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LE SACREMENT DE PÉNITENCE

QUATRE PARTIES : LE PREMIER LIVRE Le sacrement de pénitence 

CHAPITRE 1 Ceux qui ont écrit sur la pénitence, autant les catholiques que les hérétiques.

CHAPITRE 2 : On dévoile certaines impostures et certains mensonges de Luther

CHAPITRE 3 : Les calomnies et les mensonges de Philippe Mélanchthon

CHAPITRE 4 : Les calomnies et les mensonges de Tilmann Heshusius

CHAPITRE 5 Les calomnies et les mensonges de Calvin et de Théodore de Bèze

CHAPITRE 6 Calomnies et mensonges de Martin Kemnitius

CHAPITRE 7Le nom de la pénitence

CHAPITRE 8 La pénitence est-elle un sacrement proprement dit ?

CHAPITRE 9 On explique les sentences des adversaires sur la question proposée

CHAPITRE 10 : La pénitence est un sacrement proprement dit

CHAPITRE 11 On solutionne les arguments de Calvin et de Kemnitius

CHAPITRE 12 Est-ce que le sacrement de pénitence est différent de celui du baptême ?CHAPITRE 13 On prouve la vérité. 

CHAPITRE 14 On répond à des objections

CHAPITRE 15 Les parties essentielles du sacrement de pénitenc

CHAPITRE 16 On réfute des objections

CHAPITRE 17 Les parties matérielles du sacrement de pénitence : question qui se pose entre catholiques

CHAPITRE 18 Les sentences variées des hérétiques sur les parties de la pénitence CHAPITRE 19 Réfutation des sentences des hérétiques, et confirmation de la sentence es catholiques

CHAPITRE 20 Nous répondons aux arguments des adversaires

CHAPITRE 21 La troisième division de la pénitence en privée, publique et solennelle

CHAPITRE 22 : Les rites de la pénitence solennel

LE DEUXIÈME LIVRE : LA CONTRITION

CHAPITRE 1 : On propose la doctrine de l’Église

CHAPITRE 2 La contrition est une action bonne et libre, et qui appartient à l’évangile.

CHAPITRE 3 On ne peut avoir la contrition sans un don spécial de Dieu

CHAPITRE 4 Dans la contrition est incluse la haine ou la détestation du péché commis.

CHAPITRE 5 On réfute les objections 

CHAPITRE 6 Dans la contrition est inclus le propos de bien vivre

CHAPITRE 7 On réfute les objections

CHAPITRE 8 La contrition est tout à fait nécessaire pour la justification

CHAPITRE 9 On réfute d’autres objections 

CHAPITRE 10 La quantité de la contrition 

ONZIÈME CONTROVERSE GÉNÉRALE SUR LE SACREMENT DE PÉNITENCE

EN QUATRE PARTIES

LE PREMIER LIVRE DES CONTROVERSES SUR LA PÉNITENCE

Le sacrement de pénitence 

Sur le sacrement de pénitence, il y a quatre controverses principales que nous expliquerons, dans la mesure où nous le donnera le Seigneur, pour lequel nous écrivons. La première : la pénitence est-elle un sacrement proprement dit; et quelles en sont les parties. La deuxième : la contrition, qui est la première partie matérielle de la pénitence. La troisième : la confession, qui est la deuxième partie matérielle. La quatrième : la satisfaction, qui est la troisième partie matérielle.

Mais avant d’en venir aux controverses, nous avons jugé qu’il valait la peine de parler de trois choses. 

[N°1] Quels sont les auteurs qui ont écrit sur ce sujet ? 

[N°2] Dans quelles impostures et mensonges les adversaires ont-ils cherché à noyer la vérité ? 

[N°3] Et qu’est-ce que les Hébreux, les grecs et les latins entendent par pénitence ?

CHAPITRE PREMIER

Ceux qui ont écrit sur la pénitence, autant les catholiques que les hérétiques.

Parmi les catholiques beaucoup nous ont laissé des livres célèbres sur la pénitence. Commençons donc par les anciens. Le premier à avoir écrit un livre complet sur la pénitence est Tertullien, que nous ne nommons pourtant pas parmi les catholiques. Ensuite, saint Cyprien a écrit sur ce sujet dans son sermon 5 sur les tombés pendant la persécution, et dans sa lettre à Novatien. Troisièmement, Pacianus a écrit trois lettres contre les novatiens, et Parénèse sur la pénitence. Quatrièmement, saint Éphrem a écrit un livre sur la pénitence, et un autre sur la vraie pénitence. Cinquièmement, saint Ambroise a écrit deux livres sur la pénitence contre les novatiens. Sixièmement, saint Jean Chrysostome a écrit douze homélies sur la pénitence. Septièmement, saint Augustin a écrit deux homélies (27, et 50, dans le premier livre de ses homélies.), une sur le titre du livre de l’utilité de la pénitence, et une autre sous le titre du livre de la médecine de la pénitence. (On les trouve aussi dans le tome 9). Huitièmement, Théodoret dans l’épitomé des décrets divins, il a fait un traité qui ne porte que sur la pénitence. Neuvièmement, Victor de Chartes a écrit un volume célèbre sur la pénitence. Dixièmement, Hugues de saint Victor, (livre 2 sur les sacrements, part 14). Onzièmement, Pierre Lombard, et après lui, les scolastiques (livre 4 des sentences, dist 14) et Gratien, et après lui, le jurisconsulte, 33, quest 3.

Voici les théologiens qui écrivirent récemment contre les hérétiques. Thomas Waldensis (tome 2 sur les sacrements, chapitre 135 et suivants), Jean Eck (dans ses homélies sur les sacrements, et dans les trois livres sur la pénitence.) Jean Roffessis, dans sa réfutation des articles de Luther. Albert Pighiius (neuvième controverse), Pierre de Soto (dans l’institution des prêtres), Ruardus Taperus (dans son explication des articles de Louvain), Alphonse a Castro (dans ses livres contre les hérésies), Diegus Payva (livre 3 de ses explications ), Jacques Latomus (dans sa défense du troisième article des théologiens de Louvain, dans le livre de la confession secrète, et dans un autre contre Oecolampadius), Jean Antonius Delphinus (livre 2 sur l’Église), Marianus Victorius a écrit une histoire sur le sacrement de la confession. Le cardinal Hosius (dans sa confession polonaise, livre 4 de la panoplie, chapitre 57 et suivants. Peresius Ajala (dans le livre sur la tradition, part 3), André Vega (livre 13, sur le concile de Trente), Jean Cochlaeus (dans sa discussion des articles 1 et 13 de la confession d’Augsbourg), Jean Daventria, (dans son jugement des mêmes articles), Alphonse Virvesius (Philippique 9, 10, et 11.) Jean Medina (traité sur la pénitence, la confession et la satisfaction), Melchior Cano (dans la relecture de la pénitence), Chrysostome Javellus, (livre de la philosophie chrétienne, part 5, trait 5), et Tilmann (dans son livre sur les sacrements, chapitre 4).

Parmi les hérétiques de notre temps, le premier à avoir écrit sur la pénitence est Martin Luther, dans son livre sur la captivité de Babylone, au chapitre du sacrement de pénitence, dans les assertions de ses articles, et dans les disputes contre les Antinomes. Philippe Melanchton (dans sa confession d’Augsbourg, et son apologie (art 11 et 14 dans les lieux communs, au titre de la pénitence, de la contrition, de la confession, de la satisfaction, et dans une dispute sur la pénitence. Jean Oecolampadius (dans son livre sur la confession), Jean Brentius (dans la confession de Wirtemberger, dans son apologie, et dans ses homélies sur la pénitence), Jean Calvin (livre 3, chapitre 4, livre 4, chapitre 19), Jean Wigandus, (dans un livre qui décrit la méthode de la doctrine de l’église des magdebourgeois, chapitre 18), Pierre Palladius (dans l’avertissement sur la pénitence et la justification), David Chytraeus, dans sa catéchèse, lieu 8), Martin Kemnitius (dans sa seconde partie de l’examen du concile de Trente, session 14), et Théodore de Bèze (dans sa confession de la foi, chapitre 7).

CHAPITRE 2 : On dévoile certaines impostures et certains mensonges de Luther

Venons-en maintenant aux mensonges. [Premièrement] Voici ce qu’écrit Luther dans son libelle intitulé : contre l’exécrable bulle de l’antichrist, en parlant de l’article 6 : « Lis les livres de ces sophistes sur la pénitence, et tu verras qu’ils ne font aucune mention de promesse ou de foi. Car, ils omettent les parties vitales de la pénitence, et ne poussent les hommes qu’à ces contritions mortes. » Il répète la même chose dans son livre sur la captivité de Babylone, chapitre de la pénitence : « Non content de cela, notre Babylone éteint la foi à un point tel que, d’un front impudent, elle nie qu’elle soit nécessaire dans ce sacrement. Bien plus, avec une impiété digne de l’antichrist, elle condamnerait quelqu’un comme hérétique s’il osait affirmer que la foi est nécessaire. » Cette calomnie impudente est non seulement réfutée par tous les livres catholiques, qui exigent en premier lieu la foi dans la justification des adultes. Mais, dans la même page, au bout de sept lignes, on voit Luther se contredire. Car, dans le livre cité plus haut, Contre la bulle exécrable de l’antichrist, et dans la même page, il écrit : « J’ai parlé de cette doctrine : la pénitence ne vaut rien si elle n’est pas faite dans la foi et la charité. C’est ce qu’ils enseignent (les papistes) aussi, sans savoir enseigner ce qu’est la foi et ce qu’est la charité. »

Deuxièmement, le même Luther (dans le même livre de la Captivité de Babylone, chapitre sur la pénitence), dit : « Au début, ils enseignèrent la contrition de la façon à lui donner le premier pas sur la foi de la promesse, et de la rendre plus vile, en n’en faisant plus l’œuvre de la foi, mais un mérite. Ils en même perdu le souvenir. » Et plus bas : « Plus audacieux, et pires encore qu’eux, ils imaginèrent une attrition, qui, en vertu du pouvoir des clefs, deviendrait la contrition qu’ils ignorent. Ils la donnent aux impies et aux incrédules, pour abolir ainsi la contrition universelle. O colère insoutenable de Dieu ! Que de telles choses soient enseignées dans l’Église du Christ ! »

Toutes ces choses, évidemment, ne sont que des impostures et des calomnies. Car, jamais aucun catholique n’a fait passer la contrition avant la foi, ni n’a pu enseigner qu’on puisse avoir l’attrition sans la foi. Nous sommes si certains que la foi est un don de Dieu que nous enseignons constamment qu’elle ne peut être acquise ni par la contrition, qui nait de la foi, ni par aucune œuvre, comme si elle pouvait être acquise par le mérite. Et Luther n’a pu citer aucun de nos auteurs catholiques qui auraient écrit les choses qu’il nous reproche en vociférant dramatiquement. Mais je ne vois que trop bien ce qui lui a fourni l’occasion de cette calomnie. Car, ce nouvel apôtre décrit la foi bien autrement que ne la décrit l’auteur de la lettre aux Hébreux, et que ne l’entend l’église catholique du Christ. C’est cette persuasion oiseuse de la rémission de tous leurs péchés, en laquelle les luthériens ont l’obligation de croire, nous, les catholiques, nous ne la reconnaissons pas, et nous ne daignons pas lui donner le nom de foi catholique. Voilà pourquoi Luther nous calomnie, en faisant croire aux gens simples que nous séparons la foi de la contrition, et que, de cette façon, nous l’éliminons. Et ce que nous soutenons, nous, ce n’est pas que la foi dans le Christ n’est pas nécessaire à la contrition, mais que c’est l’hérésie de Luther qui n’est pas nécessaire à la contrition.

Troisièmement, le même Luther (dans la dispute 4 contre Antinomos, propos 3) enseigne que, « chez les catholiques, le pénitent doit demeurer incertain de la rémission de ses péchés ». Et, dans la même dispute, (proposition 9), il affirme que « les papistes forcent les hommes à douter que le Christ soit vraiment mort pour effacer leurs péchés ». Et, dans son sermon sur l’eucharistie, (en l’an 1526), il dit que « personne qui sait ce que c’est que l’absolution, ne croira pas avec certitude avoir été absous ».

Notons brièvement qu’il est facile de détecter le fondement de ces calomnies. Comme trois choses concourent à la rémission des péchés, le mérite du Christ, la vertu de sacrement, et la disposition propre des pénitents, qui ne peut exister sans un acte de la foi et des autres vertus, les catholiques ne doutent pas du mérite du Christ ou de la vertu du sacrement, puisqu’ils estiment hérétiques ceux qui ont osé enseigner que le Christ n’est pas mort pour tous, ou que sa mort ne suffit pas pour effacer les péchés de tous les hommes, ou que la vertu du sacrement est inefficace ou incertaine. Au sujet de la disposition propre à chacun, ils enseignent qu’il est permis de douter si elle est comme elle devrait être.

Chose que même les luthériens sont d’ailleurs forcés de reconnaitre, car ils ne nient pas que la foi et la pénitence sont requises. Et ils concèdent même que l’homme peut errer dans le jugement qu’il porte sur sa foi et sur sa pénitence. Car, voici ce que Luther dit dans son sermon sur le baptême (en l’an 1535) : « Pour que le baptême soit certain, Dieu ne le fonde pas sur notre foi, qui peut être incertaine et fausse, mais sur sa parole et sur son institution. » Et Jean Calvin (livre 3, chapitre 2, verset 10), dit, en parlant de ceux qui pensent avoir la foi sans l’avoir vraiment, « Le cœur humain a tant de replis où se cache la vanité, tant d’antres de mensonge, tant de déguisements inspirés par la fraude et l’hypocrisie, qu’il se trompe souvent lui-même. Que ceux qui se glorifient de tels simulacres de foi comprennent qu’ils ne le cèdent en rien aux diables ! »

Donc, comme Luther comprend, et souvent les autres luthériens, que ce n’est pas sans raison que les catholiques doutent de l’obtention de la rémission des péchés, ils transfèrent, par une pure fraude, ce qui relève d’une cause à une autre cause, et nous reprochent de douter du prix de la mort du Christ, de l’efficacité et de la vertu du sacrement. Du reste, les catholiques n’enseignent pas, selon le mensonge de Luther, que les pénitents doivent être incertains de la remise de leurs péchés. Ils les exhortent plutôt à vivre de telle sorte et de recevoir le sacrement avec une telle diligence et une telle ferveur qu’ils puissent être certains que leurs péchés leur sont remis, et jouissent en toute sérénité du témoignage de leur conscience pacifiée.

Mais il y a deux choses que les catholiques enseignent, et avec lesquelles nous différons des adversaires. N°1 : La certitude que nous pouvons avoir de la rémission de nos péchés, et qu’ont plusieurs chrétiens après les sacrements, n’est pas une certitude de foi catholique, mais une certitude morale et humaine, non une certitude de foi mais une certitude de confiance. N°2 : Ceux qui n’ont pas cette certitude morale ou humaine, et qui craignent à cause de leur infirmité, de ne pas percevoir les fruits du sacrement, ne sont pas, à cause de cela, comptés parmi les infidèles et les impies. Et ils ne reçoivent pas inutilement les sacrements du seul fait qu’ils craignent les recevoir inutilement.

Les adversaires leur ordonnent de ne pas moins croire que leurs péchés sont remis par ceux qui administrent les sacrements, qu’à l’existence de Dieu ; et ils déclarent que ce sont des impies et des infidèles ceux qui doutent de leur justification. En quoi ils se trompent lourdement. Car, même si, par la parole de Dieu, nous sommes certains que les péchés sont remis à tous ceux qui se présentent au confessionnal avec les dispositions voulues (les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, Jean 20, 23), on ne peut pas savoir par la parole de Dieu que tel ou tel homme se présente avec les conditions voulues. On ne peut le savoir cela, que par des conjectures humaines, ou des signes. Voilà pourquoi cela ne peut, en aucune façon, appartenir à la foi qui est basée sur la parole de Dieu.

Quatrièmement. Le même Luther (dans son livre sur la messe privée, en l’an 1534), enseigne, avec une impudence horrible et diabolique, qu’un grand nombre de catholiques enseignent de nouveau que le Christ n’a satisfait que pour le péché originel, et que, pour les péchés actuels, c’est nous qui devons satisfaire. Et qu’ainsi, après avoir conspué le Christ, nous devenons des Turcs et des païens. De même, dans la préface de son commentaire sur la lettre aux Galates, (en l’an 1535), il va encore plus loin. Il dit que les catholiques ont le Christ en plus faible estime que ne l’ont les Juifs. Car, les Juifs voyaient le Christ comme un larron pendu à un gibet à cause de ses crimes; et les catholiques comme un être fabuleux, un dieu fictif comme l’étaient les dieux des païens.

Ce mensonge est tellement gros et évident qu’il ne demande aucune réfutation. Car, les catholiques n’attribuent pas à la satisfaction la rémission des péchés actuels, si ce n’est par mode de disposition, mais seulement celle des peines temporelles, qui demeurent après la rémission des péchés, comme l’a voulu la divine sagesse. Quant aux fautes des péchés actuels, tous les catholiques affirment qu’elles sont remises par le sacrement de pénitence, qui tient sa vertu du sang du Christ. Chose que Luther ne peut pas ignorer, car, dans la dispute de Philippe sur les parties de la pénitence, que l’auteur a préfacée par une lettre louangeuse, voici ce qu’on lit dans la proposition 10 : « Les adversaires admettent avec raison que les satisfactions ne méritent pas la rémission de la faute. » Et Philippe répète la même chose dans son apologie de la confession d’Augsbourg (article de la confession et de la satisfaction). Ajoutons que les catholiques n’enseignent pas seulement que le Christ a satisfait pour toutes les fautes, mais aussi pour toutes les peines ; que la satisfaction ne nous est pas appliquée autrement pour le péché originel que pour le péché actuel, pour la peine éternelle que pour la peine temporelle, comme nous l’expliquerons en son lieu.

Cinquièmement. Le même Luther, dans son commentaire de la lettre aux Galates, écrit en commentant ces mots : « Car si je construis de nouveau ce que j’ai détruit » : « Les catholiques, dans le sacrement de confession, ne font aucune mention des mérites du Christ, mais ils n’inculquent que les satisfactions humaines. » Et il le prouve cela avec la formule d’absolution employée par les papistes les plus religieux. Mais ce mensonge, je ne pense pas que c’est à l’état de veille qu’il l’a vomi, mais plutôt en somnolant, car la formule de l’absolution dont il parle ici et que Tilmann[Tilman Heshusius (latin), ?Tilemann Hesshus (allemand)] rapporte dans son livre sur les six cents erreurs des pontifes (9, numéro 57) commence ainsi : « Par le mérite de la passion du Christ, et par les mérites de la bienheureuse vierge et de tous les saints. » 

Sixièmement. Le même Luther (dans sa captivité de Babylone, au début du sacrement de pénitence, dit : « La première chose qui est mauvaise dans ce sacrement, et la plus importante, c’est qu’ils ont aboli totalement le sacrement, sans n’en laisser aucun vestige. » Or, s’il en était vraiment comme il le dit ici, les catholiques n’estimeraient pas, d’après Luther, qu’il y a sept sacrements. Car, il est trop évident que s’il en manque un, il ne peut pas y en avoir sept. Quand le même Luther, au début de son livre sur la captivité de Babylone, déclare qu’il faut nier qu’il y ait sept sacrements, et, pour le moment, n’en conserver que trois, il indique assez clairement que les catholiques comptent sept sacrements.

Septièmement. Dans son livre contre la fondation de la papauté à Rome, en l’an 45, un an avant son trépas, c’est avec une grande impudence qu’il ment. Et il parle avec une telle vulgarité et une telle arrogance qu’il est à se demander si même, pour les siens, il n’était pas plutôt un bouffon qu’un évangéliste. Il ose écrire que le pape a dit : « En dehors de moi, de mes clefs et de mes messes, personne ne peut apporter d’aide. » De même : « Le Christ est un ivrogne, un abruti, un écervelé. Il ne se souvient plus de l’immense pouvoir de lier qu’il m’a donné avec les clefs. » De même : « Celui qui n’adore pas mes flatulences commet un péché mortel, et est digne de l’enfer. » Au même endroit, il affirme sérieusement que le pape et tous ses adhérents, qu’il appelle rustres, stupides, et des ânes scélérats, « ne connaissent rien de Dieu, du Christ, du baptême, de l’eucharistie, du pouvoir des clefs, et des bonnes œuvres » Il dit même que, hors de tout doute, « aucun catholique ne sait un seul des dix préceptes, ou une seule demande de l’oraison dominicale, ou un article du symbole ». Et que pourtant, chez les luthériens, un enfant de cinq ans connait très bien tous les préceptes. Si je voulais rapporter tout son vomissement, je ferais injure aux luthériens en semblant les croire hébétés et retardés, du fait qu’ils ont avalé sans broncher des mensonges si sublimes.

Le même Luther dans les articles Smalkalde (1537), qu’il a formulés et promulgués dans un conventum des siens, (paragraphe 3,) sur la fausse pénitence des papistes, impute aux catholiques, en plus de plusieurs autres mensonges, d’enseigner que « ceux qui font correctement la pénitence méritent la rémission des péchés. » Il ajoute que « les catholiques ne font aucune mention du Christ ou de la foi, mais espèrent abolir, par leurs propres œuvres, tous leurs péchés devant Dieu. » Il dit aussi que la contrition des catholiques est une pensée des péchés fictive et simulée, « qui provient de leurs propres forces, sans la foi et sans la connaissance du Christ ». Ces choses et d’autres semblables, loin de les reconnaitre pour nôtres, nous les condamnons dans les hérésies pélagiennes. Mais, comme je l’ai souvent dit, il n’est que trop facile d’affirmer n’importe quoi sans preuve et sans témoignage, d’autant plus que les hérétiques ont une tendance naturelle au mensonge.

µCHAPITRE 3 : Les calomnies et les mensonges de Philippe Mélanchthon

Philippe Mélanchthon, auteur de la confession et de l’apologie, et le propre père des confessionistes, a pensé que, pour donner plus de force à ce texte sur la pénitence, il devait le corser de divers mensonges et calomnies. Tout d’abord (dans la confession d’Augsbourg, article 12), il enseigne le mensonge suivant : « les catholiques n’enseignent pas que la rémission des péchés s’obtient par la foi, mais par notre amour et nos œuvres; et que les satisfactions sont nécessaires pour racheter les peines éternelles ». Mais il vaut la peine d’écouter de combien de façons différentes il a exprimé ce mensonge, dans les éditions successives. Dans la confession de 1530 qu’ils montrèrent à Charles Quint, nous lisons : « Sont rejetés ceux qui n’enseignent pas que la rémission des péchés s’obtient par la foi, mais qui nous ordonnent de mériter la grâce par nos satisfactions, » Dans son édition de Wirtemberg, de l’an 1531, ils ont changé le texte de cette façon-ci : « Sont rejetés aussi ceux qui n’enseignent pas que la rémission des péchés s’obtient par la foi, mais enseignent que la rémission des péchés s’obtient par notre amour et nos œuvres. Sont rejetés aussi ceux qui enseignent que « les satisfactions canoniques sont nécessaires au rachat des peines éternelles ou du purgatoire. » Dans l’édition de 1540, voici ce qu’ils ont mis : « Ils condamnent aussi ceux qui n’enseignent pas la rémission des péchés par la foi, gratuitement, à cause du Christ; mais qui soutiennent que la rédemption des péchés s’obtient par la dignité de la contrition, de l’amour, ou d’autres œuvres. Ils condamnent ceux qui ordonnent aux consciences de douter que dans la pénitence, ils obtiennent réellement la rémission des péchés, et qui affirment que ce doute n’est pas un péché. »

Dans la même confession (à l’article sur la confession, dans l’édition de 1531), il dit : « Avant, on portait aux nues immodestement les satisfactions, et on ne faisait aucune mention de la foi, du mérite du Christ, et de la justice de la foi ». Et dans l’édition 1540 : « Ils n’enseignent jamais rien de certain sur la façon dont se fait la rémission des péchés. Sur la foi, ils gardent le plus profond silence. Et ils vont même jusqu’à enseigner qu’il faut douter de la rémission des péchés. » Et plus bas : « Les savants parmi les catholiques s’imaginent que la mort éternelle est vaincue par les satisfactions; et les non savants croient que la rémission de la faute se fait par les œuvres. » Le même Philippe Mélanchthon (dans son apologie à l’article 12) a accumulé tant de fraudes et d’impostures qu’il est impossible de les énumérer toutes. Nous en avons déjà réfuté une partie dans l’opuscule que nous avons intitulé « jugement sur le livre la concorde des Luthériens. » Mais il y a un mensonge, autant dans les confessions de 1540, que dans l’apologie, que nous ne pouvons pas laisser passer inaperçu. Il se glorifie d’une maxime comme d’une lampe allumée par les siens : « La simple doctrine de la pénitence a été ensevelie sous un amas d’opinions inutiles et mauvaises. » Et un peu après, il dit : « Voilà pourquoi les nôtres se sont appliqués à apporter de la lumière sur cet article. Ils l’ont éclairci et illustré à un point tel que même nos adversaires anciens reconnaissent qu’en cela, ils ont bien mérité de l’église. »

Et dans son apologie, il ajoute : « Tous les hommes de bonne foi de tous ordres, et même les théologiens, reconnaissent qu’avant les écrits de Luther, la plus grande confusion régnait dans la doctrine de la pénitence. Existent toujours les livres des sentences où se trouvent une infinité de questions qu’aucun théologien n’a pu expliquer suffisamment. Le peuple n’a pas pu saisir l’ensemble de cette question, ni comprendre ce qui était vraiment requis dans, la pénitence, là où l’on devait chercher la paix de la conscience. Qu’on nous montre donc un texte de nos adversaires où est expliqué quand se fait la rédemption des péchés. Grands dieux ! Quelles ténèbres épaisses ! Ils se demandent si c’est dans l’attrition ou dans la contrition que se fait la rémission des péchés. » Et plus bas : « Nous donc, pour retirer les consciences pieuses des labyrinthes de ses sophistes, nous établissons deux parties de la pénitence : la contrition et la foi. »

Nous pouvons dire, nous, en toute vérité, qu’avant la défection de Luther et ses écrits contestataires, la doctrine de la pénitence avait été formulée pleinement, si on regarde les choses qui appartiennent à ce sacrement, pour qu’il soit reçu et administré avec fruit, et que le prêtre et les fidèles devaient connaitre. Car tous savaient et admettaient que la pénitence était un sacrement, car jamais il n’y a eu de contestation là-dessus. Ils savaient à quel temps il était nécessaire de faire pénitence, et de se présenter au confessionnal. Ils savaient ce qu’il fallait faire pour que ce sacrement soit reçu utilement : pleurer le péché, et prendre la décision de ne plus le commettre; confesser au prêtre tous les péchés mortels qui viennent à l’esprit, et accomplir la pénitence que le prêtre impose. Ils savaient que les péchés étaient remis par l’absolution grâce aux mérites du Christ appliqués par le ministère des prêtres; que cela se faisait gratuitement, non en vertu de nos mérites ou de la dignité de la contrition, ni non plus de l’attrition, selon le mensonge imposé par nos adversaires. Ils savaient ensuite à qui ils devaient demander le sacrement de pénitence, c’est-à-dire au propre pasteur de leurs âmes, ou à celui qui en aurait reçu la capacité par le pasteur commun de toute l’Église. Toutes ces choses étaient connues de tous, et n’étaient contestées ou contredites par personne. Aucune controverse ne portait sur cette question. Tous pouvaient les trouver facilement dans les petits catéchismes ou dans des livres populaires. Et si, dans les écoles, certaines questions plus subtiles étaient discutées entre théologiens, ces disputes savantes n’avaient aucun impact sur le peuple, et ne troublaient en rien leur foi, car tous ces raisonnements leur étaient inaccessibles. Les disputes savantes sur la Trinité, sur l’incarnation, le péché originel et sur d’autres mystères de notre foi n’empêchaient pas les pasteurs d’expliquer en mots simples la foi du symbole. 

Mais, après les écrits de Luther et ses contestations, les choses sont obscurcies et rendues confuses à un point tel que les luthériens ne conservent rien de certain sur les principaux chapitres de la doctrine de la pénitence. Il ne faut pas s’étonner qu’ils aient mis fin aux disputes scolastiques, puisqu’ils ne s’entendent pas encore entre eux sur les premiers éléments, et sur ceux que le peuple doit connaitre. Ils cherchent encore à savoir si la pénitence est un sacrement, s’il faut conserver la confession privée; quels sont les péchés qu’on doit nécessairement confesser, à quel moment doit-on se confesser; à qui doit-on se confesser; et si les mourants et les enfants peuvent aussi se confesser; est-ce que la foi doit précéder la contrition ou la contrition la foi. Car Luther, dans la captivité de Babylone, (au chapitre sur la pénitence), vocifère comme un tragédien contre ceux qui font passer la contrition avant la foi, et les appelle impies et infidèles : « O colère insoutenable de Dieu ! De pareilles choses sont-elles enseignées dans l’Église du Christ ? » Et cependant, dans la confession d’Augsbourg (article 12, sur la pénitence, et dans l’apologie, à l’article 12) ils enseignent en toutes lettres que la pénitence précède, et que la foi suit. Il s’ensuit que la contrition ne se trouve que dans les impies et les infidèles. Donc, cette Confession, qui pour les luthériens tient lieu d’évangile, milite dans une chose de première importance, contre Luther qui est, pour eux, le nouvel évangéliste. Mais, poursuivons notre propos.

Le même Philippe Mélanchthon (dans sa dispute sur la pénitence, proposition 7), dit : « Les scolastiques ont enseigné sottement et avec impiété, que les péchés sont remis par la contrition sans la foi. » Et proposition 11 : « Toute la doctrine de la pénitence chez les scolastiques est pleine d’erreurs et d’impiétés, parce qu’ils omettent le chapitre du négoce, c’est-à-dire la foi, car ils n’enseignent pas que c’est par la foi que l’homme reçoit la rémission des péchés. » De même, en discutant contre l’article 9 des propositions de Louvain, il dit : « Ils rabaissent la gloire du Christ quand ils disent que les péchés sont remis à causes de nos mérites. » Et la proposition suivante : « Cette erreur sinistre par laquelle est détruit le principal article de la foi : « je crois en la rémission des péchés », les théologiens de Louvain la défendent en impies dans leur décret. » Il dit la même chose (dans la dernière édition des lieux communs, à confession) : « Les moines ont imaginé que l’énumération des péchés en confession était un culte rendu à Dieu, et qu’elle méritait la rémission des péchés. »

Toutes ces affirmations sont de purs mensonges, qui ne s’appuient sur aucun témoignage d’aucune sorte. Et on ne peut en donner d’autre preuve que le désir de Luther de les inventer. Car, tout ce qu’il dit, selon les luthériens, doit être réputé vrai, et être souvent répété, même si c’est archifaux. Ensuite, (dans les lieux communs, édités en 1522) quand il se glorifiait de posséder les prémices de l’esprit de Luther, il semait, par des mensonges et des impostures, le mépris envers le très ancien et célèbre concile œcuménique de Nicée. Voici, en effet, ce qu’il écrit (dans son livre sur les lois humaines) : « Dans le synode de Nicée, ont été instituées certaines formes de pénitence. Je ne dirai pas par quel esprit les pères les ont décrétées. Mais, ce que je vois, c’est qu’une bonne partie de l’évangile, celle qui est la plus fondamentale, a été obscurcie par cette tradition. Car, c’est de là que sont nées d’abord les satisfactions » Et plus bas : «Les théologastres de notre temps ont suivi la tradition qui provient du synode de Nicée, et ont fait des satisfactions une partie de la pénitence. Or, rien n’est plus nuisible que cette erreur. »

Il y a trois choses à noter dans ces paroles. La première. L’audace incroyable de cet homme, qui était encore jeune à cette époque, qui n’en était encore qu’aux écoles des grammairiens, et qui n’avait pas encore commencé l’étude des lettres sacrées et de la théologie. Et pourtant, ivre de l’esprit hérétique, il ose déclarer que la vertu principale et fondamentale de l’évangile a été obscurcie ou affaiblie par le concile général de Nicée, le plus ancien et le plus saint de tous ! La deuxième. L’ignorance intolérable de celui qui s’autoproclame le censeur du concile de Nicée ! Car, il n’est pas vrai que le concile de Nicée ait été le premier à parler des satisfactions, puisque le concile de Néo Césarée et celui d’Ancyre, qui sont plus anciens que le concile de Nicée, sont remplis de canons pénitentiels. Et le sermon de saint Cyprien de Carthage sur les tombés pendant les persécutions, et le livre de Tertullien sur la pénitence ne parlent rien d’autre que de satisfactions. Personne ne peut nier que saint Cyprien de Carthage ait vécu quatre-vingts ans avant le concile de Nicée, et que Tertullien ait vécu plus de cent ans avant le même concile.

La troisième. Une admirable inconstance. Notre doctrine sur la pénitence qu’ils combattent, ils l’appellent souvent nouvelle, et une invention des papistes. Et pourtant, Philippe n’a pas hésité à affirmer que les théologastres de notre temps qui ont fait de la satisfaction une partie de la pénitence, n’ont fait que suivre les pères du concile de Nicée. S’il en est vraiment ainsi, il faut donc appeler cette doctrine : la plus ancienne de l’église catholique. Et c’est celle qui combat cette doctrine qui est la nouvelle, celle des luthériens.

CHAPITRE 4 : Les calomnies et les mensonges de Tilmann Heshusius

Tilmann Heshusius se dit évêque de Sambiensis. Il s’est rendu compte que les catholiques protestent depuis plusieurs années contre les nombreux mensonges de Luther et de Philippe Mélanchthon et des autres sectaires; que, comme ils ne pouvaient pas réfuter la doctrine catholique par des raisons solides, pouvaient au moins la rendre odieuse par des impostures. Il entreprit alors d’indiquer les auteurs de toutes ces erreurs qui nous sont reprochées par les luthériens, pour que, après avoir fait connaitre les auteurs de nos sentences, nous cessions enfin de rendre les luthériens coupables de tant de mensonges et de tant d’impostures. Voilà pourquoi il a écrit un livre sur les six cents erreurs que l’église romaine commet contre la parole de Dieu. Sur lequel livre nous avons déjà écrit beaucoup de choses. Contentons-nous donc maintenant du lieu 9, qui porte sur la pénitence. À cet endroit, il a énuméré quatre-vingt-huit erreurs qu’il affirme être soutenues par les catholiques. Nous ne trouvons pas dans cette liste d’erreurs, celles que Luther et Philippe Mélanchthon nous objectaient souvent, à savoir, que nous excluons la foi du sacrement de pénitence, que nous acquerrons la grâce par nos propres mérites, et d’autres de ce genre. Il n’a pas indiqué les auteurs des erreurs qu’ils nous attribuent faussement et impudemment. 

Les erreurs qu’énumère Tilmann Heshusius sont souvent les mêmes que celles de Luther. Ou ces erreurs ne seront pas des erreurs, ou les luthériens erreront avec les papistes, ou on devra dire aux papistes : beaucoup ont été prises telles quelles dans les livres, qui doivent être expurgés, des plus anciens et des plus saints pères, qui ont vécu dans les premiers siècles. Ou il s’ensuivra que ces anciens saints pères ont été des papistes, et que l’église des papistes est la vraie et l’antique église, celle des premiers siècles.

Il y a parmi ces erreurs, de vraies sentences catholiques, que certains comme Heshusius n’arrivent pas à comprendre, ou qui sont volontairement rendues ineptes et ridicules. Il y en a d’autres qui contiennent des mensonges et des calomnies manifestes. Si on retire toutes ces soi-disant erreurs de sa liste, cette montagne d’erreurs sera réduite à un petit tas. Voyons d’abord quelques exemples du premier genre. La huitième erreur de Héshusius est la suivante : dans le concile de Trente session 14, chapitre 1, les catholiques soutiennent qu’avant la venue du Christ, la pénitence n’était pas un sacrement; et que même après la venue du Christ, elle ne l’est pour personne avant le baptême. Cette sentence, les luthériens l’admettent autant que nous. Car, ni Luther ni aucun luthérien n’a jamais enseigné que la pénitence était un sacrement qui agissait avant le baptême, ou que dans l’ancien testament, il ait eu un sacrement de pénitence proprement dit. 

Heshusius note à l’erreur 54 que le même concile de Trente (session 14, chapitre 6, enseigne que les prêtres qui sont en état de péché mortel, exercent, par la vertu de l’Esprit saint reçu à l’ordination, la fonction de remettre les péchés en tant que ministres du Christ. Cette sentence est commune aux catholiques et aux luthériens, car, dans la confession d’Augsbourg, (article 8) sont condamnés les donatistes qui nient que le ministère des mauvais prêtres dans les sacrements soit utile et efficace. Et, au même endroit, on affirme clairement qu’à cause de l’ordination et du mandat du Christ, les sacrements sont efficaces, même quand ils sont administrés par de mauvais prêtres. Donc, ou Hesusius condamne cette erreur, ou il affirme être un donatiste condamné par la confession d’Augsbourg.

L’erreur 71 de Heshusius : on ne doit pas faire de satisfaction pour le péché originel. Il cite comme auteur de cette erreur saint Thomas d’Aquin (4 dist 16, quest 1 art 2) Qui, parmi les luthériens, a jamais pensé quelque chose de tel, eux qui rejettent toute satisfaction. Est-il crédible qu’ils admettront la satisfaction pour expier le péché originel ?

Et voici des exemples du second genre. Il dit que la première erreur consiste en ce que la pénitence pleure les péchés passés, et n’admet pas qu’ils doivent être pleurés. Ces paroles se trouvent dans saint Grégoire (homélie 31 sur l’évangile, et on cite de semblables de saint Ambroise et de Gratien (canon 3cc3 nunc, la pénitence, dist 1). Si donc cette erreur est celle des papistes, Heshusius devrait donc dire que saint Grégoire et saint Ambroise sont des papistes et sont adversaires des luthériens. La troisième erreur relevée par Heshusius est la suivante : « la deuxième planche ou épave après le naufrage est de confesser ses péchés. » Or, ces paroles sont celles de saint Jérôme (dans sa lettre à Pammachius et à Oceanus sur les erreurs d’Origène, dans une autre lettre à Démétriade et à Sabinisnus, et dans le chapitre 3 d’Isaïe). Tu vois donc, cher lecteur, de quel papiste antique noble nous fait cadeau Heshusius, lequel papiste nous pouvons placer avant les six cent luthériens. L’erreur 15 consiste en ce que nous disons que la pénitence est un baptême laborieux, et cela dans le concile de Trente (session 14, chapitre 2). Les pères du concile affirment aussi qu’on parvient à la nouveauté de la vie par le sacrement de pénitence, mais non sans beaucoup de pleurs et d’efforts. Or, cette sentence n’est pas celle d’un auteur en particulier, mais de tous les écrivains anciens, de sorte qu’on ne peut pas dire que c’est une erreur des papistes, à moins de concéder que les pères les plus anciens et les plus saints ait été des papistes.

Car, ceux qui comparent la pénitence avec le baptême comme l’épave d’un navire échoué avec un navire intact, indiquent assez clairement que la pénitence est un baptême laborieux. Mais, en plus de saint Jérôme, ont écrit sur ce sujet saint Cyprien, saint Clément d’Alexandrie, Tertullien, Pacianus, saint Ambroise, Théodoret, saint Jean Damascène, et d’autres, dont on donnera des extraits au chapitre 12. La vingt-huitième erreur est que la douleur qui vient de la contrition doit être tellement véhémente et intense, qu’on puisse la comparer avec la grandeur des fautes. Cette sentence ce n’est pas seulement le catéchisme romain qui l’enseigne, mais le grand et saint martyr Cyprien. Car, voici ce qu’il écrit dans son sermon sur les tombés pendant la persécution : « Nos pleurs doivent être aussi grands que sont nos fautes. Ta plaie est profonde, mais le long traitement ne manque pas. Que la pénitence ne soit pas plus petite que le crime ! » L’erreur 40. La confession libère de la mort, ouvre le paradis, et donne l’espoir du salut. Heshusius rend Pierre Lombard l’auteur de cette erreur. Or, les paroles qu’il attribue au Maître des sentences il ne les pas inventées, mais il les a prises dans un sermon de saint Ambroise sur le carême. Et voilà pour le deuxième genre.

µDes exemples du troisième genre. La cinquième erreur dit que le sacrement de pénitence consiste essentiellement dans l’acte de celui qui est sanctifié. Cette sentence les catholiques l’entendent ainsi : ils veulent que la confession, la contrition et la satisfaction qui sont appelées les parties matérielles de ce sacrement consistent dans l’action du pénitent. Que cela soit vrai, personne en état de sobriété ne le contestera. Car de qui peut bien être l’action de se repentir, de confesser et de satisfaire si ce n’est de celui qui se repent, se confesse et satisfait ? La sixième erreur consiste en ceci que la pénitence, en tant qu’habitus, doit être perpétuelle, mais non en tant qu’acte. Cette sentence qui peut la nier s’il la comprend ? Car, nous ne pouvons faire pénitence en acte, en dormant. Il n’est donc pas possible d’avoir toujours la pénitence en acte. Mais nous pouvons et devons être prompts et prêts à faire pénitence, si la chose le demande. Qui a jamais nié cela ? La treizième erreur dit que la foi n’est pas une part de la pénitence, mais la précède. Et cette sentence, si par foi, on entend ce que les catholiques entendent par foi, qui est de donner un ferme assentiment à toutes les choses que Dieu a daigné nous révéler par son Verbe, ni les luthériens, ni aucun autre sectaire ne peuvent le nier. Car à moins que quelqu’un croie fermement en Dieu, dans le péché, le jugement et autres choses révélées, il ne peut pas se faire qu’il soit amené à la pénitence. Voilà pourquoi on dit que si la foi ne précède pas, la pénitence ne peut pas suivre.

