Voici
les questions qui se posent sur le sacrement de l’ordre.La
première.L’ordination des
ministres est-elle un sacrement véritable et proprement dit ? La
deuxième.L’ordination est-elle
le sacrement de quelques ministres seulement, ou de tous ?La
troisième.Quelle est la matière
et la forme de ce sacrement ?La quatrième.Quel
est son effet ? La cinquième.Quel
est le ministre ? La sixième. Par quelles cérémonies
est-elle conférée ? On pourrait aussi rapporter à
ce sacrement des choses qui ont été expliquées par
nous à un autre endroit, comme dans le pouvoir ecclésiastique,
le nombre, la distinction et la fonction de chacun des ordres,le
sacerdoce;des annexes du sacerdoce,
comme la continence, et d’autres choses du même genre.
CHAPITRE
1
L’ordination
est un sacrement de la nouvelle loi,véritable
et proprement dit, nié par les hérétiques
C’est
ce que nie Luther dans son livre sur la captivité de Babylone (au
chapitre de l’ordre), où il en dispute sans ordre et avec arrogance.
Le nie également Illyricus (dans sa confession d’Autuespiensis,
chapitre 11), et Kemnitius(2 par
examen, disputation sur le sacrement de l’ordre, page 1162, et d’autres.Quant
à Calvin, même si la plupart du temps, il n’admet que deux
sacrements, le baptême et la cène,cependant,
au livre 4 des Institutions (chapitre 14, verset 20, chapitre 19, verset
31) il admet que l’ordre est un vrai sacrement.Et
il a précisé que s’il a parlé de deux seuls sacrements,
c’est qu’il parlait des sacrements qui sont communs aux fidèles.Philippe
Melanchton, même si dans ses premières éditions des
lieux, il ne parlait que de deux sacrements, il veut, dans les éditions
de 36 et 52, que l’ordre soit un vrai sacrement;et
il le prouve longuement.Même
chose dans sonapologie de la confession
d’Agusta, à l’article 13, qui porte sur le nombre de sacrements.Il
enseigne assez ouvertement que l’ordination des ministres est un sacrement
proprement dit.
Ne
vaut pas la réponse de Kemnitius (page 1167), où il dit,
dans l’apologie, qu’il est question d’un sacrement au sens large. Cette
explication, dis-je, ne vaut pas, car Philippe enseignequ’aux
sacrements proprement dits, sont requises trois choses : le rite, la promesse
de grâce, et le mandat divin. Et c’est à partir de cela que
le baptême, l’eucharistie et l’absolution sont déclarés
par lui des sacrements proprement dits.Ensuite,
pour les mêmes raisons, il rejette la confirmation et l’extrême
onction, et un peu après, le mariage.Au
sujet de l’ordre, il distingue : il ne l’accepte pas s’il est employépour
désignerle sacerdoce, car
il nie que dans l’église il existe un sacerdoce.Mais
si le mot se rapporte à l’ordination, il ne voit pas de difficulté
à la considérer comme un sacrement, car, dit-il, elle a un
rite, un mandat et une promesse.Donc,
même s’il n’ose pas le reconnaitreouvertement,
Kemnitius diffère de Calvin et des principaux luthériens.Il
s’adjointIllyricus, d’autres plus
obscurs, et d’autres luthériens.
CHAPITRE
2
On
démontre par les lettres divines que l’ordreest
un sacrement
Que
l’ordre est un sacrement véritable et proprement dit, on le démontre
par l’Écriture.Trois choses
sont requises pour un sacrement proprement dit, comme les adversaires le
reconnaissent, et Kemnitius (dans l’apologie de la confession, art 13.)
Il faut un symbole externe ou un rite, une promesse de grâce, un
mandat ou une institution divine. On trouve ces trois choses dans le sacrement
de l’ordre.Le rite ou le symbole
externe est l’imposition des mains. L’Écriture en fait souvent mention,
comme les Actes 6,où des diacres
sont ordonnés par l’imposition des mains.Comme
Actes 13, où par l’imposition des mains, Paul et Barnabée
sont ordonnés évêques.Car
c’est ainsi que saint Léon comprend ce passage (dans son épitre
81 à Dioscore), et saint Jean Chrysostome (dans son commentaire
de ce texte). Voici ce qu’il écrit : « Quand ils les ont institués
presbytes » .En grec nous
avons : keirotonèsantes, c’est-à-dire quand ils les créèrent
presbytes par l’imposition des mains.1
Timothée 4 : « Avec l’imposition des mains d’un presbyte.
» Et, au chapitre 5 : « Tu n’imposerasles
mainstrop vite à personne.
» Tous ces textes parlent de l’ordre par imposition des mains.Voilà
pourquoi, chez les Grecs, on a coutume d’appeler l’ordinationkeirotonia,
c’est-à-dire extension ou imposition des mains.
La
promesse de la grâce, nous l’avons expressément dans 1 Timothée
4 : « Ne néglige pas la grâce etc. »Et
11 Timothée 1 : « Je t’enjoins de ressusciter la grâce
etc. »La mandat et l’institution.Actes
13 : « Mettez- moi à part Paul et Barnabée »ActesXX
: « Dans lequel l’Esprit Saint vous a placés évêques.
»Éphésiens 1V
: « C’est lui-même qui a donnédes
apôtres, des prophètes, des pasteurs, des docteurs. »
Kemnitius
répond, au lieu cité, que ces choses n’ont rien à
avoir avec notre sujet.Car, ce symbole
externe, l’imposition des mains, était utilisée dans l’ordination,mais
n’était rien d’autre qu’une cérémonie dont se servaient
les apôtres, quand ils priaient sur quelqu’un, ou recommandaient
quelqu’unà Dieu.Ils
imposaient donc les mains à ceux qui étaient ordonnés,
non pour leur communiquer un sacrement quelconque, mais pour les recommander
à Dieu.Il y a une promesse
de grâce, il est vrai, dans l’Écriture, mais non une promesse
de grâce justifiante du péché. Or, cette grâce
est nécessaire à un sacrement proprement dit.Au
sujet du mandat divin.IL y en a
un pour ordonner des ministres, mais non pour les ordonner avec tel ou
tel rite.Car, quand le Seigneur
ordonna les apôtres (Luc XX11), on ne lit pas qu’il les ait ordonnés
avec une cérémonie quelconque.Ensuite,
en Jean 20, il leur a donné de nouveau le pouvoir ecclésiastique,
en disant : « Ceux dont vous remettrez les péchés etc.
»Il ne leur a cependant pas
imposé les mains, il ne les a pas oints, ni ne leur donna aucune
instrument de consécration.Il
a soufflé sur eux, ce que nous faisons nous aussi.Les
apôtres ne rapportent jamais qu’ils ont reçu le mandat d’imposer
les mainspour ordonner des ministres.
Je
réponds que, en ce qui a trait à l’imposition des mains,
qu’elle a été utilisée non seulement pour prier, mais
pour ordonner.On le prouve cela en
rappelant que l’Écriture ne parle pas de prière dans 1 Tim
1V et V,et dans 2 Tim1,
où il est question d’imposition des mains.Deuxièmement.Dans
les Actes, chapitre 6, où des diacres sont ordonnés par des
apôtres, on distingue clairement la prière de l’imposition
des mains.Car, voici ce que nous
lisions en grec : kai proseuxamenoi epetèkanautois
tas keiras.C’est-à-dire :
et quand ils prièrent, ils imposèrent les mains.Et
de nouveau , au chapitre 13, il distingue une cérémonie d’une
autre : « jeûnant et priant, et après leur avoir imposé
les mains, ils les renvoyèrent. »
Troisièmement.Dans1
Timothée 5, on ne peut pas appliquer à une prière
ou à une cérémonie par laquelle serait ordonnés
les ministres les paroles suivantes : « N’impose pas les mains trop
tôtà quelqu’un, pour
ne pas communier dans les péchés d’autrui. »Car,
celui qui prie pour un autre, même indignement, ne communie pas dans
les péchés d’autrui.Mais,
celui qui ordonne un indigne, communie dans ses péchés.Quatrièmement.Les
paroles des Actes 14 keirotonèsantes presbuterous, ne peuvent en
aucune façon s’entendre d’une prière.Il
importe peu que nos adversaires ne veuillent pas que keirotoneinsignifie
imposer les mains, mais plutôt étendre les mains, ou les élever
pour voter.
Cela,
dis-je, importe peu, car, dans l’Écriture, et dans l’usage ecclésiastique,
keirotonein signifie étendre les mainssur
les têtes des ordonnés, et ordonner de cette façon.De
façon à ce que soient la même chose keirotonia et keirothèsia.C’est
ce qu’on voit dans saint Jean Chrysostome dans son homélie 10 sur
la première à Timothée, dans la lettre du concile
de Nicée aux Alexandrins (d’après Theodoret,livre
1, chapitre 9 de son histoire), et dans d’autres grecs qui appellent keirotonianl’ordination
faite par un évêque.Et
pourtant, les évêques n’ordonnent pas en élevant la
main pout indiquer leur accord ou leur suffrage, mais en étendant
leurs mains sur les têtes des ordonnés.
