évêques. Jean Wiclef (livre 4, chapitre 14, trilogie) nie ouvertement que la confirmation soit un ministère propre aux évêques. Calvin dit la même chose (livre 4, chapitre 10, verset 10.), ainsi que Kemnitius  (2 par examen, page 324) et presque tous les autres, surtout parce qu’ils ne voient pas de différence entre un prêtre et un évêque, comme nous l’avons montré dans le livre sur les clercs.
Parmi les catholiques il n’y a que Richard Armachanus qui (livre 11 des Arméniens,  chap 4) qui estime que la confirmation appartient autant aux prêtres qu’aux évêques.  Thomas Waldensis (livre 2, chapitre 114, sur les sacrements) estime que c’est là que Wiclef a puisé son hérésie.  Car, cet Armachanus  fut plus âgé que Wiclef, même s’ils vécurent tous les deux dans le même siècle.  Tous les autres enseignent à l’unanimité que seul l’évêque est le ministre propre de ce sacrement.
Les catholiques se posent une question.  Un prêtre pourrait-il, par une dispense, conférer ce sacrement ?  Car, saint Bonaventure, Durand et Adrien (4, dist, 7) soutiennent que ce sacrement ne peut en aucune façon être confié à un prêtre.   Mais saint Thomas (3 p, question 72, art 11)   et tous ses disciples enseignent le contraire.   Et ce que ces derniers enseignent est de loin le plus vrai.
Car, saint Ambroise (chapitre 4 aux Éphésiens) atteste que, en Égypte, les prêtres confirment en l’absence des évêques, et il ne blâme pas cet usage.  Saint Grégoire (livre 3, épitre 26) permet officiellement aux prêtres de la Sardaigne de confirmer en l’absence des évêques.   Ce passage de saint Grégoire a été corrompu, peut-être par les fauteurs de l’opinion contraire.   Car, il dit qu’il permet que soient oints « ceux qui doivent être baptisés, » alors qu’il devrait dire : «  ceux qui ont été baptisés ». Si on rapproche ce texte de l’épitre 9 (du même livre 3), la corruption apparait manifeste.   En effet, dans l’épitre 26 il dit qu’il permet ce qu’il avait interdit dans l’épitre 9.  Or, il avait interdit là que les prêtres oignent les baptisés sur le front.  Voilà pourquoi Gratien et saint Thomas citent ce texte comme il devrait être, et non comme il apparait dans les livres imprimés.
De plus, le concile d’Orange 1 (canons 1 et 2), de Tolède 1 (canon 20), et Martin Bracarensis (chapitre 52 sur les synodes grecs), celui de Florence (dans son instruction aux Arméniens)  disent tous la même chose.   Enfin, le concile de Trente (session 7, canon 3 sur la confirmation )  parle de « ministre ordinaire », pour laisser entendre que le prêtre peut être la ministre extraordinaire de ce sacrement.  Ce qui nous fait comprendre l’erreur (ou mensonge) de Kemnitius  qui (dans son examen, part 2, page 225) dit que le concile a défini contre saint Thomas et les autres docteurs, et contre saint Grégoire lui-même, que l’évêque est le seul ministre de la confirmation.
Mais, laissons cela de côté, et prouvons la vérité catholique par un témoignage très clair de l’Écriture. Car, dans les Actes V111, Pierre et Jean sont envoyés pour, avec l’imposition des mains,  donner le Saint Esprit à ceux qui avaient été baptisés par le diacre saint Philippe.  Et, aux Actes X1X, saint Paul impose  les mains à ceux que d’autres avaient baptisés.  Il est certain qu’on ne peut imaginer une autre raison pour expliquer le fait que seuls les apôtres imposaient les mains.  Bien plus,  c’est précisément pour cela qu’ils sont venus de la Judée à la Samarie.  C’est donc que ce ministère appartient en propre au premier degré ecclésiastique,  c’est-à-dire  aux évêques.
Wiclef répond à cette vérité que ceux que Philippe avaient baptisés  n’avaient peut-être pas été  légitimement baptisés, et que c’est pour cela qu’ils ont été baptisés de nouveau, pour qu’ils reçoivent le Saint-Esprit.  Mais cette réponse fait pitié.   Car, qui peut croire que, après avoir reçu le Saint-Esprit , le saint diacre  n’ait pas baptisé correctement !  Et, s’ils devaient être rebaptisés, quel besoin y avait-il que des apôtres viennent de Jérusalem pour cela !  Ne  pouvaient-ils pas nommer  par  lettre ou par  messager, quelqu’un capable de les baptiser correctement ? Et s’ils n’avaient pas été validement baptisés, pourquoi les apôtres leur ont-ils imposé les mains, au lieu de leur verser de l’eau ?  Il importe peu  qu’ils aient été baptisés au nom du Seigneur Jésus et non au nom de la Trinité.  Car, comme nous l’avons expliqué plus haut, saint Luc décrit brièvement un rite, en  exprimant le tout par une partie.