L’erreur 14 explique qu’il y a deux douleurs dans la contrition, une rationnelle, et une autre sensible; que la première est nécessaire à la contrition, et la seconde, non nécessaire. Mais cette distinction est des plus spécieuses. Tilmann niera-t-il que l’homme peut concevoir une douleur et avec l’esprit et avec la chair ? Or, s’il nie cela, ce n’est pas un homme qu’il nous donnera, mais un ange ou une bête. Niera-t-il que la douleur conçue par l’esprit peut difficilement exister sans une douleur sensible et externe ? Combien de fois nous expérimentons en nous-mêmes, quand quelque chose nous touche profondément, et que nous en avons un grand repentir, que nous ne pouvons pas obtenir de nous une seule larme. Quel chrétien se demandera si un cœur contrit et un esprit contrit peuvent suffire à la détestation du péché, même sans larmes corporelles ? 

Erreur 25 . Nous disons que la contrition doit être parfaite, et qu’il suffit d’avoir une douleur conçue du péché si grande qu’on ne puisse pas en concevoir de plus grande. Et ils font du catéchisme romain l’auteur de cette erreur. Mais Heshusius se trompe, car ce n’est pas le catéchisme romain qui est l’auteur de cette sentence, mais l’Esprit Saint qui l’a attesté souvent par la bouche de Moïse et du Christ, à savoir qu’on doive aimer Dieu de tout son esprit, de tout son cœur et de toutes ses forces, c’est-à-dire d’un amour sincère et total; qu’on ne doit placer personne avant lui, ou sur le même pied que lui. Il est certain qu’on doit se désoler de tout son cœur, de tout son esprit, et toutes ses forces, à cause des péchés contre Dieu qu’on admet avoir commis; et qu’on doit éprouver une plus grande douleur pour la perte de la vie divine que pour la perte de toute autre chose créée. Heshuhius pense-t-il- donc qu’on doit éprouver une plus grande douleur pour la perte de l’argent que pour avoir offensé Dieu ? Mais, venons-en au dernier genre, celui des calomnies et des mensonges.

Dans l’erreur 12, il dit que, c’est du catéchisme romain que vient la sentence qui veut que c’est par la vertu et de l’efficacité du sacrement de pénitence, --qui consiste dans un acte externe de l’homme-- que le sang du Christ efface nos péchés. Ce qui revient à dire que le sang du Christ reçoit sa vertu de l’acte humain. Ce qui est un blasphème horrible. Mais ce qui est horrible, c’est plutôt l’impudence du mensonge de Heshusius, qu’on ne trouvera dans aucun catéchisme. Le catéchisme enseigne seulement ceci : par la vertu du sacrement, en tant qu’instrument divin, le sang du Christ, par lequel les péchés sont purgés, dérive vers nous. Le sang du Christ ne tire pas sa vertu des sacrements selon le mensonge de Heshusius, cela aucun auteur ne l’a jamais écrit, ni n’a même pu l’imaginer en rêve. 

Voici quelles sont les paroles du catéchisme citées par l’adversaire : « Comme personne ne peut obtenir le salut que par le Christ et par le bienfait de sa passion, il a juté qu’il ’était fort utile d’instituer un sacrement qui, par la vertu et l’efficacité du sang du Christ coulant sur nous, effacerait les péchés commis après le baptême. » Dans ce texte, le catéchisme ne veut pas dire que le sang du Christ tire sa force de la vertu et de l’efficacité du sacrement; mais que le sang du Christ, qui est le seul à couler pour nos péchés, efface en nous nos péchés par la vertu et l’efficacité du sacrement. Il ne s’ensuit donc pas plus que le sang du Christ reçoive du sacrement le pouvoir d’effacer le péché, que l’eau ne reçoit la capacité d’humecter d’un canal, parce qu’elle descend par un canal. 

Dans l’erreur, il note que Gratien et Pierre Lombard enseignent qu’on ne peut faire pénitence qu’une seule fois. Mais, à sa façon habituelle, il a agit en imposteur. Car, Gratien (dist 2 et 3 sur la pénitence) et Pierre Lombard (livre 4, sentences, dist 14) présentent différents témoignages des pères, qui semblent enseigner des choses contraires, les uns voulant que la pénitence ne soit reçue qu’une seule fois, et les autres plusieurs fois. Mais il réconcilie ces divers auteurs en faisant observer que c’est la pénitence publique qu’on ne peut recevoir qu’une seule fois, mais qu’on peut recevoir plusieurs fois la pénitence privée. Pour en imposer aux simples, Heshusius cite ce que ces auteurs présentent pour une partie de la question comme étant la sentence catholique. 

Dans l’erreur 21, il reproche au catéchisme romain d’enseigner que la contrition n’est pas l’œuvre du Saint-Esprit, mais est un acte de la volonté élicité par la vertu du libre arbitre. Il se comporte ici comme un imposteur d’une grande audace. À quel endroit, dans tout le catéchisme, trouvera-t-il que « la contrition n’est pas l’œuvre du Saint-Esprit »? Ils disent que l’auteur du catéchisme enseigne que la contrition est un acte de la volonté, ou du libre arbitre (que Heshusius seul cite, mais ce n’en est pas moins vrai), un acte du seul libre arbitre qui n’est pas en même temps un don du Saint-Esprit. Ce que les catholiques n’enseignent pas. Enfantin est le raisonnement de Hsehusius : la contrition est un acte de la volonté humaine, elle ne peut dons pas être une œuvre de l’Esprit Saint. Comme si une œuvre ne pouvait pas être est opérée en même temps par Dieu et par notre volonté. Saint Augustin (dans son livre sur la prédestination des saints, chapitre 3) dit, en dissertant sur les actes de foi et de charité : « L’un et l’autre sont nôtres, à cause du libre arbitre, et l’un et l’autre sont des dons, à cause de l’Esprit de foi et de charité. »

Dans l’erreur 58, dont Heshusius n’a pas pu trouver l’auteur, on lit ces mots : « Ils enseignent que l’absolution des péchés ne doit pas se faire seulement au nom de Jésus-Christ, mais au nom de la Sainte Vierge, de tous les saints et de nos œuvres. Voici donc ce qu’est la formule d’absolution commune et remplie de blasphèmes, qui nous vient des monastères : «Que le mérite de la passion de notre Seigneur Jésus-Christ, de la bienheureuse Vierge Marie, et de tous les saints; le mérite de l’obéissance, le poids de la religion, l’humilité de la confession, la contrition du cœur, les bonnes œuvres que tu as faites pour l’amour de notre Seigneur Jésus-Christ te procurent la rémission de tes péchés, une augmentation de mérite et de grâce, et la récompense de la vie éternelle. » J’ai voulu rapporter ces choses telles quelles pour faire connaitre l’impudence des hérétiques, leur soif du mensonge, Car, il n’a pu trouver aucun auteur qui reconnaisse ces paroles comme étant une formule d’absolution. Car, la vraie formule qu’emploient tous les catholiques, comprend les mots suivants : « Je t’absous de tous tes péchés au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. » Dans cette formule, il n’est fait aucune mention de la Vierge ou des saints, mais de Dieu seul, à qui il revient exclusivement de remettre les péchés par lui-même, ou par ses ministres. Que cette formule soit celle de l’absolution, tous peuvent l’apprendre du concile de Trente, de Florence et de tous les auteurs catholiques qui traitent de cette question.

Ce que cite Seshehius ce n’est pas la formule d’absolution, mais une prière pieuse que quelques-uns ont coutume de réciter après avoir reçu l’absolution. Ce n’est pas une chose absurde de prier pour la rémission de la peine due au péché, ou pour l’augmentation de la grâce, l’obtention de la vie éternelle par les mérites du Christ, de la sainte Vierge, de tous les saints qui règnent avec le Christ, et de nos bonnes œuvres. Car, toutes ces choses ont leur utilité propre. Mais, cela devrait suffire pour Heshusius. Nous n’avions pas l’intention de tout traiter, mais de nous en tenir à certains exemples.

CHAPITRE 5

Les calomnies et les mensonges de Calvin et de Théodore de Bèze

Il semble qu’il faille encore citer quelques mensonges et quelques calomnies de Calvin. La première est dans le livre 3, chapitre 4, verset 1 : « Les catholiques sont tellement tournés vers les exercices externes de mortification que, dans leurs immenses volumes, tu ne trouveras rien d’autre que la pénitence est une discipline et une austérité qui sert en partie à dompter la chair, en partir châtier et punir les vices. Du renouvellement intérieur de l’esprit, qui entraine avec soi la vraie correction de vie, silence complet » . Cette sentence répugne à ce que le même auteur ajoute tout de suite après, et contient un mensonge manifeste. Car, voici ce qu’il dit après : « Sur la contrition et l’attrition, il y a. chez eux, de grands développements. » Or, si les catholiques parlent souvent et longuement de la contrition et de l’attrition , comme peuvent-ils garder un silence total sur le renouvellement de l’esprit interne ? Car, à la contrition appartient proprement la célèbre définition de la pénitence que le même Calvin attribue aux mêmes catholiques : « Pleurer les péchés passés, et ne pas commettre ceux qu’on doit pleurer. » Celui qui pleure si sérieusement ses péchés que son âme en tire un ferme propos de ne plus pécher, acquiert certainement le renouvellement intérieur de l’esprit, qui amène avec soi la vraie correction de la vie. Ce que Calvin ajoute un peu après que les catholiques guérissent toute l’amertume de leur cœur par une légère aspersion cérémonieuse, c’est une nouvelle calomnie, qui peut être réfutée par le témoignage même de Calvin, car un peu avant, il avait dit que la pénitence n’était pour eux que de la discipline et de l’austérité qui servait à punir et châtier les vices. Or, si, chez nous, sont requises pour les pénitents l’austérité, la grâce de la satisfaction, les jeûnes, les prières, les aumônes, les pèlerinages, toutes sortes de mortification imposées par les prêtres, comment ne ment-il pas celui qui, tout en reconnaissant cela, prétend que toute l’amertume du cœur est guérie par une légère aspersion cérémonieuse.

Deuxièmement. Calvin, au même endroit, semble reprocher aux docteurs catholiques une ignorance crasse, du fait qu’ils s’embrouillent et s’empêtrent dans des questions d’une grande facilité. Exemples. Est-ce que la pénitence d’un seul péché plait à Dieu quand demeure l’attachement à d’autres péchés ? Est-ce que les peines infligées par Dieu valent pour la satisfaction ? Est-ce que la pénitence pour des péchés mortels peut être répétée souvent ? Mais, moi je n’ai jamais lu aucun auteur qui se sentait empêtré dans ces questions. Car, tous répondront immédiatement que ne plait pas à Dieu la pénitence pour un seul péché, et qu’ il ne peut pas y avoir une vraie pénitence là où demeure l’attachement à d’autres péchés mortels. Et ils ont pour axiome cette phrase de saint Augustin (ou de quiconque fut l’auteur du livre sur la vraie ou fausse pénitence, chapitre 9) : « Il y a une certaine impiété de l’infidélité qui consiste à espérer un pardon à moitié de celui qui est le juste et la Justice. » Ils ne sont pas moins tous d’accord que tous les fléaux envoyés par Dieu valent pour la satisfaction. Car c’est ce qu’ils soutiennent contre les hérétiques qui le nient, comme on le voit dans le concile de Trente (session 14, canon 13). Et il n’y a personne parmi les catholiques qui se demande si la pénitence privée peut être répétée à chaque fois que quelqu’un tombe dans le péché.

Troisièmement. Calvin ment impudemment quand il dit : « Ils définissent honteusement en impies qu’on ne doit faire pénitence à tous les jours que pour les péchés véniels. » Je demande donc : quels sont ceux qui définissent cela ? Pourquoi ne cite-t-il aucun décret d’auteur ? Les écrivains catholiques écrivent qu’on commet des péchés véniels à tous les jours, et qu’on doit donc faire pénitence pour eux à tous les jours. Et cela, non seulement les plus récents, mais même saint Augustin qui l »enseigne en termes formels. (la dernière homélie du livre 1 sur ses homélies, chapitre 8). Mais personne n’a jamais enseigné qu’on ne pouvait pas faire pénitence pour les péchés mortels en tout temps de la vie. Il existe au contraire plusieurs anciens canons qui ordonnent la pénitence perpétuelle pour certains crimes. Et sont grandement loués chez nous, ceux qui, pour expier des péchés de jeunesse, font pénitence en embrassant, pour toute la durée de leur vie, un genre de vie austère dans un ermitage ou un monastère.

Quatrièmement. Le même Calvin (dans le même chapitre, verset 2) écrit que les catholiques exigent des pénitents une contrition tellement juste et parfaite, qu’on doive la peser sur une balance pour avoir la confiance du pardon. Et en expliquant la même chose plus clairement, il dit que les catholiques veulent que cette contrition mérite la rémission des péchés, même si personne ne peut jamais l’avoir : « Il y a une grande différence, dit-il, entre : est-ce que tu enseignes que la rémission des péchés est méritée par une contrition juste et pleine, que ne peut jamais avoir un pécheur, ou est-ce que tu l’institues pour tarir et faire taire la miséricorde de Dieu? » Mais les catholiques n’enseignent pas que nous méritons la rémission des péchés par la contrition. Ils n’enseignent pas non plus qu’on doive peser sur une balance l’acuité de la souffrance pour avoir la confiance dans le pardon. Car, tous les catholiques admettent le synode de Trente (session 6, chapitre 8) qui prêche de toutes sortes de façons que rien de ce qui précède la justification ne mérite la grâce de la justification; et que c’est donc gratuitement que les hommes sont justifiés par le Christ. Les catholiques veulent donc que la contrition soit une disposition de l’âme, non ce qui mérite la rémission des péchés.

Au sujet de ce que Calvin lance en passant, à savoir qu’aucun homme ne peut avoir la juste et vraie contrition; et qu’il n’y a personne qui ne soit pas, par la doctrine catholique de la pénitence, poussé au désespoir, ou qui ne verse des larmes de crocodile, au lieu de ressentir une vraie douleur. Mais, toutes ces choses ne sont que de nouvelles calomnies. Car, les catholiques enseignent que même si on ne peut savoir de certitude de foi qu’on ait la contrition parfaite ou imparfaite, il est cependant possible d’avoir la parfaite, et nous enseignons que plusieurs l’ont eue. Nous ne connaissons personne qui ait été poussé à la séparation par cette doctrine, ou qui ait présenté à Dieu une douleur feinte à la place d’une douleur sincère. Mais, c’est en vain que nous entamerions la lutte, puisque, content de ses seules affirmations, l’adversaire n’amène aucun témoin.

Cinquièmement. Dans le même chapitre ((versets 16, 17, 18), est calomniée la doctrine des catholiques sur l’énumération des péchés qui doit être faite au confessionnal. Il ajoute seulement qu’ils prescrivent une chose impossible : « Je dirai d’un mot ce que cette loi sera : impossible. » Or, personne ne niera que c’est une calomnie, si quelqu’un prend la peine de parcourir les livres catholiques, ou de lire le concile de Trente (session 14, chapitre 5). Notre loi ne commande pas d’énumérer tous nos péchés, mais ceux-là seulement qui, après un examen sérieux, se présentent à l’esprit. Il s’agit ici de la même diligence et du même sérieux avec lesquels nous traitons les affaires importantes. Et que dire de ce que Calvin enseigne précisément cela au même endroit. Car, il dit qu’il faut confesser ses péchés non en général, mais en particulier : « Que dire ? Allons-nous donc confesser chaque péché en particulier ? Aucune confession ne sera donc agréable à Dieu, si elle ne se termine pas par ces deux seuls mots : je suis un pécheur ? Bien plus, il faut faire en sorte, que en tant qu’il dépend de nous, nous répandions tout notre cœur devant Dieu; non pas seulement en disant que nous sommes pécheurs, mais en déclarant la quantité et la nature des péchés. 

Après une longue réflexion, reconnaissons-nous non seulement immondes, mais demandons-nous quelle est cette iniquité , en combien de parties elle se divise, et combien de fois nous l’avons commise. Nous ne pouvons pas dire seulement que nous sommes des débiteurs, mais nous sommes tenus de faire connaître la sorte et le nombre des dettes. IL ne suffit pas dire que nous sommes blessés, nous devons indiquer aussi le nombre et la gravité de nos blessures. » Et à quelqu’un qui lui aurait objecté qu’il n’est pas possible d’énumérer tous les péchés, il ajoute : « Quand par cet examen de conscience, il se sera reconnu coupable de tout devant Dieu, s’il pense sérieusement et sincèrement qu’il reste encore plusieurs péchés, et qu’ils sont enfoncés si profondément dans sa mémoire qu’il ne peut pas y descendre, qu’il s’exclame comme David : « Qui connait ses erreurs ? De mes erreurs cachées purifie-moi, Seigneur. » Comme il n’estime pas qu’elle est impossible la loi qui nous oblige de confesser chacun de nos péchés à Dieu, parce que nous ne sommes tenus à le faire que dans la mesure de nos moyens, de la même façon il ne pas doit juger qu’elle est impossible la loi qui nous oblige à confesser tous nos péchés à un prêtre. Car, nous ne sommes tenus de le faire que dans la mesure où nous pouvons nous en souvenir. Et pour les reste, il faut supplier Dieu avec le prophète : Qui comprend ses fautes ? De mes fautes passées purifie-moi Seigneur ! 

Sixièmement. Le même Calvin, dans le même chapitre (25) ment de nouveau. Il nous accuse d’enseigner que nous acquérons le pardon de nos péchés par nos mérites : « Tout se ramène à ceci : c’est la clémence de Dieu qui nous obtient le pardon de nos fautes, mais par l’intermédiaire du mérite de nos œuvres. » Et plus bas, au verset 26 : « À la vérité, avec quelle perversité ils disent que la rémission des péchés et la réconciliation se fait seulement une fois, quand nous sommes reçus en grâce de Dieu par le Christ dans le baptême, et que après le baptême, il faut se relever par les satisfactions. » Que faire à ce calomniateur qui expose de travers la sentence des catholiques sur les dites œuvres, pour la rendre odieuse ? Car, ce que les catholiques disent au sujet de la satisfaction à faire pour les peines temporelles qui peuvent rester après la réconciliation avec Dieu et la rémission gratuite de la peine et de la faute éternelle, il l’applique au mérite de la réconciliation. Les catholiques sont si loin de penser que la réconciliation s’acquiert par les mérites de la satisfaction, qu’ils enseignent que personne ne peut satisfaire à Dieu sans être réconcilié. Et pour que tu te rendes compte, cher lecteur, que ce n’est pas par ignorance, mais par malice que Calvin pèche, lis les versets 29 et 30 du même chapitre. Car, il reconnait là que les catholiques ne réfèrent pas la satisfaction à la réconciliation, ni non plus à la rémission des péchés, mais seulement à l’expiation de la peine temporelle due au péché : « Ils imaginent, dit-il au verset 29, une distinction entre la faute et la peine. Ils soutiennent que la faute est remise par la miséricorde de Dieu, mais que la peine demeure après la rémission de la faute, qui, selon la justice de Dieu, doit être purgée. Et, au verset 30 : « Je sais qu’ils vont encore plus loin dans les subtilités, car ils font une distinction entre la peine éternelle et les peines temporelles. »

Septièmement. Le même Calvin (livre 4, chapitre 19, verset 16). Comme les catholiques remuent ciel et terre et suent sang et eau pour faire de la pénitence un sacrement, il leur explique qu’il serait plus logique et plus simple de fonder le sacrement sur l’absolution du prêtre que sur une action du pénitent; et il n’en revient pas de la cécité des scolastiques qui n’ont pas pigé cela : « Ils étaient hallucinés plus que des enfants, et aveuglés par le soleil ceux qui ont se sont épuisés à rechercher des choses difficiles sans apercevoir une chose aussi simple et évidente. » Et voilà pour Calvin, qui n’aurait pas menti si impudemment s’il avait pris le temps de lire les scolastiques. Car, parmi les scolastiques, Scot, Ockam et Gabriel (4 sent dist 4), placent le sacrement de pénitence dans la seule absolution. Tous les autres veulent que les actes du pénitent (la confession, la contrition, la satisfaction) soient une partie de ce sacrement, mais non sans l’absolution, qu’ils enseignent être la forme et la partie principale du sacrement. En conséquence, Calvin, imagine qu’est venu à la tête de tous, ce qui n’est jamais venu à la tête de personne. Et c’est lui qui hallucine comme un enfant et qui est aveuglé par le soleil, s’il lit les livres des scolastiques sans voir une chose si obvie.

Huitièmement. Le même Calvin dans son antidote des livres parisiens (article 3) fait parler ainsi les catholiques : « En ce qui a trait à la confession, il est à noter que la matière est de droit divin, et la forme de droit positif. » Et un peu plus bas, il dit que la forme a été surajoutée par le pape Innocent, qui a statué qu’il fallait se confesser à son propre pasteur. Ensuite il prétend que la sentence des luthériens (nous sommes réconciliés gratuitement par la satisfaction du Christ) est contraire aux catholiques. Mais ce sont de pures impostures ! Car, aucun catholique n’a jamais enseigné que la forme de la confession est de droit positif. Les théologiens n’appellent pas non plus forme, la confession à son propre pasteur, mais tous enseignant d’une seule voix que la forme se trouve dans les paroles de l’absolution. Le pape Innocent n’a pas non plus décrété qu’il fallait se confesser à sons propre pasteur, mais il a expliqué que, de droit divin, ne possèdent le pouvoir d’administrer ce sacrement que ceux qui ont juridiction sur les autres, comme sont les pasteurs propres. La sentence qui veut que nous sommes réconciliés gratuitement par la satisfaction du Christ non seulement ne nous est pas contraire ni ne nous semble absurde, comme il plait à Calvin de se l’imaginer, mais nous disons anathème à ceux qui veulent la nier. Et les calvinistes n’ont jamais pu présenter aucun témoignage de docteurs catholiques qui enseigneraient ce que Calvin leur impute mensongèrement.

Théodore de Bèze a des mensonges à peu près semblables. Dans sa confession, (chapitre 7, article 11), où il disserte sur la pénitence des papistes, il affirme d’abord que les catholiques ne sont pas tant des médecins que de cruels dévoreurs d’âmes, en ce qu’ils requièrent de tous les adultes la confession, la contrition et la satisfaction, comme nécessaires au salut, réellement, si la chose est possible, ou en vœu ou en désir. C’est de la cruauté d’exiger le désir de se confesser, et d’accomplir la pénitence imposée. Il affirme ensuite que nous exigeons que ces trois choses (la confession, la contrition, la satisfaction) soient parfaites, ce qui semble être un chemin qui mène rapidement au désespoir. Or, nous n’exigeons pas la perfection, mais seulement ce que peuvent les forces humaines aidées par Dieu. Nous ne requérons la confession que des péchés dont on se souvient, et nous n’imposons comme pénitence que ce que chacun peut facilement faire. Voilà pourquoi nous ne voyons jamais quelqu’un halluciner dans ce chemin qui mènerait au désespoir.

Troisièmement, il affirme qu’à la plus grande honte du Christ, nous mettons la rémission des péchés dans ces trois choses. Quelle contumélie peut-on infliger au Christ en disant que le mérite de sa passion est la vraie et unique médecine des péchés, et qu’elle est appliquée par la parole de l’absolution à ceux qui par la confession, la contrition et le propos de la satisfaction se sont préparés à recevoir cette médecine ? Or, si cela est un mépris ou une contumélie pour quoi n’en est-ce pas une, si quelqu’un dit que le baptême de l’eau est le bain de la régénération ? Ou que, dans ce lavement, est placée la rémission des péchés; que par ce lavement nous est appliqué le mérite du Christ, par lequel les péchés sont remis ?

Quatrièmement, il affirme que la doctrine sur la contrition est un blasphème, que nous voulons la satisfaction pour le pardon de nos péchés devant Dieu, et que nous transférons ainsi aux hommes ce qui est propre au seul Christ. Mais, ce n’est pas ce qu’enseignent les catholiques, car ils ne croient pas qu’on puisse satisfaire proprement par la contrition pour les fautes commises envers Dieu, comme si la contrition était un juste prix, qui satisfasse à la colère du Dieu offensé. Ils enseignent en toutes lettres que seuls ceux qui sont été justifiés et rendus amis de Dieu par le mérite du Christ peuvent et doivent satisfaire pour les peines temporelles dues au péché. Mais nos adversaires ne prennent pas la peine de comprendre la doctrine catholique, et ils ne cherchent qu’à la trouver en faute, comme si l’envie leur soufflait des paroles à l’oreille.

CHAPITRE 6 

Calomnies et mensonges de Martin Kemnitius

Tout d’abord. Pour se disculper, lui et les siens, de l’accusation d’hérésie novatienne, il expose de travers leur sentence. Car, voilà comment il parle (2 par examen, page 900) : « Nous ne sommes pas non plus des novatiens qui, aux justifiés une fois pour toutes, qui retombaient dans le péché après le baptême, niaient tout espoir de pardon ou de réconciliation avec Dieu, ou mettaient la chose en doute, même pour ceux qui se convertissaient de nouveau, et faisaient pénitence. » Mais que ce ne fut pas cela la sentence des novatiens, nous pourrions le prouver par plusieurs arguments, s’il en était besoin. Mais Kemnitius a la gentillesse de nous dispenser de ce labeur. Car, un peu plus bas, à la page 902, il rapporte, à partir de l’histoire tripartite, ce qu’était l’opinion nestorienne, en ces paroles : « C’est à bon droit qu’on désapprouve la sentence du novatien Acesius qui, dans son livre à l’empereur Constantin (livre 1, chapitre 13), soutenait qu’il faut inviter à la pénitence ceux qui sont tombés pendant les persécutions, mais qu’on doit leur laisser espérer le pardon non des prêtres, mais seulement de Dieu , qui seul possède le pouvoir de remettre les péchés. » Tu vois ici que les novatiens ne niaient pas l’espérance du pardon et de la réconciliation avec Dieu, comme l’écrivait faussement Kemnitius, mais qu’ils déniaient aux prêtres le pouvoir d’absoudre, qui, selon eux, n’appartenait qu’à Dieu. C’est aussi ce que nient avec obstination les luthériens, comme nous le verrons plus loin.

Deuxièmement. Le même Kemnitius (page 902), fausse les paroles de saint Ambroise pour les ramener à son sens. Voici ce qu’il dit : « Saint Ambroise rapporte ainsi l’opinion des novatiens : « À ceux qui font pénitence après la chute, il ne faut pas leur enlever tout espoir de pardon. Mais les prêtres ne peuvent et ne doivent pas leur annoncer la rémission des péchés, ou leur donner l’absolution, de peur que, avec une audace téméraire, ils n’usurpent le rôle de Dieu. » Or, jamais dans saint Ambroise, nous ne trouvons cette façon de penser et de s’exprimer qui est propre aux luthériens. Ce que saint Ambroise enseigne ont le trouve dans son livre 1 sur la pénitence, chapitre 2 : les Novatiens nient qu’ait été concédé aux prêtres le pouvoir de remettre les péchés. Mais, ajoute-t-il : « Ils n’honorent et ne vénèrent que Dieu, à qui seul il concède le pouvoir de remettre les crimes. » 

Troisièmement. A la page 905, Kemnitius écrit : « Quand les tombés après le baptême recherchent la réconciliation avec Dieu et la rémission des péchés, les pontifes, par leur sacrement de pénitence, les conduisent à des choses humaines pour que, à l’aide de la parole de l’absolution, elles deviennent et soient un sacrement, c’est-à-dire une cause efficiente qui confère la grâce de la réconciliation avec Dieu, et de la rémission des péchés. » Voilà ses propres paroles. Il se trompe d’abord, et entre en opposition avec lui, quand il appelle choses humaines la contrition et la confession, alors qu’elles sont plutôt des dons de Dieu, comme le même Kemnitius le reconnait à la page 955 : « La vraie contrition n’est pas une œuvre du libre arbitre ou des forces humaines. Mais, c’est l’Esprit Saint qui, par la parole prêchée, écoutée et pensée, l’excite en nous, la commence, l’opère et l’effectue. » Or, comme la contrition et donc aussi la confession ne sont pas seulement notre œuvre, mais aussi l’œuvre de Dieu qui l’inspire en nous, Kemnitius a prononcé une grande fausseté quand il écrit un peu plus haut que les pontifes amènent les pécheurs vers des œuvres humaines.

IL est vrai que les catholiques veulent que la confession, la contrition et la satisfaction appartiennent à la partie matérielle du sacrement de pénitence. Cependant, la cause efficiente de la rémission des péchés, en tant qu’instrument de Dieu, ils ne la mettent que dans la seule absolution, ou dans les actions du pénitent jointes à l’absolution, non en tant qu’elles sont des actions humaines, mais des instruments de Dieu. Autrement, l’absolution elle-même, l’ablution, la consécration et la distribution du corps du Christ pourraient être appelées des actions humaines, car elles ne sont pas moins faites par les hommes que l’énumération des péchés. Kemnitiius n’a donc aucune raison de clamer à haute voix que nous plaçons dans l’œuvre du pénitent la cause efficiente de la rémission des péchés, alors que nous la mettons dans la parole elle-même, dans le nom de Dieu prononcé par le prêtre.

Quatrièmement (page 911). Voulant démontrer que la pénitence prêchée par saint Jean- Baptiste et ensuite par le Christ, n’était pas ce que les catholiques appellent sacrement de pénitence, il parle ainsi : « Parce que dans cette pénitence, les péchés étaient remis gratuitement, sans les œuvres, par la seule foi envers le Christ. Car, autant saint Jean Baptiste que le Christ enseignait que la foi dans le Fils médiateur était une partie de la conversion nécessaire à l’obtention de la rémission des péchés. Pour ces raisons, la pénitence des souverains pontifes n’est pas un sacrement. » O misérables luthériens, de l’ignorance desquels Kemnitius abuse, au point que non seulement il les enfarge avec des mensonges palpables, mais leur enjoint même de considérer attentivement ces mensonges comme de grands mystères.

Or, voici ce qu’écrit le concile de Trente (session 14, chapitre 1) : « Le sacrement de pénitence a été institué après la résurrection du Christ, et c’est pour cela que les catholiques enseignent que n’était pas une pénitence sacramentelle celle que saint Jean Baptiste et le Christ ont prêchée. » Or, les causes qu’imagine Kemnitius non seulement aucun catholique ne les admet, mais tous considèreraient comme hérétiques ceux qui, à cause de ces raisons, nieraient que la pénitence est un sacrement. Car, nous sommes fort éloignés de ne pas considérer la pénitence comme un sacrement parce qu’en elle les péchés sont remis par le Christ, gratuitement, et sans œuvres, ou parce que nous prêchons que la foi dans le Christ est une partie de la conversion nécessaire à l’obtention de la rémission des péchés. Nous disons au contraire, que là où ces choses sont absentes, le sacrement de pénitence est nul, ou est administré inutilement.

Cinquièmement, page 931. Ce n’est pas avec une faible audace que Kemnitius attribue au concile de Trente des choses auxquelles les pères n’ont jamais pensé : « Mais, dit-il, autre est ce que le concile de Trente recherche dans le baptême, c’est-à-dire la rémission gratuite des péchés, sans nos œuvres personnelles, donnée à cause des mérites du Christ, et reçue par la foi, et autre la demande de pardon des tombés, dans la pénitence après le baptême, non gratuitement par la foi, non sans les œuvres, mais par et à cause des œuvres de pénitence. » Et, au paragraphe suivant, il dit : « C’est la même chose que ce d’autres disent, à savoir qu’il y a deux justifications, dont l’une est donnée gratuitement, dans la foi, sans les œuvres, à cause du Christ, et une autre qui n’est pas donnée gratuitement, mais par et à cause des œuvres. »

Si ces choses ne sont pas des mensonges, qu’on nous montre un seul écrivain catholique, un seul décret d’un concile oecuménique ou particulier, qui enseigne que la justification dans le sacrement de pénitence n’est pas donnée gratuitement par la foi, sans le mérite des œuvres, à cause de la passion et de la mort du Christ. Parce que nous requérons la contrition et la confession, ainsi que la satisfaction, il ne faut pas en déduire que nous ne sommes pas justifiés gratuitement, et par le Christ, mais par nos œuvres propres. Car, autrement, même la justification qui se fait dans le baptême, ne serait pas faite gratuitement, mais par les œuvres, pace qu’on requiert une certaine pénitence avant le baptême, comme le dit l’apôtre saint Paul , actes 2 : « Faites pénitence, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ, en rémission de vos péchés ». 

Et que de dire de ce que Kemnitius avait, auparavant, confessé reconnaitre que, pour les catholiques, la rémission des péchés se fait par le mérite du Christ dans le sacrement de pénitence. Car, voici ce qu’il écrit à la page 903 : « Les pontifes affirmaient que la pénitence, par laquelle les tombés étaient réconciliés avec Dieu, est un sacrement particulier, par lequel, après le baptême, est appliqué aux tombés le bénéfice de la mort du Christ. » Le témoignage qu’il nous rend là est véridique, mais il concorde plutôt mal avec toutes les erreurs qu’il nous impute souvent.

Sixièmement, page 935. Kemnitius fait de Pierre Lombard le premier auteur du sacrement de la pénitence, qui vécut après 1100 : « Parce que, dit-il, Pierre Lombard a été le premier à faire de la pénitence un sacrement. Et, après lui, les scolastiques commencèrent à se demander quelle en est la matière, et quelle en est la forme. » Personne, qui ait seulement lu un peu les pères, ne peut douter que ce soit là un mensonge. Car, les pères joignent souvent la pénitence ou la réconciliation avec le baptême, ou avec d’autres sacrements proprement dits. Ces témoignages nous les présenterons en temps et lieu. Pour l’instant, que suffise un seul témoignage , celui de saint Augustin (dans son épitre 180 à Honorat) : « Quand nous parvenons au plus fort de ces périls, et qu’il n’y a aucune porte de sortie, ne réalisons- nous pas quels secours l’Église a coutume de donner à l’un et l’autre sexe, et à tous les âges, aux uns en leur procurant le baptême, à d’autres la réconciliation, à d’autres encore l’action elle-même de la pénitence, à tous la consolation, la confection et l’administration des sacrements ? Si les ministres, font défaut quel supplice attend ceux qui sort sortis de ce monde sans avoir été régénérés, ou étant encore liés ? »

Septièmement, page 944 et 45. On peut à peine croire avec quelle impudence il ment ou pervertit la sentence du concile de Trente. Le concile avait nié que les parties de la pénitence étaient les terreurs et la foi, car les terreurs et la foi peuvent être présentes même dans les impénitents. Saint Jacques ne dit-il pas que les démons croient et tremblent, eux qui ne feront jamais un seul acte de pénitence. Nous reviendrons là-dessus plus tard, en son lieu. Or, Kemnitius expose ainsi la sentence du concile : « Et les terreurs, dit-il, infligées par Dieu à la conscience au moyen de la parole de la loi, ne veulent pas être une partie de la pénitence, parce qu’ils veulent que la contrition donnée volontairement pour les péchés, afin de satisfaire à la justice divine, soi une œuvre qui mérite la miséricorde divine. » Mais, il ment sur sa tête, car le concile n’a jamais dit que la contrition est une œuvre qui mérite la rémission des péchés. Au contraire, (session 6, canon 8), le concile a décrété que, selon l’apôtre, nous sommes justifiés gratuitement par le Christ, parce que rien de ce qui précède la justification, la foi ou les œuvres, ne mérite la grâce de la justification. 

Et parce que le concile nie que la foi soit une partie de la pénitence, tout en concédant qu’elle est nécessaire à la pénitence, et que les théologiens enseignent que la foi est le fondement de la pénitence, Kemnitius explique la pensée du concile et des théologiens de cette façon : « Quant ils disent que la foi est le fondement de la pénitence, voici ce dont ils veulent nous persuader : si quelqu’un accepte ces actions de pénitence prescrites par les pontifes, c’est pouf faire comprendre que, par ces actions, il obtient le pardon des péchés et est réconcilié avec Dieu. Et voilà pourquoi ils disent que la foi est le fondement de la pénitence ». 

Or, c’est tout autrement que le concile explique ce qu’il entend par là. Car, voici ce qu’il dit ( à la session 6, chapitre 5), où il explique le rôle que la foi joue dans l’affaire de la justification : « Ils sont disposés à cette justice quand, excités et aidés par la grâce divine, et concevant la foi par l’audition, ils se meuvent librement vers Dieu, croyant être vraies les choses qui ont été divinement révélées et promises, et ceci, d’abord et avant tout, que Dieu justifie l’impie par sa grâce, par la rédemption qui vient du Christ Jésus. Et pendant qu’ils comprennent qu’ils sont pécheurs, se tournant, par la crainte de la justice qui nous terrorise utilement, vers la miséricorde de Dieu, ils sentent croitre en eux l’espérance, et, croyant que Dieu leur sera propice à cause du Christ, ils commencent à l’aimer comme fontaine de toute justice, et se retournent contre les péchés en les détestant et en les haïssant ». 

Ces explications nous font comprendre que la foi qui est le fondement de la pénitence n’est pas (selon le mensonge de Kemnitius), la persuasion que par les actions de la pénitence nous obtenons le pardon des péchés et la réconciliation, mais que vraies sont les promesses de Dieu, et d’abord celle que l’impie est justifié par la grâce de Dieu, par la rédemption qui est dans le Christ. Et nous tenons que la foi et les terreurs ne sont pas exclues de la pénitence, maison plutôt inclues, non en tan que parties, mais en tant que causes qui précèdent la pénitence. Car, croire et trembler ce n’est pas faire pénitence, mais c’est de la foi et des terreurs que nait la pénitence. Il importe peu que dans le lieu déjà cité, le concile explique la justification qu’on acquiert dans le baptême, et non celle qu’on acquiert dans le sacrement de pénitence. Car le progrès des dispositions et de la conversion est le même, même si les œuvres de pénitence exigées pour le baptême sont beaucoup plus faciles à faire que celles qui sont imposées pour la réconciliation.

Huitièmement, la page 945. Avec une malice ou une ignorance incroyable, (canon 4, session 14 du concile de Trente), Kemnitius déclare que, par la pénitence, les catholiques ont rejeté tout l’évangile. : « Quand le quatrième canon condamne et anathématise ceux qui disent que la foi conçue de l’évangile ou de l’absolution, par laquelle quelqu’un croit que ses péchés lui sont remis, est une partie nécessaire pour obtenir la rémission des péchés, que fait-il d’autre que d’enlever tout l’évangile de la pénitence, et de condamner la propre parole de l’évangile telle qu’est a été transmise par les prophètes, le Christ et les apôtres ? » Et, à la page 946 : «Que reste-t-il de l’évangile s’il enlève le Christ, la foi dans le Christ, et la rémission des péchés acquise par la foi dans le Christ ? Et cependant, le concile de Trente ne craint pas d’anathématiser quelqu’un qui dirait qu’une partie de la pénitence est la foi conçue de l’évangile, par laquelle quelqu’un croit que ses péchés lui sont remis par le Christ. » Et (à la page 947) : « Pour mémoire perpétuelle de la chose, qu’il soit connu par tous que le concile de Trente de la vraie église de Dieu promet, par la pénitence, la réconciliation avec Dieu et la rémission des péchés, sans la foi conçue de l’évangile, par laquelle quelqu’un croit que ses péchés lui sont remis par le Christ.

Ses objections sont si puériles que j’ai un peu honte de réfuter de simples racontars, et que je ressens pour lui, quoique adversaire, plutôt de la pitié, qu’autre chose. Le concile est bien loin de nier que la foi conçue de l’évangile soit nécessaire à la pénitence. Mais, il nie que la foi soit une partie de la pénitence, puisque, comme nous l’avons dit plus haut, c’est la foi qui engendre la pénitence. IL nie aussi que la foi par laquelle quelqu’un croit que ses péchés sont remis soit la vraie foi conçue par l’évangile, puisque la seule chose qu’on puisse dire d’elle c’est qu’elle est une invention de Luther. Car, l’évangile promet la rémission des péchés à ceux qui se repentent vraiment. Mais, que celui-ci ou celui-là ait la vraie pénitence, l’évangile ne le dit jamais. Voilà pourquoi, nul ne peut concevoir de l’évangile une foi qui l’assure que tous ses péchés lui sont remis. Nous pouvons et nous devons espérer, comme le dit le concile (session 6, chapitre 5, session 11, chapitre 1) que Dieu nous sera propice. Mais, il est certain que croire cela comme nous croyons les articles de la foi, c’est de la pure sottise.

Neuvièmement (page 958) . Il attribue faussement à saint Thomas d’avoir écrit que pour la rémission des péchés est requise, de notre part, un acte, qui est forcément méritoire parce qu’il tombe sous notre libre arbitre. Cela, saint Thomas ne l’a jamais écrit, et ne pouvait pas l’écrire, à moins d’avoir oublié la théologie. Qui d’autre qu’un théologien minable dirait que nos actes sont méritoires parce qu’ils tombent sous la juridiction de notre libre arbitre ? Car un grand nombre d’actes tombent sous notre libre arbitre sans être méritoires. Le même saint Thomas (1 2 question ultime, art 5) n’explique-t-il pas longuement que personne ne peut mériter la grâce de la justification, alors que Kemnitius lui impute le contraire ? Dixièmement. Kemnitius profère une calomnie semblable (à la page 961), en disant : « Telle est la foi de la pénitence pontificale : une foi dans nos œuvres non dans le Christ. Ils ne veulent pas d’une miséricorde de Dieu gratuite, qui remette gratuitement les péchés à cause du mérite du Christ, mais qui attribue à nos œuvres la récompense et la réconciliation avec Dieu, et la rémission des péchés. » Mais il s’en faut tellement que ce soit la sentence des catholiques, qu’il n’y a personne parmi les catholiques qui ne soit pas prêt à déclarer anathèmes tous ceux qui pensent comme Kemnitius s’imagine que nous pensons.