On
tire la même choseaussi du
passage des Actes 14,car saint Luc
ne dit pas que les apôtres ont institué des presbytes pour
la keirotonian du peuple, comme il devrait dire s’il pensait comme les
adversaires, mais il dit que les apôtres se sont servis de keirotonia,
c’est-à-dire de l’extension des mains, seulementpour
instituer des presbytes.Ensuite
saint Jérôme qui était versé dans l’une et l’autre
langue (le grec et le latin), traduit(Isaïe
58)keirotonian par imposition des
mains, qui, avec l’imprécation orale, parfait l’ordination.De
plus, même s’il était attesté qu’une prière
était toujours jointe à une imposition des mains, Kemnitius
n’aurait rien à y gagner, car nous dirions alors que les paroles
de cette prière sont des paroles sacramentelles.Voilà
pourquoi les anciens les appellent des paroles mystiques.
Quand
à la promessed’une grâce
de rémission des péchés, je réponds que Kemnitiius
veut que tous lessacrements soient
institués pour remettre les péchés, ou qu’il suffise
qu’elle confère une grâce qui rend reconnaissant, qu’elle
soit efficace pour effacer le péché,si
elle en trouve un, même si par elle-même, elle est ordonnée
à d’autre chose.S’il affirme
la première chose, il ne pourra pas prouver que l’eucharistie est
un vrai sacrement, car il est certain que l’eucharistie n’a pas été
instituée d’abord et avant tout pour effacer le péché,
mais pour conserver la vie spirituelle,et
pour l’augmenter.Onen
a la preuve du fait qu’elle est donnée immédiatement après
le baptême, donc, à des gens qui n’ont plus de péchés.De
plus, elle n’est donnée qu’à ceux qui sont purs de tout péché,
comme le dit saint Paul(1 Corinthiens
2) : « Que chacun s’éprouve lui-même, et qu’ainsi il
mange de ce pain. »
S’il
affirme la seconde, nous montrerons facilement que l’ordre est un vrai
sacrement.Car, la grâce qui
lui aété promise, n’est
pas un don donné gratuitement, comme le don de prophétiesou
des langues, mais une grâce justifiante.Car,
d’abord, quand le Seigneur (en Jean 20) accorda à ses apôtres
le pouvoir de remettre les péchés, qui est une partie du
sacerdoce, il a dit : « Recevez l’Esprit Saint. »Car,
dans l’Écriture n’est pas appelé Esprit Saint ce don que
les impies peuvent posséder.De
plus, en 2 Timothée 1, où l’apôtrea
dit qu’une grâce avait été donnée à Timothée
par l’imposition des mains, il explique ensuite en quoi consiste cette
grâce :« Dieu ne nous
a pas donné à nous, les évêques, un esprit de
crainte, mais de vertu, d’amour et de sobriété. »
En
ce qui a trait au mandat ou à l’institution divine, nous ne lisons
pas, il est vrai, que le Christ ait dit : ordonnez des ministres au moyen
de l’imposition des mains, mais nous le déduisons clairement des
saintes lettres.Car, comme nous avons
dit des autres sacrements, personne ne peut annexer une grâceà
un signe.Ce que nos adversaires
concèdent aussi.Or, selon
l’Écriture, l’imposition des mains est lié à une grâce,
comme nous l’indiquent ces paroles de Saint Paul à saint Timothée
(1 Timothée 4): «Ne néglige pas la grâce qui
t’a été donnée selon(par)la
prophétie, par l’imposition des mains du presbyte. »Et
le selon (par) la prophétie, n’est pas un instrument ou une cause
efficiente,car l’instrument de communication
de la grâce est l’imposition des mains. Car, le sens est, comme Calvin
l’expose correctement : ne néglige pas la grâce qui t’a été
donnée quand tu as été ordonné par moi, évêque,selon
la révélation qui m’avait été faite de toi
(Car Dieu avait fait une révélation à Paul, et lui
avaitprescrit d’ordonner Timothée,
selon des prophéties antérieures).
Que
l’imposition des mains serve d’instrument de communication de la grâce,
nous l’avons plus clairement en 2, Tim 1 : « Je t’admoneste de ressusciter
la grâce qui est en toi par l’imposition de mesmains
»Donc, commela
grâce est liée à l’ordination par l’imposition des
mains, il est nécessaire que Dieu soit l’auteur et l’instituteur
de cette cérémonie.Et
les arguments contraires de Kemnitius ne concluent pas.Car
le Seigneur qui n’était pas lié par des sacrements, pouvait
donner aux apôtres l’effet du sacrementsans
le sacrement, c’est-à-dire ordonner des prêtres et des évêques
sans imposition de mains.Comme il
a confirmé les apôtressans
sacrement, et absout sainte Marie Madeleine sans sacrement.
J’ajoute
que nous ne sommes pas forcés de croire que le Seigneur ait conféré
l’ordination à ses apôtres sans imposition de mains.Car,
même s’il n’est pas écrit que le Seigneur a ordonné
ses disciples par l’imposition des mains, le contraire n’est par écrit,
non plus.Et le Seigneur a fait bien
des choses qui ne sont pas écrites.
CHAPITRE
3
On
prouve par la tradition que l’ordre est un sacrement.
Dans
son livre sur la captivité de Babylone, au chapitre sur l’ordre,
Luther affirme que Denys est le seul parmi les anciens que l’on puisse
citerpour le sacrement de l’ordre
et les autres sacrements, à l’exception du baptême et de l’eucharistie.Voici
ce qu’il dit : « Je sais qu’il est le seul auteur, parmi les anciens,
à parler de sept sacrements, bien qu’après avoir omis le
sacrement du mariage, il ne nous en ait donné que six.Dans
les autres pères, nous ne lisons rien sur ce sacrement. Et à
toutes les fois qu’ils ont parlé de ces choses, ils ne leur ont
pas donné le nom de sacrements, car, récente est l’invention
des sacrements. »Voilà
donc les paroles de Luther, dans lesquellesil
y a plusieurs mensonges.Car, n’est
même pas vrai ce qu’il affirme contre lui, à savoirquesaint
Denys énumère six sacrements, car il n’en nomme que quatre.Il
n’écrit rien, en effet, sur la pénitence,l’extrême
onction et le mariage.Il ment ensuite
impudemment quand il prétend que l’invention des sacrements est
récente.Car, quant au mot
sacrement, comme nous l’avons montré dans le premier livre, tous
les anciens auteurs latins se sont servis de ce mot.Ensuite,
quand il dit que, dans l’antiquité, il n’y avait aucune loi sur
ces sacrements, il commet un mensonge digne de Luther.
Car,
parmi les souverains pontifes, Innocent 1 (dans sa lettre 18 à Alexandre,
évêque d’Antioche, dernier chapitre) compare l’ordre avec
le baptême.Il dit que celui
qui est baptisé par un hérétique est reçu avec
son baptême, tandis que celui qui est ordonné par un hérétique
n’est pas reçu avec son ordre.Et
il en donne la raison suivante : parce que les hérétiques
ne peuvent donner que le baptême.Et,
en le comparant avec un sacrement proprement dit, « il dit qu’il
range l’ordre parmi les sacrements proprement dits ».Où
il faut noter qu’Innocent ne veut pas que soit ordonné de nouveau
celui que les hérétiques ont ordonné, mais qu’il doit
cesser d’exercer le ministère,comme
s’il n’avait pas été ordonné.Léon
1 (épitre 81 à Dioscore d’Alexandrie, chapitre 1), donne
le nom de sacrement à l’ordre, et ordonne qu’il soit donné
et reçu à jeun, et seulement le samedi soir,et
cela, avec la plus grande dévotion.Il
indique clairement que, dans ce sacrement, une grâce est conférée.Et,
dans l’épitre 87 (aux évêques de Mauritanie, chapitre
1, sur l’ordre) : « Qui oserait dissimuler que ce serait infliger
une injure à si grand sacrement ? »N’entendez-vous
pas ici le mot sacrement ?
Anastase
2 (dans l’épitre à Anastase l’empereur, chapitre 7 ) : «
Aucun de ceux qu’Acace a ou baptisé ouordonné
prêtre ou lévite, selon les canons,n’est
lésé par le nom d’Acace, si ce n’est que la grâce du
sacrement, transmise par un inique,est
peut-être moins forte. »Ici,
le pape parle de l’ordre,et dit
qu’il est un sacrement, qu’il confère la grâce, et il le compare
avec le baptême.Et il répète
la même chose au chapitre 8.Ensuite,
saint Grégoire 1 (livre 4, chapitre 5, commentaire sur les livres
des rois), dit, au début, en parlant du sacrement de l’ordre : «
Celui qui est promu est oint dehors de la bonnefaçon,
s’il est fortifié à l’intérieur par la vertu du sacrement.
»Il emploie le mot sacrement,
et il dit que « l’ordre confère une grâce ».
Les
conciles.Celui de Calcédoine(canon
2) condamne ceux qui reçoivent de l’argent pour une ordination.
Et il donne pour raison que c’est comme vendre la grâce de Dieu,
chose que personne ne peut ou ne doit faire.On
litla même chose les conciles
de Bracarensis 2 (canons 3 et les autres),dans
celui de Florence« où
les grecs et les latins ont approuvé que l’ordre fait partie des
sacrements proprement dits ». Et c’est ce qu’a dit aussi le concile
de Trente (session 23, chapitre 2, canon 3).