Au lieu cité, Calvin répond que ce que les apôtres ont fait  ne peut pas être attribué  à des évêques, et  certainement pas aux évêques seuls.  Car les évêques ne sont pas des apôtres.  Et si, en quelque chose,  ils remplacent les apôtres, les prêtres les remplacent aussi.   Car, autrement on ne dirait pas qu’il est aussi permis aux prêtres de communier sous les deux espèces, mais seulement aux évêques.  En effet, à la dernière cène, seuls les  apôtres ont communié aux deux espèces.
Je réponds que seuls les évêques ont succédé aux apôtres,  en plénitude et en totalité.   Car il faut observer que c’est dans l’autorité apostolique qu’est contenue toute la puissance ecclésiastique. Les apôtres étaient d’abord des chrétiens et des membres de l’Église.  Ils étaient aussi des prêtres,  ainsi que des grands prêtres.  Grands prêtres non d’un seul lieu, mais de toute la terre, car, partout ils pouvaient prêcher, baptiser, ordonner, légiférer, et punir. Mais ce ministère suprême ne fut ordinaire que pour le seul Pierre.  Dans les autres, il fut extraordinaire, et comme délégué.  Voici pourquoi ce pouvoir sur toute la terre ne s’est continué que dans les successeurs de Pierre, non dans les successeurs des autres apôtres.
Les trois autres pouvoirs étaient ordinaires aux autres apôtres.    Tous les chrétiens succèdent aux apôtres en tant qu’ils ont été les premiers chrétiens.   Tous les prêtres succèdent aux apôtres en tant qu’ils ont été les premiers prêtres.  Tous les évêques ont succédé  aux apôtres, en  tant qu’ils ont été les premiers pontifes suprêmes.     Mais, ils sont les seuls à leur succéder pleinement, parce qu’ils leur succèdent dans toute leur autorité ordinaire, dans laquelle seule ils peuvent leur succéder.
Ce que démontrent la pratique et le témoignage des saints.  Car, si quelqu’un demande : qui a succédé à l’apôtre Jacques ? Tous répondent : l’évêque de Jérusalem.  Qui a succédé à l’apôtre Jean ?  L’évêque d’Éphèse.  Voir le concile de Néo Césarée (canon 13), le pape Damase (épitre 4 sur les périscopes), saint Jérôme (épitre à Marcella sur les erreurs de Montan), saint Léon (épitre 88), saint Augustin (psaume 44 sur le verset : « des fils de sont nés à la place des pères. »  Il y a d’autres auteurs qui affirment que les évêques ont succédé aux apôtres.
Mais du diras : d’où savons-nous que les apôtres ont imposé les mains en tant qu’évêques et non en tant que prêtres, ou en tant qu’apôtres, en vertu de leur puissance extraordinaire ?  Non en tant que prêtres.  Car l’Écriture n’a jamais attribué cette fonction à d’autres qu’aux apôtres, alors qu’à des ministres inférieurs ont été attribués d’autres offices, comme ceux de prêcher, et de baptiser. Non en tant qu’apôtres en vertu de leur puissance extraordinaire, parce que (en Hébreux 6) on énumère l’imposition des mains avec les autres rites ordinaires de l’Église. Et parce que, dans l’Église, a toujours demeuré la coutume qui veut que ce soient les évêques qui imposent les mains aux baptisés.
On prouve ensuite la vérité par les témoignages et la tradition de l’Église. Car, les conciles, les papes et les pères cités dans la première controverse, enseignent unanimement que seuls les évêques sont proprement les ministres de ce sacrement. Et cela, ils le prouvent avec le chapitre V111 des Actes des apôtres.
On le prouve aussi par la raison.   Car, la confirmation est un complément et un perfectionnement du baptême.  Il convient donc qu’elle soit donnée par le premier officiant. Il en va ainsi dans les autres choses.   La dernière touche est donnée par l’agent premier.   De plus, la confirmation inscrit un baptisé à la milice du Christ.  Or, enrôler quelqu’un  c’est l’œuvre d’un chef ou d’un général d’armée.