Onzièmement (page 962). Il prétend que Scot affirme que nous pouvons aimer Dieu plus que toute autre chose par nos seules forces naturelles, et que cet amour est une disposition suffisante, immédiate et ultime à l’infusion de la grâce. Et il ajoute à la page 963 : « Et c’est cela le dogme scolastique, pour la stabilisation duquel a été fait ce décret du concile. » Nous trouvons là deux mensonges. Le premier, que ce soit là le dogme des scolastiques. Car, Scot qui est le seul à être nommé par Kemnitius, pense bien autrement, comme l’a démontré brillamment André Vegas (dans son livre sur la justification, question 10). Et quoi qu’il en soit de Scot, il appert que saint Thomas et la meilleure partie de l’école enseigne tout à fait le contraire. L’autre mensonge : c’est pour stabiliser ce dogme que le concile a fait ce décret (que nous avons dans la session 14, chapitre 4 et canon 5). Car, dans ce canon, le concile enseigne que l’attrition, qui est une contrition imparfaite, est un don de l’Esprit Saint. Il est facile d’en déduire que la contrition parfaite, qui inclut un amour de Dieu plus grand que tout, ne provient pas des seules forces de la nature, mais est un don de Dieu.

Et (à la session 6, chapitre 3), il condamne la sentence que Kemnitius ne craint pas de lui imputer : « Si quelqu’un dit que c’est sans inspiration prévenante du Saint-Esprit et sans son aide, que l’homme peut croire, espérer, aimer et se repentir comme il faut pour que lui soit conférée la grâce de la justification, qu’il soit anathème. » Douzièmement, page 964. Kemnitius nie que Luther a enseigné ce que nous lisons avoir été condamné dans la bulle de Léon X, à savoir que « l’attrition rend un homme hypocrite et encore plus pécheur ». Il prétend qu’Il n’a fait que reprocher aux scolastiques d’enseigner que la détestation des péchés produite par le libre arbitre, avec les seules forces de la nature, constitue une disposition suffisante pour l’obtention de la grâce. 

Ce qui est faire montre d’une audace incroyable, car les paroles de Luther ne sont pas écrite en un seul livre, elles sont très claires, et n’admettent aucune autre interprétation. C’et du sermon sur la pénitence prononcé en 1517, qu’ont été tirés les articles condamnés par Léon X. Voici les propres paroles de Luther : « La contrition est préparée de deux façons différentes. La première, par la discussion, la réflexion et la détestation des péchés par laquelle (comme on dit) quelqu’un se rappelle ses années dans l’amertume de son âme, en pesant la gravité de ses péchés, le tort qu’ils ont causé, leur puanteur, leur multitude, et l’acquisition de la damnation éternelle, et d’autres choses qui peuvent exciter la tristesse et la douleur. Cette tristesse fait un hypocrite, et le rend encore plus pécheur, parce qu’elle ne fait cela que par la crainte du précepte et la douleur. » Voilà les paroles propres de Luther où il ne condamne pas la contrition, mais l’attrition.

Après avoir reproduit (dans son livre contre la bulle de l’antichrist), l’article 6 condamné par Léon X où se trouve mot à mot ce que nous venons de citer de son sermon sur la pénitence, le même Luther ajoute : « C’est surement mon article, et il est archi chrétien. Et je ne laisserai pas les innombrables papes et papistes me l’extorquer » . Je pose donc la question. Qui faut-il croire ? Luther qui reconnait son article, ou l’impudent menteur Kemnitius, qui nie que Luther ait jamais pensé à une chose pareille ? Et aussi, dans le relevé de tous ses articles, il cite de nouveau cet article six, le reconnait pour sien, et s’efforce de le consolider par moultes arguments. Ensuite (dans ses solutions données aux questions disputées à Lipsis), il dit clairement que l’hérésie pélagienne consiste à admettre que la pénitence commence avant l’amour de la justice. C’est là qu’il enlève la première partie de la pénitence. Et il la fait consister dans les terreurs de l’âme qui précèdent la foi. Les luthériens sont donc devenus des pélagiens, selon le témoignage de Luther lui-même. Et il n’y a pas de quoi se surprendre, si Kemnitius a préféré nié impudemment des écrits de Luther, plutôt que se reconnaitre pélagien.

Treizièmement, page 967. Par un stratagème vicieux, Kemnitius attribue aux catholiques des idées qui sont propres à Luther. Il reproche aux scolastiques d’enseigner que si la contrition ne nait pas de l’amour de Dieu mais de la crainte et de la colère et du jugement de Dieu, la pénitence n’est pas salutaire, mais judaïque, même si elle demande et affirme que nous péchés sont remis à cause du Christ. Cela, les scolastiques ne l’ont jamais enseigné, mais Luther, que Léon X a condamné ainsi que l’académie catholique, et de nos jours le concile de Trente. Constatez donc avec quelle exactitude et quelle fidélité Kemnitius rapporte nos sentences. En voilà assez sur les mensonges et les calomnies.

CHAPITRE 7 

Le nom de la pénitence

Les adversaires commencent par poser le fondement de leurs erreurs sur le nom de pénitence. Et la pénitence semble venir du mot peine, elle peut être référée autant à la douleur des péchés passés, -que nous appelons contrition—qu’à la punition qui est infligée aux pénitents, --que les catholiques appellent satisfaction. Voilà pourquoi nos adversaires n’emploient pas ce mot volontiers, et, dans l’Écriture, lui substituent presque un peu partout, le mot résipiscence. Laurent Villa, qui semble avoir été une sorte de précurseur de la faction luthérienne, écrit (dans son annotation de la deuxième épitre aux Corinthiens, chapitre 7) que les mots grecs metanoia, et metameleia semblent plus élégants que le mot latin poenitentia, parce le mot pénitence (poenitantia) signifie la tristesse de celui qui s’est engagé à purifier son esprit. Et il en conclut que travaillent pour rien ceux qui, de ce passage de saint Paul, tirent trois sortes de pénitence : une qui serait la contrition, une autre la confession, et une autre encore la satisfaction, parce que chez saint Paul, on ne trouve que les mots metanoia et metameleia.

Érasme qu’on peut considérer comme un autre précurseur de Luther, (dans ses annotations du nouveau testament, au chapitre 3 de Matthieu, et très souvent ailleurs) est d’avis qu’on traduise les mots grecs matanoia et metameleia par résipiscence et « résipiscer », (verbe qui n’existe pas en français), plutôt que par pénitence et faire pénitence : « Les gens du peuple pensent que faire pénitence c’est expier, avec une peine prescrite, les péchés que nous avons commis. Voilà pourquoi, chez les chrétiens, les pécheurs publics étaient chassés de la communauté, et châtiés publiquement. Et cette peine ou satisfaction on s’est mis à l’appeler pénitence. De cette chose non banale, une erreur naquit dans l’esprit de certains théologiens, qui détournèrent ce que saint Augustin avait écrit sur la pénitence au sens de satisfaction publique , vers la douleur de l’âme, qu’ils appellent contrition. Le mot metanoia vient de metanoein, c’est-à-dire de « comprendre après coup » : quand celui qui est tombé ne prend conscience de sa faute qu’après avoir commis son péché ». 

Et plus bas, il soutient que la metanoia veut dire non seulement résipiscence—ce que beaucoup d’autres avaient fait, et parmi eux, Luther, qui, dans ses résolutions, citait Érasme comme son auteur---mais aussi pénitence, que personne n’a encore eu l’audace de transformer en résipiscence. Car il veut au même endroit, chapitre 3 de Mathieu, et au chapitre 7 de la deuxième épitre aux Corinthiens) que la pénitence ait été tirée de tenant en arrière plutôt que de peine, comme si la pénitence n’était rien d’autre que s’en tenir à une décision après coup. Ou, comme il le dit lui-même, comprendre après le fait. Et il ajoute que c’est pour cela que les grecs emploient le mot metanoia.

Theodore de Bèze (dans ses annotations, 3 chap Matthieu), blâme ceux qui ne traduisent pas le mot grec metanoia par « résipiscence », mais pénitence. Voici ce qu’il dit : « Cette traduction je la répudie pour un grand nombre de raisons, mais pour cette raison surtout, que beaucoup d’inexperts en déduisent de fausses opinions sur la satisfaction, qui troublent aujourd’hui toute l’église » . Il faudra donc appeler incompétents et rustres tous ceux qui conservent la simplicité de la foi, avec les saints pères et l’église universelle. Comme le faisait l’hérésiarque Bérenger (dans le livre du corps du Christ de Lantfranc) qui donnait le nom de sentence vulgaire (du peuple) à la sentence catholique.

Béze, pour sa part, distingue le verbe metanoein des verbes metamelesthai et metanoein. Il dit qu’il signifie au sens propre, savoir après le fait, et que c’est le mot resipiscere qui lui correspond en latin, d’où vient le nom résipiscence, et, en hébreux, conversion. Jean Calvin (livre 3, chapitre 3 de ses institutions, verset 5), fait une observation semblable. Il dit que le verbe metamelesthai signifie proprement se soucier de quelque chose après qu’elle a été faite. Et il veut qu’à ce mot qu’on ne trouve jamais dans l’Écriture, corresponde en latin, quand il est question de conversion des pécheurs, le mot poenitere, se repentir, d’où vient le mot pénitence; et en hébreu le mot se repentir ou être consolé.

Martin Luther (dans la lettre au vicaire de son ordre, écrite en 1518, que l’on trouve dans le premier tome de ses œuvres, de Wirtemberg) dit qu’en étudiant les hommes les plus érudits, il avait enfin appris que le mot pénitence ne signifie pas haine, ou douleur de la vie passée, comme on pensait autrefois, mais l’amour de la justice et d’une nouvelle vie; et que ce nom n’avait rien d’amer ou d’austère, mais qu’il était doux et gracieux. Il dit la même chose dans son sermon sur la pénitence et dans les résolutions de ses propositions.

Mais, en parlant ainsi, ces grammairiens docteurs se trompent considérablement. Car, ils se comportent comme des théologiens qui tirent, de l’étymologie, la signification des mots plutôt que de l’emploi usuel de ce mot par l’Écriture et les bons auteurs. Car, si nous ne regardons pas l’origine, mais l’emploi de ce mot, nous verrons que non seulement le mot hébreu et le mot grec metamelesthai, mais aussi metanoein et le mot hébreu qui lui correspond, mais aussi le mot latin poenitere signifient, qu’Érasme le veuille ou non, une douleur externe, ou une peine produite par une conversion interne. Voilà pourquoi les traducteurs latins ont préféré le mot pénitence à résipiscence. Faisons l’inventaire de chacun de ces mots. Job, dernier chapitre : « Je fais pénitence sur la poussière et la cendre. » Le mot hébreu ne signifie donc pas comme Luther l’a imaginé, quelque chose de doux, mais une douleur amère, qui n’est pas seulement interne, mais qui se traduit dans une action externe. Ce que même un Bèze n’a pas osé nier. Dans Joël, chapitre 2, nous lisons : « Retournez-vous vers moi (convertissez-vous) de tout votre cœur, dans le jeûne, les larmes et les lamentations. La conversion, exprimée par le mot hébreu, comprend donc une action interne et externe.

Mais venons-en au mot grec metanoian, sur lequel porte surtout la controverse. Matthieu X1, et Luc X : « Si à Tyr et à Sidon avaient été donnés les signes qui vous sont donnés aujourd’hui, ils auraient fait pénitence dans le cilice et la cendre. » Les deux évangélistes ont employé le mot metenonsan, que Bèze a absurdement traduit par auraient « résipiscé » : ils seraient revenus à résipiscence. Que veut donc dire « résipiscer » avec de la cendre et des cilices ? Il est certain que la résipiscence, au sens propre du terme, précède le sac et la cendre, car personne ne revêt une poche ou un sac de patates et ne s’assoie sur la cendre, sans avoir auparavant repris ses sens, sans être revenu à lui-même. Le seigneur exprime une action pénale que quelqu’un assume et exécute quand il s’assoie sur la centre et le cilice, en pleurant et en se lamentant. Voilà pourquoi metenoèsan, dans ce passage, ne peut signifier rien d’autre que se détourner en esprit et avec son corps des péchés passés, et repousser loin de soi la vindicte divine. On trouve un passage semblable dans Matthieu X11, et Luc X1, où le Seigneur loue les Ninivites qui ont fait pénitence à la prédication de Jonas, avec le même mot, matanoein, dans les deux cas. En quoi a consisté la pénitence des Ninivites, Jonas 111 le raconte, dans le jeûne, les cilices et les prières à Dieu.

Dans la deuxième épitre de saint Paul aux Corinthiens (fin du chapitre 12), il dit : « Je crains qu’à mon retour, le Seigneur ne m’humilie à cause de vous, et que je pleure sur beaucoup qui n’auront pas fait pénitence pour les péchés de fornication et d’impureté qu’ils avaient commis. » Le mot metenoèsantôn est traduit par Béze par : « résipiscer, » contrairement au sens normal des mots grecs et latins. Car, en latin on ne dit pas : « résipiscer » sur un péché (revenir à résipiscence sur un péché). Et en grec, la préposition epi jointe à un datif, comme c’est le cas dans epi tè akatharsia kai porneia, a coutume de signifier une cause, et est employé pour dire à cause de. Si quelqu’un dit qu’il faut faire pénitence à cause d’un péché commis, il s’exprimera correctement, car la faute est la cause de la peine, puisque l’obligation de subir une peine nait de la faute. « Résipiscer » à cause d’une faute, ne pourrait pas correctement se dire, car on ne peut pas considérer la faute comme la cause de la résipiscence, puisque ce n’est pas de la faute qu’elle nait, mais d’une bonne inspiration.

Ce n’est pas seulement l’Écriture mais aussi les auteurs latins et grecs qui n’entendent pas par metanoia seulement la résipiscence, mais aussi la détestation d’une faute passée, et la vindicte divine qu’a provoquée cette faute. C’est ainsi qu’écrit saint Basile dans son sermon sur la faim et la sécheresse où il appelle metanoian la pénitence externe des Ninivites. Et le poète latin Ausonius, dans son épigramme sur l’occasion et la pénitence, emploie ce mot de la même façon quand il dit : « Je suis la déesse qui exige des peines pour ce qui a été fait et non fait. C’est-è-dire qu’on fasse pénitence. Voilà pourquoi on m’appelle metanoea ». 

Peu vraisemblable est ce que prétend Bèze au lieu cité, à savoir qu « ’Ausonius ait mis metanoea à la place de metamelia parce qu’il écrivait en vers ». Il veut qu’Ausonius ait exprimé le nom propre de ce que le peuple appelait pénitence. « Et comme le mot latin n’existait pas chez Cicéron et chez les grands écrivains, il a écrit : je suis la déesse à qui même un Cicéron n’a pas donné de nom. Voilà pourquoi il a mis un mot grec au lieu d’un mot latin ». Il n’est pas crédible, en effet, que celui qui voulait donner le nom propre ait supposément mis un mot étranger, surtout parce qu’il pouvait facilement dire avec une licence poétique : c’est pour qu’il fasse pénitence que je m’appelle metamelia, en présentant la première syllabe du mot metamalia, comme l’a fait Virgile : « En Italie ayant fui par le sort ». En effet, les grecs aiment présenter la première quand trois brèves se trouvent dans un mot. Lactance (livre 2, chapitre 24) écrit que le mot grec metanoea peut être rendu par résipiscence. Mais, il explique que par résipiscence, on ne doit pas entendre seulement un changement d’esprit : « Il « résipisce » quelqu’un qui se lasse de ses erreurs, et qui se châtie de sa démence, et prend la décision de vivre plus religieusement. Et voilà pour le grec. 

Le mot latin pénitence n’est pas chez Cicéron, ni non plus le mot résipiscence, Cependant le verbe faire pénitence ou se repentir, d’où vient le nom pénitence, est employé par cet auteur. Il n’a pas le sens que lui attribuait Érasme, mais celui que lui donnaient les anciens grammairiens qui faisaient dériver le mot poenitere (faire pénitence) et poenitentiam (pénitence) de peine (pena) plutôt que de après coup (pone). À la fin des tusculanes 4, on lit : « Si la colère était naturelle, comment l’un serait-il plus colérique qu’un autre ? Ou pourquoi prendrait-elle fin avant tout désir de vengeance ? Ou pourquoi quelqu’un se repentirait-il de ce qu’il a fait en colère ? Comme nous le voyons dans le cas d’Alexandre le grand. Après qu’il eut tué de ses propres mains son ami intime Clytus, il éprouva un immense besoin de faire pénitence ». 

Il est certain qu’en ce passage, le mot repentir ne signifie pas seulement la reconnaissance de l’erreur, nais la détestation d’une action accomplie, avec un grand désir de se punir. Ovide prend, lui aussi, le mot poenitere (se repentir, faire pénitence) dans le même sens. (livre 1, de ponto) : « Qu’il se repente, si on croit quelque chose de mauvais de lui ! Qu’il se repente ! Et je suis torturé par mon action. Même si l’exil existe, la douleur que je ressens pour ma faute est plus grande encore. Et souffrir une peine est moins grave que la mériter. »

Et chez les auteurs ecclésiastiques, le mot pénitence n’est pas employé pour exprimer la seule reconnaissance de la faute, mais pour un changement d’idée, et même pour la vindicte, que prend sur lui le pécheur. Il est inutile d’en faire la démonstration au long et au large. On rencontre souvent des témoignages de pères, comme Tertullien (dans son livre sur la pénitence) qui dit : « La pénitence nait de la confession, et c’est pas la pénitence que Dieu est apaisé. » Dans ce passage, on ne peut pas mettre résipiscence à la place de pénitence, car ce n’est pas de la résipiscence que nait la confession, mais la confession de la résipiscence. Il a donc appelé pénitence la peine spontanément infligée pour punir le péché. C’est dans ce sens qu’écrit aussi saint Cyprien (dans son sermon 5 sur les tombés) : « Que la pénitence ne soit pas plus petite que le crime ! » Et saint Augustin (dans son épitre 108 à Séleucianus) : « La pénitence est la peine quotidienne des bons et des humbles fidèles, qui nous fait frapper notre poitrine en disant : Remets-nous nos fautes ! » Et puis, d’où la pénitence (poenitencia) aurait-elle la diphtongue (oe), si, comme le veut Érasme, elle ne venait pas de poena (peine) ou lieu de pone ? » Il demeure donc que tous les mots pour dire pénitence en grec, en hébreu et en latin, selon l’Écriture et l’emploi qu’ont font les pères, ne signifient pas seulement un changement d’idée, ou une reconnaissance d’erreur, mais aussi la détestation du péché et la punition spontanément imposée.

CHAPITRE 8

La pénitence est-elle un sacrement proprement dit ?

La première controverse qui porte sur le genre, (est-elle un sacrement proprement dit) a quatre parties. La première. Explication de l’état de la question; on présentera ensuite les sentences des adversaires; puis on expliquera et on démontrera la vérité. Enfin, on réfutera les objections contraires. On explique d’abord qu’il ne s’agit pas de n’importe laquelle pénitence. La vraie pénitence pourrait consister ou dans la seule conversion du cœur et dans la détestation interne du péché, ou dans des signes externes, comme les larmes, la souffrance, la confession, les mortifications. Et cette conversion de l’esprit vers Dieu sera nécessaire à la réconciliation. Quelle que soit la grandeur de cette vertu, si elle n’est pas accompagnée de signes externes, elle ne peut pas porter le nom de sacrement. Et ce n’est pas sur cette sorte de pénitence que porte la controverse. Il arrive souvent qu’à la vraie pénitence soient joints des signes externes, comme nous l’avons montré précédemment dans l’Écriture. En Matthieu X1, le Seigneur dit que, si on leur avait prêché, les Tyriens et les Sidoniens auraient fait pénitence dans la cendre et le cilice . Et, en Matthieu X11, le Seigneur loue la pénitence des Nivites qui a été externe, comme l’atteste Jonas, chapitre 3.

Même s’ils rejettent les satisfactions, les adversaires ne rejettent pas les œuvres externes pénibles, en signe de pénitence. Calvin (livre 3, chapitre 3) : « Plus nous sommes sévères envers nous, plus nous devons espérer rendre Dieu plus enclin à la miséricorde. Et il ne pourra pas se faire que l’âme du juge, frappée d’horreur, remplisse les parties de la vindicte en exigeant pour elle une peine ». Et Kemnitius (2 par, examen, dispute sur la satisfaction, page 1072) écrit que « les siens ne rejettent pas les œuvres pénibles, en tant que fruits et signes de la vraie pénitence » 

C’est donc de cette pénitence qui s’exprime par des signes externes que nous nous demandons si on doit l’appeler sacrement. La controverse ne porte donc pas sur n’importe laquelle pénitence. Nous et nos adversaires, nous nous entendons pour dire que la pénitence des Ninivites et celle des autres qui ont vécu avant l’avènement de notre Seigneur Jésus-Christ, n’ont pas pu être les sacrements de la nouvelle loi, dont nous parlons maintenant. Mais même après la naissance et la passion du Christ, nous et nos adversaires nous ne faisons pas un sacrement de cette sorte de pénitence, si elle ne finit pas par une absolution. Tous admettent la nécessité d’un rite d’absolution, même si au sujet de l’efficacité et de la vertu de l’absolution, du ministre qui la prononce, de beaucoup d’autres choses qui se rapportent à l’absolution, il y a entre nous et nos adversaires de nombreux différends.

Voici donc quel est l’état de la question de la controverse : est-ce que la pénitence, manifestée par des signes externes, est, par la parole d’absolution qui lui advient, un sacrement de la nouvelle loi proprement dit ? Ce rite de réconciliation des tombés après le baptême, qui consiste dans la pénitence, manifestée par des signes extérieurs et les paroles de l’absolution, les catholiques affirment que c’est un sacrement véritable et proprement dit. Les hérétiques le nient. Quand, à son accoutumée, Kemnitius se plaint que les catholiques aient jeté la confusion dans l’état de la question, c’est plutôt lui qui, par la fraude, jette la confusion. Se rendant compte qu’après avoir correctement énoncé l’état de la question, une grande partie des luthériens, et l’auteur de la confession d’Augsbourg ne différaient pas d’avis d’avec les catholiques, il concocta, pour ne pas paraitre militer ouvertement contre les siens, un état de la question tout à fait autre. Aux pages 905 et 908, il prétendit que tel était l’état de la question : est-ce que les pécheurs, après le baptême, qui cherchent la réconciliation avec Dieu, doivent être emmenés, par la foi dans l’obéissance, la passion et la satisfaction du Christ, à la confiance dans leur action propre, la contrition, la confession et la satisfaction, de façon à ce que ces actions soient, quand leur advient la parole de l’absolution, un sacrement et la cause efficiente de la rémission des péchés ?

Or, cette question n’est certes pas celle que les catholiques se posent quand ils se demandent si la pénitence est un sacrement proprement dit. Elle serait plutôt une autre question qui dépend de la première : quel est le sacrement de pénitence ? Car, il faut d’abord traiter de la controverse qui porte sur : est-ce que la pénitence est un sacrement, que Kemnitius essaie frauduleusement de dissimuler, avant de se demander, dans une autre controverse, ce qu’elle est. Et que dire si la question que pose et imagine Kemnitius n’en est pas une ? Car les catholiques n’ont jamais enseigné que ce soit par l’obéissance, la passion et la satisfaction du Christ que les pécheurs sont amenés à la foi dans leur action propre. Au contraire, tous proclament d’une seule voix, que la vertu du sacrement de pénitence, comme celle de tous les autres sacrements, dépend du mérite de l’obéissance, de la passion et de la satisfaction du Christ, et que, sans la foi dans le Christ, personne ne peut être absous de ses péchés, et réconcilié avec Dieu. Donc, la vertu sacramentelle, qui concourt efficacement et instrumentalement à la rémission des péchés, ils l’établissent proprement et principalement dans la parole que le prêtre, en donnant l’absolution, prononce au nom de Dieu. Comme il appert de saint Thomas ( 4 sent dist 18, quest 1, art 2). Il dit que les actions pénitentielles ne concourent à procurer la rémission des péchés que dans la mesure où elles participent à la vertu sacramentelle par la parole de l’absolution, par laquelle elles prennent forme.

On ne peut pas nous objecter que nous appelions sacrement la pénitence qui consiste dans l’action du pénitent, car le nom de sacrement a coutume d’être attribué plus commodément à la matière qu’à la forme, bien que ce soit la forme qui, à elle seule, ou principalement, contienne la vertu efficace. C’est ainsi que le baptême signifie proprement l’ablution, qui est la partie matérielle du sacrement. Et les mots : je te baptise nous n’avons pas coutume de les appeler sacrement, mais forme du sacrement. Il en va de même pour l’onction des confirmands et l’onction des malades. C’est elle que nous appelons sacrement, plutôt que les paroles qui effectuent le sacrement. Et dans le mariage aussi. Ce n’est pas le : je te prends pour mon épouse qu’on appelle sacrement, mais l’union de l’homme et de la femme.

Il s’ensuit que si on disait que les actions du pénitent sont des causes efficientes de la rémission des péchés, non moins propres et non moins efficaces que l’absolution, on ne les appellerait cependant des causes qu’en tant qu’elles sont des instruments de Dieu. Et elles ne détourneraient donc pas de l’efficience de Dieu et du mérite de la passion du Christ. Car, l’absolution et l’ablution et la consécration de l’eucharistie sont des actions humaines. Et pourtant, parce que par ces actions, Dieu opère comme avec ses propres instruments, et nous applique les mérites du Christ, personne ne se plaint que les hommes l’amènent du mérite du Christ à la confiance dans l’action humaine, quand quelqu’un est baptisé, absous par un homme, ou quant il doit recevoir une eucharistie consacrée par un homme.

Le véritable état de la question est donc celui que nous avons présenté : est-ce que la pénitence qui est manifestée par des signes externes, est, avec la parole de l’absolution, un sacrement de la nouvelle loi véritable et proprement dit ?

CHAPITRE 9

On explique les sentences des adversaires sur la question proposée

Les montanistes et les novatiens ont été les premiers à nier que la pénitence soit un sacrement. Bien qu’ils ne lui aient pas enlevé seulement la raison et le nom, mais aussi le pouvoir de réconcilier les pécheurs, et tout rite ecclésiastique de réconciliation, il n’est pas vrai, toutefois, comme quelques-uns l’estiment faussement, que les hérétiques ci-haut nommés aient rejeté la pénitence et tout espoir d’obtenir un pardon de Dieu. Ils nièrent seulement que ceux qui étaient tombés après le baptême puissent être absous et réconciliés par l’église. Au sujet des montanistes, voici ce que saint Jérôme dit d’eux : « Ils laissent les pécheurs supplier à la porte de l’église. Mais nous, disons tous les jours : j’aime mieux la pénitence du pécheur que sa mort. » Au sujet des novatiens, voici ce que rapporte Socrate (livre 4, chapitre 23 de son histoire) : « Novatien, qui s’appelle lui-même Novat, a écrit à toutes les églises de ne pas admettre aux mystères ceux qui immolaient à des idoles, mais de les exhorter à faire pénitence, et de permettre la rémission des péchés par Dieu qui peut remettre les péchés parce qu’il en a l’autorité. » Nous lisons la même chose dans saint Cyprien (livre 2, épitre 4), et dans saint Ambroise (livre 1 sur la pénitence, chapitre 2). Saint Ambroise rapporte que les novatiens de son temps avaient tempéré un peu la rigueur de leurs anciens : « Ils disent qu’ils n’accordent le pardon qu’aux fautes légères, et non aux péchés graves. Mais ce n’est pas ce qu’enseignait l’auteur de votre erreur. Il estimait qu’il ne fallait donner la pénitence à personne. » Et un peu après : « Vous condamnez la sentence propre de vos pères en faisant la distinction entre les péchés que vous pensez devoir être remis par vous, et ceux que vous estimez être sans remède »

Parce que quelques-uns appellent Novat ou Novatien l’auteur de cette hérésie après Montan, il faut savoir que le Novat, qui, après Montan, alluma cette hérésie, était un prêtre de Carthage. Il a été suivi par Novatien, un prêtre romain, qui siégea dans le schisme avec Corneille. On l’apprend cela par Pacianus (épitre 3 à Symphonianus) et par saint Jérôme (dans son livre sur les hommes illustres, à Novatianus). Le même Jérôme et saint Augustin (dans son livre sur les hérésies, chapitre 38), font de Novat l’auteur de l’hérésie. Les grecs confondent les noms et les appellent tous les deux Novat. C’est cette hérésie très ancienne, déjà condamnée, que Luther s’est efforcé d’exhumer, ainsi que les faux prophètes qui surgirent après lui, Zwingli, Calvin, et les autres. Car, même s’ils reconnaissent une certaine réconciliation des pécheurs après le baptême, en quoi ils se distinguent des novatiens, ils ne dénient pas moins aux prêtres, tout comme les novatiens, le vrai pouvoir judiciaire de remettre les péchés.

Que la pénitence soit un sacrement véritable et proprement, dit Luther fut le premier à le nier en notre siècle, mais timidement, et avec inconstance. Car, dans son livre sur la captivité de Babylone, non loin du début, il écrit : « Au tout début, il me faut nier qu’il y ait sept sacrements, et n’en reconnaitre que trois, pour l’instant : le baptême, la pénitence et le pain. » Mais, dans le même livre, à la fin, il ramène la pénitence au baptême, et de trois sacrements, il en fait deux : « Il me semble qu’on doit appeler sacrements les choses qui ont été promises avec des signes annexés. Voilà pourquoi, si on voulait parler strictement, on verrait qu’il n’y a que deux sacrements dans l’église, le baptême et le pain, puisqu’en eux seuls, se trouvent et un signe institué divinement, et la promesse de la rémission des péchés. Car, le sacrement de pénitence, que j’avais associé aux deux autres, manque d’un signe visible institué divinement. Voilà pourquoi j’ai dit qu’il n’était qu’une voie de retour au baptême. » Cependant, le même Luther a concédé souvent ailleurs que la pénitence est un sacrement, comme dans ses propositions contre les théologiens de Louvain (an 1545, proposition 35.)

Philippe Melanchton (dans ses lieux communs édités en 1522), rejette ouvertement ce sacrement. Voici ce qu’il dit dans son livre sur la pénitence : « La pénitence n’est pas un signe. Elle n’a rien d’obscur. Car la pénitence est la mortification de notre vieil homme, et le renouvellement de l’esprit. Son sacrement ou son signe n’est rien d’autre que le baptême. Et c’est lui, parmi tous, qui a le droit d’être appelé sacrement de pénitence » Le même Philippe, pourtant, tout comme son maître Luther, enseigna, dans les livres qu’il édita après, que la pénitence est un sacrement, et cela, surtout dans son apologie de la confession d’Augsbourg. Et comme Matthias Illyricus (dans son apologie de la confession d’Antuerpiensis, chapitre 18) , et Martin Kemtinius (2 par examen page 903) n’ont pas craint d’écrire que l’apologie de la confession d’Augsbourg ne reconnait ce sacrement qu’improprement, et d’une certaine façon, non absolument et proprement, il faut déterrer les paroles de l’apologie pour que ces deux luthériens comprennent qu’ils ont renié non seulement l’église catholique , mais aussi l’apologie de la confession d’Augsbourg, dans lesquelles ils jurèrent. 

Voici les propres mots de l’apologie : « Si nous appelons sacrements des rites qui ont un mandat de Dieu et auxquels est annexée une promesse de grâce, il est facile de juger quels sont ceux qui sont les vrais sacrements. En effet, les rites institués par les hommes ne seront pas appelés sacrements. Car, ce n’est pas à l’autorité humaine de promettre la grâce. Voilà pourquoi les signes institués sans mandat de Dieu ne sont pas des signes certains de grâce, même s’ils enseignent aux rustres et les admonestent. Sont donc de vrais sacrements le baptême, la cène du Seigneur, et l’absolution, qui est le sacrement de pénitence. Car, ces rites ont un mandat de Dieu et une promesse de la grâce qui est propre au nouveau testament. Il est certain, en effet, que les cœurs doivent se relever quand nous sommes baptisés, quand nous mangeons le corps du Christ, et quand Dieu nous pardonne à cause du Christ. » 

Dans l’apologie, il dit d’bord que le sacrement de pénitence est un vrai et propre sacrement. Il dit ensuite qu’il a un rite institué divinement, et une promesse de grâce. Et pourtant, Kemnitius ne nie pas seulement que la pénitence soit un sacrement au sens fort du terme, mais il estime qu’elle manque d’un rite institué par Dieu. Troisièmement, il l’unit perpétuellement au baptême, et à la cène du Seigneur , qui sont pour tous de vrais sacrements. Quatrièmement, il le sépare et le distingue des rites humains, qui ne sont pas proprement des sacrements. L’apologie pouvait-elle affirmer plus clairement que le sacrement de pénitence est un vrai sacrement ?

Ajoutons que dans les lieux communs (de 1543), dans le chapitre sur le nombre de sacrements, le même Philippe parle ainsi : « Comme le mot sacrement doit être entendu des cérémonies instituées dans la prédication du Christ, on énumère les sacrements suivants : le baptême, la cène du Seigneur, l’absolution, qui sont des rites externes et des signes de tout l’évangile, et qui sont proprement des témoignages de rémission des péchés ou de réconciliation, dont parle surtout dans la définition usitée : le sacrement est le signe de la grâce, c’est-à-dire de la réconciliation gratuite, qui est donnée à cause du Christ, et qui est prêchée dans l’évangile. » On peut donc en conclure que Philippe et Luther ont révoqué la première sentence, celle qu’ils ont enseignée au début. 

Mais aux erreurs par eux introduites, et ensuite abandonnées, il ne manqua pas de patronage. Le premier Zwingli (dans son livre sur la vraie et la fausse religion, chapitre des sacrements) et tous les zwingliens, enlèvent la pénitence du nombre des sacrements. Jean Calvin (livre 4, chapitre 19, verset 15), ne nie pas seulement le sacrement de pénitence, mais il s’efforce de démonter, par plusieurs arguments, qu’il n’existe aucun sacrement de ce genre. Il fait la même chose dans son antidote contre le concile de Trente (session 6. 15). Il suit son Bèze dans la confession de la foi (chapitre 7, article 11). Et il ne manque pas de luthériens qui ont juré sur les paroles de la confession d’Augsbourg, à avoir fait, sur cette question, défection dans le camp des sacramentaires. Comme Nicolas Selneccerus (2 partie de sa pédagogie, ou il traite du nombre des sacrements), Jean Wigandus (dans la méthode de l’église magdebourgeoise, chapitre 14), Matthias Illirycus (dans la préface du livre intitulé : les sectes et les dissensions des pontifes). Martin Kemnitius (2 par examen de trente, dans la première partie sur la pénitence), et de nombreux autres qu’il ne vaut pas la peine de nommer.

Contre cette erreur, le synode de Trente a formulé le canon 1 de la session 14 en ces mots : « Si quelqu’un dit que, dans l’église catholique, la pénitence n’est pas proprement et vraiment un sacrement, institué par le Christ, pour réconcilier avec Dieu les fidèles à chaque fois qu’ils tombent après le baptême, qu’il soit anathème ! »

CHAPITRE 10 : La pénitence est un sacrement proprement dit

Venons-en maintenant à la confirmation de la vérité. En premier lieu, nous avons les paroles de notre Seigneur en Jean XX : « Les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, et retenus à ceux à qui vous les retiendrez. » De ce texte, on peut déduire deux choses qui sont requises et qui suffisent pour constituer tous les sacrements proprement dits. Un rite externe, ou un symbole divinement institué, et la promesse d’une grâce justifiante, annexée à ce rite ou à ce symbole. Car, puisque le Seigneur a concédé à ses apôtres le pouvoir de remettre les péchés, on ne peut douter qu’il ait voulu que ce pouvoir soit exercé par un signe externe. Les hommes qui sont corporels, ne pourraient pas comprendre que leurs péchés leur sont remis à moins qu’ils ne le soient par une parole ou un signe externe. Ce que ne nient pas les adversaires. Ils admettent que de ce témoignage de la divine Écriture, on peut conclure à l’existence d’une parole d’absolution, même privée. Voir Kemnitius ( 2 par, examen, pages 916, et 917), et Calvin (livre 3, chapitre 4, versets 12 et 14.) 

Or, la parole est un signe corporel et sensible. On peut conclure du même texte que cette parole n’est pas seulement le rite externe de celui qui absout, mais aussi du pénitent, car les péchés ne peuvent être remis qu’à ceux qui confessent avoir des péchés, et qui les détestent. On peut dire qu’ils ne veulent pas être absous ceux qui n’apportent pas une âme préparée comme il se doit, c’est-à-dire qui se présentent au confessionnal sans foi et sans pénitence. Voilà pourquoi les adversaires eux-mêmes estiment qu’on ne doit pas donner l’absolution à ceux qui ne montrent aucun signe de pénitence, et qui ne demandent donc pas vraiment l’absolution. « La confession privée, écrit Kemnitius, p 916), remet les péchés à ceux qui demandent la consolation avec foi. » Nous avons donc un symbole, c’est-à-dire un rite externe, qui est double : les signes de pénitence et la parole d’absolution.

Une promesse de grâce justifiante, le Seigneur n’en a jamais donnée d’aussi claire et d’aussi évidente que dans ce passage, car qu’est-ce que la rémission des péchés, si ce n’est la justification ? Ce témoignage éblouissant les hérétiques s’efforcent de l’affaiblir et de le pervertir de toutes sortes de façons. La première, qui est commune à tous. Le Seigneur parle d’une rémission des péchés non judiciaire, qui résulterait d’un pouvoir semblable à celui d’un préteur, mais qui s’opère par la prédication de l’évangile. « Le ministre, disent-ils, remet les péchés à ceux dont, en prêchant, il a excité la foi par laquelle est appréhendée la rémission des péchés. » Mais même si le Seigneur ne parlait que d’une rémission des péchés par l’annonce de l’évangile, cela ne leur permettrait pas de nier le sacrement, car, pour eux, les sacrements ne sont rien d’autre qu’une annonce de l’évangile instituée pour exciter la foi. Donc, comme l’aspersion de l’eau avec les mots « je te baptise » est un sacrement pour nos adversaires, même si le je-te-baptise est référé à l’excitation de la foi, par l’annonciation de l’ablution faite au nom du Seigneur, de la même façon, le signe de pénitence que le pénitent montre en demandant l’absolution, avec la parole « je t’absous », est référé à l’excitation de la foi par l’annonce de l’absolution faite au nom du Seigneur. Que l’absolution doive être appliquée en particulier les Luthériens l’admettent, comme nous l’avons montré plus haut dans la citation de Kemnitius (2 par exam page 916), et de Calvin (livre 3, chapitre 4, verset 14.)

L’autre dérobade est de Calvin (dans son antidote du concile de Trente, session 6, chapitre 14). Après avoir dit que les catholiques avaient déduit de ce texte de l’évangile l’institution divine du sacrement de pénitence, il répond que ces paroles de l’évangile (les péchés seront remis) appartiennent à la rémission des péchés qui se fait quand, par la prédication de l’évangile, les impies et les infidèles sont convertis à la foi, et, par le baptême, sont unis à l’Église : « Qui ignore qu’aux apôtres avait été enjointe une charge qu’il devait exercer envers les étrangers ? La mission d’apporter l’évangile à ceux qui n’avaient pas encore été appelés. » Kemnitius dit la même chose (2 par examen, page 918). Il écrit que le Seigneur a ordonné d’annoncer la pénitence, en son nom, à toutes les nations. Il dit que ces passages s’expliquent les uns par les autres, puisqu’ils traitent tous de la même chose.