Parmi
les pères, se présente d’abord Denys l’aréopagite
(livre sur la hiérarchie ecclésiastique, chapitre 5, sur
le rite des ordinations).Il montre
suffisamment que par ce sacrement une grâce est donnée, et
que c’est donc un sacrement.C’est
ce que reconnait aussi Luther, car, dans son livre sur la captivité
de Babylone, chapitre sur l’ordre,il
ne cite que Denys contre sa nouveauté, et ne répond pas autrement
qu’en méprisant l’auteur, à son accoutumée.Car,
il dit qu’il n’y a chez lui, aucune érudition solide, et il ajoute
qu’il lui serait facile d’écrire une meilleure hiérarchie
que celle qu’il a composée.
Nous
opposons, nous, à Luther saint Grégoire qui (dans son homélie
34 sur les évangiles) loue ce Denys comme un auteur ancien et vénérable.Nous
lisons dans Sozomène (livre 7, chapitre 6 de son histoire),la
sentence d’un martyr à Nectar, évêque de Constantinople,où
il compare ouvertementle sacerdoce
au baptême,et dit que «
l’un et l’autre justifient les hommes » : « Toi, o bienheureux,
qui as été récemment baptisé et purifié,
et qui as été en plus agrandipar
le sacerdoce, c’est Dieu qui les a institués tous les deux pour
expier les péchés. »Saint
Jean Chrysostome(livre 3 sur le sacerdoce)
: « Le sacerdoce, dit-il, agit sur la terre, mais il faut référer
l’ordre à la classe des choses célestes. Et cela, par
quoi le mérité-je ?Car,
ce n’est pas n’importe lequel mortel, ni un ange, ni un archange,aucune
puissance créée, mais le Paraclet lui-même qui a conçu
l’ordre. »Et plus bas : «
Il comprendra alors de quel honneur, de quelle dignité, de quelle
grâce du Saint-Esprit le sacerdoce est digne. »
Tharasius
(dans son épitre au pape Adrien, que l’on trouve dans le premier
tome de la bibliothèque des saints pères), dit que «
ceux qui reçoivent de l’argent pour une ordination, vendent la grâce
et le Saint-Esprit lui-même qui est donné dans l’ordination
».Theodoret commentantle
verset de 1 Timothée 5 « tu n’imposeras pas trop tôt
les mains à personne »,et
Oecumenius, commentant 2 Timothée 1 : « je t’admoneste d’exciter
la grâce »,disent ouvertement
tous les deuxque, dans l’ordination,
est conférée la grâce de l’Esprit- Saint qui doit être
entretenuepar la ferveur et la prière,comme
l’huile l’est par le feu. »Saint
Cyprien, ou quiconque fut l’auteur des oeuvres cardinales du Christ,appelle
sacrement l’ordination, et le compare au baptême : « On nous
enseigne ce qu’est la stabilité du baptême et des autres sacrements.
»Et plus bas : « Les
règles ecclésiastiques prohibent la répétition
du baptême.Et que le consécrateurn’ose
pas imposer de nouveau les mainsà
ceux qui ont été sanctifiés une fois.Que
personne ne renouvelle les ordres sacrés, une fois donnés.
»
Saint
Ambroise (livre sur la dignité sacerdotale, chapitre 5) : «
L’homme impose les mains, Dieu prodigue la grâce; le prêtre
impose une droite suppliante,Dieu
bénit avec une main puissante. »Voir
le même dansdans 1 Corienthiens
12, sur le verset : il y a des divisions de grâces, et dans 1 Timothée
2.Saint Jérôme (dans
son dialogue contre les lucifériens) , dans presque tout le livre,
compare l’ordre avec le baptême, et prouve qu’une ordination donnée
par un hérétique est valide, parce qu’un baptême donné
par lui est valide : « Si, en baptisant dans sa foi, il n’a pas pu
nuire au baptisé,il n’a pas
pollué non plus un prêtre en l’instituant dans sa foi. »Argumentant
avec un raisonnement semblable,saint
Augustin prouve, contre les donatistes, qu’on ne peutpas
perdre le sacrement de l’ordre une fois qu’il a été reçu.
Il pense de la même manière dans son livre 2 contre Parmenianus,
chapitre 13 : « C’est à eux à expliquer comment un
baptisé ne peut pas perdre le sacrement de baptême, et comment
quelqu’un qui a été ordonné peut perdre le sacrement.
Si l’un et l’autre sont des sacrements,douter
que l’un peut être perdu et que l’autre ne le peut pas, c’est faire
injure à l’un et l’autre de ces sacrements ».Dans
le livre 1 sur le baptême, chapitre 1, il dit la même chose.
Voici
les remarques qu’on peut faire sur ces textes.Premièrement,
contrairement au mensonge de Luther ci-haut cité,dans
les deux chapitres, saintAugustin
appelle l’ordre sacrement une dizaine de fois.Deuxièmement,
saint Augustin compare l’ordre avec le baptême, et dit clairement
que l’un et l’autre sont des sacrements de la même manière.Troisièmement,
contrairement au mensonge de Luther,Saint
Augustin affirme qu’il n’y a personne qui doute de cette vérité.Donc,
si saint Augustin ne ment pas, tous les auteurs de ce temps et même
tous les peuples chrétiens croyaient ce que nous croyons aujourd’hui.Lire
aussi la même épitre de saintAugustin
près de la fin, celle sur le bien conjugal,et
son sermon sur son dialogue avec Emeritus, et enfin sont livre 2 contre
Parmenianus, chapitre 11, où il dit que « par ce sacrement
est donné le Saint Es-rit. » D’où nous déduisonsque
la cérémonie aussi est un sacrement proprement dit.À
ceux-là s’ajoutent les scolastiques à la suite de leur maître
(livre 4 dist 21,), dont saint Thomas (question 1, article 1) qui affirme
que « l’ordre est un des sept sacrements proprement dits, et que
cette sentence est commune à tous ».
CHAPITRE
4
On
prouve la même chose par la raison
Quand
le Dieu dont sont parfaites les œuvres(Deutéronome
22) donne à quelqu’un un pouvoir, il lui donne aussi tout ce qui
est légitimement requis pour l’exercer.Nous
le voyons cela dans les choses naturelles, auxquelles Dieu n’a pas seulement
donné des pouvoirs opératifs, mais aussi certaines qualités
ou certains instruments, dont elles se servent adroitement et correctement.
Or, par l’ordination sacrée, est donné à l’homme le
pouvoir de conférer et d’administrer les sacrements, choses qu’un
pécheur ne peut certes pas exercer dignement.Avec
ce pouvoir, Dieu donnera doncen
même temps la grâce justifiante qui perfectionne l’âme,
pour que le ministre s’acquitte dignement de ce ministère.De
plus, si, dans le baptême oùest
donné le pouvoir de recevoir l’eucharistie et les autres sacrements,
est donné aussi,avec ce pouvoir,
la grâce qui fait un reconnaissant,--puisque
ce n’est pas un plus petit péché de donner indignement le
sacrement que le recevoir indignement--,le
sacrement sera donc un sacrement proprement dit, car, toute cérémonie
instituée pour sanctifier est un sacrement proprement dit.
CHAPITRE
5
L’ordination
épiscopale est un sacrement
Vient
ensuite la deuxième question : quels ordres sont des sacrements
?Dansle
livre 1 des clercs, nous avons démontréqu’il
y a sept ordres : l’ordre des prêtres,des
diacres, des sous-diacres,des acolytes,
des exorcistes, des lecteurs et des portiers.L’ordre
du sacerdoce est double, car il y a les prêtres majeurs (les évêques)
et les mineurs (les prêtres).Tous
les catholiques sont d’accord que l’ordre des prêtres est un vrai
sacrement;mais ils ne s’entendent
pas toussur les autres.Au
sujet de tous les sacrements, je dirai ce qui semble le plus vrai et le
plus probable.
D’abord,
l’ordination épiscopale est un sacrement véritable et proprement
dit.Même si cette sentence
est niée par certains anciens scolastiques (4 dist 24) et par certains
récents, comme Dominique a Soto, (livre 10 sur la justice et le
droit, quest 1 art 2,et dans 4 dist
24, quest 2, art 3), cependant, elle est affirmée par tous les anciens
pères.Et par des plus récents,
commePierre Soto, (leçon
4 sur le sacrement de l’ordre, dans institution du sacerdoce), etCajetan
(tome 1, opuscules 11) et par certains anciens scolastiques , comme Altisiodorens
partie 4 de la somme théologique,Jean
Major,Scot, Durand,Paludanus(4
dist 21), bien que Durand veuille que l’épiscopat soit le même
sacrement que celui de la prêtrise.Ensuite,
par presque tous les canonistes (chapitre clercs, dist 21, dans le chapitre
perlectis, dist 25.)
Il
me semble à moi que cette assertion est très certaine.D’abord,parce
que les textes de l’Écriture avec lesquels les catholiques prouvent
que l’ordination est un sacrement (1 Timothée 4, 2 Timothée
1) se rapportentà l’ordination
épiscopale.Car, c’est dans
ces seuls textes qu’est placé un symbole externepar
la promesse d’une grâce.Dans
ces passages, en effet, il s’agit de l’ordination de Timothée qui
fut créé évêque par saint Paul,comme
l’enseignent tous les commentateurs.Pour
une raison semblable,dans Actes 13,
il s’agit de l’ordination épiscopale de saint Paul et de Barnabée.Or,
si l’ordination épiscopale n’est pas un sacrement,nous
ne pourrons pas prouver avec les Écritures que l’ordre est un sacrement.Deuxièmement.Les
témoignages allégués, ceux de saint Léon, de
saint Grégoire,de saint Denys,
de saint Cyprien, de saint Jean Chrysostome, de saint Ambroise, de saint
Jérôme, de saint Augustin et de Theodoret ne portent que sur
les seuls évêques.Car,
par le nom de sacerdoce, les anciens entendaient épiscopat.C’est
à partir de ces textes que saint Ambroise écrivit sur la
dignité sacerdotale, et saint Jean Chrysostome, sur le sacerdoce,l’un
et l’autre ne parlant que des évêques. Si l’ordination épiscopale
n’est pas un sacrement,il faudralaisser
tomber les témoignages des pères qui portentsur
la controverse principale.