Les arguments de Kemnitius et de Calvin ne sont pas difficiles à résoudre.  Le premier argument de Calvin : faire dépendre les sacrements de la dignité du ministre est une erreur des Donatistes.  Je réponds que si l’on parle de la dignité morale, c’est vrai, mais si l’on parle de la dignité ecclésiastique, c’est très faux.  Autrement, ce serait aussi une erreur des donatistes  que seuls les prêtres administrent le corps du Seigneur, et même le baptême, selon Calvin.
Le second argument. Les prêtres succèdent aux apôtres, comme il appert du sacrement de l’eucharistie, qui n’avait été commis qu’aux seuls apôtres.  Je réponds que, à la dernière cène, les apôtres ont été faits prêtres,  non évêques.  Ce n’est qu’après la résurrection  qu’ils ont été faits évêques, quand il leur a été dit en Jean XX : « Voici que je vous envoie. »  Voilà pourquoi les évêques succèdent, en quelque sorte,  aux apôtres,  mais non en tout, ni absolument et pleinement.
Le troisième argument.  Il est tiré de Timothée 4 : « Ne néglige pas la grâce qui t’a été donnée par l’imposition des mains d’un presbytre. »  Et Ananie  (Actes 1X) a, sans être évêque,  imposé les mains à Saul.  Je réponds à cet argument d’Armachanus que, en cet endroit, saint Paul ne traite pas de la confirmation, mais de l’ordination de Timothée, et que, par le mot presbytre, il faut entendre le chœur des presbytes ou des épiscopes,  comme l’expliquent saint Jean Chrysostome et d’autres.   Car si plusieurs évêques ordonnent un évêque, un seul confirme un baptisé.
Et au sujet d’Ananie, je dis qu’Ananie a imposé les mains à Saul  pour recouvrer la vue, comme nous  le lisons dans le texte.   Voilà pourquoi cette imposition des mains ne fut pas une imposition de confirmation mais de guérison.  Et c’est pour cela qu’elle a été faite avant le baptême, et non après, comme il conviendrait à une confirmation.   Le Saint-Esprit ne descendit pas non plus d’une façon visible,  mais tombèrent de ces yeux comme des écailles.
Mais, répliquent-ils, en imposant les mains,  Ananie a dit : « Salut, frère.   Le Seigneur m’a envoyé pour que tu voies, et que tu sois rempli de l’Esprit Saint. »  Le but de cette imposition des mains fut donc de donner l’Esprit Saint.  Je réponds qu’Ananie  a exprimé en même temps  la fin prochaine et la fin éloignée de sa visite.  La fin prochaine était la guérison de ses yeux, et la fin lointaine la parfaite justification  et l’infusion de l’Esprit-Saint, que Paul a obtenues, un peu après, par le baptême.  Voilà pourquoi est décrite, un peu avant, la vision de Paul qui lui montrait ce qui allait arriver : « Il vit un homme qui entrait chez lui, du nom d’Ananie, et qui lui imposait le mains pour qu’il recouvre la vue. »  Et, au chapitre 22,  où saint Paul raconte cette histoire,   il dit n’avoir reçu d’Ananie que la guérison de la cécité, et ensuite le baptême.   Or, il est fort probable que saint Paul, comme les autres apôtres, aient, sans imposition des mains humaine,  reçu la confirmation immédiatement de Dieu.
Le quatrième argument.   Si c’est de droit divin que seuls les évêques peuvent confirmer, comment le pape Grégoire a-t-il pu concéder aux simples prêtres d’administrer ce sacrement ?  Je réponds que, de droit divin, les évêques sont les seuls ministres ordinaires de ce sacrement.  Il ne s’ensuit pas que, par une concession extraordinaire, cela ne convienne pas aux prêtres. Exemple.  De droit divin, la prédication appartient en propre aux évêques. Et pourtant, avec l’autorisation des évêques, les prêtres prêchent aussi, et même les diacres.
Mais certains auteurs catholiques insistent.  La confirmation convient à l’évêque en vertu de l’ordre, ou en vertu de la juridiction. Si c’est en vertu de l’ordre, le pouvoir de confirmer ne peut être concédé à aucun de ceux qui n’ont pas reçu cet ordre, comme on peut le voir dans des cas semblables.  Aucune dispense, en effet,  ne peut rendre un diacre capable de consacrer l’eucharistie.  Si c’est en vertu de la juridiction,  un évêque non consacré pourrait confirmer, parce qu’il a l’ordre sacerdotal et la juridiction épiscopale.  Je réponds que confirmer est l’acte d’un ordre, et que cet ordre existe aussi dans le prêtre, au moins à l’état d’ébauche ou d’imperfection.