Je réponds qu’on peut entendre de deux façons le texte de l’évangile qui se trouve en Jean 20. Une première. Aux apôtres a été donné le pouvoir de remettre les péchés autant aux fidèles qu’aux infidèles. L’autre seulement aux fidèles. La première explication est celle de saint Cyrille, et c’est celle que semblent suivre les adversaires. Car, Kemnitius, dans le passage cité, et aussi à la page 920, déclare ouvertement qu’il s’agit là d’une promesse générale qui vaut autant avant le baptême qu’après le baptême. Même si Calvin, dans son antidote, semble vouloir dire que cette promesse est restreinte aux seuls infidèles, dans ses institutions( dans le livre 3, chapitre 4, verset 12 de ses institutions) il dit qu’il a été enjoint aux ministres de rassurer les consciences des fidèles sur la rémission des péchés, et il prouve cela, par ce passage de saint Jean. Et un peu après, au verset 14, il déduit de ce texte l’existence de l’absolution privée, qui est donnée dans l’Église aux pénitents : « Ce n’est pas une consolation banale ou légère d’avoir présent sur place un légat du Christ, muni du mandat de réconciliation, de qui il entend que l’absolution lui est accordée. On recommande là à juste titre l’utilité des clefs quand cette légation s’exerce avec le rite, l’ordre et la religion qui conviennent. C’est comme quand quelqu’un qui s’était éloigné de l’Église est rétabli dans la vérité fraternelle, après avoir reçu le pardon. Quel bienfait est-ce pour quelqu’un de comprendre que ses péchés sont pardonnés par ceux à qui le Christ a dit : « Les péchés que vous remettrez sur la terre seront remis dans le ciel. »

Et (au livre 4, chapitre 1, verset 22), il affirme plusieurs fois que la promesse est générale, et qu’elle vaut autant et même plus pour les fidèles que pour les infidèles. : « Quand le Christ a donné aux apôtres le mandat et le pouvoir de remettre les péchés, la seule chose qu’il a voulue est qu’ils absolvent de leurs péchés ceux qui, de l’impiété, se convertissaient en la foi dans le Christ. Mais, c’est auprès des fidèles, qu’ils rempliraient perpétuellement ce ministère. » Et il le prouve cela par le témoignage très certain de saint Paul (11 Corinthiens, versets 19, 20). L’apôtre écrit aux fidèles et les exhorte à se réconcilier avec Dieu pour des fautes commises après le baptême : « Dieu, dit-il, a mis en nous la parole de réconciliation. Par et pour le Christ, nous remplissons donc cette légation. C’est comme si c’était Dieu qui exhortait par nous. Nous vous supplions par et pour le Christ de vous réconcilier à Dieu. » On ne peut douter que même un Calvin n’ignore pas qu’une parole de réconciliation ait été alors placée dans les apôtres, quand le Christ leur a dit : « Les péchés seront remis etc. »

Cette exposition nous permet de conclure facilement que la pénitence est un sacrement. Car, comme saint Cyrille l’enseigne dans son explication de ce passage, le Christ a donné aux apôtres le pouvoir de remettre et de retenir les péchés tant aux infidèles qu’aux fidèles. Mais, non pas de la même manière. Aux infidèles, il a voulu qu’ils soient remis par le baptême, et qu’ils soient retenus par l’exclusion du baptême, s’ils en sont jugés indignes. Aux fidèles, il n’a pas voulu qu’ils soient remis par le baptême, mais par un autre rite, par la réconciliation des pénitents. Donc, comme le pouvoir de remettre les péchés aux infidèles ne s’exerce pas sans un sacrement, le pouvoir de remettre les péchés aux fidèles ne s’exerce pas, non plus, sans un sacrement. En conséquence, la réconciliation des fidèles après le baptême est un sacrement.

Les adversaires ne peuvent pas nier cela, puisqu’ils admettent que, des paroles du Sauveur, on peut déduire qu’a été instituée par le Seigneur l’absolution privée par laquelle se fait la réconciliation après le baptême. C’est de cela que parle Kemnitius (à la page 901) : « Il n’y a aucune controverse entre nous sur ce point : dans l’Écriture, Dieu a institué et ordonné certains moyens par lesquels aux tombés après le baptême, il veut appliquer, s’ils se convertissent, le bienfait de la mort du Christ, et contresceller la réconciliation et la rémission des péchés.» Ces moyens, nous soutenons, nous, qu’ils contiennent un vrai sacrement, puisqu’ils sont corporels, institués par Dieu, et qu’ils ont une promesse de grâce justifiante, comme eux-mêmes le reconnaissent. C’est ce que je dirais si on acceptait la première explication. Mais la seconde semble plus probable.

En effet, saint Jean n’a pas coutume de répéter ce que les autres évangélistes avaient écrit, à moins qu’il ne juge devoir ajouter quelque chose à ce qui avait été déjà dit. Au sujet du mandat d’administration du baptême, Matthieu et Marc avaient suffisamment écrit. Et même avant sa passion, le Seigneur avait donné à ses apôtres le pouvoir de baptiser, comme l’atteste saint Jean, au chapitre 4. Il n’y avait donc aucune raison pour laquelle le Seigneur donne ce pouvoir à ses disciples après sa résurrection, ou pour que saint Jean écrive là-dessus. De plus, le pouvoir des clefs est donné, dans ce passage, aux saints apôtres, comme les catholiques et les hérétiques l’admettent. Le pouvoir des clefs n’était pas nécessaire avant le baptême, puisque peuvent baptiser non seulement les ministres ecclésiastiques à qui les clefs ont été données, mais aussi les laïcs, et les non chrétiens. 

Or, ce pouvoir des clefs, sans aucun doute, est un pouvoir judiciaire, comme nous le montrerons plus haut. Car, les chrétiens ne jugent pas les infidèles, mais seulement les fidèles. L’apôtre ne dit-il pas (dans 1 Corinthiens V) : « En quoi cela me regarde-t-il de juger ceux qui sont à l’extérieur ? Donc, en ce passage, un pouvoir est donné aux préposés de l’Église de remettre les péchés uniquement aux fidèles baptisés, et, après le baptême, de les réconcilier avec Dieu par un certain rite. Voilà pourquoi saint Jean Chrysostome (3 livre sur le sacerdoce), Theophylactus, Euthymius, et saint Ambroise ( livre 1, chapitre 2 sur la pénitence) ne font aucune mention du baptême quand ils commentent ce passage. Pacianus (dans la lettre 3) voulait voir dans ce passage le pouvoir donné à l’Église d’absoudre les catéchumènes après le baptême.

L’argument de Kemnitius, tiré du dernier chapitre de Luc, est sans valeur. Car, c’est faussement qu’il présuppose que saint Jean et saint Luc parlent de la même chose. C’est de loin une autre chose ce qui a été prophétisé par les prophètes, à savoir la prédication à tous les Gentils d’une pénitence et de la rémission des péchés au nom du Christ—ce que raconte saint Luc, et autre chose est le don du Saint-Esprit que le Seigneur a fait aux apôtres et, avec Lui, le pouvoir de remettre et de retenir les péchés, ---dont parle saint Jean. Il n’est pas douteux que la pénitence dont parle saint Luc est celle qui précède le baptême. Mais elle ne convient pas proprement aux Gentils qui ont encore à être amenés à la foi, ce dont parle saint Pierre à Actes 11, quand il dit : « Faites pénitence, et que chacun de vous soit baptisé. » Puisque saint Jean parle de toute sorte de pénitence, en général, ou seulement de celle qui se fait après le baptême. Comme nous l’avons déjà dit, saint Jean n’avait pas coutume de répéter ce que les autres avaient écrit.

Si on admet cette dernière interprétation, est complètement évacué ce que les adversaires nous objectent. Car, nous voilà avec un rite d’absolution, par la parole de réconciliation, selon les paroles de l’apôtre, externe et sensible, avec une promesse de rémission de péchés fondée sur l’évangile, au témoignage même de nos adversaires. Ce qui manque à la notion d’un sacrement proprement dit, plus je le cherche, moins je le vois. Mais, pour que tout apparaisse plus clairement, et pour que soient convaincus plus facilement nos adversaires, comparons ce rite que nous avons déduit de l’Écriture, avec les définitions avec lesquelles les catholiques et les hérétiques ont coutume d’expliquer l’essence et la nature d’un sacrement. Les catholiques veulent qu’un sacrement soit le signe d’une chose sacrée. Ils expliquent ainsi leur définition. Par signe, ils entendent un signe pratique et efficace, qui opère en signifiant. Par chose sacrée, ils entendent la grâce de la justification, qui est infusée dans l’âme par Dieu, au moment où ce signe externe est employé. Cette définition cadre parfaitement avec le rite dont nous parlons. Car, la confession de la pénitence et la parole de l’absolution sont des signes de la grâce justifiante. Car, qu’est-ce que la confession signifie si ce n’est un renouvellement de l’âme. Et qu’est l’absolution, ci se n’est la rémission du péché qui retenait le pécheur enchaîné. Qu’il soit un signe pratique et efficace, nous le comprenons facilement, parce que ne peut pas être faux ce que la Vérité dit : les péchés seront remis à ceux à qui vous les aurez remis.

Luther, dans son livre sur la captivité de Babylone, écrit, vers la fin, qu’on peut appeler proprement sacrements les choses qui ont été promises avec des signes annexés. L’apologie de la confession d’Augsbourg (à l’article sur le nombre et l’usage des sacrements), définit de la même façon un sacrement proprement dit. Elle veut que ce soit un rite qui a un mandat de Dieu, et auquel est ajoutée la promesse de la grâce. Que cette définition cadre avec le rite de la confession et de l’absolution, personne, certes, ne peut le nier. Car, sans parler pour le moment de la confession, tous admettent que l’absolution, même privée, a un mandat de Dieu et une promesse de grâce. Les paroles de saint Paul en 2 Corinth 5, déjà citées, (Il a mis en nous la parole de la réconciliation etc.), indiquent un mandat divin. Et le passage de saint Jean (XX) (les péchés seront remis etc) contient une promesse évidente de grâce. Et même si aucun mandat divin explicite n’avait été écrit, il serait certainement contenu implicitement dans cette promesse. Car, pourquoi le Christ donnerait-il aux apôtres le pouvoir de remettre les péchés s’il ne leur demandait pas d’user de ce pouvoir, quand le besoin s’en ferait sentir ?

Martin Kemnitius n’est pas content de cette définition communément acceptée. Voilà pourquoi (dans la deuxième partie de son examen du concile de Trente, page 41), il fabriqua une longue définition des sacrements pour exclure du groupe des sacrements proprement dits les sacrements de l’Église catholique, à l’exception du baptême et de l’eucharistie. Il a voulu que fussent requises huit conditions à l’existence d’un sacrement de la nouvelle loi, que nous avons toutes commentées dans le livre sur les sacrements en général. Il suffira maintenant de démontrer que toutes, en dépit de Kemnitius, conviennent au sacrement de pénitence.

La première condition postule que soit présent un symbole externe sensible. Donnons donc, pour l’instant, la parole externe et sensible : je t’absous, ou je remets tes péchés, qui viennent de cette promesse du Seigneur : les péchés sont remis à ceux à qui vous les remettrez. La deuxième condition que le symbole ait une institution et un mandat divin, c’est-à-dire qu’il ne soit pas fabriqué par l’ingéniosité humaine. Cela aussi, nous l’avons déjà démontré avec la parole du Seigneur : les péchés seront remis. La troisième : que le mandat soit une institution du nouveau testament. Hors, cela est hors tout conteste, à moins qu’on veuille prétendre que l’évangile de saint Jean et la lettre de saint Paul aux Corinthiens ne fasse pas partie du nouveau testament. La troisième : que ce soit un rite perpétuel, et non institué pour un court temps. Or, le rite de l’absolution est toujours demeuré et demeurera toujours dans l’Église, ce que les adversaires ne nient point. Et on peut le prouver facilement avec l’évangile Quand le Seigneur donna aux apôtres le pouvoir de remettre les péchés, il n’a pas donné de date butoir. Il s’ensuit donc manifestement que ce pouvoir durera tant que, dans l’Église, il y aura un besoin de purgation et de rémission. La sixième. Qu’il y ait une promesse de grâce, non pas de n’importe laquelle, mais de celle qui consiste dans la justification et la réconciliation.

La septième. Que cette promesse de grâce soit annexée à un signe externe, et qu’elle en soit comme revêtue. Ces trois conditions sont manifestement comprises dans le témoignage allégué : les péchés sont remis. La huitième. Que la promesse ne soit pas énoncée en général, mais qu’elle soit appliquée en particulier à chacun. Que cette condition se réalise dans le rite de l’absolution, personne ne pourra le nier. Car, comme de ces mots : « enseignez toutes les nations, les baptisant etc. », nous déduisons que c’est à chacun, en particulier, qu’on doit dire : je te baptise, de la même façon, de ces mots : les péchés seront remis, nous devons déduire que c’est à chacun, en particulier, qu’il faut dire : je t’absous de tes péchés. Tu vois donc que, dans le rite de l’absolution, rien ne laisse à désirer de tout ce que requiert Kemnitiius à un sacrement du nouveau testament véritable et proprement dit.

Mais peut-être que la définition de Calvin ne cadre pas avec de ce rite. Voici, en effet, ce qu’il enseigne (dans le livre 4, chapitre 19, verset 15), là où il nous invite à lire sa définition. Or, cette définition, bien qu’elle soit inepte, comme nous l’avons démontré dans le premier livre des sacrements en général, peut être accommodée à ce rite. Voici donc sa définition (livre 4, chapitre 14, verset 1) : « Un symbole externe, par lequel il contresigne devant nos consciences, les promesses de sa bienveillance en nous, pour soutenir l’imbécilité de notre foi, et pour qu’en retour, nous attestions notre piété envers lui, autant devant lui et devant les anges qu’auprès des hommes. » Le symbole externe et la promesse de la grâce nous ne les avons pas montrés seulement une fois dans le rite de la confession et de l’absolution. Et cette fin qui consiste dans le soutien de la foi et l’attestation de la piété, n’a pas moins sa place dans le rite de l’absolution que dans celui du baptême. Car, comme celui qui, dans le baptême, entend ces paroles prononcées au nom de Dieu : je te baptise, se met à espérer, et est confirmé dans sa foi, il fait de la même manière celui qui entend, après sa confession, les paroles qui lui sont adressées personnellement par le légat de Dieu : je t’absous. Et comme celui qui accède au baptême et demande d’être incorporé dans la famille du Christ atteste sa piété envers Dieu devant les hommes; il l’atteste lui aussi celui qui, montrant extérieurement des signes de pénitence, et accourant à l’absolution, chercher à être réconcilié avec Dieu.

Les choses étant ce qu’elles sont, ou le sacrement de pénitence sera un sacrement véritable et proprement dit, ou le baptême ne sera pas un sacrement vrai et proprement dit, ou ils devront concocter une nouvelle définition, s’ils veulent exclure la pénitence du nombre des sacrements, sans exclure en même temps le baptême.

Se présentent maintenant les témoignages des anciens pères. On peut comprendre de deux façons ce que fut le sentiment des pères sur ce sujet. La première. Quand ils énumèrent les sacrements, ils ajoutent souvent la pénitence. Quand ils comparent la pénitence au baptême, ils enseignent que dans l’un et l’autre sacrement Dieu opère puissamment. Tertullien, dans livre sur la pénitence, écrit : « Prévoyant que des venins fermeraient la porte de l’indulgence, et bloquerait le lavement par un verrou, il permit qu’existe une autre chose. Il plaça dans le vestibule, la seconde pénitence, qui ouvre la porte à ceux qui frappent. » Dans ce texte, Tertullien enseigne que, pour la rémission des péchés, il existe deux portes, le baptême et la pénitence. Il juge aussi que la pénitence est un remède semblable au baptême, quoique différent par l’espèce. Voir aussi la fin de son livre 1 contre Marcion.

Saint Cyprien, ou quel que soit celui qui fut l’auteur (car personne ne doute que ce soit un écrivain ancien) du sermon sur le lavement des pieds , écrit : « Après le baptême, qui en raison de sa sublimité, ne souffre pas d’être répété, tu as procuré un autre lavement. » Saint Ambroise (livre 1, chapitre 7, sur la pénitence) écrit : « Pourquoi à des baptisés, s’il n’est pas permis que les péchés soient remis par l’homme ? Car, dans le baptême, se fait la rémission de tous les péchés. Et il importe peu que ce soit par la pénitence ou par le lavement que les prêtres revendiquent que ce droit leur a été donné. Dans l’un et l’autre mystère, c’est la même chose qui arrive. » Et parce que les Novatiens disaient que l’homme peut baptiser parce que dans le baptême Dieu est présent et opère puissamment, saint Ambroise ajoute : « Pourquoi pas dans la pénitence ? Le nom de Dieu n’opère-il pas ? » Voir le livre 2, chapitre 2.

Saint Jérôme (dans son livre contre les pélagiens), écrit : « Il est racheté par le sang du Sauveur ou dans la maison du baptême, ou dans la pénitence, qui imite la grâce du baptême. » Et, dans le livre 2 : « Ce qui est écrit : et le sang de Jésus nous purifie de tout péché, il faut l’entendre tant de la confession du baptême, que de la clémence de la pénitence. » Et (dans la lettre 1 à Héliodore), il dit : « Loin de moi de dire quoi que ce soit de sinistre de ceux qui succédant à la dignité des apôtres, confectionnent le corps du Christ de leur bouche sacrée; qui, possédant les clefs du royaume, jugent, en quelque façon, avant le jour du jugement. » Dans ce texte, il associe la pénitence au baptême et à l’eucharistie. 

Saint Augustin (épitre 180 à Honorat) : « Quand nous parvenons aux périls les plus extrêmes, et qu’il n’y a plus de possibilité de fuite, ne nous rendons-nous pas compte de la quantité de secours que l’église a coutume de fournir pour l’un et l’autre sexe, et pour tous les âges. Aux uns, elle présente le baptême, à d’autres, la réconciliation, à d’autres des pénitences, à tous, la consolation, la confection et l’administration des sacrements. » Et un peu après : « S’il y a des ministres présents, que les uns soient baptisés, que d’autres soient réconciliés, qu’à personne ne soit déniée la communion au corps du Seigneur. » Et, (dans le livre 5, chapitre 20 sur le baptême) : « Si ce qui est dit dans l’évangile signifie que les sacrements pour les pécheurs ne soient pas célébrés, comment a-t-il exaucé un homicide qui le suppliait, pourquoi imposer les mains sur l’eau du baptême, ou sur l’huile, ou sur l’eucharistie, ou sur la tête, sur lesquels on impose les mains ? » Par l’imposition des mains, il entend ici l’ordination et la réconciliation. Car, la pénitence est appelée réconciliation et imposition des mains par saint Augustin, ce que l’on pourrait prouver par plusieurs exemples. Mais, pour l’instant, contentons-nous de l’un ou deux.

Dans le livre 5, chapitre 23 sur le baptême, il écrit : « On impose les mains à un impie qui retourne à l’Église pour qu’il ne semble pas être hors de toute faute. » Et en commentant le psaume CXLV1, (celui qui guérit ceux qui ont le cœur contrit, et lie leurs contritions) : « Quels sont aujourd’hui ces liens ? Les sacrements temporels. » Et il donne comme exemples, l’eucharistie, et l’imposition des mains au moyen desquels un pécheur est réconcilié par un préposé. Le même saint Augustin (le livre 1 et le dernier chapitre sur les mariages adultérins (livre 2, chapitre 6) compare ouvertement la réconciliation avec le baptême. 

Saint Jean Chrysostome (livre 3 sur le sacerdoce), unit d’abord le pouvoir de remettre les péchés au pouvoir de conférer l’eucharistie. Et, ensuite, un peu après, il le compare avec le baptême : « Ils n’obtiennent pas seulement le pouvoir de nous régénérer, mais aussi de nous remettre les péchés. » Saint Cyrille (livre 12, chapitre 56 sur saint Jean) dit que les péchés sont remis de deux façons par le prêtre en tant que ministre du Christ : par le baptême et la pénitence. Theodoret (dans l’épitomé des divins décrets, au chapitre de la pénitence), que dans l’ancien testament, les ablutions et les sacrifices étaient des figures des mystères du baptême et de la pénitence. Dans ce texte, il n’unit pas seulement la pénitence avec le baptême, mais il appelle l’un et l’autre un mystère.

Saint Léon (épitre 91 à Théodore) écrit : « La miséricorde de Dieu est multiple : elle subvient aux chutes humaines, de façon à ce que l’espoir de la vie éternelle soit réparé non seulement par la grâce du baptême, mais aussi par celle du médicament de la pénitence. » Victor Uticensis (libre 2 sur la persécution des Vandales), nous présente des peuples parlant à leurs prêtres, qui avaient été envoyés en exil : « À qui nous avez-vous laissés quand vous êtes partis vers les couronnes ? Quels sont ceux qui baptiseront les enfants avec les fontaines de l’eau perennelle ? Qui nous apportera le don de la pénitence, et par l’indulgence de la réconciliation, délieront ceux qui sont enchaînés par le péché ? Parce que, à vous il a été dit : « les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez. » Victor de Chartes, (dans son livre sur la pénitence, chapitre 22), lui donne ouvertement le nom de sacrement : « Et puis, écoute de quels javelots, le Seigneur, dans l’évangile, frappe le pécheur, pour que tu comprennes ce qu’il pense du sacrement de pénitence. » Victor de Chartes vécut en 450, d’après Thrithemius et Gennadius.

Que se présente enfin le témoignage de l’église latine et de l’église grecque des années 500. À la fin du cinquième siècle, le sacrement de pénitence était, dans toute l’église, compté parmi les sacrements proprement dits. Nul ne peut le nier, et les adversaires, que je sache, ne le nient pas. Il suffit, pour s’en rendre compte, de lire Pierre Lombard, (livre 4, sentences dist 14) et les autres théologiens qui sont venus après lui, le décret du pape Lucius 111, (chapitre ad abolendam, sur les hérétiques), et la définition des conciles généraux de Florence et de Trente, que reconnaissent tous les catholiques; la réponse de Jérémie, archevêque de Constantinople aux Allemands, chapitre 7. Jérémie enseigne clairement que l’église grecque énumère la pénitence parmi les sacrements.

Ces témoignages, je ne les présente pas parce que j’ignore qu’ils ne seront d’aucun effet pour les adversaires. Mais, pour que tous comprennent que ou pendant tant de siècles l’église universelle était tombée dans une grave erreur, -ce qui certes ne peut se faire, puisqu’elle est la colonne et le firmament de la vérité (1 Timothée 111), ou qu’est vrai ce que nous avons appris de la même église au sujet de la pénitence. Que cette église des cinq premiers siècles ait été la vraie église du Christ, ce seul argument nous en convainc suffisamment. Puisqu’aucune église ne nous est démontrée par les adversaires qui ait été répandue pendant ces cinq cents ans sur toute la surface de la terre, ou c’est notre église qui la véritable, ou il n’y en a pas. Personne n’affirmera qu’il n’y en a pas s’il croit que sont vraies ces paroles du Christ : « Sur cette Pierre j’édifierai mon église, et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle. » (Matthieu 16). Cela devrait suffire, Attaquons-nous maintenant aux objections.

CHAPITRE 11

On solutionne les arguments de Calvin et de Kemnitius

Jean Calvin (livre 4, chapitre 19, versets 15, 16 et 17) présente les arguments suivants. Le premier. Il nous objecte les difficultés que rencontrent les théologiens pour prouver que la pénitence est un sacrement : « Les scolastiques romains suent à grosses gouttes quand ils traitent de ce sacrement. Il n’y a pas de quoi s’étonner, car ils cherchent une aiguille dans un tas de foin. Ce qu’ils peuvent faire de mieux c’est de nous laisser une chose douteuse, incertaine, trouble et rendue confuse par une variété d’opinions. » Je réponds que son introduction, il la tire du mensonge. Car, c’est à l’unanimité que les théologiens enseignent que la pénitence est un sacrement; et il n’y a, entre eux, à ce sujet, aucune diversité d’opinions. 

La seule chose sur laquelle ils discutent c’est comment montrer ce qui, dans ce sacrement, est seulement le sacrement, seulement la chose, et en même temps la chose et le sacrement. Car, ces trois choses sont clairement perceptibles dans le baptême et dans d’autres sacrements. Dans certains, cependant, on ne peut pas aussi facilement en faire la distinction, --ce qui, d’ailleurs, n’est pas nécessaire. Mais, cela n’a rien à voir avec ce dont nous discutons avec les hérétiques. Nous ne nous demandons pas, en effet : est-ce que ces trois choses sont distinctes dans le sacrement de pénitence, mais : est-ce que le sacrement de pénitence est un sacrement véritable et proprement dit. Ce dont les théologiens scolastiques n’ont pas à disputer entre eux.

Deuxièmement. Calvin nous oppose la définition du sacrement composée par lui. Parce que le sacrement de pénitence ne convient pas à la définition qu’il donne du sacrement, il en conclut qu’il n’est pas un sacrement proprement dit : « Ceux qui ont en mémoire la définition du sacrement que nous avons donnée plus haut, et qui jugent d’après elle ce qu’on appelle sacrement, trouveront que ce n’est pas une cérémonie externe instituée par Dieu pour exciter notre foi. » Je réponds que, dans le chapitre précédent, j’ai montré que la pénitence avec l’absolution n’est pas moins un signe externe institué par Dieu pour exciter notre foi, que ne l’est le baptême. Mais, bien que, par des rites de ce genre, la foi puisse être excitée, l’excitation de la foi n’est pas la fin propre et première des sacrements, mais plutôt de la prédication et de l’exhortation. Autrement, c’est inutilement que les enfants, les dormeurs et les fous recevraient des sacrements. Mais, nous avons suffisamment parlé de ces sujets dans notre livre sur les sacrements en général.

Troisièmement. Il nous objecte un texte de saint Augustin (sermon sur le baptême à des enfants; et livre 3, questions sur l’ancien testament) qui dit que les sacrements doivent être visibles : « Quoi de tel ? Ou ils le voient eux-mêmes, ou ils cherchent à le montrer aux autres dans ce qu’ils appellent sacrement de pénitence. » Je réponds que, dans le sacrement de pénitence, ne manquent pas les signes visibles, que tu regardes le prêtre imposant les mains, ou le pénitent à genoux aux pieds du prêtre, fondant en larmes. On répliquera que ces choses se voient souvent, mais que le sacrement peut avoir lieu sans elles. Je réponds que la confession et l’absolution sont des signes visibles institués par Dieu. Ce qu’Augustin appelle un signe c’est ce qui est perçu par un sens, même s’il est autre que la vue ou l’ouïe. Car, comme saint Augustin écrit (dans les confessions, livre 10, chapitre 35), nous avons raison de dire : « Vois quelle est sa saveur, ce qu’il vaut, comment il sonne, quelle est sa dureté. » Et il est certain que saint Augustin n’oppose pas, dans les sacrements, le signe visible à la chose qui n’est pas perçue par les yeux, mais qui n’est appréhendée que par l’esprit, non par un sens corporel. C’est ce qu’il dit, en effet, dans son sermon sur les enfants, cité par Calvin : « On l’appelle sacrement parce qu’une chose est vue, et une autre chose est comprise. Ce qui est vu a une forme corporelle, ce qui est compris a un fruit spirituel. » Tu vois qu’il oppose, là, le corporel au spirituel : ce qui est saisi par les sens, et ce qui est appréhendé par l’intelligence. Donc, la parole corporelle est appelée à juste titre un signe visible, sensible et externe.

Quatrièmement, il nous objecte l’absence de promesse : « Quelle que soit la partie dans laquelle ils placent le sacrement, je nie qu’on puisse le considérer de droit comme un sacrement. D’abord, parce qu’aucune promesse n’y est attachée. » Je réponds que c’est faire montre d’une grande impudence et d’une grande inconstance. Car, nous avons démontré plus haut par plusieurs citations de Calvin, qu’il existe une promesse de Dieu pour l’absolution privée, que le ministre annonce au pénitent (pour parler comme lui.) Quelle promesse plus claire pouvons-nous avoir que celle-là : « les péchés seront remis à ceux à qui vous remettrez les péchés (Jean XX). »

Cinquièmement. Il nous objecte que, dans ce sacrement, il n’y a aucune cérémonie instituée par Dieu : « Ce qu’on y trouve en fait de cérémonie n’est qu’une invention humaine pure et simple. » Je réponds que pour Calvin, l’absolution ne semble pas être une cérémonie, car, il s’est persuadé que les paroles de l’absolution n’ont été instituées que pour exciter le pécheur à la pénitence, comme si elles faisaient partie d’un sermon. Et c’est ce qu’il enseigne aussi sur les paroles du baptême et des autres sacrements. Mais que son principe (ou début) soit archi faux nous l’avons démontré par plusieurs raisons, dans notre livre sur les sacrements en général. Car, si la parole du baptême « je te baptise » sert à instruire et à exciter, pourquoi baptise-t-on des enfants, des fous et des dormeurs ? Les paroles sacramentelles « je t’absous », sont donc de vraies cérémonies, non des prêches. Ce sont des actions externes qui ont pour but de signifier et d’effectuer la justification, et qui ont été instituées par Dieu pour l’honorer par ce rite. Et il importe peu que celui qui reçoit le sacrement les entende ou les comprenne, ou pas; qu’elles soient dites en grec, en latin ou dans la langue maternelle.

Martin Kemnitius ( 2 par examen du concile de Trente, page 903), nous objecte d’abord que, dans le sacrement de pénitence, fait défaut un élément externe : « Il n’a pas, de par l’institution divine, un élément externe et matériel comme celui du baptême ou de l’eucharistie, qui appartienne à la définition intégrale, et qui est une propriété idoine du sacrement » Je réponds qu’il a raison d’estimer qu’on doive chercher la nature et les propriétés des sacrements à partir du baptême et de l’eucharistie, qui sont, pour tous, de vrais sacrements. Mais il erre en ceci qu’il n’explique pas comme il faut quel est le degré de similitude requis entre les sacrements de baptême et d’eucharistie, et les autres. Nous admettons, en effet, que, dans tout sacrement, un signe visible est requis, semblable à ce que nous voyons dans le baptême et dans l’eucharistie. Mais la question qui se pose est : en quoi, ou à quel degré, doit-il être semblable ? Il est certain que n’est pas requis quelque chose de semblable selon l’espèce. Autrement, tous les sacrements devraient consister d’eau, parce que le baptême a de l’eau comme signe sensible. Et alors, l’eucharistie qui a du pain et du vin pour signes externes, ne serait pas un sacrement. Pour la même raison, il est certain que tous les sacrements ne requièrent pas une similitude selon le genre. Autrement tous les sacrements devraient être confectionnés d’un corps simple, comme de l’air, du feu, de la terre. Mais une similitude est peut-être requise dans un genre supérieur : que l’élément de chaque sacrement consiste dans une substance corporelle, comme l’eau que nous voyons dans le baptême, et le vin et le pain que nous voyons dans l’eucharistie.

Mais, on ne peut pas dire cela. Car, la nature et l’essence propre du baptême ne consiste pas dans une substance, mais dans une action. Le symbole externe auquel est annexée la grâce, et qui est appelé proprement baptême, ce n’est pas l’eau, mais l’ablution avec l’invocation de la sainte Trinité. L’ablution et l’invocation, en effet, ne sont pas des substances, mais des actions. Voilà pourquoi c’est sans aucune raison valable que Kemnitius reproche aux catholiques d’avoir transformé un élément qui relève de la substance, en une action. On ne peut pas, non plus, affirmer, généralement, que tous les sacrements consistent dans une action, car le sacrement de l’eucharistie n’est par proprement une action transitoire, mais une chose permanente. Car, ce n’est pas l’action de consacrer que nous appelons eucharistie, mais le pain consacré, et changé dans le corps du Seigneur.

Ce qu’il y a de vraiment semblable entre les symboles du baptême et ceux des autres sacrements, on doit le rechercher dans la fin pour laquelle les sacrements ont été institués. Or, la fin tant du baptême que des autres sacrements, comme tous l’admettent, est la justification interne. Et, comme un homme est formé d’un corps et d’un esprit, c’est par des symboles sensibles et corporels qu’il est amené à la connaissance des choses intelligibles et spirituelles. Voilà pourquoi on appelle les sacrements des signes ou des symboles. Car, comme saint Augustin le dit (dans son épitre à Boniface) : « Comme dans le baptême, on donne une ablution externe avec de l’eau, pour signifier la purification extérieure par l’esprit, de la même façon, dans l’eucharistie, le pain et le vin sont placés bien en vue, ou plutôt les espèces du pain et du vin, pour que nous comprenions que le corps et le sang du Christ sont une nourriture et un breuvage pour les âmes. Et, il en est ainsi, dans les autres sacrements. La nature du sacrement demande seulement que des signes externes soient présentés pour signifier un effet spirituel. Il importe peu qu’il s’agisse de substance ou d’accident; que ces signes soient perçus par les yeux ou les oreilles. Car, le Christ ne justifie pas plus facilement avec des substances qu’avec des accidents ».

Voilà pourquoi dans le sacrement de pénitence, dans lequel nous avons comme signe externe la confession du pénitent et l’absolution du prêtre prononcée à voix haute, ne fait pas défaut la nature d’un vrai sacrement. Car, les paroles ne sont pas seulement des signes externes et sensibles, mais, dans le genre de signes, elles sont ce qu’il y a de plus important, comme le dit avec raison saint Augustin : (livre 2, chapitre 3 de la doctrine chrétienne.) Le même saint Augustin (traité 80 sur saint Jean) distingue l’élément de la parole, quand il dit : « La parole accède à l’élément, et le sacrement devient. » On ne doit pas appliquer cela à tous les sacrements. Il ne parle pas, lui non plus, de tous les sacrements en général, mais seulement du baptême, pour que nous comprenions que, par ces paroles, « enlevez la parole, qu’est l’eau, sinon de l’eau ? » Autrement, comme nous l’avons démontré dans le livre sur les sacrements en général, les mots pourraient tenir lieu d’élément ou de chose, et la chose pourrait tenir lieu de paroles.

La seconde objection de Kemnitius consiste en ce qu’il cherche à prouver que le sacrement de pénitence n’a de fondement ni dans la parole de Dieu, ni dans les écrits des pères. Il le fait cela dans une dispute répartie en cinq chapitres. Nous allons parler brièvement de chacun d’entre eux. Dans le premier chapitre, que nous avons à la page 908, il prouve que le sacrement de pénitence n’a pas de fondement dans l’ancien testament; et du concile de Trente il tire que pendant quatre mille ans, il n’y a pas eu de sacrement de pénitence. Mais, ce sont là des stupidités. Nous reconnaissons que, comme les sacrements de baptême et d’eucharistie, le sacrement de pénitence a été institué par le Christ, et il n’y a donc pas de quoi s’étonner que pendant quatre mille ans il n’y ait pas eu de sacrement de pénitence. Et pour qu’il ne semble pas ne rien faire, il propose un argument qu’il peut présenter sous la forme d’un syllogisme. Dans la pénitence de l’ancien testament, il y avait la contrition, la confession, et une certaine satisfaction, avec le pouvoir de remettre les péchés. Or, cette pénitence n’était pas un sacrement proprement dit. Donc, ni la pénitence des catholiques avec sa contrition, sa confession et sa satisfaction, avec la rémission des péchés, n’est un sacrement proprement dit.

La proposition, il la prouve ainsi. Dans l’ancien testament, sont attestés des exemples de contrition et de confession des péchés. Et à la sœur de Moïse et à David, Dieu imposa, après la réconciliation, certains châtiments, dont se servent habituellement les catholiques pour prouver la satisfaction. Nous avons aussi l’exemple de l’absolution de Nathan : il a absout le péché d’un David repentant et croyant. Il prouve l’assomption par le concile de Trente, (session 11, chapitre 1), où les pères enseignent que la pénitence de l’ancien testament n’était pas un sacrement proprement dit. Je réponds que la proposition de cet argument est fausse en grande partie. Car, pour omettre le reste, il n’y a pas eu, dans l’ancien testament, de vrai pouvoir de remettre les péchés. Et ni Nathan, ni aucun autre, n’a remis les péchés en tant que ministre de Dieu. Car, on n’avait pas encore entendu cette parole : les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez. Écoute saint Jean Chrysostome (dans son livre 3 sur le sacerdoce) : « Purger la lèpre corporelle, ou pour parler plus justement, non pour la purger, mais pour approuver les guérisons de la lèpre, cela n’était permis qu’aux prêtres des Juifs. Or, à nos prêtres ce n’est pas la lèpre corporelle qu’il a été accordé de purger, mais les souillures de l’âme ».

Et l’exemple de Nathan (livre 2, chapitre 12), n’a rien à voir avec la question débattue. Et c’est bien inutilement que Kemnitius nous rabâche cet exemple. Car, Nathan n’a pas dit : je t’absous, ou je remets tes péchés par le pouvoir qui m’a été donné de Dieu. Mais seulement : le Seigneur a pardonné ton péché. Le prophète a simplement dit que ses péchés étaient remis, mais il ne les lui a pas remis. Et si on prétend que rapporter que quelque chose a été fait est la même chose que dire que quelqu’un a fait telle chose, qu’est-ce qui empêche que les évangélistes aient enfanté le Christ, l’aient tué et l’aient rappelé des morts et l’aient fait monter dans le ciel, et qu’ils aient aussi envoyé le Saint-Esprit, parce qu’ils rapportent que toutes ces choses ont eu lieu. Nous ne disons donc pas, comme l’imagine Kemnitius, que Nathan ne l’a pas absout par un pouvoir judiciaire, ou par un ministère, comme chez nous les prêtres absolvent par un pouvoir royal et suprême, mais nous disons que dans le sacrement de pénitence, les prêtres absolvent les pécheurs par un pouvoir judiciaire et ministériel, en tant que ministres, non en tant que rois ou seigneurs. Quant à Nathan, ce n’est ni par un pouvoir royal ou ministériel qu’il a absout, mais seulement en tant que, par une vertu prophétique, il a connu et annoncé qu’il avait été absout par Dieu. Et cela n’a été fait qu’une fois, par une providence extraordinaire de Dieu. Des cas particuliers ne constituent pas une loi générale.

Mais Kemnitius insiste : « L’apôtre Pierre (Actes X) et saint Paul (Actes XXV1) affirment que, sur la pénitence et la rémission des péchés, ils n’ont pas enseigné autrement que les prophètes. » Et qu’est-ce que cette observation vient faire ? Et qu’est-ce qu’il y a de nouveau là-dedans ? Car, les apôtres parlent de la vertu de la pénitence, et de ce qui, surtout, se rapportait aux infidèles qui se convertissaient à la foi. Elle a toujours été en usage dans l’Église, et nous ne nions pas qu’elle ait été prêchée par les prophètes. Mais autre est une vertu de pénitence qui a toujours été nécessaire, autre un sacrement de pénitence, institué par le Christ. Pourquoi donc, rétorque Kemnitius, vous appuyez-vous sur les exemples de l’ancien testament pour confirmer le sacrement de pénitence, si la pénitence, dans l’ancien testament, n’était pas un sacrement ? Je réponds. Nous ne prouvons pas le sacrement de pénitence par l’ancien testament, si ce n’est pas les prophéties et les figures, mais la vertu de pénitence, sans laquelle le sacrement ne peut ni exister ni être utile. De la pénitence de David et des autres anciens, nous prouvons que la contrition ne consiste pas seulement dans les terreurs ou dans la douleur des péchés passés, avec la décision d’une vie meilleure. Et, avec le même exemple, nous apprenons que la faute est remise, mais pas toujours la peine temporelle. Et d’autres choses du même genre, dont on parlera plus tard.

Dans le second chapitre (page 910), Kemnitius prouve que le sacrement de pénitence n’est pas fondé sur la prédication de la pénitence du Christ et de son précurseur. Ce que nous concédons volontiers, puisque nous enseignons que le sacrement de pénitence a été institué par le Christ après la résurrection. De plus, notre adversaire a voulu s’amuser, et comme d’habitude, dire des inepties. Car, voici comme il parle : « Saint Jean le Batiste a prêché la pénitence pour la rémission de péchés. Il décrit ainsi un résumé de la prédication du Christ : « Faites pénitence, et croyez à l’évangile ! » Saint Jean le Baptiste et le Seigneur ont parlé de la contrition. Les auditeurs du Précurseur ont confessé leurs péchés (Matthieu 3), et le Christ a donné une absolution privée (Matthieu 9, Luc 7). Pourquoi donc, d’après la définition de la pénitence transmise par les pontifes, la pénitence prêchée par Jésus et son précurseur n’est-elle pas un sacrement ? Le concile de Trente, en effet, nie qu’elle ait été un sacrement (sessions 14, chapitre 10 »

À cet argument répond celui qui l’a fait, mais de façon absurde, pour montrer qu’on ne peut y répondre sans faire de grandes concessions qui pour aucune raison ne devraient être faites. « Je réponds, dit-il, que c’est parce que la contrition et la confession n’eurent pas l’énumération de chacun des péchés. Le Christ a imparti l’absolution sans procès judiciaire préalable, et sans imposer de pénitences, mais gratuitement, à ceux qui se reconnaissaient pécheurs, qui craignaient la colère de Dieu, et qui demandaient pour eux par la foi, et recherchaient la réconciliation. En somme, dit-il, parce que c’était dans la pénitence gratuite, sans les œuvres, que les péchés étaient remis. Parce qu’autant le Baptiste que le Christ prêchèrent que la foi dans le Christ Médiateur est nécessaire à l’obtention de la rémission des péchés. C’est à cause de ces raisons, que, pour les pontifes, une telle pénitence n’est pas un sacrement. Le concile de Trente concède et admet que le sacrement de pénitence n’a de fondement ou d’exemple ni dans l’ancien testament, ni dans les prédications du Baptiste et du Christ avant la résurrection. »

À l’argument fait au début, je réponds que la pénitence que le Christ et le Baptiste ont prêchée, n’a pas été un sacrement parce que faisait défaut une partie essentielle du sacrement, la parole de l’absolution, jointe à la confession des péchés. Car, en Matthieu 3, nous lisons que les auditeurs du Baptiste avaient coutume de confesser leurs péchés, quand ils avançaient vers le baptême. Mais, que le Baptiste ait prononcé les paroles d’absolution, nous ne le lisons pas. Le Christ, il est vrai, a remis les péchés au paralytique et à la femme pécheresse, mais qu’ils aient confessé leurs péchés, nous ne le lisons pas. Donc, à moins que Kemnitius veuille faire un seul sacrement avec la confession des auditeurs de Jean et l’absolution du paralytique, nous n’avons pas d’exemple du sacrement de pénitence dans les actions du Batiste et du Christ avant la résurrection. Ajoutons que quand le Christ a absout le paralytique et la pécheresse, il n’a pas institué de rite par lequel seraient par la suite réconciliés les pécheurs. Ce n’est donc pas par la parole d’un sacrement, mais par son pouvoir personnel et unique que le Christ a remis les péchés.