Troisièmement,l’ordination
épiscopale est une cérémoniequi
imprime un caractère spirituel, et qui confère une grâce.
Elle est donc un vrai sacrement.On
prouve l’antécédent,et
d’abord le caractère, par le fait que l’ordination épiscopale
ne peut pas être répétée.Et
de plus, l’évêque peut conférer deux sacrements, la
confirmation et les ordres, sacrements qu’aucun prêtre inférieur
ne peut conférer.Et s’ils
essaient de le faire, ils ne produiront rien.L’évêque
a donc, de pas son ordination,un
pouvoir spirituel, et donc aussi,un
nouveau caractère.Ils diront
qu’on n’a pas besoin d’un nouveau caractère,mais
qu’il suffit que le pouvoir sacerdotal soit élargi.Ou
ils veulent réellementétendre
ce pouvoir,ou l’étendre seulement
dans sa signification.Car, dans l’évêque,
le caractère est le signe de plusieurs pouvoirs,et
dans le prêtre, de moins de pouvoirs. S’ils veulent vraiment l’étendre,
notre argument aura la même force, car la même efficience est
requisepour étendre réellement
un caractère que pour enimprimer
un nouveau.Donc, la cérémonie
qui a un effet spirituel et surnaturel, c’est-à-dire une extension
réelle du caractère,est
donc forcémentun sacrement.
S’ils
ne veulent l’étendre que dans sa signification, on n’aura pas de
difficulté à les traverser.Car,
bien que le caractère n’agisse pas par lui-même, mais soit
seulement un signe d’un pacte de Dieu avec l’homme portant sur le concours
divindans ces actions sacramentelles,cependant,
ce signe est une réalité.Et
donc, comme là où se trouveun
pouvoir spirituel nous en déduisons que se trouve dans l’âme
un caractère réel, de la même façon, là
où se trouve l’addition d’un nouveau pouvoir, il faut en déduire
aussi une réelle additionde
caractère, ou un nouveau caractère, ce qui est plus probable.
De
plus, sont séparés par une grande distance,le
pouvoir de confirmer etde consacrer
l’eucharistie, d’une part,et celui
de lire l’évangile et l’épitre dans le sacrifice, d’autre
part.C’est à cause de ces
choses que nos adversaires voient dansle
diaconat et le sous-diaconatdeux
caractères différents, sans prétendre que l’un soitétendu.Pourquoi
doncveulent-ils que ce soit uniquement
dans l’évêque et le prêtrequ’ily
en ait deux ?Que la consécration
épiscopale confère une grâce, on le prouve par un argument
convaincant.Les théologiens
démontrentqu’une grâce
est donnée dans l’ordination presbytérale, parce que le presbyte
doit administrer certains sacrements qui, sans la grâce, ne peuvent
pas êtredignement administrés.L’évêque
doit, lui aussi, administrer quelques sacrements, la confirmation et l’ordre,qui
ne peuvent pas, eux non plus,être
administrés sans la grâce.
Il
est donc étonnantque quelques-uns
veuillentque, pour l’office du diacre
et du sous-diacre,soit requise une
nouvelle grâce, et que, donc, ces ordinations soient des sacrements;mais
ne veuillent pas que soit requise une grâce pour l’office d’évêquequi
est, sans comparaison, plus difficile et plus excellent.On
confirme cette raison de deux façons.La
première.Avec le rite lui-même
de la consécration d’un évêque.Car,
dans aucune ordination a-t-on recours à une solennité aussi
grande que celle de l’ordination d’un évêque.Il
y a là l’imposition des mains,l’onction,
et plusieurs autres choses.Il n’est
pas crédible que tant de cérémonies sacramentelles
aient été instituées pource
qui n’est pas un sacrement.
Deuxièmement.
Si l’épiscopat est un sacrement distinct du presbytérat,
il sera facile de prouver qu’un évêque est, de droit divin,
plus grand qu’un prêtre, tant par l’ordre que par la juridiction,
ce que tous les hérétiques nient.Ne
nous convainquent pas les objections qu’on a coutume de nous opposer.La
première.« L’épiscopat
n’est pas un ordre nouveau, autrement il n’y aurait pas sept,mais
huit sacrements.Et s’il n’est pas
un nouvel ordre, il n’est certes pas non plus un nouveau sacrement, car
s’il était un sacrement, il serait le sacrement de l’ordre. »
Je
réponds que l’épiscopat forme un seul ordre avec le presbytérat,
mais avec des degrés divers.Car,
les ordres sont tels par le lien qu’ils ont avec l’eucharistie.Et
parce que le pouvoir suprême s’exerce surl’eucharistie,le
premier ordre est l’ordre sacerdotal,l’ordre
de ceux qui peuvent consacrer l’eucharistie.Et
on ne peut pas imaginer un ordre au-dessus de lui, qui lui soit plus grand
ou supérieur.Mais parce que
les presbytes et les évêques participent dà ce pouvoir
d’une façon différente,il
y a donc, dans le sacerdoce,deux
degrés.En consacrant l’eucharistie,
les prêtres dépendent des évêques,qui
peuvent leur interdire de consacrer, les suspendre pour un temps,ou
leur prescrirede célébrer
à tel endroit, de telle façon, en tel temps.Et
de plus, les prêtres ne possèdent pas ce pouvoir de façon
à pouvoirle communiquer à
d’autres, tandis que les évêques ont ce pouvoir, et peuvent
le communiquer à d’autres.
Tu
diras que cela ne semble pas être vrai,car,sa
consécration à l’épiscopat n’octroie pas àl’évêquele
pouvoir de consacrer l’hostie, mais seulement de confirmer et d’ordonner.Il
n’est donc pas dans le même genre quele
prêtre, car c’est quelque chose de tout à fait autre.Je
réponds que l’épiscopat inclut dans sa nature le sacerdoce,
si on parle du pouvoir d’ordre, dont il est uniquement question ici.Car,
on ne peut pas concevoir un évêque qui ne soit pas prêtre,
à part le prêtre premier et suprême.Comme
la papauté inclutintrinsèquement
et essentiellementl’épiscopat,
même si elley ajoute plusieurs
choses.Il s’ensuitque
l’ordination épiscopaleest
le produitd’une double ordination,et
que le caractère épiscopal intègre et parfaitn’est
pas une simple qualité, mais un composé d’un double caractère.Voilà
pourquoi deuxsacrements sont requis
pour constituer un évêque.
Je
réponds donc à l’argumentque
ce n’est pas de sa dernière ordination que l’évêque
a de quoi consacrer l’eucharistie, mais de sa précédente,
qui est quand même de l’essence de l’épiscopat.Commel’homme
n’a pas de la différence spécifique d’être sensible,
il l’a cependant de son genre, donc de sa nature, qui est constituée
d’un genre et d’une différence.Et
c’est ainsi qu’on réfute tous les argumentsque
Scot et les autres multiplient.Voici
donc leur argument : « Si l’épiscopat était un sacrement,
il s’ensuivrait qu’on pourrait ordonner évêque quelqu’un qui
n’est pas prêtre;et cet évêque
pourrait consacrer l’eucharistie. »Ils
le prouvent d’abord en remarquant qu’un ordre ne dépend pas d’un
autre ordre.Car,si
on ordonnait prêtre quelqu’un qui n’était pas diacre,l’ordination
serait valide.Ensuite,ils
le prouvent en affirmant qu’un un ordre inférieur est toujours contenu
dans le supérieur, du moins virtuellement. Car,un
prêtre pourrait remplir la fonction d’un diacre, même s’il
n’était pas diacre.
Je
réponds qu’on ne peut pas tirer ces conséquences.Car,
il est impossible d’ordonner un évêque qui n’était
pas prêtre avant, ou qui ne reçoit pas en même temps
l’un et l’autre, car, comme je l’ai dit, l’un et l’autre sontde
l’essence de l’épiscopat.Et
il n’est pas vrai qu’un ordre ne dépend pas d’un autre, si ce n’est
dans ceux dontl’un n’est pas de l’essence
de l’autre. Et ne vaut pas la comparaison entre le prêtre et l’évêqueparce
que le presbytérat n’inclut pas essentiellement le diaconat, comme
l’épiscopat inclut le presbytérat.Pour
une raison semblable, il ne s’ensuit pas qu’un évêque non
prêtre puisseconsacrer l’eucharistie.Car,
sans le presbytérat, l’épiscopat n’est pas un ordre supérieur.Je
dirais plus :il est n’est rien dans
la réalité, une pure fiction .Comme
un archevêque qui n’est pas évêque, ou un être
raisonnable qui n’est pas un animal.