Il faut noter que le caractère épiscopal, qu’il soit différent de celui du prêtre ou simplement plus  grand,  est un pouvoir absolu et parfait et indépendant de conférer le sacrement de confirmation et d’ordre.  Aucun pouvoir supérieur ne peut empêcher un évêque  de conférer vraiment ces sacrements s’il le veut, même s’il pèche en le faisant contre la volonté du pape. Le caractère presbytéral est un pouvoir absolu, parfait, et indépendant relativement aux sacrements de baptême et d’eucharistie.  Mais, relativement au sacrement de confirmation, c’est un pouvoir imparfait qui dépend de la volonté d’un supérieur.  Voilà pourquoi, à moins que son pouvoir ne soit perfectionné par la dispense d’un supérieur, le prêtre, en confirmant, n’opérerait rien.  Mais si son pouvoir est perfectionné, c’est par son pouvoir propre qu’il confirmera.
Ce qui semblera moins étonnant si l’on pense que le caractère n’est pas un pouvoir physique qui opère quelque chose physiquement (car alors, il serait difficile de comprendre comment il pourrait être perfectionné par la dispense d’un supérieur), mais est le signe d’un pacte divin, par lequel Dieu concourt à l’effet sacramentel, en le  produisant avec celui qui a le caractère, et non avec les autres.   Il n’est pas très difficile de comprendre  qu’un de ces caractères est le signe d’un pacte absolu, et que l’autre est le signe d’un pacte conditionnel.
Le cinquième argument est de Kemnitiius au lieu cité.  L’Écriture ignore la différence entre l’évêque et le prêtre.   Je réponds que l’Écriture n’ignore pas cela, mais que c’est Kemnitius qui ignore l’Écriture.  Car en 1 Timothée 1V, quand il est dit : « Les accusations contre les prêtres, ne les reçoit qu’avec deux ou trois témoins. »  Il fait clairement là une distinction aussi grande entre un évêque et les prêtres  qu’entre un chef et ses sujets.  Épiphane et saint Augustin accusèrent les Ariens d’hérésie parce qu’ils niaient cette distinction.
Le sixième argument est du même Kemnitius.  Il dit que saint Jérôme, dans son dialogue contre les lucifériens, enseigne que c’est par respect pour le sacerdoce que seuls les évêques imposent les mains,  et non par obéissance à une loi.  Je réponds que ce texte va dans notre sens.  Car, saint Jérôme ne nie pas qu’il ne soit permis qu’aux évêques de conférer la confirmation.  Il va même plus loin, car il affirme et démontre, par les actes des apôtres, que ce que seuls les  apôtres ont pu faire autrefois, seuls les évêques peuvent le faire, aujourd’hui.  Il donne ensuite la raison pour laquelle Dieu a voulu que ce ministère appartienne en propre aux évêques : c’est ce requérait l’honneur du sacerdoce suprême.  Car, comme saint Paul l’explique encore mieux un peu après,  il est nécessaire que, dans chaque église, il n’y ait qu’un seul évêque,  pour qu’il ‘y en ait pas plusieurs qui soient égaux, de peur que se forment des schismes, si tout n’est pas référé à un seul.
Voilà pourquoi Dieu a voulu que certaines choses soient propres aux évêques, pour que, par leur dignité, ils apparaissent au-dessus des autres.   Le « non en vertu de la nécessité de la loi »  ne se rapporte par à la loi qui régit l’administration de la confirmation, mais à la loi qui porte sur l’obtention du salut.  Car, saint Jérôme veut dire que ce n’est pas une chose absolument  nécessaire au salut que quelqu’un soit confirmé par un évêque. Car, sans une telle confirmation, il peut être sauvé par le seul baptême.  Voilà pourquoi, pour expliquer ce qu’il venait de dire, il ajoute tout de suite après : « Non à cause de la nécessité d’une loi ».  Autrement, ils devraient pleurer ceux qui, sans avoir vu d’évêques,  ont été baptisés dans les chaînes avant leur mort, par des prêtres ou des diacres.
Si cette explication ne plait pas, on pourrait dire aussi que saint Jérôme parle de la loi qui est tirée de la nature d’une chose.  Le sens serait donc  le suivant :  cela est attribué aux seuls évêques non en vertu de la nécessité d’une loi, c’est-à-dire non parce que c’est  ce que requiert nécessairement la nature d’une chose, comme si on ne pourrait pas faire autrement, mais parce que le Seigneur l’a voulu ainsi, pour honorer la dignité épiscopale.