Ensuite, la réponse de Kemnitius à cet argument ne vaut rien du tout. Et les catholiques n’ont jamais reconnu ce genre de réponse. D’abord, il est faux que leur contrition fut intérieure, et ne fut pas extérieure. Car, il est certain que ceux qui confessaient leurs péchés en Matthieu 3, et celle qui lavait les pieds du Seigneur avec ses larmes, démontraient une contrition par des signes manifestes. Que leur confession n’ait pas été une confession de tous leurs péchés en particulier, c’est faux, ou c’est incertain. Il confessait leurs péchés, a dit Mathieu, sans préciser si c’était en général ou en particulier. Ensuite, le Christ a remis les péchés à ceux qui reconnaissaient avoir péché, qui craignaient la colère de Dieu, demandaient pour eux par la foi, et cherchaient la réconciliation, je ne sais pas où Kemnitius a lu ça. Car, dans les passages qu’il cite (Matthieu 9, Luc 7), nous ne lisons rien de tel. Le paralytique en Mathieu 9, n’a rien demandé pour lui. C’est par autrui qu’il cherchait la guérison, non la réconciliation. Et il n’est fait aucune mention de la reconnaissance du péché, ou de la crainte de la colère de Dieu. En Luc V11, la haine du péché est manifestée, mais cela, non pas tant pas à cause de la peur de la colère de Dieu, comme le rêve Kemnitius, qu’à cause de l’amour du Christ qui naissait avec véhémence. Et c’est peut-être pour cette raison que le Christ n’imposa aucune pénitence. Car, depuis ce temps, les théologiens enseignent que, dans un pénitent, la contrition et l’amour peuvent être tellement grands qu’après la réconciliation, il ne reste plus aucune peine due au péché. Jésus n’a-t-il pas dit : celui à qui on remet moins aime moins, et beaucoup de péchés lui sont remis parce qu’elle a beaucoup aimé.

Que nous nions que la pénitence prêchée par le Christ et le Baptiste ait été un sacrement parce que la rémission des péchés s’y faisait gratuitement et à cause du Christ, c’est un mensonge souvent réfuté. Ensuite, nous admettons de grand cœur que le concile de Trente enseigne que le sacrement de pénitence n’ait aucun fondement, témoignage ou exemple dans les prédications du Baptiste et dans tout l’ancien testament. Si cela semble étonnant à quelqu’un, qu’il s’étonne aussi de ce que, dans l’ancien testament et dans les prédications du Baptiste, nous n’ayons aucun fondement, témoignage ou exemple d’un baptême au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit; et de l’eucharistie confectionnée avec du pain et du vin par les paroles de la consécration. Dans le chapitre 3, page 911, et suivants, Kemnitius prouve que le sacrement de pénitence ne se fonde pas sur ces paroles du Seigneur : les péchés seront remis (Jean XX), et il répète de nouveau ses arguments sur l’absolution des péchés de David par le prophète Nathan, et sur la pénitence que le Christ et le Baptiste ont prêchée. Mais, toutes ces choses ont déjà été réfutées. Car, parce que le sacrement de pénitence procède vraiment de ce témoignage du Seigneur, c’est pour cela que, dans le chapitre précédent, nous avons parlé de ces paroles, là où nous présentions nos arguments en faveur de la vérité.

Dans le quatrième chapitre, à la page 921, il s’efforce de prouver par la doctrine des apôtres et par des exemples, qu’on ne peut rien avancer pour confirmer le sacrement de pénitence. Et bien que cela ait très peu d’importance, puisque devrait suffire la parole du Christ, répondons quand même brièvement, pour que Kemnitius n’aille pas se targuer qu’on ne puisse rien lui répondre. Kemnitius dit que, dans les actes des apôtres (26), « saint Paul, expliquant sa doctrine de la pénitence, affirme n’avoir rien enseigné d’autre que ce qu’ont dit les prophètes ». Mais, ces deux choses sont des mensonges. Dans les actes 26, saint Paul ne fait pas un exposé de sa doctrine sur la pénitence, mais dit seulement que Dieu a annoncé aux hommes qu’ils devaient faire pénitence; qu’ils se convertissent à Dieu, en faisant de dignes œuvres de pénitence. Ce qui n’est surement pas un exposé de sa doctrine sur la pénitence, mais une exhortation à la pénitence. Et saint Paul ne parle là que de la pénitence qui précède le baptême, laquelle n’est pas, pour nous, un sacrement. Ce que saint Paul ajoute ensuite, à savoir qu’il ne leur a rien dit en dehors de que les prophètes avaient annoncé, ne se rapporte pas à la doctrine de la pénitence, mais à la doctrine de l’avènement du Christ, de sa passion et de sa résurrection. Car, voici ce que dit l’apôtre : « Je me tiens debout jusqu’au dernier jour, témoignant au plus petit comme au plus grand, ne disant rien d’autre que ce que les prophètes et Moïse ont prédit du futur : que devait être enseigné au peuple et aux Gentils un Christ passible, le premier à être ressuscité des morts. »

Kemnitius ajoute : « Pierre (Actes X) affirme transmettre le moyen de l’obtention de la rémission des péchés qu’il tient du témoignage des prophètes. » Or, Pierre ne lègue aucun rite de pénitence, ni n’explique ce qui lui est requis nécessairement. Il écrit seulement que tous les prophètes rendent au Christ ce témoignage que la rémission des péchés est reçue en son nom à tous ceux qui croient en lui. 

Ces choses sont vraies, et ne s’opposent en rien à notre sentence. Kemnitius ajoute : « On ne lit jamais que les apôtres aient exigé l’énumération des péchés comme une condition nécessaire à l’absolution. On ne lit pas non plus qu’ils aient imposé une pénitence, par laquelle les péchés seraientt remis. On ne lit pas non plus que les péchés aient été remis à quelqu’un ». Kemnitius donne des exemples où les apôtres ont accordé, ou annoncé (comme ils préfèrent) l’absolution à un pécheur en particulier après le baptême. Et il nous somme de montrer que dans cette réconciliation, il ait été question d’une confession ou d’une pénitence. Qui peut nier que les apôtres aient fait et prêché beaucoup d’autres choses que celles qui sont écrites ? Autrement, il faudrait enseigner qu’il ne faut pas baptiser au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, parce noue ne voyons jamais les apôtres baptiser ainsi.

Il pense peut-être à l’exemple du corinthien incestueux. Mais, saint Paul ne l’a pas absout lui-même; il a seulement accepté l’absolution donnée par les Corinthiens (11 Corinthiens 11). Que ce ne soit pas sans une pénitence que les Corinthiens l’aient absout, le même apôtre l’indique à 11 Cor 7, où, parmi plusieurs autres choses, il nomme la vindicte qu’ils avaient exercée à cause du péché de cet incestueux. Kemnitius ajoute encore : « Il est vain et faux que les apôtres aient enseigné la pénitence, qui a trait à la substance, par laquelle les impies sont convertis à Dieu avant le baptême; et une autre différente par laquelle les tombés après le baptême retournent en grâce avec Dieu. Car, aux tombés après le baptême, ils n’ont pas proposé une autre loi, un autre évangile, un autre Christ, une autre foi »

Où lis-tu donc, menteur, que, chez les catholiques, la pénitence d’avant le baptême diffère de celle qui a lieu après le baptême ? Qu’elle requiert une autre foi, une autre loi, un autre évangile, un autre Christ ? Ce sont là vos mensonges, non nos dogmes. Lis, si le cœur t’en dit, le concile de Trente (session 6, chapitres 6 et 7), où est décrit la justification de l’impie après le baptême; et au chapitre 14, où est décrite la justification par le sacrement de pénitence. Tu verras, en ces endroits, que, dans l’une et l’autre justification, les péchés sont remis par les mérites du Christ, par la foi qui précède et par la pénitence, pour que, avec l’aide et la grâce de Dieu, ils se convertissent sérieusement, fassent pénitence, comme il se doit. Tout cela dérive en entier d’un seul et même évangile.

La différence qu’il y a entre la pénitence d’avant le baptême et celle d’après le baptême c’est que la deuxième est la matière d’un sacrement, et qu’elle exige la confession sincère des péchés, et des œuvres pénibles; et que la première n’est pas la matière d’un sacrement, et ne demande pas une confession détaillée des péchés, ni des œuvres pénibles. Choses qui sont accidentelles à la pénitence, et non substantielles. Il arrive, en effet, à la vertu de pénitence, de se manifester à l’extérieur de telle ou telle manière, et qu’avec l’absolution, ces signes externes effectuent un sacrement. À la fin, Kemnitius ajoute ceci : « On trouve, dans les écrits des apôtres, des exemples de conversion de ceux qui, après le baptême, sont tombés, comme Galatarus. Ces gens-là saint Paul ne les a pas amenés à un mode de réconciliation nouveau et différent, mais il a prêché avec force contre la persuasion de la justice des œuvres. »

Mais, que Galatarus se soit converti, on ne le lit à nulle part. Saint Paul raconte qu’ils s’étaient détournés de la foi, et qu’il a tenté de les ramener dans la voie de la vérité. Mais, est-ce qu’ils sont retournés à la vérité de la foi, et par quel rite ont-ils été réconciliés, ni saint Paul ni un autre ne le rapporte. Quand ils n’étaient pas encore convertis de leur erreur, dans laquelle ils étaient tombés par le faux zèle des pseudos apôtres, saint Paul n’avait pas encore à leur prescrire une pénitence, mais seulement à les exhorter à la pénitence et à la conversion, et à réfuter l’erreur qui les enchaînait, --ce qu’il fit diligemment. 

De la même façon, quand les docteurs catholiques vous exhortent à la conversion vous autres, les luthériens, ils ne vous incitent pas à confesser chacun de vos péchés aux pieds d’un prêtre avant qu’ils vous aient amenés, en disputant et en réfutant vos erreurs, à professer la foi catholique et à accepter l’église catholique. Car pourquoi inviterions-nous au sacrement de pénitence ceux pour qui, nous le savons, le sacrement serait inutile ? Ce que fut le rite au temps des apôtres, de quelle façon était réconciliés ceux qui avaient péché après le baptême, on ne peut aucunement l’apprendre de l’épitre aux Galates. Le plus illustre exemple est celui du Corinthien incestueux (1 Cor 6, 2 Cor 2 et 7). Et bien que rien n’ait été révélé en particulier au sujet de cette réconciliation, quel rite a été employé, il est quand même assez évident qu’on s’est comporté envers lui plus sévèrement que s’il avait commis le même crime avant le baptême.

Dans son cinquième et dernier chapitre, Kemnitius déclare que le sacrement de pénitence n’a aucun fondement dans l’enseignement des anciens pères de l’Église. Il dit d’abord que c’est hors de tout doute que la toute première origine du sacrement de pénitence, élaboré par les catholiques, ait été tirés des spectacles de pénitence publique qu’avec une grande sévérité l’ancienne église organisait pour les crimes les plus grands et les plus atroces. On requérait là des signes externes de contrition, l’aveu et la confession des crimes. Et des châtiments spécifiques étaient imposés à titre d’exemple pour les autres, ou pour découvrir si la pénitence état sincère. Il ajoute que la pénitence privée a aussi été en usage, dans l’antiquité; et que des prêtres, comme Origène, ont exhorté le peuple à confesser des fautes non aussi grandes, non aussi notoires. Et c’est de là qu’a commencé à devenir une règle et une doctrine générale la pénitence par laquelle, en plus de la contrition du cœur et de la foi dans le Christ, les tombés après le baptême étaient réconciliés par la confession orale à un prêtre, et la satisfaction obtenue par les œuvres.

Il ajoute ensuite que, chez les catholiques, il l existe plusieurs opinions sur la nécessité de la confession. Et il le prouve cela avec Gratien, et sa glose, et saint Bonaventure. Voilà donc tous les pères et tous les historiens que Kemnitius cite, bien qu’il ait été trop pressé pour annoter le passage de saint Bonaventure.

Je demande d’abord à Kemnitius, dans quel auteur, dans quel livre d’histoire il a pris ce récit sur l’origine de la pénitence. Car, il ne nous a cité aucun témoin apte à approuver ses racontars. Il a du lire quelque chose de semblable dans Calvin, je présume. Cela suffisait peut-être pour lui, mais certes pas pour nous, puisque Calvin a été convaincu d’un si grand nombre de mensonges. De plus, quel rapport cela a-t-il avec ce dont nous discutons ? Admettons que la première réconciliation des tombés se soit faite dans une pénitence publique. Pourquoi ne peut-elle pas être un sacrement ? Pourquoi les signes externes de contrition et la confession des crimes joints à la parole de l’absolution, n’ont-ils pas été des sacrements ? Admettons ensuite que la confession ne soit pas de droit divin, comme le dit une certaine glose, que même des catholiques réprouvent, Kemnitius a besoin de nous prouver pourquoi cette absolution ne sera pas un sacrement, puisque c’est un symbole externe divinement institué, qui a la promesse de la grâce et de la justification, comme l’admet Kemnitius lui-même. Kemnitius aurait agi plus sagement si, avec l’apologie de la confession d’Augsbourg, dans les paroles de laquelle il avait juré, il avait défendu la pénitence comme un sacrement véritable et proprement dit contre les calvinistes, non à la manière de catholiques, mais selon le jugement et la censure des luthériens hérétiques eux-mêmes.

CHAPITRE 12

Est-ce que le sacrement de pénitence est différent de celui du baptême ?

Les hérétiques qui ont enlevé du nombre des sacrements la pénitence, sont tombés de cette erreur, dans une autre. Car comme ils ne pensaient pas à nier qu’après le baptême les pécheurs pussent être réconciliés à Dieu, et comme ils ne croyaient pas qu’une réconciliation pusse se faire sans sacrement, il leur vint à l’esprit de dire que le baptême pouvait être dit et être le sacrement de pénitence. Ils enseignèrent donc que les tombés après le baptême, étaient réconciliés par le baptême répété non réellement, mais par la mémoire. De ce nouveau dogme, nos adversaires dirent trois choses. La première. Le pacte de réconciliation que Dieu a fait après le baptême n’est pas plus sévère que celui qu’il avait fait avant le baptême. Il est aussi facile, et pour tout dire, il est semblable. Voilà pourquoi ils se déchaînent contre ceux qui disent que la pénitence est la planche ou l’épave d’un naufrage, comme s’il ne leur était plus permis de retourner dans le navire. 

Ils enseignent ensuite que l’homme n’est pas moins rénové intégralement dans la réconciliation après le baptême, que dans justification d’avant le baptême. Et comme dans la régénération qui se fait avec le baptême, tous les péchés sont remis quand à la coulpe et la peine, la même chose survient dans la réconciliation qui se fait après le baptême. Troisièmement. Il ne faut pas chercher, après le baptême, un symbole externe divinement institué, par lequel les mérites du Christ sont appliqués, puisque le baptême suffit pour cela, quand il est pensé et répété par la mémoire.

Le premier auteur de cette erreur, comme d’après peu toutes les autres qui pullulent de nos jours chez les luthériens, est Luther. Car, voici ce qu’il écrit dans la captivité de Babylone, au chapitre du baptême : « Ce qui a donné lieu à ces opinions c’est une parole de saint Jérôme, périlleuse, mal conçue ou mal comprise, par laquelle il appelle la pénitence une nouvelle arche ou planche ou épave après le baptême, comme si le baptême n’était pas la pénitence. Ceux qui étaient tombés dans la persécution désespéraient de la première arche ou navire, comme s’ils l’avaient perdue une fois pour toutes; ils commencèrent à mettre leur foi dans une seconde planche ou arche ou épave, la pénitence. » 

Et (dans le même livre, près de la fin), il dit : «Le sacrement de pénitence manque d’un signe visible institué divinement; il n’est rien d’autre qu’un chemin de retour vers le baptême. » Remarquons, en passant, l’inconstance étonnante de Luther. Car, au début de ce même livre, il expliquait longuement qu’il n’y a que trois sacrements : le baptême, la pénitence et le pain; ou plutôt, un sacrement et trois signes sacramentaux. En cet endroit, il met un signe sacramental dans le sacrement de pénitence clairement distinct du signe du baptême et de l’eucharistie. Mais, à la fin de son libelle, il changea d’idée, ou plutôt il oublia ce qu’il avait écrit auparavant; et il nie formellement que le signe sacramental de la pénitence soit distinct du signe sacramental du baptême.

Philippe Melanchton (dans les lieux de 152l, à la pénitence) dit qu’il suit Luther. Et il écrit « que le signe de la pénitence est le baptême. » Calvin dit la même chose (livre 4, chapitre 15, verset 4. Il dit là « que c’est du baptême que dépend le pouvoir des clefs, que la vertu du baptême s’étend à tous les péchés de la vie, et que c’est par l’ignorance de cette vérité qu’est né un sacrement de pénitence inventé de toutes pièces ». Et, au chapitre 19, verset 17, il reproche à saint Jérôme d’avoir dit que la pénitence est la planche ou l’épave du naufrage : « Mais il y a cette expression de Jérôme. Quel que soit celui qui ait dit cela, on ne peut en aucune façon lui trouver d’excuse, car c’est une impiété flagrante qu’il a proférée. C’est comme si le baptême était dissout par le péché, et que le pécheur ne devait pas plutôt, autant de fois qu’il pense à la rémission des péchés, le ramener à sa mémoire, pour qu’il revienne à lui-même et confirme la foi. » Et plus bas : « Tu parleras correctement si tu appelles le baptême sacrement de pénitence, puisqu’il est donné comme une confirmation de la grâce, un seau de fiducie à ceux qui méditent la pénitence. »

Martin Kemnitius (2 par examen, pages 929, 930, 931et 932), admet que la pénitence est quelque chose d’autre que le baptême, et que le pécheur doit déployer plus d’énergie pour les péchés commis après le baptême. Mais, comme il ne peut pas ne pas se mettre à la suite de Luther et de Calvin, il blâme l’image de la planche du salut après le naufrage, et veut que l’alliance du baptême soit perpétuelle, soit que nous persévérions toujours en lui, ou soit que, si nous avons le malheur de la perdre, nous y retournions par le souvenir. Il blâme ensuite le concile de Trente qui veut que la réconciliation dans la pénitence soit différente de la réconciliation dans le baptême; et qu’elle soit plus difficile et plus pénible. Et avec des mensonges impudents, il détourne de son sens la sentence du concile pour lui faire dire ce que les pères n’ont jamais pensé, ou qu’ils ont plutôt déjà condamné et anathématisé, à savoir que dans le sacrement de pénitence, nous ne nous enrichissons pas avec la satisfaction et le mérite du Christ, mais avec nos propres œuvres. 

C’est contre cette nouvelle erreur que le concile de Trente a décrété, session 14, canon 2 : « Si, confondant les sacrements, quelqu’un prétend que le baptême est le sacrement de pénitence, comme si ces deux sacrements n’étaient pas distincts, et que la pénitence ne peut pas être vraiment appelée une seconde arche après le naufrage, qu’il soit anathème ». Cette vérité doit être confirmée par trois arguments : par le témoignage de l’Écriture, des anciens et de la raison.

CHAPITRE 13

On prouve la vérité.

En ce qui a trait au premier point, nous avons d’abord des exemples, ou plutôt des types ou des figures de l’ancien testament. Nul ne conteste que la circoncision ait été donnée aux Juifs en figure du sacrement de baptême. Voilà pourquoi l’apôtre (Colossiens 2) dit « que le baptême est une circoncision spirituelle, non faite de main d’homme. » Si quelqu’un lit attentivement tout l’ancien testament, il ne trouvera jamais que le souvenir de la circoncision soit prescrit comme un remède pour les péchés commis après la circoncision; mais des sacrifices, des expiations, la confession des péchés, comme on peut le lire dans Lévit 4, 5, 6. De la même façon, dans le nouveau testament, ce n’est pas le souvenir du baptême qui a été institué comme un remède pour la purgation des péchés commis après le baptême, mais le sacrifice du nouveau testament, l’expiation par la confession et l’absolution.

Nous avons, ensuite, le témoignage de l’apôtre Jean (épitre 1, chapitre 1) : où parlant du remède pour les péchés commis après le baptême, il ne dit pas : si nous nous rappelons notre baptême, mais « si nous confessons nos péchés, Dieu, qui est fidèle et juste, nous remettra nos péchés, et nous purifiera de toute iniquité. » Nous avons, troisièmement, le témoignage de l’apôtre saint Paul (Hébreux, chapitre 6) : « À ceux qui sont tombés après avoir été illuminés (baptisés), avoir goûté le don céleste, et être devenus participants du Saint-Esprit, il est impossible d’être renouvelés de nouveau par la pénitence, crucifiant de nouveau le Christ en eux-mêmes. » 

Dans ce passage, l’apôtre ne nie pas, comme le pensaient faussement les novatiens, que les tombés après le baptême puissent être réconciliés, puisqu’il a permis la réconciliation d’un baptisé Corinthien, qui avait commis un grave péché. Mais, il nie qu’ils puissent être renouvelés par le baptême. C’est ainsi que comprennent ce passage saint Jean Chrysostome, Theodoret, Oecumenius, Theophylactus, saint Ambroise, et d’autres commentaires de ce texte. Et saint Ambroise (dans son livre 2, chapitre 2 sur la pénitence), où il donne cette explication en réfutant les novatiens. Saint Augustin enseigne la même chose (au début et à la fin de l’épitre aux Romains). Il dit, en toutes lettres, que ceux qui tombent après le baptême peuvent être guéris par la pénitence, mais non renouvelés ou régénérés, ce qui est le propre du baptême. L’auteur du livre sur la vrai et fausse pénitence, (chapitre 3) dit la même chose. On trouve son texte dans le quatrième tome des œuvres de saint Augustin.

Ensuite le contexte ne souffre pas une autre explication. Car, au début du chapitre, l’apôtre avertit les Hébreux de ne pas s’arrêter au baptême, à la foi, et à la pénitence qui précèdent le baptême, ce qui est comme le fondement de l’édifice spirituel : « Voilà pourquoi, mettant de côté le sermon inchoatif du Christ, lançons-nous vers la perfection, ne posant pas de nouveau le fondement de la pénitence pour les œuvres mortes, de la foi en Dieu , de la doctrine du baptême, de l’imposition des mains, de la résurrection des morts, et du jugement dernier. » Commentant ces paroles de saint Paul, saint Augustin (livre sur la foi et les œuvres, chapitre X1) : Il est impossible à ceux qui ont été une fois illuminés, etc. « C’est comme s’il disait encore plus ouvertement : Cette rénovation qui se fait par le baptême n’arrive qu’une seule fois. On ne peut douter que ce soit le baptême qu’il décrive par le mot illumination. Car, tous les anciens, et surtout les Grecs, disent qu’être baptisé c’est être illuminé; et ils appellent le baptême sacrement de la lumière. » Donc, comme nous apprenons des apôtres qu’il est impossible d’être renouvelés de nouveau par la pénitence qui est jointe au baptême, il est nécessaire ou de nier la réconciliation, avec les novatiens, ou admettre, avec les catholiques, un autre sacrement distinct du baptême, par lequel est accordée la rémission des péchés commis après le baptême.

Les adversaires ne peuvent pas dire que saint Paul est le seul à ne pas vouloir que soit réitéré le baptême. Car, ce n’est pas de la cérémonie que parle saint Paul, mais de son effet, de la rénovation. Si on ne peut plus avoir l’effet du baptême, on doit donc certainement chercher un autre rite, un autre sacrement. Ajoutons que, dans l’Écriture, nous lisons des exemples de ceux qui sont tombés après le baptême, comme Simon (Actes 8) et le corinthien incestueux, (1 Corinthiens 6). Il y aurait, certes, de quoi s’étonner que le souvenir du baptême soit l’unique remède pour toute la vie, et que l’Écriture ne fasse aucune mention de ce remède.

Que se présente maintenant la tradition des anciens pères, qui enseignent d’une seule voix ce que nos adversaires reprochent au concile de Trente, à savoir que ce n’est pas sans des pleurs, des lamentations et des actions pénibles que ceux qui font pénitence après le baptême peuvent parvenir à l’intégralité de la réconciliation, à laquelle ils étaient parvenus sans effort pas le baptême. Tertullien (dans son livre sur la pénitence), appelle la pénitence « l’arche ou la planche du salut après le baptême, et une seconde porte, qui ouvrira à ceux qui frappent, la porte de l’indulgence ayant été obstruée par le péché, ainsi que la serrure du lavement. » Il appelle aussi la pénitence « le second espoir après le baptême, et le deuxième subside » . Et il montre, au même endroit, que c’est par de nombreux labeurs qu’on parvient à la rémission des péchés après le baptême, alors qu’avant le baptême, l’accès à l’indulgence était archi facile.

Saint Clément d’Alexandrie (d’après Eusèbe, livre 3, chapitre 17, 24 pour d’autres) appelle la pénitence « le baptême des larmes. » Et il précise, au même endroit, que « la pénitence qui se fait après le baptême exige beaucoup de prières et de jeûnes » Saint Cyprien (dans le sermon 5, sur les tombés) ne dit rien d’autre que, si quelqu’un tombe dans le péché après le baptême, « il a besoin de beaucoup de larmes et de jeûnes pour effacer la faute. » Et dans le livre 3 (épitres 15 et 16), il blâme fortement ceux qui donnaient l’absolution aux pénitents avant qu’ils aient fait une pénitence appropriée. Saint Ambroise dit des choses semblables (dans son livre sur la vierge tombée, chapitre 8), où il compare la pénitence à la planche de salut du naufrage. 

La même chose saint Grégoire de Naziance (dans son sermon sur les saintes lumières), où il distingue le baptême de l’eau, qui est facile, du baptême laborieux et larmoyant qui est le propre de ceux qui font pénitence après le baptême. Pacianus dit la même chose (dans son épitre 1 à Symphonianus), et saint Jérôme (dans son épitre 3 à Demetriade, et dans une autre à Sabinianus). Dans l’hérésie 53, qui est celle des Cathares, saint Épiphane écrit que ceux qui sont tombés dans le péché après le baptême, « ne peuvent plus de nouveau se réfugier dans le baptême, mais doivent chercher un autre remède, la pénitence ».

Saint Augustin (dans l’épitre 23 à Boniface, écrit : « Si un enfant, après le baptême, commence à avoir des péchés propres, ils ne seront pas enlevés par la régénération, mais seront guéris par un autre remède. » Et, (dans le livre 2, sur les époux adultérins, chapitre 16), il écrit : « Si un homicide est fait par un catéchumène, il est effacé par le baptême. Si par un baptisé, il est assaini par la pénitence et la réconciliation. » Et, (dans l’homélie 50, livre 50), il distingue trois actions de la pénitence : une qui se fait avant le baptême, l’autre quotidienne et perpétuelle, pour les péchés véniels, pour lesquels nous disons continuellement : remettez-nous nos péchés, et une troisième pour les péchés mortels commis après le baptême. 

Et, de cette troisième, il parle ainsi : « Dans cette pénitence, chacun doit faire montre d’une sévérité plus grande envers lui-même, pour que jugé par lui-même, il ne soit pas jugé par Dieu. » Saint Jean Chrysostome (livre 3 sur le sacerdoce), et Saint Cyrille (livre 2, chapitre 56) sur saint Jean distinguent nettement les péchés qui sont remis par la pénitence de ceux qui le sont par d’autres sacrements. Ce qu’ils n’auraient certainement pas fait, si par le baptême tous les péchés passés et futurs étaient remis.

Theodoret (dans son épitomé des décrets divins, au chapitre de la pénitence), écrit que « les plaies qui nous sont infligées après le baptême sont guérissables, mais non, comme autrefois, par le moyen facile du lavement de la régénération, mais par beaucoup de larmes et d’actions pénibles ». Ensuite, saint Jean Damascène, pour omettre les auteurs plus récents, (livre 4, chapitre 10, de la foi), répète la sentence de saint Grégoire de Naziance sur la distinction à faite entre le baptême d’eau et le baptême laborieux et douloureux. Le sacrement de pénitence est donc vraiment un baptême, mais un baptême, selon le témoignage des pères, dans les larmes, les jeunes et les mortifications de toutes sortes. 

Se présentent à leur tour les raisons. La raison ne souffre pas que Dieu pardonne avec la même facilité ceux qui ont péché sans le savoir, et ceux qui ont péché en le sachant. Car, vraie est la sentence du Seigneur : « Le Seigneur qui connait la volonté de son maître, et n’a rien préparé, qui n’agit pas selon la volonté de son maître, sera fouetté sévèrement. Celui qui ne la connait pas et a fait des choses qui méritent des corrections, sera fouetté peu (Luc X11). Ce qui correspond à ce que dit l’apôtre : « J’ai obtenu la miséricorde de Dieu, parce que j’ai agi dans l’ignorance et l’incroyance. » Or, si était vraie l’opinion de nos adversaires, ce ne serait pas avec une facilité égale mais, ce qui est absurde, avec une facilité plus grande que parviendraient à la grâce et à la réconciliation ceux qui, après la foi et le baptême, ont péché sciemment. Plus grande donc que ceux qui ont péché dans l’ignorance et l’incrédulité. Car, de toute évidence, il est plus facile de se rappeler le baptême que d’être baptisé de nouveau.

Mais c’est ce que veulent nos adversaires : les péchés commis avant le baptême sont effacés par le baptême réellement reçu; ceux qui sont contractés après le baptême, sont effacés par la répétition du baptême par la pensée et le souvenir. Si ces choses semblent absurdes, comme elles le sont à tout homme sain d’esprit, il s’ensuit donc que le pacte du baptême est différent de la réconciliation après le baptême, et différents, donc les sacrements.

Deuxièmement. Les rites du baptême et de la pénitence ont une matière et une forme différente. On doit donc penser que les sacrements sont différents, eux aussi. En ce qui a trait à la matière, on prouvera plus bas, en temps et lieu, que la matière du sacrement de pénitence ce sont les actions du pénitent, alors que la matière du sacrement de baptême est l’aspersion de l’eau. Ce que personne ne nie. Tous admettent que la forme du baptême est contenue dans ces paroles du Seigneur : je te baptise au nom etc. Or, à la réconciliation qui suit le baptême, personne ne dit : je te baptise, mais je t’absous. Cette absolution privée Kemnitius et Calvin l’admettent, et enseignent qu’elle vient de Dieu, comme nous l’avons montré plus haut. À cet argument, Calvin répond (livre 4, chapitre 15, verset 4) que ce qui se produit dans l’absolution ne peut pas être séparé du baptême. Car, le pouvoir des clefs ne peut pas être mis en œuvre sans la prédication de l’évangile, par laquelle nous annonçons aux impies qu’ils sont purifiés par le sang du Christ. Le signe et le témoignage de ce lavage n’est nul autre que le baptême. Voilà pourquoi le signe de chacune de ces deux paroles (je te baptise et je t’absous) est un seul et même signe, et non deux signes différents.

Mais, il est facile de réfuter cette réponse. Car, quoi qu’il en soit du signe matériel, la parole du baptême est certainement différente de celle de la pénitence. Calvin ne peut pas le nier. Et comme la parole est la partie principale du sacrement, il s’ensuit nécessairement que sont différents les sacrements qui ont des paroles différentes. Et quoi encore ? Que des paroles différentes exigent des signes matériels différents. Car, le signe matériel est comme une parole visible, et il doit offrir aux sens la même chose que ce que présente la parole. Ce que nos adversaires ne nient pas non plus. En effet, au mot je te baptise qui est prononcé pendant le lavement, est correctement adjoint un rite baptismal par l’eau. Car, l’action de laver offre aux yeux la même chose que le mot baptême offre aux oreilles. Et le verbe je t’absous, qui ne vient pas de l’ablution des saletés mais de la libération des liens, ne convient pas au rite de l’ablution. Le baptême ne peut donc pas être le signe externe de la réconciliation faite par la pénitence, parce que la parole et l’élément doivent contenir et exprimer la même similitude. 

Et même si toute notre justification dépend de la vertu du sang du Christ, cependant le même sang du Christ est appelé lavement, rançon, et coupe. Et c’est pour cela que c’est par des signes différents que son effet peut être représenté et que sa vertu peut être appliquée : par le baptême, en tant que lavement, par l’absolution en tant que prix, par l’eucharistie, en tant que coupe. Et comme l’eucharistie n’est pas considérée par les adversaires comme le même sacrifice que le baptême, il ne faut pas, non plus, confondre le rite de l’absolution avec celui du baptême, même si tous ces signes et témoignages sont le sang du Christ pour nous répandu, par la vertu duquel nous sommes lavés, absous, et abreuvés.

Troisièmement. La diversité des ministres atteste la diversité des sacrements. Il appert qu’est valide un baptême administré par un non prêtre. Car, dans les Actes des apôtres, chapitre 8, on lit que le diacre Philippe baptisait. Dans les Actes 9, Ananie, qui n’était pas diacre, mais un simple laïc, a baptisé saint Paul. Car, cela s’est passé la première année après la passion du Christ, où il n’y avait que sept diacres ordonnés par les apôtres. Et Ruffin (livre 19, chapitre 14), écrit qu’un vrai baptême a eu lieu quand Athanase, laïc et encore enfant, l’avait administré à des enfants de son âge. Mais en ce qui a trait à la réconciliation de la pénitence, nous savons très bien qu’elle fut toujours le propre des évêques ou des prêtres. Et personne ne doute que si un laïc avait donné l’absolution à un pécheur, elle aurait été nulle et non avenue. Ce dont nous parlerons en son lieu.

Quatrièmement. Si le baptême était le sacrement de pénitence, et s’il pouvait contresigner (comme parlent nos adversaires) en étant répété par la pensée et la mémoire, à chaque fois qu’on a besoin de la promesse de la réconciliation, il s’ensuivrait qu’on ne devrait baptiser que les adultes, comme nous voyons faire les Anabaptistes, que réprouvent les luthériens autant que les calvinistes. Car, autrement, la justification serait incertaine, puisqu’elle dépendrait du témoignage des hommes. Car aucun de ceux qui ont été baptisés dans leur enfance, ne peut, quand il devient adolescent ou adulte, se souvenir d’avoir été baptisé. Il sera donc forcé de s’en remettre aux paroles d’autrui. Comment peuvent-ils soutenir en même temps que telle personne a reçu le sacrement qui rend les hommes certains de leur propre justification, quand cette même personne a été forcée d’être incertaine de l’avoir reçu, lorsqu’ elle a été baptisée à sa naissance ?

Cinquièmement. Si le baptême valait pour effacer non seulement les péchés passés, mais aussi pour les futurs, je pose donc la question : à quel moment efface-t-il les péchés futurs. Est-ce quand on le reçoit, ou plus tard, quand on le rappelle à sa mémoire ? Si c’est dès qu’on le reçoit qu’il efface tous les péchés futurs jusqu’à la fin de la vie, il s’ensuit une incroyable absurdité, à savoir que les péchés sont remis avant d’avoir été commis, qu’aucun péché commis après le baptême ne peut nuire à un homme baptisé, et que tous ceux qui ont été baptisés, catholiques ou hérétiques, doivent nécessairement être sauvés. Or, le baptême que nous donnons aux enfants, les luthériens et les calvinistes le considèrent valide et salutaire. 

S’ils disent que les péchés commis après le baptême ne sont pas effacés avant d’avoir été commis, mais qu’ils sont purgés quand, par la foi et la pénitence, le pécheur retourne à l’alliance du baptême par la pensée et le souvenir, il s’ensuit une double absurdité. La justification sera incertaine, comme nous l’avons dit un peu avant, puisqu’elle dépend du témoignage des hommes. Et par le même raisonnement, on enlève la communion fréquente, car, pourrait suffire le souvenir d’une nourriture spirituelle qu’on a goutée à un certain temps, comme suffit le souvenir d’un lavement reçu à un certain temps. Or, s’il est ridicule d’affirmer que le simple souvenir d’une nourriture puisse rassasier autant que la nourriture réelle, ce n’est pas moins ridicule de soutenir que le simple souvenir d’un lavement puisse avoir le même effet que le lavement réel.

CHAPITRE 14

On répond à des objections

Mais il faut réfuter les arguments de nos adversaires. Et, parce que, dans le livre sur le baptême, (au chapitre 18), nous avons réfuté les arguments de Luther, de Calvin et de Kemnitius, je ne réfuterai que ceux que Calvin a ajoutés au livre 4, (chapitre 19, verset 17), où il dispute explicitement du sacrement de pénitence. Voici donc comment il argumente : le baptême n’est pas détruit par le péché. Il pourra donc être utile pendant toute la vie, s’il est rappelé à la mémoire par le pécheur à toutes les fois qu’il pense à la rémission des péchés : « Comme si le baptême était détruit par le péché, et ne devait pas plutôt être rappelé à la mémoire du pécheur, à toutes les fois qu’il pense à la rémission des péchés, pour qu’il reprenne ses sens, revienne à lui, et confirme sa foi. » 

Je réponds qu’il y a beaucoup de choses dans le baptême. La première : l’action de l’ablution qui, avec, la parole fait proprement le sacrement. Et cette chose ne demeure pas, mais disparait au moment même où on la fait. Mais la grâce de régénération et de rénovation, qui est acquise par le baptême, demeure dans l’âme, tant qu’elle n’est pas expulsée par un péché mortel. Car, ceux qui pèchent après le baptême cessent d’être des fils de Dieu, des héritiers du royaume, et commencent à être des membres du démon, et à appartenir à la géhenne. Ce qui est clairement enseigné dans l’Écriture. 

La troisième. Le caractère spirituel. Celui-là il demeure toujours, et ne peut être aboli par aucun péché, et c’est pour cette raison qu’on ne peut réitérer le sacrement du baptême. Ce caractère, Calvin ne l’admet pas, et le caractère n’est pas un signe externe et visible, joint à une parole, qui effectue proprement le sacrement. Et c’est pour cela que le baptême demeure toujours dans son effet. Il ne possède cependant par la vertu de confirmer la promesse par le moyen d’un signe sensible, et il ne peut pas non plus, pour employer leur langage, la contresigner.

Ils diront peut-être que l’action visible et externe du baptême demeure toujours, non elle-même, mais dans l’esprit et la pensée du baptisé. Mais cela ne suffit pas pour pouvoir dire que le sacrement du baptême demeure. Et, si cela suffisait, la manducation du l’eucharistie faite une fois demeurerait toujours. On n’aurait donc aucune raison valable de la réitérer.

Deuxièmement. Calvin amène un témoignage de saint Jérôme : « En enseignant sévèrement et improprement que sont privés du baptême ceux qui ont mérité d’être excommuniés par l’église, il a entraîné de bons interprètes dans son impiété. » Je réponds que l’image de la planche du salut après le naufrage que saint Jérôme a utilisée en tant d’endroits, montre assez clairement que Calvin se trompe de toute la grandeur du ciel et de la mer. Car, ces planches ou épaves qui s’offrent pour la conservation de la vie, n’ont pas coutume de servir pour retourner à un bateau qu’on sait être détruit ou englouti. Mais, pour, d’une certaine façon, même si c’es difficilement et très péniblement, pouvoir regagner la rive. C’est ainsi que saint Jérôme explique sa comparaison à Sabianus : « S’il ne veut pas faire pénitence, et si, après la destruction de son navire, il ne retient pas la planche ou l’épave qui peut le sauver, je suis forcé de dire etc. »

Troisièmement. Du témoignage de l’Écriture et de l’ancienne église, il tire l’argument suivant : « Tu parleras correctement si tu appelles baptême le sacrement de pénitence, puisque, à ceux qui méditent la pénitence, il est donné comme une confirmation de la grâce et un sceau de la foi. Ne va pas penser que cette explication vient de moi, car, en plus d’être conforme aux paroles de l’Écriture, elle était enseignée partout dans l’église ancienne à l’instar d’un axiome évident. Car, (dans son livre sur la foi à Pierre) que saint Augustin a écrit, il parle d’un sacrement de pénitence et de foi. Et pourquoi chercher refuge dans ces choses incertaines, puisqu’on ne peut rien trouver de plus clair que ce raconte l’évangéliste de la prédication, faite par le Baptiste, sur le baptême de pénitence pour la rémission des péchés. »

Je réponds qu’avant le baptême, la pénitence est nécessaire, et qu’il en faut une autre avant la réconciliation qui est donnée après le baptême. Ce que nul ne peut nier, car, au sujet de la première, nous lisons, (Actes 11) : « Faites pénitence, et que chacun de vous soit baptisé. » Au sujet de l’autre, (Actes 8) : « Fais pénitence pour ton iniquité. » C’est ce que Pierre dit à Simon le magicien qui avait déjà été baptisé. Calvin devait donc prouver que le baptême est donné en sceau de la foi, à ceux qui, après le baptême, méditent sur la pénitence; et que c’est cette pénitence qui se fait après le baptême, qui est appelé sacrement. Comme il ne l’a pas fait, il n’a rien fait. 

Car, (dans le livre de la foi à Pierre, chapitre 30), le baptême est appelé sacrement de foi et de pénitence, il est vrai, mais non de n’importe laquelle, de celle qui doit être faite avant le baptême. Et, dans l’évangile de Marc, (chapitre 1) et de Luc (chapitre 3), c’est le baptême de Jean, non celui du Christ, qui est appelé baptême de pénitence. Et ce n’est pas non plus parce qu’il remettait les péchés que le baptême que prêchait le Baptiste était appelé baptême de pénitence en rémission des péchés, mais parce qu’il incitait à la pénitence, et qu’obtenaient la rémission des péchés ceux qui faisaient cette pénitence. 

En résumé, le baptême de Jean enfantait la pénitence, et la pénitence, la rémission. Le baptême du Christ n’enfante pas la pénitence, mais il purge les péchés de ceux qui ont été préparés par la pénitence. Ce sont eux qu’il rénove et régénère. Et voilà pourquoi, dans l’Écriture, le baptême de Jean est souvent appelé un baptême de pénitence : parce qu’il invitait à la pénitence (Matt 3, Marc 1, Luc 3, Actes 13 et 19). Le baptême du Christ n’est pas un baptême de pénitence, mais un bain de régénération et de rénovation, comme il est appelé dans Tite (3), Éphésiens (V). Voir plusieurs développements sur ce sujet dans le livre sur le baptême, chapitre 23.