Le
troisième argument.Si l’ordination
sacramentelle est un sacrement, elle imprimeun
caractère.Ou bien, le caractèreépiscopal
est plus grand que le caractère presbytéral,ou
il ne l’est pas.S’il est plus grand,il
est plus grand en tant que pourvoir de consacrer l’eucharistie, ce que
tous nient.Et, de plus, il s’ensuivraitqu’il
y a un ordre supérieur à l’ordre sacerdotal,un
huitième.S’il n’est pas plus
grand,l’évêque en tant
qu’évêque n’estpas
plus grand que le prêtre, mais égal, ou un peu inférieur,
car aucun caractère n’est égal à celui du prêtre.
Je
réponds que le caractère épiscopalcomplet
et parfait est plus grand que le caractère presbytéral, car
il inclut l’un en plus de l’autre, comme nous l’avons dit.Et
c’est de cette façon que nous comparons les évêques
avec les prêtres,quand nous
disons que les premiers sont supérieurs, et les autres inférieurs.Si
cependant quelqu’un compare le caractère qu’a l’évêque
depuis sa dernière consécration, avec le caractère
qu’il a reçu dans son ordination presbytérale,il
en conclura que le premier est plus grand selon l’intensité,parce
que le pouvoir suprême est de pouvoir consacrer l’eucharistie,mais
que le second est plus grand selon l’extension, parce qu’il s’étend
à plus de choses.
CHAPITRE
6
Le
diaconat est un vrai sacrement
Au
sujet des diacres, il est hautement probable et certainque
leur ordination est un sacrement, même si celan’est
pas de foi.Ce n’est pas certain de
foi, parce qu’on ne peut le déduireni
de la parole écrite ni de la parole transmise.Et
, là-dessus, l’Église n’a fait aucune déclaration,
et n’a émis aucun décret.
Que
ce soit fort probable, on le prouve par la sentence commune des théologiens,
car il n’y a que Durand à soutenir que seul le sacerdoce est un
sacrement de l’ordre ( 4 dist 24 quest 2).Et
Cajetan (tome 1 des opuscules, traité 11).Deuxièmement.Parce
que dans 1 Timothée 3, comme aussi dans Philipp 1 été
Tite 1, l’apôtreunit toujours
les diacres avec les évêques, c’est-à-dire, avec les
prêtres.Car, par le mot épiscopes,
il entend des presbytes, comme saint Jean Chrysostome l’enseigne dans son
commentaire sur ces textes.Troisièmement,
parce que dans les Actes 6, les diacres sont ordonnés par l’imposition
des mains, c’est-à-dire par une cérémonie semblable
à celle des prêtres et des évêques.Quatrièmement.Parce
qu’en l’absence des épiscopes, les diacres peuvent baptiser, distribuer
l’eucharistie, réconcilier les pénitents publics, prêcher,
et exercer presque toutes les fonctions des prêtres et des évêques
en leur absence.Il s’ensuitqu’ils
ont besoin d’une grâce spéciale de Dieu, et que leur ordination
est donc un sacrement.
L’antécédent
est évident.Car, au sujet
du baptême, c’est ce qu’attestent Tertullien(dans
son livre sur le baptême), et saint Jérôme (dans son
livre contre les lucifériens).Au
sujet de l’eucharistie, on voit dans le concile de Nicée (canon
11), que les diacres pouvaient distribuer l’eucharistie aux laïcs,
qu’ils pouvaient même autrefois administrer le sang du Seigneur au
peuple, comme on le lit dans saint Cypriendans
son sermon 5 sur les tombés.Au
sujet de la réconciliation des pénitents, il faut lire l’épitre
17, livre 3, de saint Cyprien. Et pour la prédication, lire l’épitre
88, livre 4 de saint Grégoire.Voilà
ce qui semble être la raison pour laquelle les diacres appartiennent
à la hiérarchie, et président aux peuples avec les
prêtres et les évêques, comme on le lit dans saint Jérôme
(Tite, chapitre 2). Ainsi quedans
saintDenys qui, dans sa hiérarchie
ecclésiale,ne place que ces
trois ordres, parce qu’eux seuls sont hiérarchiques.Car,
les ordres inférieurs ne président pas au peuple, mais ne
font qu’être au service des ordres supérieurs.Cinquièmement,
quand le diaconat a été reçu, il ne peut être
ni effacé ni répété. Il imprime donc un caractère,
et est donc un sacrement.
Ils
répondent que le diaconat est perpétuel non par un caractère,
mais par la consécration, et parce que son office est de droit divin.Mais
cette réponse ne vaut pas.Car
sile fait de ne pas pouvoir être
enlevé provenait d’ailleurs que du caractère, s’écroulerait
certainement la raison principale des catholiques avec laquelle ils prouvent
qu’un sacrement ne peut pas être répété, c’est-à-dire,parce
qu’il imprime un caractère. Ensuite, la consécration des
diacres ne serait pas une ordination si elle n’était pas un sacrement.Elle
ne serait qu’une simple désignationune
fonction.Rien n’empêchequ’on
puisse enlever à quelqu’un sa fonction et la lui redonner par la
suite.Car, on ne peut pas imaginer
ne plus grande consécration-- si on peut appeler ainsi la dédicace
d’une personne en dehors des sacrements--que
celle des moines qui sont consacrés à Dieu par la profession
solennelle.Et cependant, pour une
juste cause, et avec la dispense du souverain pontife, ils peuvent retourner
dans le monde, comme le pensent les hommes les plus doctes, et comme l’attestent
certains exemples.Il importe peu
que cet office soit de droit divin.Tout
ce que cela prouve,c’est qu’il y
doit y avoir des diacres dans l’Église.Mais
cela ne prouve pas qu’un tel ou un tel doive toujours demeurer diacre.Le
diaconat pourrait donc être enlevé à un et être
donnéà un autre.Comme
il est aussi de droit divin que soient dans l’Église des évêques
avec juridiction, et cependant le pape peut enlever l’épiscopat
à un évêque quant à la juridiction, et le donner
à un autre.
Mais,
contre cette proposition, on objecte quelques arguments.Le
premier.Plusieurs anciens disent
que les diacres n’ont pas été institués par le Christ,
mais par les apôtres, comme on le lit dans saint Cyprien (livre 2,
épitre 9),Anaclet (épitre
3),et Damase (épitre 1).On
le confirme en constatant que les diacres semblent avoir été
institués à cause du murmure des Grecs, et n’avaient pour
fonction que le service des tables.Je
réponds que saint Cyprien était peut-être d’avis que
le diaconat n’avait pas été institué par le Christ,
comme nous l’avons dit ailleurs,ou
qu’il voulait peut-être simplement dire que le Christ n’avait pas
ordonné des diacres comme il avait ordonné des prêtres
et des évêques.Mais,
il ne s’ensuit pas que le Christ n’ait pas institué ce sacrement.Quant
à Damase et à Anaclet, ils enseignent seulement que le Christ
n’a institué que deux ordres : l’épiscopat et le presbytérat
(les 72 disciples).C’est ce qu’ils
écrivent contre les chorépiscopes,qui
voulaient être un troisième gendre de prêtres, alors
qu’ils n’étaient rien d’autre que des prêtres.Ces
pontifes ne nient donc pas que les diacres et les ordres inférieurs
aient été institués par le Christ,mais
qu’il y ait un autre ordre sacerdotal en dehors des deux cités.
Au
sujet de la confirmation, je réponds que c’est pour répondreà
un besoin particulier et à une critique qu’ont été
ordonnés les premiers diacres, mais que ce n’est pas pour cela quel’ordre
a été inventé.Et
il n’est pas vrai qu’au temps des apôtres, les diacres ne se soient
occupés que du service des tables.Car,
des diacres, il y en avait aussi à Philippe, à Éphèse,
en Crète, comme on le lit dans les lettres de saint Paul aux Philippiens,
à Timothée et à Tite.Et
cependant, dans ces lieux, les chrétiens ne vivaient pasen
communauté,pour qu’il y ait
un besoin de service de tables.Ensuite,
cette ordination si solennelle, par l’imposition des mains, indique certainement
autre chose qu’un simple service des tables.De
plus,Philippe, (Actes8)
qui était un des premiers diacres, ne consacrait certes pas le meilleur
de son temps aux tables, mais à la prédication et au baptême.
(Et saint Étienne ?)Ensuite,
dans les temps les plus anciens, les diacres sont des ministres de l’autel,et
des sacrements, comme on le voit dans l’apologie 2 de saint Justin (vers
la fin), et dans tous les anciens auteurs.
Le
deuxième argument est que les diacres n’ont aucun pouvoir de faire
quelque chose de surnaturel, ou un effet quelconque,qui
soit invalide s’il est fait par un autre qu’un diacre.Ils
n’ont doncpas un caractère
propre.Car le caractère est
donné pour opérer, non pour bien opérer.Je
réponds qu’il n’est pas de l’essence d’un sacrementque
quiconque le possède produise quelque chose de surnaturel, mais
qu’il suffit que ce soit une cérémonie qui confère
la grâce.Et ce n’est pas vrai,
absolument parlant, qu’un caractère n’est donné que pour
opérer, comme nous le montre le caractère de la confirmation
qui est donné pour professer la foi.Foi
que certains catéchumènes ont, sans caractère, admirablement
professée, jusqu’à l’effusion deleursang.Foi
que certains confirmés n’osent pas professer.
Le
troisième argument.La matière
du diaconat est la remise des livres des évangiles, comme nous l’avons
dans le concile de Florence.Mais,
quand les premiers diacres ont été ordonnés, l’évangile
n’avait pas encore étéécrit.Donc,
ou ils n’eurent pas un vrai sacrement, ou le diaconat n’est pas un sacrement.Je
réponds que cette objection sera résolue à la question
suivante.Elle ne prouve directement
qu’une chose : le livre de l’évangile n’est pas la matière
de ce sacrement.