Le septième argument.   Depuis un bon nombre d’années, en Allemagne, aucun évêque  ne confirme, mais leurs suffragants, qui sont des évêques fictifs, ou des larves d’évêques, plutôt que de vrais évêques.  Je réponds que les évêques suffragants ou auxiliaires sont de vrais évêques, parce qu’ils ont et l’ordination et la juridiction, même s’il leur manque la possession d’une église à eux.  Voilà pourquoi,  même si, en dehors de  leur diocèse, ils ne peuvent pas confirmer de leur propre autorité, ils le peuvent, cependant, s’ils sont invités par un autre évêque.
                                       CHAPITRE 13
                      Les cérémonies de la confirmation
Il y a deux cérémonies dans ce sacrement. La première.  Dans la consécration du saint chrême, en la férie 5 (la cène du Seigneur), plusieurs cérémonies sont employées. La deuxième.  D’autres sont employées pendant la confection de ce sacrement.
Ont traité du rite de la consécration tous ceux qui ont écrit sur les divins offices, au chapitre de la férie 5, la cène du Seigneur, comme saint Isidore, Alcuin, Amalaric,  Raban, Rupert, et d’autres.
On fait quatre cérémonies.  Les bénédictions de l’huile et du baume en récitant des prières.  Cela, on ne peut pas le critiquer parce que l’Apôtre (1 Timothée 4) dit qu’faut tout sanctifier par la parole de Dieu et la prière.  C’’est par le signe de croix que se font les bénédictions de l’huile et du baume.  On ne peut pas non plus critiquer cela, car, sans ce signe, rien ne peut être consacré, comme l’attestent tous les pères, mais surtout saint Jean Chrysostome (homélie 25 sur Matthieu, et dans son livre sur la divinité du Christ), et sain Augustin (traité 118 sur saint Jean, et sermon 181, chapitre 3).
 L’évêque exhale une odeur sur l’ampoule du chrême. Vue par les hérétiques, cette cérémonie est ridicule et incantatoire.  C’est du moins ce qu’écrit Kemnitius (à la page 285) et Calvin (livre 4, chapitre 19,  verset 10) écrit que « le chrême est corrompu par une exhalation fétide. »  Mais cette cérémonie est très ancienne.  Plusieurs auteurs en parlent, comme les auteurs cités et Amalaricus.  De plus, elle vient de l’exemple du Seigneur. Car, pour nous montrer cette cérémonie, il souffla (en Jean XX) sur les apôtres pour faire descendre le Saint-Esprit sur eux.  Et quand l’Église veut, pour sanctifier quelque chose, désigner la descente du Saint-Esprit, de quel meilleur signe peut-elle se servir que de celui qu’a utilité le Seigneur  pour désigner la même chose ?
Et si cette cérémonie  est une cérémonie magique, il faudra considérer Jésus comme un sorcier, ce qui serait un blasphème satanique.  Et on ne peut appeler magique une cérémonie que quand ont attend du démon des effets merveilleux.  Car, ces avec les démons que les sorciers ont conclu un pacte.  Nous nous n’attendons aucun effet du diable, mais de Dieu seul.  Et c’est  par des prières, et non par des incantations, que nous le lui demandons.
La quatrième cérémonie est la suivante.  Quand le chrême a été  consacré, il est salué par l’évêque en ces mots : « Salut, saint chrême ! »  Nos adversaires disent que cette cérémonie est de l’idolâtrie. Tinmann Heshusius (dans son livres sur les erreurs des papes, tit 23, numéro 26,  dit : « On ne doit pas adorer le chrême.  Et pourtant, ils  ordonnent qu’on dise ces paroles : « Salut, saint chrême ! »  Kemnitius réprouve aussi cette cérémonie (page 289) et Calvin (au livre 4, chapitre 19, verset 21).