CHAPITRE 15

Les parties essentielles du sacrement de pénitence

Nous avons montré jusqu’à présent que la pénitence est un sacrement proprement dit, et distinct du sacrement du baptême. Nous commençons maintenant à disputer des parties essentielles du sacrement de pénitence. On a coutume de diviser le sacrement de pénitence de trois façons. Une première qui se tire de l’essence, qui consiste en deux parties, la matière et la forme, c’est-à-dire les actes de pénitent et l’absolution du prêtre. La deuxième, qui se tire de la matière, qui comprend trois parties : la contrition, la confession et la satisfaction. La troisième, qui se tire du rite, qui est aussi trimembriste : une est la pénitence privée, une autre publique, et une autre qui est solennelle ou non solennelle. De ces trois catégories nous allons parler brièvement et en général. Ensuite, dans les livres qui suivront nous disserterons des controverses qui naissent de l’une et de l’autre de ces catégories.

En ce qui a trait aux parties essentielles de ce sacrement, ce qui convient de dire d’abord et avant tout, c’est que la parole de l’absolution appartient à l’essence de ce sacrement. Car, sans aucun doute, elle est le signe et la cause de la rémission des péchés. Et même si, selon l’usage de l’église que tous sont tenus de conserver, l’absolution est contenue dans les mot suivants : je t’absous de tes péchés, il ne manquerait cependant rien à l’essence de ce sacrement si la même idée était formulée autrement : je te remets tes péchés, ou tes péchés te sont remis. Et il ne peut pas être question d’une matière dite éloignée, car il est évident que les péchés ou l’homme pécheur sont une matière éloignée de ce sacrement, quand l’absolution est employée par un prêtre pour soigner un homme pécheur. Mais ni le péché ni le pécheur ne peut être appelé la matière avec laquelle, comme d’une autre partie, le sacrement obtient sa perfection, mais plutôt une matière sur laquelle le sacrement opère. Exemple. Une maladie corporelle ou un malade ne fait pas partie de ce avec quoi est fabriqué un médicament; elle est ou il est ce sur quoi le médicament exerce sa vertu.

La question est donc : est-ce que, après l’absolution, il y a quelque chose d’autre qui semble appartenir à la notion et à l’essence de ce sacrement ? On trouve, là-dessus, quatre sentences différentes. La première est que seule l’absolution constitue l’essence de ce sacrement. Parmi les théologiens catholiques, c’est ce que Scot a enseigné (4 sent dist 14, question 4, et dist 16, question 1), ainsi que ceux qui l’ont suivi, comme Guillaume d’Okam, Jean Major, Jacob Almayn, etc. Adoptent cette sentence quelques hérétiques de notre siècle, comme Illyricus (apologie de la confession d’Antuerpiens, chapitre 18), et Kemnitius (2 par examen, page 903). 

Mais nos hérétiques diffèrent en deux choses des théologiens catholiques ci-haut cités. La première : les hérétiques n’admettent pas que la pénitence soit un sacrement, sauf peut-être imparfait et improprement dit, puisque, d’après eux, il ne consiste que d’une parole sans élément. Ensuite, même si Scot et ceux qui l’ont suivi, niaient que la confession soit une partie essentielle du sacrement, il ne niait pas, cependant, qu’elle soit nécessaire, ni qu’elle ait été instituée par le Christ, ce que Kemnitius, Illyricus et les autres sectaires nient. Ajoutons que Scot et les autres docteurs catholiques ont vécu avant les conciles qui ont expliqué ces choses avec plus de précision; et que s’ils avaient vécu de nos jours, ils auraient accepté la décision et la sentence du concile de l’Église.

L’autre sentence est de ceux qui veulent qu’en plus de la parole de l’absolution, un rite visible soit employé par le ministre, pour que l’essence de ce sacrement soit accomplie intégralement, même s’ils n’expliquent pas suffisamment en quoi consiste ce rite. Philippe Melanchton (dans son apologie de la confession d’Augsbourg, art 13, sur l’usage et le nombre des sacrements), se déclare l’auteur de cette sentence. Car, il écrit que le baptême, l’eucharistie et l’absolution sont de vrais sacrements, puisqu’ils ont un rite avec une promesse. Et, au même endroit, il distingue le rite de la parole : « Dieu meut les cœurs par la parole et par le rite. Comme la parole pénètre dans les oreilles pour frapper le cœur, de la même façon le rite pénètre dans les yeux pour mouvoir les cœurs » Et plus bas : « Le rite est reçu par les yeux, et il est comme une peinture de la parole, signifiant la même chose qu’elle. Voilà. L’effet de l’un et de l’autre est le même.

La troisième sentence est de ceux qui, du baptême, du rappel du baptême, et de la parole de l’absolution constituent le sacrement de pénitence, de quoi nous avons disserté dans le chapitre précédent. La dernière sentence, et la plus vraie, est que le sacrement de pénitence consiste en deux parties intrinsèques essentielles : l’absolution du prêtre, comme forme, et les actes du pénitent comme matière. Cette sentences a été celle de nombreux anciens théologiens, comme saint Thomas, Richard, Durand et d’autres (sentence 4, dist 14). Et aujourd’hui, c’est la sentence d’à peu près tous ceux qui écrivent.

Voici donc la première proposition. On ne peut pas soutenir, sans dire une connerie, que le sacrement de pénitence consiste dans le baptême et l’absolution. Cette proposition a été suffisamment prouvée au chapitre précédent. Et il devrait suffire de rappeler que ne peuvent être dits des signes sensibles ni le baptême qui a été reçu il y a un grand nombre d’années, ni son souvenir, puisque il est requis à l’essence d’un sacrement que, pour qu’on puisse percevoir un sacrement, on doive présenter un signe corporel aux sens corporels.

La seconde proposition. Aucun rite utilisé par le prêtre, en plus des paroles de l’absolution, ne peut être correctement appelé matière de ce sacrement. J’aurais aimé que Philippe explique plus clairement quel est ce rite qui se fait sous les yeux du pénitent, quand la parole de l’absolution frappe ses oreilles. Nous n’aurions moins d’effort à faire pour réfuter sa sentence. Si je ne m’abuse, le ministre fait trois actions. Et si on peut les exclure toutes, la sentence de Philippe sera manifestement réfutée. La première. En réconciliant les pénitents, le ministre a coutume d’imposer sa main. Même si ce rite a été en usage dans l’antiquité, et est encore usité aujourd’hui dans la plupart des églises, il ne fait pas partie de l’essence du baptême, comme l’enseigne saint Thomas dans l’opus 22 sur la forme de l’absolution, où il réfute brièvement les objections qui avaient été apportées là contre. Cela serait encore plus évident si la doctrine des adversaires avait sa raison d’être, car, par la seule parole de Dieu, on ne peut en aucune façon démontrer que l’imposition des mains doive nécessairement être employée dans la réconciliation. Car, dans les saintes lettres, on ne trouve pas non seulement un seul témoignage, mais pas un seul exemple d’une réconciliation faite avec une imposition des mains.

Les péchés sont remis à ceux à qui vous remettrez les péchés, a dit le Seigneur en Jean XX. Il n’a pas ajouté : et à qui vous imposerez les mains. Des paroles citées, on ne peut pas déduire qu’il faut imposer les mains, comme on peut en déduire qu’il faut confesser ses péchés, comme nous l’avons expliqué plus haut. Car, qu’est-ce qui empêche que les péchés soient remis, sans le recours à l’imposition des mains ? Et quand le Seigneur a dit au paralytique (Matth 9), ou à Marie Madeleine (Luc 8): tes péchés te sont remis , on ne lit pas qu’il lui ait imposé les mains. Le concile 4 de Carthage (canon 78) statue que les pénitents qui reçoivent le viatique en danger de mort, ne doivent pas, s’ils survivent, s’estimer absous sans imposition des mains. 

Ce canon ne contredit pas notre sentence. Car, le concile emploie ici les mots imposition des mains au sens l’action de pénitence, pendant laquelle on imposait fréquemment les mains. Car, dans le même concile, au canon 80, il est prescrit qu’à tous les jours de jeûne, le prêtre impose les mains aux pénitents. Voilà donc quel est le sens de cette phrase du concile : Ceux qui, en danger de mort, obtiennent d’un prêtre une absolution privée, sans avoir complété les actes de pénitence publique, doivent, s’ils survivent, retourner à l’ordre de la pénitence, et, avec les pénitents, recevoir l’imposition des mains aux temps fixés. Et s’ils ne font pas cela, qu’ils ne pensent pas avoir été relevés du lien de l’excommunication ou de la peine temporelle qui leur est prescrite par le prêtre.

L’autre rite que les prêtres ont coutume d’utiliser dans la réconciliation des pénitents est le signe de la croix fait sur le pénitent par la main du prêtre. Mais, sur ce rite on ne peut avoir aucun doute, car les adversaires ne l’emploient jamais, et il n’est pas de l’essence du sacrement de pénitence, comme il ne l’est pas non plus du sacrement de l’eucharistie, comme l’enseigne saint Thomas (tome 3, par quest 84, art 4). Et aucun catholique n’a soutenu le contraire. Le troisième rite qu’on peut imaginer est le mouvement de la langue et des lèvres qui se fait dans la prononciation des paroles. J’ai entendu dire que c’était la sentence de quelques luthériens. Et il est certain qu’on ne peut imaginer rien d’autre si l’on veut expliquer l’opinion de Philippe qui fait la distinction entre la prononciation de l’absolution qui est perçue par les yeux, et la parole qui ne se rend qu’aux oreilles. 

Mais c’est là une sentence absurde, et qui frôle le ridicule. Car, tout d’abord, c’est quelque chose qui est propre à toute parole corporelle de ne pas pouvoir être prononcée sans mouvement de la langue et des lèvres. E, cependant, personne, jusqu’à présent, dans la parole qui confectionne le baptême ou l’eucharistie, ne distingue le rite de la voix. Le mouvement de la langue et des lèvres ne signifie donc rien par lui-même, mais n’est que la cause de la parole qui indique les pensées de l’âme. Voilà pourquoi, si un sourd regardait un homme parler, il ne devinerait pas plus ce que dit le locuteur que s’il voyait le mouvement des lèvres d’une bête. On ne peut donc pas en faire un autre rite de la part du ministre.

La troisième proposition. L’action du pénitent est comme une matière, et la parole du prêtre comme une forme qui rendent complète l’essence du sacrement de pénitence. Nous n’avons pas à prouver ici, par les saintes lettres, que l’action de la pénitence, la confession et le reste, sont absolument nécessaires, ou instituées par le Christ. Car, on traitera de cela plus haut, en son lieu, comme nous l’avons déjà dit. On prouvera seulement que l’action du pénitent appartient, comme une matière, à l’essence du sacrement; et que si la forme y accède, le sacrement est constitué. Nous allons prouver notre sentence avec les témoignages qui sont admis par tous les catholiques. La première, le concile de Trente (session 14, chapitre 3) enseigne que la forme du sacrement de pénitence est : je t’absous de tes péchés; que les actes du pénitent sont comme la matière. Et un peu après, il ajoute qu’autant les actes du pénitent que les paroles d’absolution appartiennent à l’intégralité du sacrement. Par ce décret, le concile semble enseigner clairement que le sacrement entier n’est pas contenu dans la seule absolution. Car, il n’aurait pas eu à distinguer la forme de la matière si l’action du sacerdoce était la seule à constituer le sacrement. Et comment, je le demande, n’est pas moins requise l’action du pénitent à l’intégralité du sacrement que l’absolution du prêtre, si l’absolution du prêtre est la seule à constituer le sacrement ?

Ensuite, le concile de Florence (dans son instruction aux Arméniens), appelle la pénitence elle-même un sacrement, et il déclare que ses parties matérielles sont les actes du pénitent, et sa forme les paroles d’absolution du prêtre. C’est de la même façon que parle le pape Lucius 3 (chapitre ad abolendam, sur les hérétiques). Il appelle sacrements le baptême, la confession des péchés et le mariage. Or, comment la confession peut-elle être un sacrement, si elle n’appartient en aucune manière à l’essence du sacrement ? On ne pourrait pas dire, non plus, que Scot a parlé correctement quand il a dit (4, dist 14, question 14.) : « La pénitence est l’absolution du pénitent faite avec certaines paroles » , car la pénitence est l’action du pénitent, non du prêtre. Car qui dirait qu’un homme fait pénitence quand il est absout, et non plutôt quand il pleure, confesse ses fautes et jeûne ? 

Le même concile a défini que tous les sacrements étaient composés de trois parties : la matière, la forme et l’intention du ministre. Le sacrement de pénitence ne peut donc pas être constitué par la seule absolution et la seule intention du ministre. De plus, l’action du pénitent est le signe institué par Dieu d’une grâce justifiante, et, de par la même promesse, elle concourt à la rémission des péchés. Pourquoi donc ne serait-elle pas une partie du sacrement ? Car quelle soit un signe sensible, on ne peut remettre la chose en question, puisque le prêtre ne peut absoudre le pénitent que s’il voit, par des signes sensibles, qu’il se repent de ses péchés. Qu’elle soit un signe de la grâce justifiante, on le déduit clairement de ce que celui qui confesse un péché, et demande à Dieu pardon, indique, par là, qu’il déteste les péchés, et qu’il s’en est donc déjà éloigné de corps et d’âme; qu’il veut être justifié et pardonné par l’absolution du prêtre. Que ce signe ait été institué par Dieu, on doit le prouver ailleurs, comme nous l’avons déjà dit, et c’est quelque chose que ni Scot ni ses adeptes ne nient.

Qu’il concourt, d’une certaine façon, à la rémission des péchés c’est saint Jean qui l’atteste, lui qui (dans l’épitre 1, chapitre 1) écrit : « Si nous confessons nos péchés, Celui qui est fidèle et juste remettra nos péchés, et nous purifiera de toute iniquité. » Et comme nous avons raison de dire que quelqu’un est justifié parce qu’il est absout, nous pouvons aussi dire que quelqu’un est justifié parce qu’il a confessé humblement ses péchés. Mais, sur ce sujet, nous aurons plusieurs choses à dire dans le chapitre suivant.

CHAPITRE 16

On réfute des objections

Il faut maintenant répondre à quelques objections qui viennent autant de Kemnitius que de quelques catholiques. Kemnitius (2 par examen, page 935), s’acharne à réfuter la doctrine du concile de Trente sur les parties essentielles du sacrement de pénitence. Il nous objecte d’abord que cette dispute était inconnue à l’antiquité, à savoir : est-ce que, dans la pénitence, il y a une forme sacramentelle et une matière sacramentelle ? Je réponds que les noms de matière et de forme ont été inventés par les docteurs postérieurs pour expliquer plus facilement la chose. Il n’y a donc pas à se surprendre qu’on ne les lise pas chez les anciens. Il est quand même arrivé parfois aux anciens pères, dans le baptême et l’eucharistie, de distinguer à ce point la parole de l’élément qu’ils sont allés jusqu’à appeler l’une la forme et l’autre la matière. Kemnitius, lui-même, ne nie pas que, dans le baptême, on ait raison d’appeler l’eau matière, et la parole, forme. Comme les anciens pères ont enseigné que, dans le baptême, l’eau et l’invocation de la trinité devaient être présentes, ils ont aussi enseigné que, dans la pénitence, étaient nécessaires l’action du pénitent et la réconciliation faite par le prêtre. Cela devrait nous suffire.

Il objecte, en second lieu, que les scolastiques ne sont pas d’accort entre eux sur ce sujet. En effet, les uns veulent que la matière soit les péchés, d’autres la confession du pénitent, d’autres les actions du pénitent, d’autres les actions du prêtre qui confère l’absolution avec des rites déterminés : « Quelques-uns veulent que l’absolution soit la forme du sacrement, d’autres les actes du prêtre qui absout, même s’ils ne se font pas avec des paroles déterminées. » Je réponds que Kemnitius est toujours semblable à lui-même : menteur et calomniateur. Car, tout d’abord, il n’y a aucun catholique qui ait fait matière de ce sacrement l’action du prêtre qui prononce l’absolution selon un rite donné, à l’exception de Gropperus, ou de quiconque fut l’auteur de l’enchiridion de Cologne, qui ne s’est pas exprimé avec assez de justesse. 

Car, ou bien les théologiens veulent que le sacrement consiste dans la seule absolution, et ceux-là ne distinguent pas la matière de la forme, ou (ce qui est la position la plus commune), ils assignent la matière à l’action du pénitent, et la forme à l’action du prêtre. Et ceux qui disent que la matière est le péché ou le pécheur confessant, ou la confession elle-même ne sont pas en dissension les uns avec les autres, comme le désirerait Kemnitius, mais ils pensent et parlent tous de la même chose avec des points de vue différents, et pas du tout comme si les uns disaient que l’eau est la matière, les autres l’ablution, et d’autres les hommes qui font l’ablution. Car, ils disent que les péchés sont la matière, quand il est question de la matière éloignée, pour l’ablation de laquelle le sacrement a été institué. Celui qui confesse ses péchés est appelé matière quand la dispute porte sur la matière « pour laquelle », ou du sujet dans lequel agit la vertu sacramentelle. Nous voyons quelque chose de semblable dans la médecine des corps, (car, la pénitence est la médecine des âmes), car et la maladie et le malade et la démarche du malade peuvent être correctement appelés matière de la médecine, puisque la maladie est enlevée par la médecine, le malade guéri; et la marche est une partie d’un médicament salutaire, qui restitue la santé avec le médecin et son remède.

En ce qui a trait à la forme, ne diffèrent pas d’avis entre eux ceux qui disent que des paroles déterminées d’absolution sont la forme du sacrement de pénitence, et ceux qui soutiennent que l’absolution ne dépend d’aucune parole fixée d’avance. Car, si la question porte sur le son et le nombre des syllabes, il n’y a pas de paroles déterminées qui soient requises nécessairement à l’essence du sacrement de pénitence. Car, que quelqu’un dise : je t’absous, ou tes péchés te sont remis, et s’il prononce ces mots en hébreu, en grec ou en latin, le sacrement produit toujours son effet. Mais, si la sentence porte sur les mots, aucun catholique ne niera qu’il existe des mots déterminés tirés de l’Écriture. 

Nous voyons la même chose dans le baptême. Ce n’est pas un certain son ou un nombre de syllabes qui est prescrit par l’Écriture, avec lequel on devrait prononcer la forme du baptême, mais la sentence de cette forme qui peut être tirée de l’Écriture. Voilà pourquoi, de ce qu’a dit le Seigneur en Matthieu (fin) : « Allez enseigner toutes les nations, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit », l’Église a tiré cette forme : « Je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. » Cependant on n’estimerait pas que ne puisse pas baptiser celui qui dirait : Je te fais une ablution, ou je te mouille, ou je t’asperge. Il en va de même pour ce que le Seigneur a dit en Matthieu (16) : « À toutes les fois où vous absoudrez quelqu’un, il sera vraiment absout. Et de cette phrase de Jésus en Jean 20 : «Les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez », l’Église a tiré cette forme : je t’absous de tes péchés. Mais elle ne penserait pas qu’il n’absout pas vraiment celui qui le ferait pas d’autres mots ayant un sens équivalent.

Troisièmement. Il nous objecte que les sacrements sont des actions de Dieu. Donc, si les œuvres humaines, comme sont des actes de pénitence, sont une partie essentielle du sacrement, on attribue une certaine divinité aux œuvres humaines, comme si leurs trônes étaient exaltés jusqu’aux astres de Dieu, comme Isaïe le dit du roi de Babylone. Mais on a déjà répondu à cela, au chapitre 6, dans le troisième mensonge de Kemnitius, où nous avons brièvement indiqué que les actions du pénitent n’ont une valeur sacramentelle de justification qu’en tant qu’elles sont des instruments de Dieu, comme la parole du prêtre est aussi une action quelconque produite par la langue, les artères et l’esprit, mais cependant en tant qu’elle est un instrument de Dieu, c’est-à-dire qu’elle effectue une grâce de justification.

Quatrièmement, il nous objecte qu’au siècle passé, au temps de Gabriel, l’Église ne connaissait rien de certain sur la matière du sacrement de pénitence. Je réponds qu’à sa manière habituelle, Kemnitius affirme, mais ne prouve pas, car, Gabriel (4 dist 14, quest 2, art 1), enseigne d’après la sentence commune, que les actions du pénitent sont la matière (tiennent lieu de matière) de ce sacrement, et les paroles du prêtre, la forme. Et, il cite Alexandre, saint Thomas, et Richard de saint Victor. Il importe peu qu’il ne dise pas que l’action du pénitent soit la matière, mais tienne lieu de matière, car il s’exprime de la même manière pour tous les autres sacrements (dist 1, quest 3, art 1). 

Car, dans aucun sacrement ne se trouve une matière proprement dite, si on parle précisément de la matière comme le fait le philosophe. Cependant, dans chaque sacrement, on trouve une chose que l’on peut considérer comme une matière. Et, c’est de cette façon que parle le concile de Florence (dans son instruction aux Arméniens), quand il dit que les sacrements se composent de trois choses, de choses qui sont comme la matière, de choses qui sont comme la forme, et de l’intention du ministre. Ce concile nous fait comprendre qu’est de la plus grande fausseté ce qu’écrit Kemnitius, à savoir qu’au quinzième siècle, c’est-à-dire avant l’époque de Gabriel, il y avait encore des doutes et de l’incertitude au sujet de la matière des sacrements. Car, le concile de Florence qui décrit longuement la forme et la matière de chaque sacrement, a été célébré en 1459, 140 ans donc avant l’époque de Gabriel. Donc, avant cent quarante ans, et avant l’époque de Gabriel, la doctrine sur la matière du sacrement de pénitence était non seulement indubitable, mais elle était expliquée avec plus de précision qu’elle ne l’avait jamais été.

Cinquièmement. Il nous objecte les paroles du concile de Trente, qui ne semble pas avoir osé écrire ouvertement que les actions du pénitent sont la matière de ce sacrement, car il a écrit qu’elles sont une matière, ou quasiment. Il pense que cela lui permet de conclure que le sacrement de pénitence est un sacrement, ou quasiment; et que son effet est la rémission des péchés, ou quasiment. Réponse. J’omets que Kemnitius ne cite pas assez fidèlement le concile, pour donner lieu à son argutie. Car, le concile (session 14, chapitre 3) ne dit pas qu’il a une matière, ou quasiment, mais que, en termes absolus, il a comme une matière. J’omets que le mot « quasi » (quasiment ou tout comme), ne diminue pas toujours la chose en question. Autrement, comme il est dit en Jean 1 que le Christ est « quasi » (comme, quasiment) le Fils unique du Père, il serait permis à Kemnitius d’ergoter ainsi : le Christ est un fils unique, ou quasiment. Mais, laissons tomber ces sophismes, et précisons que si le concile de Trente, comme avant lui le concile de Florence, a préféré dire « comme une matière », plutôt que matière, ce n’est pas parce que les actes du pénitent ne sont pas vraiment et proprement la sorte de matière que requièrent les sacrements, mais parce qu’ils ne sont pas des choses solides, permanentes, palpables, comme celles que l’on voit dans beaucoup de sacrements.

Et, pour expliquer la chose encore plus clairement, il faut noter qu’on peut considérer la matière des sacrements de deux façons. Une première, en tant que partie du sacrement; une autre, en tant que matière de choses naturelles. C’est de ces choses qu’elle tire son nom, et c’est à ces choses qu’elle ressemble. La première façon ne demande rien d’autre à la matière d’un sacrement que d’être un signe externe et sensible, qui est perfectionné par la parole, et qui est comme informé par elle. Et, de cette façon, l’action du pénitent est vraiment et proprement la matière du sacrement de pénitence. De l’autre façon, d’aucun sacrement, comme l’affirme à juste titre Gabriel, elle n’est la matière proprement et absolument, mais seulement métaphoriquement. 

Mais, cependant, plus que toutes les autres, la matière du sacrement de pénitence s’éloigne de la perfection de la matière physique, puisque, comme nous l’avons dit, elle n’est pas quelque chose de solide et de palpable, mais une action transitoire. Et comme l’eau du baptême, si on la compare à la matière physique, peut être appelée une quasi- matière, de la même façon, l’action du pénitent, si on la compare à l’eau du baptême, peut être appelée une quasi-matière., bien que, en relation au sacrement, l’une et l’autre soient vraiment et proprement, absolument et formellement, une matière. Voilà donc quels sont les arguments principaux de Kemnitius. Car, à ses autres calomnies nous répondrons quand nous réfuterons les mensonges des hérétiques.

Attaquons-nous maintenant aux arguments que manient ceux qui, à la suite de Scot, placent l’essence entière du sacrement de pénitence dans l’absolution, l’action du pénitent n’étant pas pour eux une partie du sacrement, mais une disposition à la réception du sacrement. Ils nous opposent d’abord que le sacrement doit être un signe de la chose qui est effectuée par le sacrement. Or, la rémission des péchés est parfaitement exprimée par l’absolution, mais non par la confession, la contrition ou la satisfaction. Je réponds, comme nous l’avons dit plus haut, que la rémission des péchés est signifiée non seulement par l’absolution, mais par la confession des péchés, car, comme en absolvant, le prêtre signifie qu’il expulse les péchés, le pénitent, en se confessant, signifie aussi qu’il s’éloigne des péchés.

Ils objectent ensuite que le sacrement est ce qui est conféré par un ministre. Or, dans le sacrement de pénitence, seule l’absolution est conférée par un ministre,-- ni la confession, ni la contrition. De plus, on n’a jamais entendu dire dans l’Église, qui celui qui fait pénitence est appelé ministre du sacrement de pénitence. L’action du pénitent n’est donc ni un sacrement ni une partie d’un sacrement. Réponse. On appelle ministre d’un sacrement proprement dit celui qui confectionne la totalité d’un sacrement, ou sa partie principale. Si quelqu’un reçoit l’ordre d’un de ces ministres de faire quelque chose, on ne l’appelle pas proprement un ministre, mais un coopérateur du ministre. C’es de cette façon qu’on appelle proprement ministre d’un sacrement le prêtre qui prononce la formule de l’absolution, qui interroge, examine le pénitent, et lui impose une pénitence. 

Mais le pénitent qui fait quelque chose qui se rapporte au sacrement, n’est pas appelé ministre, mais coopérateur d’un ministre, car, son action n’est une partie du sacrement qu’en tant qu’elle est soumise au pourvoir du prêtre, qu’elle est dirigée et commandée par le prêtre. On voit la même chose dans la cure d’une maladie corporelle, quand un médecin ordonne à un malade de marcher après avoir pris un remède. Car, même si c’est le malade qui fait ce qui se rapporte à une partie du traitement médical, on ne l’appellera pas médecin de lui-même. Ce nom sera réservé à celui qui a prescrit le médicament et a ordonné la marche.

Ils objectent, en troisième lieu, que seule l’absolution est cause de la grâce, puisque toute la vertu du sacrement réside dans les clefs. Or, les clefs appartiennent au prêtre, non au pénitent. N’est donc pas une partie du sacrement ce qui ne concourt pas à l’effet du sacrement. Réponse. On peut nier la conséquence de cet argument. Car, comme l’homme qui est composé d’un esprit et d’un corps, ne comprend qu’avec sa seule intelligence, il peut aussi facilement se faire qu’un sacrement qui est constitué de deux parties, n’opère que par une. Et c’est cette solution que suivent ceux qui placent toute la vertu sacramentelle dans la seule absolution, comme tout d’abord saint Thomas, saint Bonaventure, et d’autres commentateurs des sentences (sentence 4, dist 18 et 22,), et de nos jours, André Véga (concile de Trente, livre 13, chapitre 15), et François de Ferrare, (dans son commentaire, chapitre 72, livre 4 contre les Gentils).

On peut répondre aussi que l’absolution est la cause principale de la justification, mais non la seule. On peut donc nier que la vertu sacramentelle réside dans les seules clefs, mais en partie, et en partie principale dans les clefs, par la vertu desquelles le prêtre absout, et en partie dans l’action du pénitent, en tant que Dieu s’en sert comme d’un instrument pour signifier et effectuer la justification. Et c’est ce qui semble être la sentence de saint Thomas (3 par, question 86, art 6), où il révoque ce qu’il avait écrit dans le commentaire de la sentence 4 (dist 18, question 1, art 3; et dist 22, question 2, art 1). Dans le livre sur les sacrements en général, nous avons suivi (chapitre 11) sa première sentence. Mais, nous estimons que la deuxième est plus probable, même si elle semble un peu plus difficile à défendre. 

CHAPITRE 17

Les parties matérielles du sacrement de pénitence : question qui se pose entre catholiques

La partie matérielle se divise à son tour en trois parties : la contrition, la confession et la satisfaction. Au sujet de la répartition en trois parties, deux questions se posent : une entre catholiques, une autre avec les hérétiques. La première question n’est pas : est-ce que la contrition, la confession et la satisfaction sont nécessaires, et doivent absolument être employées, mais sont-elles de vraies parties du sacrement de pénitence ? Voici ce que fut d’abord l’opinion de Durand ( 4 dist 16, question 1) : seule la confession est une partie matérielle du sacrement de pénitence. La contrition n’est qu’une disposition, et la satisfaction n’est qu’un fruit de la pénitence. Ces principaux arguments sont au nombre de deux. Le premier. Chaque partie d’un vrai sacrement doit être sensible. La contrition n’est pas sensible. Le deuxième. Le sacrement de pénitence n’exige pas nécessairement une satisfaction réellement faite, mais seulement le désir d’en faire une. Le sacrement sera donc véritable si celui qui confesse ses péchés reçoit l’absolution sans satisfaire pour ses péchés. 

La sentence commune des théologiens dans cette matière (dans la même distinction 16) et dans saint Thomas (3 par quest 90, art 2 et 3), enseigne que non seulement la confession, mais que la contrition et la satisfaction sont de vraies parties matérielles du sacrement de pénitence. Cette sentence est tout à fait certaine, et elle ne peut plus être révoquée en doute, puisque nous lisons en toutes lettres dans les conciles œcuméniques de Florence et de Trente, que la contrition, la confession et la satisfaction sont comme la matière du sacrement de pénitence. Nous ne voyons pas de contradiction dans ce que les Écritures appellent les œuvres de satisfaction les fruits de la pénitence. Car, une chose est de parler de la vertu de la pénitence, et une autre, de parler du sacrement de pénitence. La vertu de pénitence n’est pas composée de parties, puisqu’elle est un habitus simple. Voilà pourquoi la contrition, la confirmation, la satisfaction ne sont pas ses parties, mais ses actes. La contrition est un acte interne, la confession et la satisfaction des actes externes. Et c’est de cette façon que parle l’Écriture quand appelle œuvres externes les fruits de la pénitence.

Le sacrement de pénitence, pour sa part, consiste en deux parties, comme nous l’avons déjà dit, une formelle et une matérielle. Et, à la partie matérielle, appartiennent trois actes de la vertu de pénitence, qui sont aussi des actions de la pénitence. À la partie formelle, appartient seule l’absolution sacerdotale. Mais parce que la contrition est une partie interne, pour qu’on puisse l’appeler partie d’un sacrement qui est corporel et sensible, elle doit se manifester dans un signe externe sensible. Et c’est ainsi qu’on répond à l’argument de Durand. Nous ne soutenons pas que la contrition est une partie du sacrement de pénitence en tant qu’elle réside dans la conscience, mais en tant qu’elle se manifeste par des signes. 

Quelqu’un dira peut-être qu’il arrive souvent que la contrition ne se manifeste que par la confession orale des péchés; qu’on ne peut pas distinguer alors la contrition en tant que partie d’un sacrement sensible, de la confession; et qu’il n’y a donc que deux parties du sacrement : la confession et la satisfaction. Je réponds qu’il peut se faire qu’avec les mêmes paroles la contrition soit détectée, et la confession expliquée. Car, si quelqu’un admet avoir commis un vol, un adultère, un homicide, et en avoir commis un grand nombre de ce genre, mais en s’en ventant et en se moquant, au lieu de le rapporter tout simplement, cet homme a surement confessé ses péchés, mais n’a montré aucune contrition. Confesser ses péchés pour qu’un autre comprenne la quantité et la sorte de ces péchés c’est une autre chose de les confesser en pleurant et en les détestant de tout son cœur, de façon à manifester non seulement la nature et le nombre des péchés, mais la haine qu’on en a .

À l’autre argument de Durand il est facile de répondre. Car, sans satisfaction, le sacrement de pénitence peut exister, mais manchot et boiteux. Et ces trois parties ne sont pas appelées essentielles, mais intégrales, car une chose peut exister sans une partie intégrale, mais non dans son intégralité. Nous admettons volontiers que, parmi des parties intégrales, quelques-unes sont principales, sans lesquelles l’essence d’une chose ne pourrait pas consister, comme sont, dans l’homme, la tête et le cœur. Et c’est ce que sont, dans le sacrement de pénitence, la contrition et la confession. Car, à moins que des signes de douleur ne soient aperçus, et à moins qu’une manifestation des péchés ne précède, l’absolution ne peut pas être accordée par un prêtre. Autres sont les parties intégrales secondaires, sans lesquelles l’essence ne peut exister qu’imparfaite et mutilée, comme sont dans l’homme les mains et les pieds. Et c’est de cette sorte que semble être la satisfaction.

Mais quelques-uns font l’objection suivante. La satisfaction est une part du sacrement, en tant qu’elle existe dans le vœu et le désir du pénitent, ou en tant qu’elle prend corps dans la réalité. Si c’est de la première façon, elle n’est pas une chose sensible; si c’est de la deuxième, elle n’est pas présente quand s’accomplit le sacrement, car le sacrement prend forme quand la parole de l’absolution accède à l’élément de confession. Or, la satisfaction est donnée et reçue après le sacrement. Je réponds que de l’une ou l’autre façon la satisfaction est une partie du sacrement de pénitence. Car, il commence, en quelque sorte, quand est enjoint et accepté ce qui sera accompli en son temps. Et bien que, dans la mesure où elle est dans le vœu et dans l’intention, la satisfaction ne semble pas être sensible, elle est cependant rendue sensible par des signes sensibles, quand elle notifiée par les paroles du ministre, et acceptée par les paroles ou les gestes du pénitent. Que la satisfaction se fasse après l’administration et la réception de l’absolution, il n’y a là rien d’absurde. Car, quand la parole de l’absolution accède à la parole de la confession, le sacrement prend vie en ce qui a trait à l’essence, mais non intégralement et parfaitement, si on tient compte des parties intégrales. Exemple. Quand, dans le sein de la mère, le corps humain est formé et quand sont rendues parfaites des parties comme le cœur et d’autres, l’âme s’unit au corps, l’homme existe, même si les yeux, les doigts et certaines autres parties ne sont ni distinctes, ni parfaites.

CHAPITRE 18

Les sentences variées des hérétiques sur les parties de la pénitence 

L’autre question à traiter avec les hérétiques est : combien y a-t-il de parties de la pénitence ? Ou : combien y a-t-il, dans le pénitent, d’actions nécessaires à la réception de l’absolution, et au retour en grâce avec Dieu ? Car, il ne sera pas nécessaire de disputer avec les hérétiques si ces actions sont des parties matérielles du sacrement, car ils n’admettent aucune partie matérielle, sauf, peut-être, le baptême, ou un rite avec lequel le prêtre prononce les paroles d’absolution. Les catholiques, donc, à l’unanimité, assignent trois parties à la pénitence : la contrition, la confession et la satisfaction; et ils n’ont entre eux, à ce sujet, aucune controverse. Car, Scot lui-même, qui mettait le sacrement dans la seule absolution, et Durand qui la plaçait dans l’absolution et la confession, enseignent haut et fort que, pour que soit communiquée par ce sacrement, la rémission des péchés, sont requises les trois choses qui relèvent du pénitent. Déviant du chemin de cette doctrine ecclésiastique, qui est foulé, achalandé et sur, les adversaires se frayèrent différents chemins. Trois chemins principaux, ou sentences.

La première est de ceux qui enseignent que la pénitence a deux parties : la contrition et la foi. Par contrition, certains entendent les terreurs de la conscience amplifiées par les menaces de la loi. Et par foi, ils entendent une confiance certaine dans la rémission des péchés, ou l’assurance qu’ils en ont conçue par la promesse de l’évangile, comme ils le prétendent. De cette sentence, le premier auteur a été Luther. Même si, en 1520, dans son livre contre la bulle exécrable de l’antichrist, (en défense de l’article 5), et ensuite en 1521, (dans l’assertion de ses articles) il écrivit, en attaquant le même article 5, qu’il ne niait pas qu’il y ait trois parties de la pénitence, la contrition, la confession et la satisfaction. Mais que la seule chose qu’il enseignait c’est que la satisfaction, celle qui est imposée au gré de l’Église, n’est pas de droit divin, et que, si elle est de droit divin, elle ne peut pas être enlevée par le pouvoir des clefs de l’Église. Mais, cependant, en 1545, après avoir fait un peu plus de progrès à l’école de Satan, il condamna sa première sentence, en réfutant les articles de Louvain (proposition 37) : « La pénitence promue par la synagogue de Louvain, (c’est-à-dire qu’elle ait trois parties : la contrition, la confession et la satisfaction) n’est rien d’autre que celle du traître Judas, et de ses semblables. On doit donc la condamner en tant qu’hérétique. »

Et, dans les articles Smalkalde(an 1537), au chapitre de la pénitence, il enseigne que la pénitence a deux parties : la loi et l’évangile, ou, ce qui est la même chose, comme il l’explique lui-même, la contrition qui vient des menaces de la loi, et la foi qui est conçue d’après les promesses de l’évangile. Mais, dans ce passage, les œuvres bonnes il ne veut pas qu’elles soient une partie de la pénitence, mais un fruit de la pénitence. Philippe Melanchton eut la même idée dans les lieux édités en 1521, et en 1530, dans la confession d’Augsbourg. Mais dans les lieux, au chapitre de la pénitence, il appelle mortification et vivification les deux parties de la pénitence. Dans la confession (à l’article 12), il les appelle contrition et foi. Mais il exprime la même chose par mortification et contrition, et vivification et foi. Beaucoup d’autres luthériens, comme les centuriates magdebourgeois, enseignent la même chose. Centurie 1, chapitre 4, colonne 148, et livre 2, chapitre 4, colonne 341. Tilmann Heshusius, dans son livre sur les erreurs des pontifes, lieu 8. Martin Kemnitius (2 par examen, chapitre 3 sur la pénitence, pages 942 et 943.

L’autre sentence est de ceux qui aux deux parties de la pénitence, en ajoutent une troisième, l’œuvre bonne, ou la nouvelle obéissance. Cette sentence semble avoir Luther pour auteur. Car, dans sa première dispute contre Antinomos, de 1538, il dit, dans la première proposition, que les parties de la pénitence sont la douleur du péché et le ferme propos d’une vie meilleure. Dans la troisième dispute contre les mêmes, à la proposition 9, il veut qu’appartienne au ferme propos de mieux faire non seulement la foi, ou la confiance en Dieu, mais aussi toutes les bonnes œuvres : « Toutes les bonnes œuvres après la justification ne sont rien d’autre que le bon propos contre le péché. » La même chose est enseignée par Philippe Melanchton qui, en tant que fidèle Achates de Luther, changeait souvent d’idée. Dans l’apologie de la confession d’Augsbourg, à l’article de la pénitence, et dans les lieux édités en 1536, au mot pénitence, il assigne deux parties à la pénitence : la contrition et la foi. Il ajoute cependant qu’il ne lui répugnerait pas qu’on lui assigne une troisième partie, la nouvelle obéissance. Mais, dans la dispute sur la pénitence de l’année 1548, il écrit, pour se conformer aux œuvres de Luther, que la nouvelle obéissance est vraiment la troisième partie de la pénitence ou de la conversion. Et c’est ce qu’il répète dans l’examen des futurs ordonnés (au chapitre sur la pénitence). Enseignent la même chose ceux qu’on appelle les luthériens mous. Par contre, les rigides comme les Illyriciens, se déchirent férocement entre eux sur cette question. Les auteurs de la confession saxonique, par exemple, (au chapitre sur la pénitence), Nicolas Selneccerus (dans sa pédagogie, à la fin de la deuxième partie où il explique l’article du symbole qui porte sur la rémission des péchés. David Chytraeus (dans sa catéchèse, lieu 8) etc.

La troisième sentence est celle de Calvin (livre 3, chapitre 3, verset 8), où il présente deux parties de la pénitence : la mortification et la vivification, en donnant à ces mots un tout autre sens que ne leur donnent les luthériens. Car, par mortification, il n’entend pas, comme les luthériens, les terreurs de l’âme alimentées par les menaces de l’Écriture, mais la mortification des vices, ou l’abnégation, et le dépouillement de tout le vieil homme. En conséquence, ce n’est pas pendant un court temps que la pénitence doit être pratiquée, mais pendant toute la vie. Par vivification, il n’entend pas la foi, ou la confiance ou la consolation conçue de l’évangile, mais une décision pieuse de bien vivre, et un gout pour les bonnes œuvres. Selon son enseignement, ces bonnes œuvres ne sont pas des parties de la pénitence, mais des fruits de la pénitence.