CHAPITRE
7
Le
sous-diaconat est un sacrement
Nous
n’avons pas, pour le sous-diaconat, la même certitude que pour le
diaconat.Car, on ne fait pas mention
de lui dans l’écriture, et son ordination ne comporte pas l’imposition
des mains, comme on le voit dans le concile 4 de Carthage (canon 5).Et
les sous-diacres n’administrent pas l’eucharistie, et ils ne font pas,
non plus, les autres choses que font les diacres.Voilà
pourquoi ils n’appartiennent pas à la hiérarchie, sinon en
tant queministres des membres des
ordres hiérarchiques.Il est
cependant fort probableque cet ordre
soit lui aussi un sacrement.Car,
il semble imprimer un caractère, puisqu’on ne peut pas le répéter,
et aussi parce que lui est annexé un vœu de continence.Et
aussi, parce que c’est la sentence commune des théologiens anciens
et récents, à l’exception de Durand et de Cajetan.
Contre
cette sentence, ou soulève deux arguments.Le
premier.Le sous-diaconat n’était
pas autrefois un ordre sacré, mais il a été, plus
tard, rendu tel,par les souverains
pontifes.Comme l’atteste Innocent
111 (chapitre a multis),sur l’âge,
la qualité et l’ordre de ceux qui doivent être mis en avant
des autres).Même chose Innocent
3 (chapitre miramur, au sujet des serviteurs qu’on ne pas ordonner.)Urbain
2 (canon nullus, dist 60).D’ou le
maitre des sentences(livre 4, dist
24 qui dit que le sous-diaconat
et les ordres mineurs introduits dans l’Église ne datent pas du
temps des apôtres.
Je
réponds qu’ordre sacré et sacrement ne sont pas la même
chose.Car, plusieurs estimentque
les ordres mineurs sont des sacrements, alors qu’on ne peut pas les appeler
des ordres sacrés.Comme l’enseigne
correctement le maître au lieu cité, parce qu’ils sont proches
des choses sacrées.Car le
presbyte consacre l’hostie et l’administre; le diacre l’apporte à
des malades.Le sous-diacre veille
sur les vases sacrés et les fournit.Autrefois,
cependant, il n’était pas permis aux sous-diacres de toucheraux
vases sacrés,comme on le voit
dans le concile de Laodicée (chapitre 21, et dans le canon nullus,
dist 24, qui est tiré des décrets de Sylvestre).Et,
pour cette raison, on ne l’appelait pas un ordre sacré.Et
on ne pouvait pas élire un évêque de l’ordre des sous-diacres,
mais seulement de l’ordre des prêtres ou des diacres.Mais,
plus tard, il a été concédé aux sous-diacres
de pouvoir toucher les vases sacrés, comme on le voit dans le canon
non liceat,dit 23,et
l’on commença alors à élire des évêques
tirés de l’ordre des sous-diacres, comme on le voit dans les textes
d’Innocent et d’Urbain ci-haut cités.
Le
maitre des sentences dit que les sous-diacres ont été introduits
par l’Église.Mais, on ne
doit pas interpréter cette phrase comme si c’était l’Église
qui avait institué cet ordre.Le
maitre semble vouloir dire que l’usage de ces ordres n’a pas commencéau
temps des apôtres, mais après,parce
que, à cause du petit nombre des fidèles, tous ces ordres
n’étaient pas nécessaires.Mais,
cela ne semble pas être vraicar,
saint Ignace, qui vécut presque au temps des apôtres, énumère
tous les ordresdans son épitre
à Héron,et dans celle
aux Antiochiens.
Le
deuxième argument.Les sous-diacres
pouvaient être ordonnés par les chorépis- cospes, comme
on le lit dans le concile d’Antioche (canon 10).Or,
les chorépiscopes n’étaient que des simplesprêtres,
qui n’avaient pas le pouvoir deconférer
le sacrement d’ordre.Le sous-diaconat
n’est donc pas un sacrement de l’ordre.Je
réponds qu’il y eut deux genres de chorépiscopes (comme nous
l’avons dit dans la dispute sur les clercs.)Certains
d’entre eux étaient de vrais évêques, qui demeuraient
dans un autre diocèse, comme les suffragants aujourd’hui en Germanie.Et
c’est d’eux que parle le concile d’Antioche.D’autres
n’étaient que des prêtres, et c’est d’eux que parle Damase,quand
il net qu’ils puissent ordonner des sous-diacres.
CHAPITRE
8
Les
ordres mineurs sont des sacrements
Au
sujet des ordres mineurs, il est encore moins probable qu’ils soient des
sacrements que ne l’est pourle sous-diaconat.Car
la sentence n’est pas aussi commune que pour le diaconat ou le sous-diaconat.Et
il est certain que les fonctions de ces ordres sont plus légères
que celles des autres.Cependant l’opinion
de ceux qui enseignent que tous les ordres sont des sacrementsest
plus probable que celle de ceux qui le nient.D’abord,
parce que c’est ce qu’enseignenttous
les anciens scolastiques, Durand excepté.Et
parmi les plus récents, de très graves comme Francis de Victoria
(dans sa somme des sacrements),Pierre
a Soto (leçon 4 sur les sacrements de l’ordre),et
d’autres.Troisièmement.C’estce
que semble avoir pensé le concile de Florence.Car,
là où il dit que le sacrement de l’ordre est le sixième
sacrement, et que la matière de ce sacrement est ce qui est utilisé
dans l’ordination, il prend tout de suite des exemples dans les sacrements
de l’ordre, le diaconat et le sous-diaconat, et ajoute qu’il faut entendre
la même chose dans les autres ordres.Le
concile de Trente n’est pas d’un autre avis.Car,
àla session 23, chapitre 2,
il énumère sept ordres.Et,
après, au chapitre 3, il dit explicitement que l’ordre est un sacrement.Quatrièmement,
les ordres mineurs ne peuvent pas être répétés.Ils
impriment donc un caractère.Ils
sont donc un sacrement.
Il
y a une objection en sens contraire.S’il
y a autant de sacrements qu’il y a d’ordres, il n’y aura pas sept sacrements,
mais quatorze.Je réponds
que même si tous les ordres sont, chacun d’entre eux,des
sacrements par eux-mêmes, on considère qu’ils n’en forment
qu’un, car sont une seule et même chose ceux qui sont orientés
vers une seule et même fin.
CHAPITRE
9
L’imposition
des mains appartient à l’essence du sacrement de l’ordre
Vient
ensuite la troisième controverse qui porte sur la matière
et la forme de ce sacrement.Tous
conviennentque la matière
est un signe sensible, que la forme est la parole qui est dite quand le
signe est exhibé.Car, même
si l’Écriture n’a pas parlé de paroles, cependant les plus
anciens pères ont écrit que des paroles sont requises.Comme
saint Ambroise(chapitre 4, 1 Timothée),
saint Jérôme (chapitre 18 d’Isaïe), saintAugustin
(le sermon sur le dialogue avec Emeritus).Et
on voit la même chose dans l’antique ordo romain, et dans tous ceux
qui ont traité de ce sacrement.Mais,
parce que dans l’ordination d’un prêtre et d’un diacre,deux
signes sont exhibés, --l’imposition des mains, etla
porrection des instruments, comme le calice et la patène dans le
presbytérat, les livres des évangiles dans le diaconat--,une
question se pose : est-ce que ces signes sont une matière essentielle
de ce sacrement ?On trouve là-dessusdeux
sentences chez les théologiens.Quelques-uns
estiment que l’imposition des mains est accidentelle,et
que seule la porrection des instruments est essentielle.Comme
Dominique a Soto, (dist 24,quest 1, art 4,), et d’autres.
Leurs
fondements sont au nombre de trois.Le
premier, parce que, dans le concile de Florence, on n’assigne pas d’autre
matière que la porrection des instruments.Le
deuxième, parce que Innocent 3 (chapitre pastoralis, les sacrements
qu’il ne faut pas répéter), et Grégoire 9(chapitre
presbyter, même titre, disent qu’il ne faut pas réitérer
une ordination faite sans l’imposition des mains, mais ajouter ce qui a
été omis.Au même
endroit, saint Grégoire ajoute que « l’imposition des mains
est un rite introduit par les apôtres. »Le
troisième.Les prêtres
deviennent prêtres quand il leur est dit : « Reçois
le pouvoir d’offrir le sacrifice. »Mais,
alors, on ne leur impose pas les mains,on
ne fait que la porrectiondu calice
avec le vin, et de la patène avec le pain, comme on le lit dans
l’ancien ordo romain, et dans le pontifical, dont se sert aujourd’hui l’Église.Donc,
l’imposition des mains qui est survenue après,n’appartient
pas à l’essence du sacrement.
On
prouve la majeure, en disant qu’autrement, fausse serait la concession
de ce pouvoir, s’il n’était pas vraiment reçu alors.Et
de plus, les apôtres ont été faits prêtres à
la dernière cène, comme l’enseigne le concile de Trente (session
22, chapitre 1).Donc, même
maintenant,les prêtres sont
faits prêtresquand leur est
donné le pouvoir de consacrer et d’offrir l’eucharistie.Carle
« faites ceci en mémoire de moi » est la même
chose que : Recevez le pouvoir d’offrir, ce que nousentendons
quand les prêtes sont ordonnés.