Mais, sans raison qu’ils font un reproche d’idolâtrie,  car adorer est une chose, et saluer est une autre chose.  Autrement, le Seigneur aurait adoré les femmes  (Matthieu, dernier chapitre) quand il leur a dit : « Salut. » On fait un geste de révérence envers le chrême, parce que c’est une chose sacrée, et parce que, en tant qu’instrument de Dieu, il a le pouvoir de sanctifier. Mais, on ne l’adore par comme Dieu.  Car, les Hébreux auraient été des idolâtres quand ils adoraient l’arche de bois du Seigneur.  Et c’est ce que faisaient les prophètes, selon le psaume 98 : « Adorez l’escabeau de ses pieds, parce qu’il est saint. »
Tu diras que c’est une chose ridicule de saluer un être inanimé.  Je réponds que c’est une chose très usitée.   Voici ce que saint Grégoire de Naziance a dit devant 150 pères, quand il abdiqua  l’épiscopat : « Salut cathédrale, temple, psalmodies,  et autres choses semblables ! »  Saint Jérôme, dans son épitre sur  la mort de Paule, rapporte le salut qu’elle a fait à Bethléem, quand elle la vit pour la première fois.  Même un Énée, dans Virgile, (Énéides 7) salua l’Italie,  dès qu’il y pénétra.
Dans la confirmation elle-même, en plus de l’onction, et du signe de croix sur le front, il y a huit autres cérémonies.   Comme dans le baptême, il y a un répondant ou un parrain, qui offre le confirmand à l’évêque.  Cette cérémonie est très antique, comme le prouvent les anciens décrets des pontifes et des conciles, qui sont cités par Gratien (30 quest 1 can si quis, et le canon de his, et question 4, canon si quis ex uno, et sur la consécration  (dist 4, canon , dans le catéchisme).
La deuxième.  Des prières variées sont dites sur les confirmands, et avec imposition des mains.   Le seul rite que les adversaires ne réprouvent pas.  La troisième.  La paix est donnée au confirmé par l’évêque, en signe de l’acceptation de la grâce du Saint Esprit, dont l’effet est la paix.  La quatrième.  L’évêque frappe  légèrement de la main le confirmé pour qu’il comprenne qu’il doit s’armer de patience pour porter la parole du Christ face à l’ignominie.  La cinquième.  Des bandelettes sont attachées sur son front  pour que le chrême ne coule pas facilement, et aussi pour montrer que la grâce reçue, il faut savoir la conserver avec soin, selon Jean 1, 11 : « Que l’onction que vous avez reçue demeure en vous ! »  Dans cette cérémonie, il faut conserver la coutume particulière de chaque église.   En certains endroits, on conserve les bandelettes du front pendant sept jours; en d’autres, trois jours, et en d’autres, on les enlève aussitôt, et le chrême est asséché par les prêtres, pour qu’on n’ait plus besoin de bandelettes.
La sixième.  Pendant sept jours, on ne se lave ni  la tête, ni le front (par 7, chap 6).  Hugo (livre 2, par 7, chap 6  sur les sacrements) se souvient de toute cette cérémonie.  Tertullien (livre sur le baptême) écrit que, depuis le jour du baptême, les chrétiens avaient coutume de se priver de lavage pendant une semaine entière.  Ce qu’ils faisaient pour le chrême plutôt  que  pour le baptême.  Ne recevaient-ils pas ces deux sacrements le même jour ?  La septième. La confirmation était donnée le sabbat de Pâques et de la Pentecôte, parce que le baptême devait être donné en ces jours, comme nous l’avons vu plus haut.
Et comme la plupart du temps, à notre époque, ces deux sacrements ne sont pas  donnés ensemble, louable est la coutume de beaucoup d’évêques qui veut que la confirmation soit conférée aux fêtes de la pentecôte, car c’est à la Pentecôte que la première confirmation a été donnée aux apôtres.  La huitième.  Elle est donnée  et reçue à jeun, comme l’ont décrété des conciles (Gratien, dist 5, canon ut jejuni, et canon ut episcopi. »
À toutes ces choses, Kemnitius ajoute (page 523) :  « On s’étonne que les évêques préfèrent ces cérémonies à l’examen des enfants, à la profession de foi, et à l’exhortation ».  Et il se lamente parce que nous avons rejeté toutes ces choses, et que nous n’acceptons aucun amendement.  Mais ce sont des paroles vaines et oiseuses.   Car, nous ne rejetons aucune de ces choses, mais nous voulons que chaque chose se fasse en son lieu, et à son heure.  Nous ne souffrons pas, en somme, qu’on nous arrache un sacrement institué par le Christ et une cérémonie transmise par les pères, sous le prétexte fallacieux d’un examen d’enfants.
Nous en avons assez dit du sacrement de confirmation.
2019 01 11 FIN
 

Fichier placé sous le régime juridique du copyleft avec seulement l'obligation de mentionner l'auteur de la première édition de cette première traduction en français des Controverses de Saint Robert Bellarmin : JesusMarie.com, France, Paris, 19 mars 2019.