Calvin réfute ouvertement la sentence des luthériens. Car, dans le verset 1, il soutient que la foi est antérieure à la pénitence, ce qui est contre les luthériens, qui font de la foi une partie postérieure de la pénitence. Dans le verset 2, il enseigne que ne font pas partie de la pénitence les terreurs de l’âme, dont les luthériens font la première partie de la pénitence; qu’il s’agit plutôt d’une terreur initiale qui précède la foi, d’où émane ensuite la foi, comme son fruit. Au verset 3, il reconnait que d’autres avant lui avait réparti la pénitence en mortification et vivification, (ce qu’il avait surement lu dans Melanchton, lieux communs de 1521), mais ajoute que même si ces mots, interprétés correctement, expriment suffisamment bien la vertu de la pénitence, leur interprétation lui déplait. Au verset 5, il réfute tous ceux (tous les luthériens) qui soumettent la foi à la pénitence, et soutient que c’est une chose qui répugne à saint Paul. Théodore de Bèze, son disciple, partage la sentence de Calvin, l’explique et la défend dans le livre qu’il a intitulé : la réfutation des calomnies de Tilmann Heshusius, dans sa réponse à la quatrième calomnie.

CHAPITRE 19

Réfutation des sentences des hérétiques, et confirmation de la sentence des catholiques

Nous allons maintenant réfuter brièvement les dogmes des nouveaux hérétiques , et nous confirmerons la sentence ancienne et commune de l’Église catholique, qui est la seule vraie. Voici donc la première : La terreur infligée à l’âme par la loi, que les luthériens appellent contrition, ou mortification, n’a pas ce qu’il faut pour être énumérée parmi les parties de la pénitence. Cette proposition est conforme à l’enseignement du concile de Trente qui, dans la session 6, chapitre 6, énumère les terreurs de l’âme parmi les choses qui préparent et aident les hommes à la justification. Mais, loin d’en faire des parties de la pénitence, il fait une distinction entre elles et les parties de la pénitence, car entre elles s’intercalent des actes de foi et charité. C’est une chose d’être requis pour la conversion et la justification, et c’en est une autre d’être une partie ou un acte de la pénitence, si les théologiens veulent parler en théologiens. 

Nous ne nions donc pas que ces terreurs de l’âme soient un prérequis à la conversion, mais qu’elles soient une partie de la pénitence, jamais nous ne l’admettrons. Car, tout d’abord, l’Écriture distingue la terreur de la pénitence. Dans Corinthiens 2, (chapitre 7), nous lisons : « La tristesse qui est selon Dieu opère la pénitence pour un salut stable. » Par tristesse, on doit nécessairement entendre la crainte, la terreur qui nait du remords, et des menaces d’un châtiment, dont a parlé saint Paul aux Corinthiens. Dans ce passage, l’apôtre n’appelle pas tristesse le regret des péchés commis, qui est la contrition, ou la pénitence, mais la gêne et la honte qui, acceptées selon Dieu, engendre une pénitence salutaire. Car, dans la même épitre (au chapitre 12), l’apôtre dit : « C’est avec une grande souffrance et avec une angoisse de l’âme que je vous ai écrit cela, non pour vous contrister, mais pour que vous connaissiez quelle abondance de charité j’ai pour vous. » Et au chapitre 7, verset 9 : « Je me réjouis non parce que vous avez été contristés, mais parce que votre tristesse vous a menés à la pénitence. » 

Il est certain que l’apôtre n’aurait pas dit cela si, par tristesse, il avait entendu la douleur que ressent celui qui est angoissé parce qu’il a offensé Dieu. Il n’aurait pas dit : « Je vous écris pour que vous ne vous désoliez pas d’avoir péché », puisque c’est ce qu’il aurait désiré plus que tout. Il n’aurait pas dit non plus : je me réjouis de ce que vous ayez été contristés, puisqu’on doit se réjouir de ce qu’un pécheur se désole d’avoir péché, et qu’il y a dans le ciel de la joie pour un seul pécheur qui fait pénitence. Voilà pourquoi, comme l’interprètent saint Jean Chrysostome, et d’autres pères, la sentence de saint Paul est : je ne me réjouis pas de la tristesse, mais je me réjouis de son fruit, qui est la pénitence. Comme un médecin qui ne se réjouit pas de ce qu’un remède soit amer, ou d’être obligé de torturer un patient en brûlant ou en coupant un membre, mais de la santé qui vient après la cure, la combustion ou la section. De la même façon, saint Paul ne se réjouit pas d’avoir, par son objurgation et ses menaces, apporté la honte et la terreur aux Corinthiens, mais de ce que cette honte et cette terreur aient enfanté une pénitence stable et salutaire. Tu vois donc, par la doctrine de saint Paul, que la pénitence n’est pas la terreur provoquée par les menaces bibliques, mais plutôt l’effet et le fruit de la terreur, comme l’enseigne correctement le concile de Trente.

Si quelqu’un regarde toutes les définitions de la pénitence données par les théologiens anciens et nouveaux, comme on le voit dans le maître des sentences (4 livre des sentences, dist 14) et dans Gratien (pénitence, dist 3), il n’en trouvera aucune qui fasse des terreurs de l’âme une partie de la pénitence. Quand nous, nous cherchons les parties de la pénitence, nous ne cherchons pas n’importe lequel mouvement ou acte qui, d’une manière ou d’une autre, se rapporte à la pénitence, mais ceux qui procèdent de la vertu de pénitence. Être terrorisé quand on lance des menaces n’est pas un acte de cette vertu, mais un sentiment naturel, que nous voyons même chez les enfants et les animaux. Les terreurs nous les voyons souvent dans ceux qui ne font aucune pénitence, ou qui ne cherchent pas à en faire, comme dans les démons qui croient et tremblent. Nous lisons en saint Jacques 2, que quelques-uns font une vraie pénitence, sans terreur de la peine, poussés par le seul amour de Dieu et de la justice, comme il est croyable que fut cette heureuse femme de qui le Seigneur a dit : « Beaucoup de péchés lui sont remis parce qu’elle a beaucoup aimé. » Si donc il est possible qu’y ait de la terreur sans pénitence et de la pénitence sans terreur, les terreurs de l’âme ne peuvent certes pas être énumérées parmi les parties de la pénitence. Ensuite, la foi, comme nous le prouverons bientôt, n’est pas une partie de la pénitence, mais la précède. Et les terreurs provoquées par les menaces de la loi, de par la sentence même des adversaires, sont antérieures à la foi. On ne peut donc pas dire que les terreurs engendrées par la loi sont vraiment des parties de la pénitence. En lire davantage dans le livre 2, chapitre 1.

La seconde proposition. La foi n’est pas une partie de la pénitence, bien qu’elle soit nécessairement requise à son existence. Cette proposition est conforme à l’enseignement du concile de Trente (session 6, chapitre 6), où la foi est placée en premier lieu parmi les choses qui disposent à la justification; et elle est clairement distinguée de la pénitence qui, parmi ces dispositions, détient le cinquième rang. On le prouve d’abord avec les textes eux-mêmes dont les adversaires imprudemment se servent pour prouver leur sentence. Melanchton, Illyricus, Heshusius, Kemnitius et d’autres citent souvent deux passages pour prouver que la terreur et la foi sont les deux parties de la pénitence. Le premier est celui de saint Marc 1 : « Faites pénitence, et croyez à l’évangile ! » L’autre, Actes XX « Attestant aux Juifs et aux Gentils la pénitence en Dieu et la foi dans notre Seigneur Jésus-Christ. » Malheureusement pour eux, ces textes leur sont plutôt contraires. Dans les deux textes, on distingue la foi de la pénitence. Car, le Seigneur n’a pas dit, en saint Marc : faites pénitence en croyant à l’évangile, mais faites pénitence, et croyez à l’évangile. Saint Paul n’a pas dit non plus : témoignant de la pénitence en Dieu qui est constituée par la foi et les terreurs de l’âme, mais : attestant la pénitence en Dieu et la foi dans notre Seigneur Jésus-Christ. 

Ensuite, la foi précède la pénitence, et elle l’enfante, comme les Ninivites nous en donnent l’exemple. « Les Ninivites crurent en Dieu, nous dit saint Jean (111), et prêchèrent le jeûne, se revêtant de sacs de jute. » En effet, on ne peut imaginer comment quelqu’un puisse sérieusement commencer à faire pénitence sans avoir d’abord cru en la véracité des menaces, proférées par Dieu envers les pécheurs et les impénitents. Or, si la foi précède la pénitence, elle peut peut-être, être sa cause, mais sa partie, jamais. Les parties de la pénitence, comme nous l’avons dit plus haut, sont censées être les actions qui émanent de la vertu de pénitence. Or croire est l’acte non de la pénitence, qui est une vertu morale, mais de la foi, qui est une vertu théologale. Ce doit être pour cela que, quand ils définissaient la pénitence, les anciens pères ne se sont jamais souvenus de la foi. Ce qu’ils n’auraient certes pas fait si elle était, comme le veulent les luthériens, la partie principale de la pénitence.

Saint Grégoire (homélie 34) définit la pénitence : « Pleurer les péchés commis, et ne plus admettre ce qu’on a pleuré. » Sain Ambroise (dans sa préface sur le psaume 37), dit : « Voici une définition complète de la pénitence : le souvenir des fautes, pour que, par le fouet d’une parole quotidienne, chacun fustige et condamne les péchés qu’il a commis. » Par ces paroles, il enseigne que la pénitence consiste en ce que quelqu’un confesse ses péchés, et que, en les confessant, il les châtie et les condamne. Ce qui ne peut se faire sans la détestation que nous appelons contrition, et sans la satisfaction. Comment pourra-t-il confesser sérieusement ses péchés celui qui ne les déteste pas ? Et comment peut-il les condamner et les châtier, s’il ne désire pas les amender par la satisfaction ?

Or, il est certain que croire que ses péchés sont remis ou ont été remis, cela n’est nullement requis pour la confession. Car qui ne pourra pas confesser ses péchés avec une douleur d’âme, et les châtier par des travaux pénibles, et donc, selon la sentence de saint Ambroise, faire une pénitence complète, même s’il ne croit pas que ses péchés seront remis ou sont alors remis ? Il est certain que, au témoignage de l’Écriture (Jean 111), les Ninivites crurent en Dieu, mais doutèrent cependant de la rémission de leurs péchés quand ils dirent : « Qui sait si Dieu ne changera pas d’idée et ne pardonnera pas ? » Que leur pénitence ait été agréée de Dieu, la même Écriture l’atteste. Donc, cette foi spéciale n’est non seulement une partie de la pénitence, mais ne lui est requise en aucune façon. Ce que, dans la seconde proposition, nous avons affirmé à savoir que sans la foi, il ne pouvait pas y avoir de pénitence, c’est de la vraie foi que nous l’avons dit, la foi catholique, non de cette invention des luthériens qui est pour eux la foi justifiante et une partie de la pénitence.

La troisième proposition. Ce ne sont pas toutes les bonnes œuvres qui se font après la justification, qu’on peut énumérer parmi les parties de la pénitence. Ceci est contre les luthériens mous , qui incluent toutes les œuvres bonnes dans la pénitence. Nous ne voulons pas nier que la décision de bien vivre ne fasse pas partie de la pénitence, ni non plus que ne soient énumérées parmi les parties de la pénitence les œuvres bonnes qui tendent à cette fin, qui sont la manifestation d’une pénitence intérieure, ou qui satisfont pour les péchés. Nous disons seulement que ce n’est pas n’importe laquelle œuvre bonne faite pour Dieu après la réconciliation qui est une partie de la pénitence. Ce qui ne devrait requérir aucune preuve. En effet, il y a beaucoup de bonnes œuvres qui sont faites par les justifiés, sans aucune relation aux péchés commis dans le passé. Celles qui sont faites par charité pour Dieu, par miséricorde envers le prochain, par la justice envers ceux à qui on doit quelque chose, par les vertus de tempérance, de force, et des autres vertus. Ces œuvres, on les ferait de toute façon, sans avoir péché, ou sans avoir eu besoin de pénitence.

La quatrième proposition. Ce n’est pas correctement qu’on nomme parties de la pénitence la mortification et la vivification, au sens que donnent à ces mots Calvin et Bèze. Cette proposition est absolument certaine. En effet, Calvin et Bèze confondent la pénitence avec la justification, ou ils veulent qu’elle soit postérieure à la justification. Car, ils disent que la pénitence est le fruit de la foi justifiante. Et, par mortification et vivification ils entendent le refrènement des affections vicieuses, et un zèle pieux de bien agir, qui commence dans la réconciliation, et qui se parfait dans toute la vie. 

Or, la sainte Écriture enseigne souvent que la pénitence est une voie qui mène à la justification, qu’elle est donc antérieure à la justification. Jérémie 18 : « Si ce peuple fait pénitence pour le mal qu’il a fait, je ferai, moi aussi la pénitence. » Et en Ézéchiel 18, et 33, le Seigneur répète souvent : « Si l’impie fait pénitence, je ne me souviendrai plus de ses iniquités. » Luc 13 : « À moins que vous ne fassiez pénitence, vous périrez tous semblablement. » Luc 24 : « Il fallait prêcher la pénitence, et la rémission des péchés. » Actes 11 : « Faites pénitence, et que chacun soit baptisé au nom de Jésus-Christ, pour la rémission des péchés. Et vous recevrez le don du Saint-Esprit. » Actes 3 : « Faites pénitence et convertissez-vous, pour que soient effacés vos péchés ! » Actes 5 : « Ce prince et ce Sauveur, Dieu l’a fait monter à sa droite, pour donner la pénitence à Israël, et la rémission des péchés. » Actes V111 : « Fais pénitence de ton iniquité, et prie Dieu pour qu’il te remette cette pensée de ton cœur. » Actes X1 : « Dieu a donc donné aux Gentils la pénitence pour la vie. »

Si la pénitence est le chemin qui mène à la rémission des péchés, et est, selon l’Écriture, antérieure à la justification, avec une plus grande raison précède-t-elle la mortification et la vivification, qui, selon l’opinion de nos adversaires, est le fruit de la foi justifiante, et qui vient après la justification. Voilà pourquoi, autant les luthériens que les calvinistes soutiennent des opinions contraires. Les luthériens errent en plaçant la pénitence dans les mouvements qui précèdent la vraie pénitence, et les calvinistes, en mettant la pénitence dans les actions qui viennent après la vraie pénitence. Ajoutons, que dans l’Écriture, la pénitence ne se dit que des œuvres mortes, selon Hébreux 6 : « Ne posant plus de nouveau le fondement de la pénitence des oeuvres mores, tendons vers la perfection. » La pénitence n’a pas, selon l’Écriture, à être faite par tous, mais seulement par les pécheurs. Car, comme nous le lisons dans la prière de Manassé, Dieu n’exige pas des pénitences pour tous. Et, en Luc 15, le Seigneur a dit que les justes n’ont pas besoin de pénitence. Ce n’est donc pas à juste titre que Calvin appelle pénitence la mortification des afflictions et le renouvellement spirituel, car ce sont des choses qui sont communes à tous les hommes, même aux justes. Ces choses appartiennent à l’amélioration, non à la pénitence.

La cinquième proposition. Il y a trois parties de la pénitence : la confession, la contrition et la satisfaction. Cette proposition que tous les catholiques admettent, nous allons l’expliquer et la prouver brièvement. Il faut d’abord observer que par le mot pénitence, elle n’entend pas un habitus, ou la vertu de pénitence, qui, comme nous l’avons dit plus haut, n’a pas de parties, puisqu’elle est une simple qualité; ni la pénitence actuelle absolument parlant, puisque la confession et la satisfaction sont des signes et des effets de la contrition, et ne lui sont donc pas référées comme des parties à une partie, mais comme un effet à une cause. Elle désigne plutôt la pénitence actuelle, dans la mesure où, de la part du pénitent, elle est nécessaire à la rémission des péchés dans le sacrement de réconciliation. Parce que ces trois actes qui naissent de la vertu de pénitence (bien que non également immédiatement et principalement), sont nécessaires de la part du pénitent, elles sont donc trois parties de la pénitence.

Il faut noter ensuite que ces trois parties de la pénitence ne sont pas requises seulement en relation au sacrement, mais qu’elles sont nécessaires, à leur façon, même en dehors du sacrement, et qu’elles ont été nécessaires dans toute la loi. J’ai écrit « à leur façon » , pour deux raisons. La première, parce que, en dehors du sacrement, n’est requise ni la confession de tous les péchés qui se fait à un prêtre, ni la satisfaction imposée par un confesseur. Mais elle suffit la confession générale adressée à Dieu, et la satisfaction entreprise spontanément par des bonnes œuvres. Car, si à cause de contraintes temporelles, ou pour une raison légitime, quelqu’un est empêché de se confesser ou d’accomplir la pénitence imposée, la contrition intérieure suffira pour le salut. Troisièmement, il faut observer qu’il n’appartient pas à ce chapitre de disserter avec précision sur les trois parties. C’est dans le livre suivant que nous nous acquitterons de cela. Pour l’instant, il nous semblera avoir satisfait à notre chiffre, si, avec l’aide des divines lettres, les témoignages des pères, et des raisons convenables, nous pouvons que la contrition, la confession et la satisfaction sont, au moins en général, des actes de la vertu de pénitence, et donc des parties et des membres de la pénitence actuelle.

Que la contrition appartienne à la pénitence, l’Écriture l’enseigne souvent. Deut 1V : « Quant tu chercheras ton Seigneur, tu le trouveras, si toutefois tu le cherches de tout ton cœur, de toute la tribulation de ton âme » Joël 11 : « Déchirez vos cœurs ! » Psaume 1 : « Un cœur contrit et humilié tu ne le mépriseras pas. » Que la confession soit une partie de la pénitence, c’st quelque chose qui ressort de plusieurs passages. Nombres 5 : « Quand l’homme ou la femme commettront de ces péchés que les humains ont coutume de faire, ils confesseront leurs péchés etc. » Psaume 31 : « J’ai dit, je confesserai contre moi mon injustice envers le Seigneur. » Matthieu 3 : « Ils étaient baptisés par lui dans le Jourdain, en confessant leurs péchés. » Actes 19 : « Plusieurs croyants venaient en confessant et prononçant à haute voix leurs actions. » 1 Jean 1 : « Si nous confessons nos péchés, Dieu qui est fidèle et juste nous remettra nos péchés. » Enfin, la satisfaction par des actions pénibles est souvent rappelée par l’Écriture. 11 Esdras 1X : « Les fils d’Israël furent d’accord pour jeûner, pour se revêtir de sacs de patate, pour mettre de la cendre sur leur tête, et confesser leurs péchés. » Daniel 4 : « Rachète tes péchés par les aumônes ! » Jean 11 : « Retournez-vous vers mois de tout votre cœur, dans le jeûne, les larmes et les lamentations ! » Matthieu 11 : « Autrefois ils faisaient pénitence sur la cendre et le cilice. »

On peut ensuite démontrer la même chose par des exemples tirés de l’Écriture. Illustre est l’exemple de David (2 Rois 24). Quand David ordonna la recension du peuple, il pècha par orgueil. Et, décrivant sa pénitence, l’Écriture dit : « Le cœur de David battit très fort , et il dit : « J’ai grandement péché dans cette affaire, (voilà la contrition), mais je te prie, Seigneur, de transférer l’iniquité de ton serviteur, parce que j’ai agi trop sottement. » Et un peu plus bas : « C’est moi qui ai péché, c’est moi qui ai agi avec iniquité. Eux, qui sont des brebis, qu’ont-ils fait ? Retourne, je t’en prie, ta main contre moi. » Et un peu après, il offrit un sacrifice, et le Seigneur s’apaisa. Apparaissent, dans ce texte, la satisfaction par la prière, la soumission aux fléaux du Seigneur, et en fin l’oblation du sacrifice. L’autre exemple est celui des Ninivites, dont le Seigneur a loué la pénitence, dans l’évangile, en Matthieu 12. Voici comment elle est décrite en Jonas 3 : « Que les hommes se détournent de leur mauvaise voie, (voilà la contrition), qu’ils crient au Seigneur avec force (la confession), que les hommes et les animaux ne goûtent rien ni ne broutent rien, ne boivent pas d’eau et se couvrent de sacs de jute (voilà la satisfaction.) »

Le troisième exemple, nous l’avons dans l’évangile selon saint Luc, où on nous présente un publicain pénitent qui, en signe de contrition, n’ose pas même lever les yeux au ciel. Il confesse son péché en disant : « Dieu sois propice à moi, pécheur ! » Et il se frappait la poitrine (ce qui se rapporte à la satisfaction). Ce cas est semblable à celui de l’enfant prodigue, (Luc 15), qui revient à soi et déteste son état de pécheur. Ensuite, il se confesse en disant : « Père, j’ai péché contre le ciel et contre toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils, traite-moi comme un de tes serviteurs ! »

On peut prouver la même vérité avec les témoignages des pères de l’Église. Mais c’est quand nous traiterons plus bas des trois parties, qu’il conviendra de présenter des témoignages des pères. Contentons-nous donc pour le moment de textes où il est fait mention des trois parties de la pénitence. Tertullien, dans son livre sur la pénitence, après avoir dit, au sujet de la contrition, que le pénitent doit gémir, pleurer et se lamenter pendant des jours et des nuits; et au sujet de la satisfaction, qu’il doit revêtir un sac, s’asseoir sur la cendre et un cilice, prier, s’infliger toutes sortes de mortifications, ajoute au sujet de la confession : « Il confesse tous ses péchés, pour commander la pénitence, pour honorer Dieu par une peur particulière, pour détourner l’indignation de Dieu en se reconnaissant pécheur. » Et un peu après : « Donc, quand elle (la confession) abaisse un homme, elle le relève encore plus haut; quand elle le déclare pollué, elle le rend encore plus pur; quand elle accuse, elle excuse, quand elle condamne, elle absout. » Saint Cyprien (dans son sermon sur les tombés) : « Comme elles sont plus grande la foi et la crainte de ceux qui sans être contraints par aucun crime de sacrifice ou livraison de bibles, mais simplement parce qu’ils l’ont désiré, font un examen de conscience, déposent le fardeau de leur âme, et recherchent un médicament salutaire même pour de petites blessures ».

Ce passage te montre que la foi et la crainte ne sont pas des parties, mais des causes de la pénitence; et qu’il y a trois parties distinctes : la contrition (pleurant) , la confession (ils confessent) et la satisfaction (ils cherchent un remède salutaire pour leurs blessures. » Saint Jean Chrysostome (dans son sermon sur la pénitence, qui se trouve dans le cinquième tome après la dixième homélie sur la pénitence), écrit : « La contrition est dans le cœur, la confession dans la bouche, et l’humilité en toute œuvre : voilà la pénitence parfaite et fructueuse. » Saint Augustin (traité sur le psaume 146, dit en expliquant le verset « qui guérit les cœurs contrits » : « Il guérit ceux qui ont le cœur contrit, ceux qui se confessent, ceux qui se punissent eux-mêmes. » Tu les vois ici clairement les trois parties de la pénitence.

Restent encore les raisonnements tirés de la nature de la pénitence. Car la pénitence dont nous parlons ici n’est pas n’importa laquelle détestation ou punition du péché, mais une détestation et une punition du péché en tant qu’il est une offense faite à la majesté divine, et en tant qu’elle est ordonnée à enlever le péché et à restituer l’amitié avec Dieu. » Voilà pourquoi dans les Actes, la pénitence est appelée pénitence pour Dieu. Et dans les Actes 26, elle est unie avec la conversion à Dieu. Et souvent dans les saintes lettres, et surtout dans Ézéchiel (18 et 23), la fin de la pénitence est appelée justification et réconciliation. La différence qu’il y a entre la justice vindicative et la pénitence réconciliatrice, c’est qu’il suffit à la justice que le coupable purge la peine imposée par un juge, qu’il la fasse de bon gré ou de mauvais gré, qu’il l’approuve ou ne l’approuve pas. Mais, pour la pénitence réconciliatrice, elle doit être faite spontanément et de plein gré par celui qui a fait du tort, et elle doit être laissée au jugement de celui qui a été lésé. Voilà pourquoi on doit exiger d’abord de celui qui a péché qu’il s’attriste d’avoir péché et d’avoir violé l’amitié. Car comment désirerait-il récupérer l’amitié celui qui ne se désole pas de l’avoir perdue ? Qu’il se soumette donc à la peine que lui infligera Dieu qui est celui qui a été lésé. Et parce que Dieu agit pour nous par ses ministres, il faut donc que celui qui a péché se soumette spontanément à l’homme qui tient la place de Dieu. Cela ne peut pas se faire sans que, par la confession, il révèle ses fautes, et reçoive la pénitence qui lui sera imposée. Il ya donc trois choses nécessaires : la détestation du péché avec le ferme propos de mener une vie meilleure, ce qui s’appelle la contrition, la confession et la satisfaction.

Guidés par la nature, nous les voyons tous les jours ces trois parties de la pénitence, quand les enfants retournent en grâce avec leurs parents, les serviteurs avec leurs maîtres, les femmes avec leurs maris. Ne donnent-ils pas des signes de douleur ? N’avouent-ils pas leur péché ? Ne se soumettent-ils pas à des punitions ? Ne demandent-ils pas le pardon ? Voici ce que dit Cicéron (dans le pro Ligarius) : « Aux juges : on a coutume de parler ainsi : il ne l’a pas fait, il n’a pas pensé cela, ce sont de faux témoins, un crime fictif. Aux parents : j’ai erré, j’ai agi témérairement, je me repens, je me réfugie dans ta clémence, je demande la pardon du délit, je te supplie de pardonner. » Les saintes lettres enseignent, non dans un seul endroit, que Dieu, pour les hommes, tient la place d’un père et d’un seigneur. En conséquence, la pénitence et la conversion à Dieu ne doit pas être différente de celle d’un fils qui retourne à son père, d’un serviteur à son maître, d’une femme à son mari. Isaïe 63 : « Tu es notre père. Abraham ne nous a pas connus, et Israël nous a ignorés. Toi Seigneur, tu es notre père, notre rédempteur, ton nom est séculaire. » Psaume 122 : « Comme les yeux des esclaves sont sur les mains de leurs maîtres, comme les yeux de la servante sont sur les mains de sa maitresse, ainsi nos yeux sont sur le Seigneur notre Dieu, jusqu’à ce qu’il ait pitié de nous. » Jérémie 3 : « Tu as forniqué avec beaucoup d’amants, reviens, quand même, vers moi, dit le Seigneur. »

Enfin, on ne devrait pas mépriser la ressemblance qu’il y a entre les choses suivantes : comme il y a trois instruments du péché, le cœur, la langue et la main, car nous péchons avec le coeur, la parole et l’action, pareillement, il y a trois instruments de la pénitence. Contre le péché du cœur, il y a la contrition, contre le péché de la bouche, il y a la confession, et contre le péché en acte il y a la satisfaction. Saint Paul ne dit-il pas : « Comme nous avons utilisé nos membres pour servir l’impureté, et l’iniquité pour servir l’iniquité, servons-nous maintenant de nos membres pour satisfaire à la justice. »

CHAPITRE 20

Nous répondons aux arguments des adversaires

Nous avons encore à répondre aux objections que nous font nos adversaires contre la doctrine que nous venons d’expliquer, et qu’ils essaient de nous imposer. Tout d’abord, Jean Calvin (livre 3, chapitre 3, verset 8) prouve qu’il y a deux parties de la pénitence avec les textes de l’Écriture suivants : « Reposez-vous des actions perverses, apprenez à bien faire ! » Isaïe 1 : « Détourne-toi du mal, et fais le bien ! » Je réponds que le passage d’Isaïe répugne à la sentence de Calvin. Car, après ces paroles, Isaïe ajoute : « Si leurs péchés étaient rouge écarlate, ils seront blancs comme la laine. » La pénitence qui contient la détestation des péchés passés et le ferme propos d’une vie meilleure ne se trouve pas après la justification, comme Calvin le veut, mais avant. Il n’enseigne pas non plus qu’elle est le fruit de la pénitence, mais la cause. En ce qui a trait à l’autre citation, les parties qui sont énumérées là ne sont pas celles de la pénitence, mais de la justice. Car, la pénitence appartient aux pécheurs, selon cette parole du Seigneur : « Je ne suis pas venu appeler les justes à la pénitence, mais les pécheurs ». Or, se détourner du mal et faire le bien est le propre des justes. C’est donc à contre temps et à contre sens que Calvin confond la pénitence avec la justice. Car jamais, dans l’Écriture, on appellera pénitence le détournement du mal et l’accomplissement de bonnes actions. Elle est plutôt associée avec les pleurs, la cendre, le cilice, les aumônes et les jeûnes. Voilà ce qui purifie des maux passés.

Deuxièmement. Le même Calvin (livre 3, chapitre 4, verset 1), nous objecte qu’en assignant trois parties à la pénitence, nous détruisons la définition de la pénitence, celle qu’il dit avoir été tirée des pères. Car, voici ce qu’on lit dans le maître des sentences (livre 4, dist 14), et dans le décret de Gratien (dist 3 sur la pénitence) : « Pleurer les péchés commis dans le passé, et ne plus commettre ce que l’on doit pleurer. » De même : « Pleurer les maux passés, et ne plus commettre ce que l’on doit pleurer. » De même : « Punissant en lui-même, par la vindicte, ce qu’il regrette avoir commis. » Sentences qu’il dit avoir tirées de saint Grégoire, de saint Ambroise, de saint Augustin. La répartition entre la contrition, la confession et la satisfaction ne semble pas convenir à ces définitions. Car, quelqu’un peut très bien pleurer ses péchés, ne plus commettre ce qu’il doit pleurer, et punir en lui ce qu’il regrette avoir commis, sans confesser ses péchés de bouche. Réponse. Nous avons expliqué plus haut en quel sens les théologiens enseignent qu’il y a trois parties de la pénitence. Ce sont trois parties essentielles qui sont exigées pour la rémission des péchés dans le sacrement de réconciliation. Car, nous avons montré ailleurs qu’il peut facilement se faire qu’en dehors du sacrement de pénitence, quelqu’un soit justifié par une pénitence interne du cœur sans la confession et la satisfaction. Voilà pourquoi la répartition tripartite de la contrition n’entrera jamais en conflit avec la première et la deuxième définition, si la parole de pénitence est reçue d’une autre manière.

Dans la première et dans la deuxième définition, le mot pénitence est pris au sens de contrition, laquelle est le premier acte de la vertu de pénitence. Ensuite, la voix de la pénitence est prise pour l’action intégrale de la pénitence. La troisième concorde assez bien avec la division tripartite, puisque la contrition et la satisfaction sont exprimées clairement, car la douleur appartient à la contrition, et la vindicte à la satisfaction. La confession n’a pas été incluse obscurément dans la satisfaction. Car, comme la satisfaction doit être faite selon la décision de la partie lésée, on doit nécessairement comprendre qui celui qui a fait du tort se soumet, par une humble confession, à la personne qu’il a lésée, ou plutôt au ministre ou à l’arbitre, qui se trouve présent sur terre à sa place. Or les ministres ou arbitres ne peuvent imposer de justes pénitences que s’ils connaissent, par la confession, ce qu’est la faute.

La troisième objection et les suivantes sont de Kemnitius. (1 par examen page 942 et les suivantes). Kemnitius (comme les autres luthériens) prouve de la façon suivante que les deux parties de la pénitence sont les terreurs de l’âme et la foi : « La loi divine menace de punitions les pécheurs qui transgressent les préceptes de Dieu : elle terrorise donc les pécheurs. L’évangile ensuite les console par la justice du Christ proposée, et la satisfaction qui est appréhendée par la foi. Il y a donc deux parties de la pénitence : la terreur et la foi. Il confirme l’argument dans son ensemble par ces paroles de l’Écriture (Marc 1) : «Faites pénitence, et croyez dans l’Évangile. » Luc (dernier chapitre ) : « Il faut prêcher la pénitence et la rémission des péchés en mon nom. » Actes XX : « Attestant aux Juifs et aux Gentils la pénitence en Dieu, et la foi dans notre Seigneur Jésus-Christ. » Je réponds qu’il est tout à fait vrai que la loi menace et que l’évangile console. Mais il ne s’ensuit pas que les terreurs et la foi soient des parties de la pénitence. Car autre est être terrorisé, ce qui convient aussi aux démons; autre se repentir ou faire pénitence, ce qui ne leur convient pas du tout. La consolation que l’évangile apporte suit la pénitence, ou l’accompagne. Mais il ne faut pas, pour autant, en faire une partie de la pénitence. 

Ensuite, il ne suffit pas de montrer, avec des textes de l’Écriture, que les terreurs ou la consolation, ou la foi jouent un rôle dans la conversion ou la justification des pécheurs, ce que nous ne nions pas. Il faut prouver en même temps qu’on ne peut nommer parties de la pénitence que ces deux seules choses, --ce qui , jusqu’à présent, n’a pas encore été prouvé. En ce qui a trait aux citations de saint Marc, de saint Luc et de saint Paul alléguées, nous avons déjà répondu qu’elles plaident en notre faveur, puisqu’elles distinguent la pénitence de la foi. La conclusion s’impose : Paul prêche la pénitence et la foi. La foi n’est pas une partie de la pénitence, comme la pénitence n’est pas une partie de la foi.

La quatrième objection de Kemnitius : « Puisque le sacrement est un signe visible, les parties du sacrement de pénitence doivent être visibles. Donc, par contrition on doit entendre non la douleur interne de l’âme, mais les signes externes de douleur. Et, par confession, non ce qui est fait à Dieu mais à l’homme. Or, les signes de douleur et la confession qui se fait à un homme, aucun texte de l’Écriture ne prouve qu’ils sont nécessaires à la rémission des péchés. Ces deux parties ont donc été excogitées sans témoignage de l’Écriture. De plus, par satisfaction, les pontifes entendent des œuvres indues, c’est-à-dire non commandées par la parole de Dieu. Donc, toutes ces parties de la pénitence n’ont pour elles aucun texte de l’Écriture.

Je réponds que les signes de douleur sont si souvent recommandés dans l’Écriture et sont tellement exigés pour la pénitence, qu’on comprend mal comment Kemnitius cherche à nier une chose aussi évidente. Que penser donc de ce que dit le prophète (Joël 2,2): « Convertissez-vous à moi de tout votre cœur dans le jeûne, les pleurs et les lamentations ! » Les pleurs et les lamentations ne sont-ils pas des signes évidents de douleur ? Que la confession sacramentelle doive, de droit divin, comporter l’énumération de tous les péchés, nous le prouverons dans la livre suivant. Que, même dans l’ancien testament et le nouveau, une confession visible, au moins générale, devait avoir lieu et a eu lieu, nous l’avons prouvé avec l’Écriture dans le chapitre précédent. Donc les œuvres non dues, même non commandées absolument, sont commandées dans les divines lettres à ceux qui ont péché et qui désirent faire pénitence, des choses non dues, donc, pour les choses dues, Daniel 4 : «Rachète tes péchés par des aumônes. » Joël 2 : «Convertissez-vous à moi …dans le jeûne. » Mais, là-dessus, nous avons déjà dit beaucoup de choses, et nous en reparlerons encore, plus bas, en son temps. Il suffit, pour l’instant, d’avoir montré, que les parties visibles de la pénitence sont fondées sur la parole de Dieu.

La cinquième objection du même : « Les parties de la pénitence qu’ont énumérées les pontifes, les hypocrites peuvent les singer et les exhiber. Et pourtant, c’est à ces choses qu’ils attribuent la rémission des péchés. » Je réponds que si cet argument vaut, il renverse non seulement les parties de la pénitence, mais aussi le baptême et l’eucharistie. Car, le baptême t l’eucharistie, les hypocrites peuvent aussi les recevoir, ce qui n’empêche pas Kemnitius d’attribuer à ces sacrements la rémission des péchés. S’il répond que les sacrements du baptême et de l’eucharistie peuvent être reçus par des hypocrites et avoir quand même le pouvoir de remettre les péchés, mais qu’ils ne les remettent qu’à ceux qui les reçoivent sérieusement et comme il faut, qu’il se réponde à lui-même la même chose pour le sacrement de la pénitence. Car, même si la contrition, la confession et la satisfaction peuvent être simulées par des hypocrites, les trois parties auxquelles se joint la formule de l’absolution remettent les péchés, mais non à ceux qui font semblant de les posséder, mais à ceux qui après avoir sérieusement fait pénitence, s’être confessés, sont prêts à accomplir la pénitence imposée par le prêtre.

La sixième objection du même : « Judas a été privé de cette foi spéciale, quand il avait les trois parties de la pénitence, la contrition, la confession et la satisfaction. Mais il s’est pourtant pendu. » Je réponds que le même Judas qui s’est pendu avait été baptisé, avait communié au corps et su sang du Christ. Faudra-t-il, à cause de cela, nier la vertu du baptême et de l’eucharistie, uniquement parce que ces sacrements n’ont été d’aucun profit pour Judas ? D’ailleurs, ce n’est pas parce que Judas a été privé de cette foi spéciale que sa pénitence a été inutile. L’Écriture, en effet, nous en donne un témoignage évident quand, en Jonas 3, elle atteste que les Ninivites ont fait une pénitence profitable, sans pourtant posséder cette foi spéciale. Ne disaient-ils pas : « Qui sait si Dieu ne changera pas d’idée, s’il ne pardonnera pas ? » Ensuite, il est faux que Judas eut les trois parties que les catholiques requièrent dans le sacrement de pénitence. Au contraire, il n’en eut aucune. Il n’eut pas la confession que l’Église exige, celle de chacun de ses crimes, et faite de surcroit à un prêtre pour obtenir le pardon. Il n’eut pas la satisfaction, surtout cette qui est imposée par le confesseur. Et il ne lui avait pas été prescrit de se pendre pour accomplir la pénitence imposée. Le suicide, enfin, n’est pas une œuvre bonne, comme doivent être les satisfactions.

La septième objection : « Cette trine énumération des parties de la pénitence est tirée des rites de la pénitence publique. Après que ces rites aient été en partie abrogés, en partie amendés, l’énumération tripartie a été, gauchement intégrée à la doctrine générale de la pénitence. Je réponds qu’on pourrait ignorer ces pseudos objections puisqu’elles ne s’appuient sur aucune raison et sur aucun témoignage. Je prendrai quand même la peine de réfuter par un mot cette calomnie. Comment a-t-on pu intégrer ces trois parties à la doctrine générale de la pénitence puisqu’elles ont été en usage dans l’ancien testament, comme nous l’avons montré par l’exemple de David et celui des Ninivites; et puisqu’elles sont déduites de la notion et de la nature de la pénitence elle-même, comme nous l’avons démontré un peu avant. Que le rite de la pénitence publique ait été institué sur la terre après l’ascension du Christ au ciel, personne, je pense, n’osera le nier. Or, quand les anciens faisaient mention de la pénitence, ils parlaient de la pénitence publique et privée, comme je le montrerai au chapitre suivant. Comment Kemnitiius a-t-il prouvé que cette triple énumération venait de la pénitence publique plutôt que de la pénitence privée ?

La huitième objection. « En plusieurs endroits les anciens parlent de la pénitence, non en tant qu’elle recherche et reçoit la rémission des péchés, mais en tant qu’elle est un changement de vie. Ne tenant pas compte de ce fait, les moines ont fabriqué trois parties de la pénitence, par lesquelles on est censé acquérir la rémission des péchés. » Je réponds que si Kemnitius lisait attentivement les anciens pères, il ne se prononcerait pas avec une telle témérité. Car, pour ne pas parler de la confession dont les pères parlent souvent, elle n’a rien à faire avec le changement de vie. Je n’insisterai pas non plus sur ce que les jeûnes, les larmes, les cendres, les cilices, les sacs ou tous les instruments de pénitence dont les pères parlent fréquemment, sont référés ouvertement aux châtiments infligés pour les péchés passés, et non au changement de vie. Tu ne trouveras rien de plus souvent exprimé chez les pères que cette vérité : la rémission des péchés s’acquiert par ces trois parties de la pénitence.

« Par la pénitence, dit Tertullien (dans son livre sur la pénitence), Dieu est apaisé. » Saint Cyprien (dans son sermon sur les tombés dans la persécution), écrit : « Autant nous avons péché, autant nous devons pleurer. Plus profonde sera la plaie, et plus long le traitement. » Tu vois là que la pénitence est un médicament d’un péché passé, et non le seul changement de vie. Saint Ambroise (dans la préface au psaume 37) : « Qui hésitera à affliger son âme comme l’a fait un si grand prophète, en payant le prix des larmes pour la rédemption du péché ? » Saint Augustin (épitre 54 à Macédonius) : « Ceux que nous écartons de l’autel pour qu’ils puissent apaiser par la pénitence, et en se punissant eux-mêmes, celui qu’ils ont méprisé en péchant. » Mais pourquoi m’attarder dans les pères ? L’Écriture n’enseigne-t-elle pas la même chose ? Qu’est-ce donc qu’Ézéchiel a dit (au chapitre 18) : « Si un impie fait pénitence…. je ne me souviendrai plus de toutes ses iniquités. » Et Daniel (chapitre 4) : « Rachète tes péchés par des aumônes !’ Cela devrait suffire pour les objections. Quant à ses mensonges sur la foi qu’il accuse, en mentant, les catholiques de condamner, ils ont été déjà expliqués et réfutés au chapitre 6.

juillet CHAPITRE 21

La troisième division de la pénitence en privée, publique et solennelle

Voici l’ultime division de la pénitence. Nous aurons à l’expliquer brièvement, parce que quelques-uns de nos adversaires semblent à peine reconnaître d’autre pénitence que la pénitence publique. La pénitence publique se distingue de la privée, en ceci qu’on appelle publique celle où le péché commis a été rendu public, et où, pour cette raison, la satisfaction ecclésiale se fait publiquement. On appelle privée celle où le péché n’est révélé qu’à un prêtre, et où la pénitence ou la satisfaction est, sur l’ordre du prêtre, faite privément ou en secret. Il s’ensuit donc que les péchés publics relèvent de la pénitence publique, et les péchés privés de la pénitence privée. Il n’est pas permis de rendre public un péché occulte, ou, pour un péché occulte, d’imposer une pénitence publique qui le ferait connaitre à tous. Cela découle de la lettre de saint Léon 80 aux évêques de Campanie, dans laquelle il réprouve l’abus commis par certains qui rendaient publics, devant toute l’église, des péchés commis en secret, qui n’avaient été entendus qu’en confession. 