L’autre
sentence est de loin plus probable et plus vraie, à savoir que la
matière essentiellen’est
pas seulement la porrection des instruments, mais aussi l’imposition des
mains.C’est ce qu’affirment des récents
théologiens : Pierre a Soto (lecture 5 sur le sacrement de l’ordre),Martin
Ledesmius( 4 quest 36, art 1, à
1),le cardinal Hosius, dans la confession
polonaise (chapitre 50) »On
prouve cette sentence.D’abord, parce
que l’Écritureprésente
souvent l’imposition des mains,comme
symbole externe de l’ordination, comme il appert des lieux allégués
(Actes 6, 13, et 14,1 Timothée
4 et 5,et 2 Timothée 1.
Ils
répondent à cela que l’imposition des mains est requise,
mais qu’elle n’est pas de l’essence de la matière.Qu’au
contraire, s’il en était ainsi, nous ne pourrions pas convaincre
les hérétiquesque l’ordination
est un sacrement proprement dit, parce que nous ne pourrions pas démontrer,
dans l’Écriture, un symbole externe de ce sacrement.Ensuite,
s’il était permis d’expliquer ainsi, nous pourrions nier la matière
de tous les sacrements.Je dirais
plus, nous pourrions soutenir quel’eau
ne fait pas partie de l’essence du baptême selon l’Écriture,
ni, non plus l’extrême onction.De
plus, dans les autres sacrements, l’Écriture n’a l’habitude de transmettre
que les cérémonies essentielles, et celles-là,même
pas au complet.Qui parviendrait
à se persuaderque, dans ce
sacrement, ce soit toujours le rite accidentel qui soit nommé, et
jamais l’essentiel ?
De
plus, saint Paul dit explicitement que « par l’imposition des mains
est donnée la grâce » ) 1 Timothée 4, et 2 Timothée
1.Donc, l’imposition des mains est
une partie essentielle du sacrement. Car, une promesse de grâce n’est
pas faite pour les cérémonies accidentelles, mais pour les
essentielles.
Ne
vaut pas non plus ce qu’on nous oppose au sujet de la confirmation.Dans
les Actes 8, on dit qu’elle est donnéepar
l’imposition des mains, mais cependant cette imposition des mains n’est
pas la matière essentielle du sacrement, puisque c’est le chrême
qui l’est.Nous avons déjà
réfuté cette objection dans la dispute sur la confirmation,
où nous avons montréque,
dans la confirmation, l’imposition des mains est de l’essence du sacrement,
car c’est par elle que sont signés du chrême les fronts des
fidèles.
En
second lieu, je le prouve par la tradition des pontifes et des conciles.Saint
Clément (livre 8, chapitre
2 des constitutions apostoliques),saint
Damase (épitre 1),Innocent
1 (épitre 22 aux évêques de Macédoine),Léon
1 (épitre 87 aux évêques d’Afrique).Par
des papes plus récents, Alexande 2 (canon ex multis, 1 quest 3)et
Urbain 2 (canon Daibertus 1, quest 7,) et d’autres souvent.Les
conciles.Celui de Nicée,(canon
9), celui d’Antioche (canons 10 et 17),celui
de Carthage 4 (canons 2, 3, 4) et tous les autres canons antiques affirment
que les ordres sont conférés par l’imposition des mains.Le
concile de Trente lui-même (dont on doit parler à cause de
ceux qui, après le concile, pensent autrement) dit, au sujet de
l’extrême onction (session 14, chapitre 3) que « le ministre
de l’extrême onction est l’évêque, ou le prêtre
rituellement ordonné par l’imposition des mains. »
Et
(à la session 22, canon 1, sur le sacrement de l’ordre), il dit
ceci : « Si quelqu’un dit que, par l’ordination sacrée, n’est
pas donné le Saint-Esprit, et donc que c’est en vain que l’évêque
dit : reçois l’Esprit Saint, qu’il soit anathème. »Le
concile déclare là que les presbytes sont ordonnés
et que le Saint-Esprit est donné quand il est dit : recevez l’Esprit
Saint.Et quand ces paroles sont prononcées,
les mains sont imposées, comme il appert du pontifical et de la
coutume de l’Église.Le concile
estimait donc que cette imposition des mains était de l’essence
du sacrement.
On
peut aussi le prouver avec les pères.Car,
les grecs appellent l’ordination koirotonian, c’est-à-dire imposition
des mains.Et Siméon Métaphraste
écrit dans la vie de saint Jean Chrysostome, que quand l’évêque
d’Antioche lui imposa les mains, et quand il le créa prêtre,le
Saint-Esprit descenditincontinentvisiblement
sur lui, sousla forme d’une colombe.Saint
Ambroise (dans son livre sur la dignité sacerdotale, chapitre 5)
dit que c’est par cette cérémonie qu’est accomplie
l’ordination : « Un homme, dit-il, impose les mains, et Dieu
prodigue la grâce. »Saint
Jérôme (au chapitre 18 d’Isaïe) : « L’ordination
n’est pas accomplie seulement par l’imprécation vocale, mais aussi
par l’imposition des mains. »Saint
Augustin (livre sur sa conférence avec Émérite, et
ailleurs) dit que « les prêtres sont ordonnés par l’imposition
des mains. »Ce que tous les
anciens enseignent souvent.Ce serait
tout à fait ridicule de dire queles
pontifes, les conciles et les pèresne
parlent que d’une cérémonie accidentelle, puisque ils ne
font jamais mention d’une autre cérémonie, alors qu’ils traitent
souvent explicitement du rite de l’ordination.Qui
croira que tant de pères et tant de conciles, qui ne parlaientjamais
de rien d’autre plus souvent que de l’ordination des prêtres, n’ait
jamais indiqué quoi que ce soit qui tienne à l’essence du
sacrement ?
Troisièmement.On
prouve la même chose avec les scolastiques, pour que notre sentence
ne paraisse pas être une nouveauté.Il
est certain que saint Thomas(dans
1 dist 15, quest 1, art 1)enseigneque
« c’est dans l’imposition des mains qu’est donnée la grâce
sacramentelle. » D’où il suit que cette imposition est une
partie du sacrement.Saint Bonaventure(4
sent 10,24, art 1, quest 4, à
3) soutientque si les instruments
manquaient, l’imposition des mains suffirait, parce que la main est l’organe
des organes,dans laquelle sont tous
les instrumentsvirtuellement contenus.Et,
il ajoute que dans « la primitive église, tous les ordres
étaient implicitementconférés
par la seule imposition des mains ».Il
répète la même chose art 1, question 1, à 3.Scot,
Paludanus(dist 24) et Altisiodorensis
(dans sa somme, par 41) disent ouvertement que « l’imposition des
mains est de l’essence. »
Pour
répondre à l’argument,il
faut noter d’abordque, dans l’ordination
des prêtres,dont nous disputons
principalement,deux pouvoirs sont
conférés.L’un de consacrer
l’eucharistie,qu’on appelle pouvoir
sur le vrai corps du Christ.L’autre,
d’absoudre les péchés,qu’on
appelle un pouvoir sur le corps mystique du Christ.Il
faut ensuite noterqu’à cause
de ces deux pouvoirs, il y a deux cérémonies principales
dans l’ordination des prêtres.Une
par laquelle l’évêqueprésente
au futur prêtre la patène avec l’hostie,et
le calice avec le vin en disant : « reçois le pouvoir d’offrir
le sacrifice. »L’autre, quand,
après la messe, l’évêque impose les mains et dit :
« Reçois l’Esprit Saint.Les
péchés seront remis à ceux à qui tu les remettras.
»L’une et l’autre cérémonie
sont non seulementprésentes
dans le pontifical et dans l’usage de l’Église,mais
elles se trouvent aussi dans l’antique ordo romain.
Il
faut noter en troisième lieu, que l’une et l’autre cérémonies
sont essentielles, comme Scot l’explique et l’enseigne doctement.Car,
par l’une est conférée un pouvoir, et par une autre, une
autre pouvoir.Et ce qu’enseignent
certains n’est pas du tout probable, à savoir que par l’une le sacrement
est donné au complet, et que par l’autre, on ne fait qu’expliquer
ce qui a été donné par la première.Car,
d’abord, les premiers mots«
reçois le pouvoir », et « reçois le Saint Esprit
», ne signifient pas une explication, mais un don.De
plus, de l’avis de tous, le Christ a divisé ces deux pouvoirs, quand
il a ordonné ses apôtres.Il
en a livré un à la dernière cène, quand il
dit : faites cela;et l’autre, après
la résurrection,quand il dit
: recevez le Saint-Esprit.Voilà
pourquoi l’Église ne pouvait pas, mais plutôt devait, séparer
ces deux pouvoirs, et les donner l’un après l’autre.Il
faut noter quatrièmement,que
les pères et les concilesn’avaient
pas coutume d’expliquer tout le rite des sacrements,car
ils n’écrivaient pas des rituels; mais ne faisaient que toucher
une partie essentielle qui faisait comprendre toutes les autres.Car
tous ces rites étaient archi connus par tous, par leur usage fréquent.
Éclairé
par ces explications, je réponds à la première objection
que le concile de Florence n’a pas expliqué tout le rite,mais
seulement une partie.Comme aussi
le concile de Carthage qui ne parle que de l’imposition des mains.Il
n’explique pas tout le rite, mais seulement la partie qu’a omettra plus
tardle concile de Florence.L’un
et l’autre concile enseignent correctement, et ils ne se contredisent pas.Pourquoi
le concile de Florence a-t-il préféré mettre en lumière
la porrection des instruments plutôt quel’imposition
des mains ?On peut en donner deux
raisons.Une première. Parce
qu’il avait l’intention d’assigner pour matière, une chose subsistante,
comme il l’avait fait, dans le baptême, dans la confirmation, dans
l’eucharistie et dans l’extrême onction.L’imposition
des mains n’est pas une matière subsistance,comme
un calice ou une patène etc.La
deuxième.Peut-être
parce que les Arméniens que le concile instruisait, erraient dans
cette chose, et non dans l’autre.
Au
deuxième argument,je répondsque
ces textes d’Innocent et de saint Grégoire plaident en notre faveur.Car
le fait que les pontifes ne veuillent pas répéter des cérémonies
correctement célébrées, et se bornent àsuppléer
à ce qui avait été omis, indique que ces cérémonies
peuvent être séparées,et
être données à des temps différents, et être
efficaces quel que soit le temps où elles ont été
célébrées.Saint
Grégoire dit que l’imposition des mains est un rite qui vient des
apôtres.Ce ne veut pas dire
que les apôtres ont institué cette cérémonie,
mais qu’ils ont été les premiers à les employer dans
les ordinations.Au troisième,
je réponds que les prêtres sont ordonnés quand on leur
dit : reçois le pouvoir d’offrir le sacrifice;et
qu’ils sont ordonnés aussi après quand on leur dit : recevez
l’Esprit Saint.Car, par des cérémonies
différentes, ils reçoivent des pouvoirs différents.
C’est
ce qui nous permet de résoudre l’argument tiré des diacres.Car,
les premiers diacres furent, par l’imposition des mains,ordonnéspour
certains ministères.Mais,
ils ne furent pas ordonnés pour lire l’évangile, parce qu’il
n’y avait pas alorsd’évangile
à lire.Aujourd’hui, ils sont,
par différentes cérémonies, ordonnés pour différents
ministères.Il est crédible
que le Seigneur ait institué toutes ces matières des ordres,
non en particulier, mais en général, avertissant ses apôtres
de conférer les ordres par la cérémonie des instruments
qui signifient leurs pouvoirs.
CHAPITRE
10
L’effet
de ce sacrement
Les
catholiques conviennent que l’effet de ce sacrement est double.Le
premier.Un pouvoir spirituel perpétuel,
en signe de quoi est imprimé un caractère. Le
deuxième.La grâce qui
fait un reconnaissant,celle qui permet
à ceux qui ont été rituellement ordonnés de
remplir leur fonction.Les hérétiques
de notre siècle nient surtout le caractère.Car,
ils veulent que le ministère ecclésiastique ne soit qu’un
simple office qui peut être donné et enlevé.Ils
deviennent donc demain des laïcs ceux qui aujourd’hui sont des ministres
ou des pasteursNous avons déjàdisserté
là-dessus dans la dispute sur les sacrements en général.
Devraient
suffire pour l’instant deux témoignages des anciens.Saint
Cyprien (dans son sermon sur le lavementdes
pieds) écrit : « Que personne ne reçoive deux fois
les ordres sacrés. »Saint
Augustin (dans son épitre contre Parmenianus, chapitre 13 ) : «
L’un et l’autre est un sacrement,qui
est donné par une consécration.L’une
quand on baptise, l’autre quand on ordonne.Voilà
pourquoi, dans l’église catholique, il n’est pas permis de réitérer
l’une et l’autre. »Et (dans
son livre sur le bien conjugal, chapitre 24) : « Si l’ordination
d’un clerc est faite pour le peuple qui doit se rassembler, le sacrement
demeuredans ceux qui ont été
ordonnés, même si le peuple ne se rassemble pas. Et,
si à cause d’une faute, quelqu’un est relevé de ses fonctions,
il ne sera pas privé du sacrement du Seigneur qui lui a été
conféré par l’imposition des mains, même s’il demeure
clercpour sa condamnation. »Dans
son sermon sur sa conférence avec Émérite, il emploie
le mot caractère, pour expliquer qu’une ordination ne peut pas être
réitérée.Voir
aussi plusieurs décrets sur cette chose dans Gratien 1, question
7.
7
septCHAPITRE 11
Le
ministre
Nous
avons traité du ministre des sacrements lors de la dispute sur les
sacrements en général.Cela
va de soi,carles
seuls prêtres et les seuls diacres que l’Église ait reconnus
sont ceux qui ont été ordonnés par un évêque.Voir
le concile d’Ancyre (canon 12), celui d’Antioche(canon
10),Épiphane (hérésie
75), Damase (épitre 1), saint Jérôme (épitre
85 à Évagre), saint Jean Chrysostome , Theodoret, et d’autres,
dans leurs commentaires de la première épitre à Timothée,
chapitres 3 et 4.
CHAPITRE
12
Les
cérémonies
Il
y a deux cérémonies que les adversaires réprouvent
: l’onction, et la tonsure.Voilà
pourquoiils appellent les prêtres
catholiquesdes oints et des rasés.Mais
nous avons parlé de la tonsure dans la dispute sur les clercs.Même
si elle est une cérémonie propre aux prêtres, elle
n’est pas faite pendant la consécration sacerdotale, cedont
nous parlons actuellement.L’onction
est vraiment une cérémonie sacramentelle, même si elle
est accidentelle, car c’est dans l’ordination elle-même que sont
ointes,par les évêques,la
tête et les mains des prêtres.
Au
sujet de la cérémonie, Kemnitius déclare ( 2 par examen,
page 1171 et suivantes) déclare d’abord que le Christ et les apôtres
ne les ont pas utilisées;que
dans l’histoire de l’Église on en trouve aucun exemple; qu’Ambroise
et les autres pères n’en ont pas parlé, si nous exceptons
les livres attribués à saint Cyprien et à Anaclet.Il
ajoute que dans l’église grecque, cette onction n’a pas été
reçue avant le treizième siècle;que
c’est un rite judaïque, qu’on ne peut pas plus conserver que les sacrifices
des brebis et des bœufs.Ce dernier
reproche, il le tient de Calvin (livre 4, chapitre 19, versets 30 et 31,)
Je
réponds que toutes ces choses sont des mensonges.En
ce qui a trait à l’exemple du Christ et des apôtres, Kemnitius
ne prouve pas qu’ils ne se soient pas servis d’huile.Mais,
nous, nous pouvons prouver le contraire.Car,
Denis (hiérarchie ecclésiastique, chapitre 4) dit que le
pontife utilise l’huile sacrée dans toute consécration pontificale.Et
que ce rite ait été légué par les apôtres,on
le constate par le faitque, parmi
les consécrations pontificales, les principales et les plus fréquentessontles
ordinationsdes prêtres.Ensuite,
ce qu’il ajoute au sujet de l’histoire ecclésiastique est un autre
mensonge. Car, dans l’histoire d’Eusèbe, chapitre 4, il est fait
clairement mention d’une onction sacerdotale, selon la foi grecque.Et
Simon Métaphraste(dans la
vie de saint Jean Chrysostome, qui se trouve dans le tome 1 de Surius),écrit
que saint Jeana été
oint,quand il aété
fait évêquede Constantinople.Et
Pierre Chrysologue (dans son sermon sur Sévère),rapporte
que Sévèrea étéoint,quand
il a été ordonnéévêque
de Ravenne.
Troisièmement,
ce qu’il écrit au sujet des pères est également un
mensonge.Car, Pacianus est un contemporain
de saint Ambroise.Dans son épitre
3 à Sympronianus, il écrit : « D’où vient le
Saint Esprit à un peuple, le vôtre,que
ne consigne pas un prêtre oint ? »De
même saint Grégoire (livre 4 sur les Rois, chapitre 5).Il
dit beaucoup de choses sur cette onction des prêtres.Auxquels
j’ajoute, que Kemnitius le veuille ou non, l’auteur des œuvres cardinales
du Christ , dans le sermon sur le saint chrême.Car,
même si cet auteur n’est pas saint Cyprien, tous s’accordent à
dire qu’il est ancien et docte.Son
quatrième mensonge.Il n’y
a pas eu d’onction dans l’église grecque avant le treizième
siècle.Enseignent le contraire
les témoignages allégués de Denys l’aréopagite,
d’Eusèbeet de Métaphraste.
On
ne peut pas, non plus,nous objecter
le texte du pape Innocent.Car, loin
de dire que ce rite a déplu aux anciens,il
nefait que blâmer les grecs
de son temps,parce qu’ils avaient
négligé cette cérémonie.Voici
ses paroles : « L’Église ne judaïse pas comme mentent
les anciens (certains ?) qui ne connurent ni les Écritures, ni la
vertu de Dieu. » Il est
certain que ce texte a été altéré, et qu’au
lieu de lire anciens (antiqui) on doit lire certains (aliqui). Car il ne
pourrait pas réprouver les anciens en général, puisqu’il
prouve sa sentence par les anciens.Ensuite
l’accusation de judaïsme portée par Kemnitius et Calvin à
cause de cette onction, a été souvent réfutée
par nous.Car se servir des choses
dont ils se servaient ce n’est pas judaïser.Autrement,
on judaïserait quand on sert de l’eau dans le baptême, et de
pain dans l’eucharistie, parce que les Juifs eurent aussi des eaux d’expiationet
des pains de proposition.