Et de cette autre lettre de saint Léon (92 à l’évêque Rustique de Narbonne). Il lui dit que doit faire une satisfaction publique de pénitence un moine qui, après avoir défroqué, passe à l’armée ou à la vie conjugale, car ce péché ne peut pas être occulte. Il est clair que, quand, dans ce passage, il parle de la pénitence publique, il signifie en même temps que la pénitence privée est une pénitence autre. Entre une pénitence solennelle et non solennelle, il y a plusieurs différences, même si on ne trouve pas facilement ce mot chez les anciens, mais seulement dans Gratien (pénitence dist 3 canon nihil prodest), et dans le maître des sentences (livre 4, sent dist 14) et dans leurs commentateurs respectifs. Tout d’abord, la pénitence solennelle qu’Augustin (épitre 54) appelle la plus humble, et que saint Ambroise et d’autres pères ont ordinairement publique, avait coutume de n’être imposée que pour les crimes les plus graves, qui avaient troublé toute une ville, ou avaient causé un grand scandale. Le concile 3 de Carthage, parlant dans le canon 32 de la pénitence solennelle dit : « Au pénitent dont le crime aura été public et notoire, et qui aura troublé toute l’Église, on imposera les mains avant l’abside. » Après avoir enseigné que les pénitents ne peuvent pas accéder à la cléricature, le concile de Toulouse 1 (canon 2) ajoute : « Le pénitent dont nous parlons c’est celui qui, après le baptême, aura été réconcilié à l’autel divin, après avoir fait une pénitence publique pour un homicide ou de très graves crimes »

Origène (homélie 15 sur le Lévitique), saint Ambroise (livre 2 sur la pénitence, chapitre 10) et d’autres écrivains conviennent que ce n’est que pour des crimes très graves qu’on pouvait imposer cette pénitence, qui ne pouvait pas être réitérée. La pénitence publique qui n’est pas solennelle avait coutume d’être imposée pour n’importe laquelle sorte de péchés publics, même s’ils n’étaient pas si graves, et s’ils n’avaient causé aucun scandale. Secondement, la pénitence solennelle n’était concédée qu’une seule fois, comme il appert d’Origène (homélie 15 sur le Lévitique), de saint Ambroise (livre 2 sur la pénitence, chapitre 10), et de saint Augustin (épitre 54). Et cela pour deux raisons. La première, que nous donne saint Augustin, « de peur que soit moins utile au malade un remède qui a été avili, lequel est d’autant plus salutaire qu’il a été moins méprisé ». L’autre raison qu’insinue saint Ambroise, et que saint Thomas explique plus clairement (4 dsit 14, quest 1 art 5) est que la pénitence solennelle est une sorte de profession solennelle de ne pas retourner de nouveau à des scandales publics, comme le baptême est une profession solennelle de ne pas retourner à l’infidélité; et que, comme il n’y a qu’un seul baptême, il n’y a qu’une seule pénitence solennelle. 

Et c’est peut-être ce qu’a voulu dire Tertullien quand (dans son livre sur la pénitence), il appelle la pénitence une seconde planche de salut après le naufrage, non une troisième ou une quatrième. La pénitence publique, elle, pouvait être faite plusieurs fois, comme les mêmes auteurs nous le font savoir. Qu’est-ce qui arrivait à ceux qui, après une première pénitence solennelle, retombaient dans les mêmes crimes ou dans de pires encore, le pape Siricius nous l’explique (épitre 1, chapitre 5) en ces mots : « Parce qu’ils ne sont pas autorisés à faire pénitence, voici ce que nous pensons devoir être fait : qu’ils soient admis dans l’église avec les fidèles pour la prière; qu’ils assistent à la célébration sacrée des mystères, même s’ils ne le méritent pas, qu’ils soient tenus éloignés de la sainte table du Seigneur, pour que, affligés par cette exclusion, ils châtient en eux leurs erreurs, et qu’ils donnent aux autres l’exemple au fur et à mesure où ils se retirent des cupidité obscènes. Mais, quand ils commenceront à se diriger vers le Seigneur, nous voulons que, à la façon d’un viatique, ils soient fortifiés par la grâce de la communion. »

Troisièmement. La pénitence solennelle ne pouvait pas être imposée aux prêtres; et ceux qui avaient fait la pénitence solennelle ne pouvaient pas être promus aux ordres. Il nous reste, à ce sujet, un témoigne ou un décret du pape Siricius (dans son épitre à Himerius, évêque de Terrracone (chapitre 14) : « Il nous a semblé équitable de pourvoir à ce que, comme il n’est pas concédé de faire la pénitence à aucun des clercs, il ne soit pas non plus permis à aucun laïc d’accéder aux honneurs de la cléricature, après une pénitence ou une réconciliation. » Nous avons la même chose dans le concile de Carthage 4 (canon 68), le concile 5 (canon 11), de Tolède 1, canon 2, et dans Innocent 1 (épitre 92 à Rustique, évêque de Narbonne, au chapitre 2.) On ne peut pas mettre en doute que les prêtres pouvaient être condamnés à une pénitence qui bien que ne se faisant pas devant le peuple, pouvait quand même être, d’une certaine façon, publique, même si non solennelle. Car, ils pouvaient aussi être excommuniés, et être envoyés dans des monastères pour faire pénitence, ce que saint Léon (dans le texte cité) appelle une séparation privée, parce que la pénitence se faisait dans un lieu privé, même s’il pouvait être par ailleurs être connu et public, comme l’est un monastère. Et Clément 3 (dans son chapitre quaesitum de penitentia et de remssione), écrit qu’on ne doit pas imposer de punition publique à un prêtre, à moins que son crime n’ait été public. Ce qui nous fait comprendre que, pour un péché public, une pénitence publique pouvait être imposée à un prêtre, pourvu qu’elle se fasse non solennellement.

Il n’est pas improbable, comme le veulent certains, qu’on ait pu imposer une pénitence solennelle à un prêtre déposé, puisqu’un prêtre déposé est censé être retourné à l’ordre des laïcs. Car, saint Cyprien (livre 3, épitre à Fides), reproche à l’évêque Teraphius d’avoir donné la paix à un certain prêtre du nom de Victor, avant l’expiration du temps de sa pénitence, sans demande du peuple, sans la pression d’aucune infirmité ou nécessité. » Quatrièmement. La pénitence solennelle ne pouvait pas être imposée à des conjoints sans leur consentement mutuel, comme le montre le concile d’Arles 2 (canon 2). La raison en est qu’aux pénitents était interdit le devoir conjugal, et même les noces s’ils n’étaient pas mariés, comme nous le montre le même concile d’Arles (canon 21), le concile de Tolède 6, canon 8, et l’épitre 92 de saint Léon, chapitre 12. Pour la même raison, on ne concédait pas facilement aux jeunes la pénitence solennelle, comme il appert du concile d’Agathe (chapitre 15), et du chapitre 19 du concile d’Aurélien. Cela n’avait pas lieu dans la pénitence solennelle.

Cinquièmement. La pénitence solennelle était imposée par le seul évêque, et par l’évêque qui rendait la paix aux pénitents. Cela n’était pas permis aux prêtres, sauf en l’absence d’un évêque, dans un cas urgent. C’est ce que nous montre le concile de Carthage 2 (canon 4), le concile de Carthage 3 (canons 31 et 32), et d’autres canons qu’on lit de temps en temps dans les conciles. Cette faculté n’a même pas été concédée aux chorépiscopes, comme l’atteste saint Léon, dans son épitre 86. La pénitence non solennelle les prêtres pouvaient l’imposer, et ils pouvaient aussi réconcilier les pénitents. Sixièmement. Des rites nombreux et différents étaient employés pour la pénitence solennelle; et ils n’étaient pas semblables aux rites de la pénitence privée ou même publique non solennelle. C’est de ces rites que nous parlerons brièvement dans le prochain chapitre.

CHAPITRE 22 : Les rites de la pénitence solennelle

Étant sur le point de décrire, avec ma brièveté coutumière, les rites de la pénitence solennelle, je parlerai du nom de la pénitence, de l’habit, du lieu, du temps, et des peines. Le nom de pénitents était celui d’un ordre, comme le nom de clercs ou de catéchumènes. Les chrétiens ont été d’abord répartis en deux groupes, qui étaient comme des ordres : les fidèles et les catéchumènes. « Aux catéchumènes, écrit saint Augustin (traité 96 sur saint Jean) les sacrements des fidèles ne sont d’aucun profit. » Il y avait ensuite deux classes de catéchumènes, les uns étant des auditeurs, et les autres des compétents ou élus. Il y avait trois classes de fidèles. La première, celle des clercs, qui comprenait tous les ordres des ecclésiastiques. La deuxième, celle des laïcs, qui retinrent leur nom, car ils ne purent pas en trouver de plus excellent. La troisième, celle des pénitents, qui, bien qu’ils aient été des fidèles, étaient, à cause de leurs fautes, séparés des autres fidèles, et, comme s’ils étaient rejetés dans la sentine de l’église, ils portaient un nom particulier.

Pacianus (dans sa parénèse sur la pénitence) dit, en distinguant les pénitents des fidèles : « On a pourvu à ce que les catéchumènes ne passent pas aux fidèles, et aux fidèles à ce qu’ils ne retournent pas aux catéchumènes. Quant aux pénitents, il faut travailler pour qu’ils parviennent rapidement au fruit de cette œuvre. » Et saint Augustin (livre 1 des homélies, homélie 49) : « Ce que je dis aux compétents et aux fidèles, que les pénitents l’entendent. Car, ce que je dis aux fidèles, je le dis aussi aux compétents et aux pénitents. » Et, (dans son livre sur la sainte virginité, chapitre 48), il écrit : « Il enseigna à prier à tous les chrétiens, depuis les apôtres jusqu’aux derniers pénitents, d’une extrémité à l’autre. » Saint Jérôme (dans sa lettre à Océanus sur la mort de Fabiola), écrit « qu’elle a fait partie de l’ordre des pénitents. » Le concile de Tolède 1 (canon 2) a déclaré aussi, comme nous l’avons montré plus haut, qu’on n’appelle pas proprement pénitents n’importe quel pécheur qui fait pénitence, mais ceux-là seuls qui ont fait une pénitence publique, ou comme disent les nôtres, une pénitence solennelle.

L’habit des pénitents était surement tel qu’on puisse le distinguer des autres. Un vêtement de couleur sombre, un cilice, un crâne rasé, sauf pour les femmes. Plusieurs auteurs en ont gardé le souvenir. Tertullien (dans le livre sur la pénitence), Optatus (livre 2, près de la fin), saint Ambroise (livre sur la vierge tombée, chapitre 8), saint Jérôme (dans son épitaphe à Fabiola), le concile d’Agathe (canon 15) ordonne de ne pas admettre à la pénitence ceux qui n’ont pas déposé leur chevelure, ou qui n’ont pas changé d’habit. Le concile de Tolède 3 (canon 12) ordonne la même chose, mais à l’exception des femmes qui ne doivent pas raser mais voiler leur tête.

Le lieu des pénitents variait selon la variété des crimes. Saint Grégoire de Néocésarée, dans son épitre canonique, qu’on a coutume d’ajouter aux canons de Photius, écrit qu’il y a eu cinq lieux de pénitence. Le premier c’est-à-dire, l’infime et le plus éloigné de l’autel, se situe à l’extérieur des portes de l’église. On l’appelait proklausis du mot larme. Ceux qui étaient maintenus là n’avaient pas le droit d’entrer dans l’église, mais pleuraient devant les portes, et demandaient les prières des fidèles. L’autre lieu était à l’intérieur des portes où les pénitents pouvaient écouter la parole de Dieu avec les catéchumènes auditeurs, mais n’étaient par admis à prier avec les compétents, et ce lieu tirait son nom du verbe écouter : « upopterôsis, comme une contemplation des choses surnaturelles. Le quatrième lieu était pour ceux qui demeuraient avec les fidèles, quand on célébrait le sacrifice, mais qui ne communiaient pas à l’autel. Et ce lieu tirait son nom de se tenir debout : sustasis. Le cinquième lieu était celui de tous ceux qui avaient terminé leur pénitence, et qui n’attendaient que le moment de la réconciliation. Car les pénitents n’étaient réconciliés, au cours d’une cérémonie solennelle, que le jeudi saint, pendant la cène du Seigneur, comme nous le montrerons un peu plus tard. Le nom de ce lieu était tiré du mot accomplissement, achèvement, mistôsis. 

Ce qui nous fait comprendre que certains pénitents étaient placés après tous les catéchumènes, d’autres au même endroit, d’autres avant. D’autres pénitents étaient rejetés au fond de l’église, comme disait saint Augustin dans la sainte virginité, chapitre 18 : « Des apôtres jusqu’au derniers pénitents, etc. » En ce qui a trait au temps, la pénitente publique était imposée le mercredi des cendres, comme l’atteste le concile d’Agathe, chapitre 15, au témoignage de Gratien, (dist 50, canon in capite). Car, ces paroles on ne les trouve pas dans les canons connus de ce concile. Nous avons donc un vestige de ce rite dans la consécration et l’aspersion de la cendre, qui a coutume de se faire pendant ce jour. Et bien qu’un temps plus court ou plus long de pénitence ait été prescrit aux pénitents, de trois, de sept, de dix ans, ou d’un plus grand nombre encore, cependant, à chaque année, tous étaient réconciliés et communiaient le jeudi saint, comme l’atteste Innocent 1 (dans son épitre à Decentius évêque d’Egubis, canon 7) : « La coutume de l’église romaine démontre que le jeudi saint, sont remis les péchés à ceux qui ont fait pénitence pour des fautes graves ou légères, s’ils ne tombent pas subitement malades. » Nous trouvons la même chose dans le concile d’Agathe, d’après Gratien (canon in capite, dist 50), et saint Jérôme indique la même chose dans son épitaphe de Fabiola.

Les peines des pénitents étaient multiples et variées. La première, qui était commune en même temps la plus grave, était l’abstention des divins mystères. C’est ce que nous fait comprendre saint Cyprien dans son livre 3, épitre 8, et son sermon sur les tombés pendant la persécution, où il blâme ceux qui avaient envahi (sic) le corps du Seigneur avant d’avoir terminé leur pénitence. La deuxième. Que les pénitents ne soient pas promus à la cléricature, comme nous l’avons montré avec la lettre du pape Sirice (épitre 1, chapitre 14). La troisième. Qu’ils s’abstiennent des noces (comme nous l’avons dit plus haut.) On encourageait, cependant, les jeunes gens à prendre femme pour éviter la fornication. La quatrième. Qu’ils ne s’enrôlent pas dans l’armée, pour qu’ils ne s’évertuent qu’à servir Dieu, comme on peut le déduire de la même lettre de saint Léon, chapitre 11. 

La cinquième. Pour que, tant qu’ils demeurent dans l’ordre des pénitents, ils ne servent pas de parrains au baptême ou à la confirmation. Cela, c’est le concile de Paris qui l’atteste, qui a été célébré au temps de Louis et de Lothaire (livre 1, chapitre dernier, d’un concile qui comprend trois livres.) La sixième. Qu’ils soient privés de l’onction des malades, comme l’atteste le pape Innocent 1 (dans son épitre à Decentius, chapitre 8). La septième. Qu’ils viennent à l’église à tous les jours de jeûne; qu’ils présentent leurs têtes aux prêtres pour qu’ils leur imposent les mains, et prient pour eux, comme l’avertit le concile 4 de Carthage (canon 80). La huitième. Qu’ils ensevelissent les morts, comme l’atteste le même concile (au canon 81). La neuvième. Pour que lorsque, les jours de fête et au temps pascal, ils prient avec les fidèles qui se tiennent debout, ils fléchissent les genoux en priant ( du même concile, canon 82). La dixième. Qu’ils n’aillent ni à des bains ni à des banquets; et qu’ils refusent s’ils sont invités, comme l’indique Pacianus dans sa Parénèse sur la pénitence. Qu’ils s’adonnent constamment aux jeûnes, à la prière, qu’ils se revêtent de sacs, et qu’ils répandent de la cendre sur leur tête, comme le rapportent Tertullien (livre sur la pénitence), saint Ambroise (livre sur la vierge déchue, chapitre 8), et tant d’autres.

LE DEUXIÈME LIVRE

DES CONTROVERSES SUR LA PÉNITENCE

LA CONTRITION

Étant sur le point de disputer des parties de la pénitence (la contrition, la confession et la satisfaction), nous commencerons par la contrition, comme le bon ordre le demande. Nous ne dirons que peu de choses sur cette partie, pour deux raisons. D’abord, parce que beaucoup de choses dont on pourrait parler ici au sujet de la contrition auraient avantage à être renvoyées à la dispute sur la justification. Ensuite, parce que les luthériens ont presque complètement rejeté les erreurs que Luther a enseignées au début sur la contrition. Il est certain que Martin Kemnitius (2 par examen du concile de Trente, chapitre 4 sur la pénitence), admet presque tout ce qui a été défini par le concile, sur la contrition. Mais n’ignorant pas que les définitions du concile avaient été formulées contre les anciennes erreurs de Luther, il s’est efforcé, pour ne pas condamner Luther ouvertement, et pour ne pas paraitre n’avoir rien à dire, de rendre la doctrine du concile odieuse, en l’interprétant de travers, avec force mensonges et calomnies. Dans le premier livre du chapitre 6, ces calomnies et ces mensonges, nous les avons déjà présentés et réfutés. Et pour ne pas laisser notre livre inachevé, nous pensons qu’il vaut la peine d’expliquer la doctrine de l’Église catholique, et de réfuter brièvement ce que ses disciples lui objectent.

CHAPITRE 1

On propose la doctrine de l’Église

Dans la session 14, chapitre 4, le concile de Trente a composé sept chapitres sur la contrition, qui, pour les catholiques, sont tout à fait véridiques. Le premier. La contrition est une douleur de l’âme et une détestation du péché commis, avec le ferme propos de ne plus pécher de nouveau. Le deuxième. À ceux qui sont tombés, la contrition a toujours été nécessaire pour obtenir le pardon. Le troisième. Après le baptême, elle doit être unie avec la confiance en la divine miséricorde, et avec le vœu de faire tout ce qui est requis par le sacrement de pénitence. Le quatrième. La contrition formée par la charité réconcilie le pécheur avant même la réception du sacrement. Le cinquième. Si la contrition imparfaite qu’on a coutume d’appeler attrition, et qui provient de la peine de l’enfer, exclut la volonté de péché, non seulement elle ne rend pas un homme plus pécheur, mais elle est un don du Saint-Esprit, et elle est utile à la justification. Le sixième. L’attrition sans sacrement réellement reçu, ne peut pas, par elle-même, conduire le pécheur à la réconciliation, même si elle dispose à recevoir la grâce dans le sacrement. Le septième. La contrition ne doit pas être forcée, arrachée de force, mais libre et volontaire.

Dans ces chapitres, nous avons ce qu’est la contrition, quelle en est la nécessité, et l’espèce, et quels en sont les fruits. Sur toutes ces choses, il y a dix controverses. La première. Est-ce que la contrition est un acte bon et libre, qui n’appartient pas à la loi, mais à l’évangile. La deuxième. Est-ce que c’est un acte du seul libre arbitre ? La troisième. Est-ce qu’elle inclut la haine, la détestation du péché commis. La quatrième. Est-ce qu’elle inclut le propos de bien vivre ? La cinquième. Est-elle nécessaire à la justification ? La sixième. Est-ce qu’elle exige la douleur la plus grande ? La septième. Est-ce qu’elle a le pouvoir de réconcilier le pécheur à Dieu ? La huitième. Et même avant l’absolution du prêtre ? La neuvième. Est-ce qu’elle peut effacer n’importe lequel péché ?

CHAPITRE 2

La contrition est une action bonne et libre, et qui appartient à l’évangile.

Il faut d’abord savoir que, pour la plus grande partie des luthériens, la contrition n’est rien d’autre qu’une certaine terreur conçue de la considération des péchés, et des supplices dont la loi de Dieu menace les pécheurs. À ce dogme, ils ajoutent trois choses paradoxales. La première. La contrition n’est pas libre, mais est forcée et comme extorquée. Ce n’est même pas une action, mas une simple passion. Car, ce n’est pas l’homme qui fait un acte de contrition, mais c’est Dieu qui le terrorise par la massue de la loi et des menaces. La deuxième. La contrition appartient à la loi, non à l’évangile, car c’est la loi qui terrorise par la menace de supplices, l’évangile console en offrant le Christ. Donc, la pénitence qui consiste (selon eux) dans la contrition et la foi, relève en partie de la loi, et en partie de l’évangile. La troisième. Non seulement la contrition n’est pas une œuvre bonne, mais elle dépouille l’homme de tout bien. Elle le remplit de péchés et de malédictions, et, de cette façon, le mortifie et le tue, pour qu’il soit vivifié et ressuscité par la foi, et qu’il soit ensuite rempli de bonnes œuvres.

Dans sa première dispute contre les antinomes, (proposition 2), Luther écrit que la contrition est le toucher et le sens de la loi dans la conscience. Et, dans la proposition 30, il écrit qu’elle est une affliction et une passion, que la conscience est forcée de subir, bon gré mal gré. Dans les articles smalchaldiques ( sur la pénitence), il dit que la contrition n’est pas active, mais passive, et il compare la loi à la foudre qui jette à genoux. Et il cite ces paroles de Jérémie 23: «Mes paroles sont comme la massue qui broie les pierres. » D’autres luthériens tiennent la même sentence, comme Jean Wigandus, et les autres luthériens rigides, comme on peut le comprendre en lisant le colloque Altemburgensis. En effet, dans la collation 4, où les luthériens rigides répondent au troisième écrit des Wirtembergenses « mous », (comme on les appelle dans le colloque) à l’argument 21, on trouve ces paroles : « La loi, autant que l’évangile, appartient à la doctrine de la conversion. Mais il ne faut pas les confondre. La loi appartient à la contrition, (Romains 3), mais l’évangile doit être référé à la deuxième partie de la conversion, qui est la foi. » Et plus bas : « La contrition n’est pas notre œuvre, elle est plutôt notre passion, par laquelle nous sommes terrorisés et foudroyés. » Et plus bas : « Nous ne sommes que passifs, nous ne faisons rien, mais nous subissons. C’est Dieu qui provoque la contrition, non nous.» Et plus bas : « Les propriétés de la contrition consistent à arracher ou dépouiller l’homme opiniâtre ou hypocrite de toutes ses bonnes œuvres, et, par la pensée des péchés, de le remplir de péchés innombrables, de le frapper par la crainte, la terreur, et l’horreur. » Et plus bas : « Il est évident que la loi appartient à la contrition, que, dans l’affaire de notre salut, la contrition nous prive de nos bonnes œuvres devant Dieu; et nous remplit de péchés et de malédictions. »

Kemnitius semble adhérer à la même sentence. Il enseigne (dans 2 par examen, chapitre 3 sur la pénitence, pages 942 et 943), que la contrition appartient à la loi, et la foi à l’évangile. Et (au chapitre 4, page 955), il écrit que la contrition n’est pas l’œuvre du libre arbitre, puisque c’est le Saint-Esprit qui, par la parole prêchée, entendue et pensée, l’excite en nous, la commence, l’opère et l’effectue. Le même écrit que, à moins que ne lui accède la foi qui statue que nos péchés nous sont remis à cause du Fils de Dieu, la contrition est une fuite de Dieu, et un frémissement contre Dieu, qui conduisent l’homme à la ruine de la mort éternelle.

Les luthériens mous pensent, au contraire, que la contrition est une œuvre bonne, qu’elle est notre action, qu’elle appartient à l’évangile, comme on le voit dans le colloque d’Altemburgensis ci-haut cité. On y trouve là, la réponse des théologiens électeurs au quatrième écrit des Saxons, avec lesquels Calvin se montre d’accord (livre 3, chapitre 3, verset 20). Voilà quelle est la sentence la plus vraie, et celle de tous les catholiques. Pour prouver plus clairement et plus facilement cette vérité, j’ajouterai quelques propositions. 

La première. La contrition n’est pas une terreur produite par les menaces de la loi. Cette proposition a été prouvée dans le livre précédent, au chapitre 19. À cause des arguments qui y ont été développés, les noms, et les métaphores d’où ces noms sont tirés, enseignent ouvertement qu’autre est être terrifié, et trembler, et autre être broyé, écrasé, amolli et fendu. On peut être ému et terrifié par une chose intègre et dure. Mais, une chose ne peut pas être en même temps dure et molle, intègre et broyée ou contrite. Exemple. Quand une pierre molle est écrasée, et est réduite en poussière, elle dépose sa dureté et sa rotondité, pour pouvoir être facilement manipulée et façonnée selon le bon plaisir de l’artisan. Il en est ainsi avec le cœur dur et cancéreux du pécheur, qui résiste aux lois et aux commandements de Dieu. Par la contrition, il est amolli, humilié, se soumet à la loi divine, dépose sa dureté et ses tumeurs d’antan. Voilà pourquoi dans l’Écriture, un cœur contrit signifie la même chose qu’un cœur de chair. On dit que Dieu broie les cœurs comme avec une massue (Jérémie 23), quand il enlève le cœur de pierre, et donne un cœur de chair (selon Ézéchiel, chapitre 2), comme l’explique saint Jérôme dans son commentaire de Jérémie, chapitre 23.

Autre chose. L’humilité est presque toujours jointe à la contrition, comme on le lit dans le psaume 33, 19 : « Le Seigneur est proche de ceux qui ont le cœur troublé, et les humbles en esprit seront sauvés. » Dans ce passage, saint Basile et saint Augustin lisent cœur contrit au lieu de cœur troublé, et ils ajoutent qu’un cœur contrit est un cœur humilié, parce que suivent après, dans le psaume, les mots suivants : « Et les humbles en esprit seront sauvés. » On voit la même chose dans le psaume 1, 19 : «Un cœur contrit et humilié, Dieu, tu ne le mépriseras pas. » Traitant de ce passage ( dans l’homélie 9 sur l’épitre aux Hébreux), saint Jean Chrysostome enseigne que « la contrition ne peut pas exister sans l’humilité. » Donc, comme la contrition ne supporte pas avec elle la dureté et la rotondité, c’est-à-dire les effets du péché, on peut douter que la contrition soit autre chose que la simple terreur. Car les terreurs peuvent exister dans un cœur dur et superbe, comme il appert de Lucifer et de ses démons qui croient et tremblent, (Jacques 11), sans pourtant haïr leurs péchés ni déposer leur opiniâtreté ou leur obstination. Nous avons un clair exemple dans Félix, le précepteur de la Syrie, qui entendant parler Paul du jugement futur, ne conçut pas une légère terreur, sans qu’on puisse, pour autant,(comme l’écrit Luc, Actes 24) affirmer qu’il ait eu la contrition, puisqu’il a conservé infidélité, et ne renonça à aucun de ses péchés.

Ensuite, l’Écriture a attribué à la contrition une telle puissance qu’un David a pu dire : « Un cœur contrit et humilié, Dieu, tu ne le méprises pas. » Et dans le psaume 50, 19, le Seigneur dit à Isaïe : « Qui regarderai-je si ce n’est le pauvre contrit d’esprit, et qui tremble en écoutant ma parole ? » Isaïe (LXV1, 2), et ce que nous avons cité plus haut : « Le Seigneur est proche de ceux dont le cœur est troublé. » Psaume 33, 19. Les terreurs d’un croyant qui peuvent exister dans les impies et les démons, ne peuvent pas être méprisées par Dieu. Et s Dieu regarde toujours ceux qui se terrorisent ainsi. Il est proche de ceux qui craignent les supplices et les tourments au pont de ne plus vouloir répéter ces péchés. Ensuite, quand l’Écriture et les saints pères décrivent la vraie contrition de l’âme, ils ne nous proposent pas seulement les peurs et les terreurs, mais les gémissements, les larmes, les soupirs d’une âme qui pleure et déteste les péchés.

La seconde proposition. La contrition n’est pas une passion, mais une action, qui est libre et non forcée. C’est sans aucun effort qu’on peut réfuter la position luthérienne. Car, tout d’abord, il existe des préceptes divins sur la contrition. Joël, 2, 13 : « Déchirez vos cœurs. » Matth 3, 2 : « Faites pénitence. » Actes 17, 30 : « Il annonce donc à tous les hommes de partout de faire pénitence. » Or, il est ridicule de prétendre que des préceptes de ce genre se rapportent à une passion forcée, plutôt qu’à une action libre. Car comment pourraient-être commandées des choses qui ne sont pas en notre pouvoir, et que nous somme obligés de tolérer, bon gré mal gré. Qui, à moins d’être fou, exhorterait-il quelqu’un à ne pas avoir peur d’une foudre qui tombe sur lui, ou d’un lion rugissant qui fonce sur lui ?

Ensuite, la contrition est un sacrifice très agréable offert à Dieu, comme nous le montre le psaume 16. Et elle attire les yeux de Dieu sur elle (Isaïe L XV1). Elle a aussi une promesse de miséricorde et de grâce, comme l’Écriture l’atteste de temps en temps. Or, une passion forcée n’a rien pour plaire à Dieu, comme chacun sait. La contrition n’est donc pas seulement une passion, mais une action, qui doit être volontaire et libre. Du reste, les adversaires n’ont pas eu d’autre raison de penser que la contrition est une passion forcée et contrainte, que parce qu’ils se sont persuadés qu’elle n’était rien d’autre que des terreurs de l’âme, provenant des menaces des préceptes de la loi. Car, il semble que l’esprit ne puisse pas se rappeler son propre péché, et en même temps la colère de Dieu contre les pécheurs, et les supplices éternels qui leur sont préparés, sans qu’une terreur et une frayeur panique n’envahissent l’homme qui y réfléchit. Et pourtant nous avons suffisamment démontré plus haut que la contrition est bien autre chose que ces terreurs. Et même si on pouvait donner le nom de contrition à ces terreurs, on devrait dire qu’elles sont libres et volontaires, et non forcées et contraintes. Car, les supplices dont Dieu menace les pécheurs, ne se présentent pas aux yeux en tant que présents et visibles, mais en tant que futurs, absents et invisibles. À moins que quelqu’un n’applique très sérieusement son âme à y penser, il ne sera pas si facilement ébranlé par eux. Il est autant en notre pouvoir d’appliquer notre âme à ces réflexions morbides que de l’en éloigner. Voilà pourquoi le plus grand nombre de pécheurs entendent des sermons, et lisent les saintes lettres sans en être terrorisés. Et notre Seigneur lui-même, tout comme les prophètes, exhortait chacun à se donner à lui-même ce genre de crainte, chose qu’il n’aurait pas faite si craindre ou ne pas craindre n’était pas en notre pouvoir. Ecclésiaste 12, 13 : « Crains Dieu, et observe ses commandements. » Luc X11, 5 : « Craignez-le, tous ses saints. » Luc 12, 5 : « Craignez celui qui, après avoir tué, a le pouvoir d’envoyer dans l’enfer. Je vous le dis, craignez-le celui-là. »

Mais il y a un argument que Luther et les luthériens nous objectent souvent. Jérémie 23, 28, 29 : « Qu’a de commun la paille avec le blé ? Mes paroles ne sont-elles pas comme le feu, et comme une massue qui broie les pierres ? » Il est certain qu’un feu brûle violemment tout ce qu’on lui oppose. Et la massue broie les pierres sans la coopération d’aucune d’entre elles. Mais la réponse est facile à trouver. Dans son commentaire de ce texte, saint Jérôme nous signale que le Seigneur compare ses paroles avec celles des faux prophètes, et voici la différence qu’il met entre elles : les faux prophètes prêchaient ce qui plaisait à leurs auditeurs, et leurs paroles, pour cette raison, ne pouvaient être d’aucun profit. Elles étaient en effet vaines et fausses. Il les compare aussi à de la paille qui n’a pas de grain, et qui ne peut ni nourrir ni rassasier. Mais ses prophètes à lui annonce des fléaux et des supplices imminents, et ne prêchent pas ce qui est agréable à entendre, mais ce qui est utile, des paroles qui ont le pouvoir de susciter des remords. Voilà pourquoi le Seigneur appelle ses paroles, du blé, du feu, une massue. Du blé, parce qu’elles sont solides et utiles; du feu, parce qu’elle est comme une piqure; une massue, parce qu’elle capable d’humilier et de rabaisser les cœurs superbes. La métaphore du feu et de la pierre ne sert donc pas à enlever la coopération des hommes, mais à indiquer l’efficacité de la prédication prophétique, et pour la distinguer des rêveries et des fausses promesses des pseudos prophètes.

Comme le Seigneur dit que, par sa parole, il agit comme s’il broyait des pierres, parce qu’il opère en nous, en partie par l’inspiration interne de sa grâce, et en partie par la prédication externe, on dit également que les hommes broient leurs cœurs parce que, sous l’inspiration divine, ils coopèrent avec leur libre arbitre. C’est ce que lit saint Augustin dans son commentaire du psaume 33, 18 : « Dieu est proche de ceux qui ont broyé leurs cœurs. » Au lieu de ceux qui ont le cœur troublé), comme nous avons aujourd’hui. Et en Joël 2, 13, « le Seigneur clame : Déchirez vos cœurs ! » Et comme en Ézéchiel (36, 26), le Seigneur dit : « Je vous donnerai un coeur nouveau et un esprit nouveau », il dit en Ézéchiel (18, 31) : « Faites-vous un cœur neuf, et un esprit nouveau. » Et comme en Michée (7, 19), nous lisons : « Il jettera au fonds de l’eau tous nos péchés », nous lisons aussi en Ézéchiel (18, 34) : « Jetez loin de vous toutes vos prévarications. » Et comme nous demandons à Dieu, dans le psaume (LXXX1V, 5) en priant : « Convertis-nous, Dieu, nous salut ! », il nous demande à son tour : « Convertissez-vous, et faites pénitence. » Donc, c’est le même Dieu qui broie nos cœurs et qui nous demande de les broyer et de les déchirer, quand il nous donne un nouveau cœur, et quand il veut que nous nous fassions un nouveau cœur; quand il jette nos péchés au fond de la mer, et quand il nous commande de les jeter loin de nous; quand il nous convertit et nous inspire la pénitence, et qu’en même temps il nous commande de nous convertir et de faire pénitence. Il ne reste donc plus aucun doute que nous coopérons vraiment à notre contrition, et qu’elle n’est pas une pure passion, mais aussi une action volontaire et libre.

Troisième proposition. La contrition appartient surtout à l’évangile. Cette proposition est contre les mêmes luthériens. Et on la prouve d’abord par une prophétie d’Ézéchiel (chapitre 11 et 31), où le Seigneur promet aux fils du nouveau testament un esprit nouveau, et un cœur de chair, au lieu d’un cœur de pierre. Car un cœur de pierre signifie un cœur dur, et un cœur de chair signifie un cœur contrit, comme saint Jérôme l’enseigne dans Jérémie 23 : « Comme une massue broyant la pierre. » On le prouve ensuite par le nouveau testament. Car, le Christ, l’auteur du nouvel évangile, a prêché la contrition en disant : « Faites pénitence, car le royaume de cieux approche. » Et, en Matthieu 4 : « Je ne suis pas venu appeler les justes à la pénitence, mais les pécheurs. » 

Les apôtres aussi, qui avaient été envoyés par Dieu pour évangéliser, allaient partout en prêchant (Marc 6) de faire pénitence. Et, après sa résurrection, le Christ (en Luc, dernier chapitre) dit, en expliquant à ses disciples que l’évangile devait être prêché en son nom : « Il faut que soient prêchées la pénitence et la rémission des péchés à toutes les nations. » Saint Pierre dit que le Christ a été exalté par le Père pour donner la pénitence à Israël. Actes 11 : « Dieu a donc donné aux Gentils la pénitence pour la vie éternelle. » Et dans Actes 17 : « Ne tenant plus compte des temps de cette ignorance, Dieu annonce maintenant aux hommes de partout de faire pénitence. » Dans Actes 20, saint Paul dit avoir prêché aux Juifs et aux Gentils la pénitence pour Dieu, et la foi dans notre Seigneur Jésus-Christ.

Et, au chapitre 26, il affirme de nouveau qu’il leur prêche de faire pénitence, de se convertir à Dieu, et de faire de dignes fruits de pénitence. Il est inutile de continuer à citer des textes, car les évangiles et les épitres des apôtres en sont pleins. À moins donc de vouloir exclure la contrition de la pénitence, et de faire du Christ et des apôtres des prédicateurs de l’ancien testament, et non de l’évangile, ils ne peuvent en aucune façon nier que la contrition appartienne à l’évangile. De plus la loi ancienne, en tant qu’elle se distingue de la nouvelle, n’a pas de promesse de grâce, et ses œuvres ne sont pas agréables à Dieu. Car, si la justice était de la loi, l’apôtre aurait dit que le Christ est mort pour rien. (Gal 2). Et, « celui qui opère sans la grâce qui est propre au nouveau testament, a la gloire, mais non selon Dieu ». Romains 4 : « Ils nous a rendus dignes d’être les ministres du nouveau testament, non par la lettre, mais par l’esprit. Car la lettre tue, et l’esprit vivifie. » 2 Cor 3, où la lettre de la loi sans l’esprit de l’évangile est si loin d’apporter la vie qu’on dit plutôt d’elle qu’elle tue. 

Or, la contrition est très agréable à Dieu, et a la promesse de la grâce et de la vie. « Le sacrifice à Dieu est un esprit contrit, (psaume 50).» La contrition est appelée un sacrifice, pace qu’à l’instar d’un sacrifice, elle est agréable à Dieu et acceptée par lui. » Nous trouvons la même chose dans le même psaume « Un cœur contrit et humilié, Dieu, tu ne le méprises pas. » Et Isaïe (LXV1) : « Sur qui jetterai-le les yeux ? N’est-ce pas sur celui qui est humble et qui a le cœur contrit ? » Et Deutéronome 4 : « Tu trouveras Dieu, si tu le cherches de tout ton cœur, de toute la contrition de ton âme. » Et Ézéchiel 18 : « Si un impie fait pénitence etc. il vivra de vie. » Donc, comme la contrition, ou la pénitence, qui consiste surtout dans la contrition, a une promesse de grâce et de vie, on doit dire, sans le moindre des doutes, qu’elle appartient à l’évangile plutôt qu’à la loi.

Enfin, s’il y avait une raison qui nous ferait renvoyer la contrition à la loi, ce serait parce que c’est le propre de la loi de susciter la crainte et de terroriser, et le propre de l’évangile de consoler. Mais, nous avons déjà démontré que la contrition n’est pas une terreur causée par la loi. Et, de plus, il n’est pas vrai de dire que seule la consolation est propre à l’évangile, et non les menaces. L’évangile, il est vrai, console grandement les obéissants, et les fidèles, mais il n’en terrifie pas moins les infidèles et les désobéissants. Voici ce que Jean le Baptiste disait du Christ : (Matth 3, 6) « Il entrera le froment dans son fenil, mais il brulera la paille dans un feu inextinguible. » Et le Seigneur lui-même (en Matth 5. 13. 24, et 25), Marc 9, Luc 12) menace d’un feu inextinguible, d’un ver qui ne mourra jamais, de ténèbres extérieures de grincement de dents, de supplice éternel. Et qu’est-ce que dit l’apôtre au début de son épitre aux romains « Je ne rougis pas de l’évangile, car il est la vertu de Dieu pour le salut de tout croyant, du Juif d’abord, puis du Gentil, car la justice de Dieu est révélé en lui, de la foi pour la foi. Comme il est écrit : le juste vit de la foi. Car la colère de Dieu est révélée du ciel sur toute impiété, et sur l’injustice des hommes qui détiennent la vérité de Dieu dans la justice ». Dans ce passage, l’apôtre enseigne surement que l’évangile contient non seulement le salut des croyants, mais aussi des menaces de la colère de Dieu envers les pécheurs. Il ne demeure donc aucun doute que la contrition appartienne vraiment à l’évangile.

La quatrième proposition. La contrition ne dépouille pas l’homme des bonnes œuvres, et ne le remplit pas de péchés et de malédictions, mais elle est, au contraire, une œuvre bonne, et qui libère des péchés, et conduit a des œuvres bonnes et à des bénédictions. Il suffira pour prouver cette proposition de connaitre les fondements de nos adversaires et de les renverser. Leurs fondements sont au nombre de deux. Un qui est confirmé par l’expérience. Ceux qui ont une vraie contrition de leurs péchés, se méprisent eux-mêmes, se détestent, ne reconnaissent rien de bon entre eux, et n’y voient que du mal, se jugent, en conséquence, indignes de la grâce, dignes de haine et de supplices. Un autre. Ces terreurs qu’ils appellent contrition, avant que n’arrive la foi certaine dans la rémission des péchés, ne sont, selon eux, qu’une fuite de Dieu, qu’un frémissement contre Dieu, un chemin qui mène au désespoir, une ruine sempiternelle.

Mais ils errent grandement dans l’un et l’autre. Car, que l’homme se voie vide de bonnes œuvres, et lesté de péchés, n’est pas un effet de la contrition, mais en partie de l’humilité, en partie d’une connaissance de soi faite par un examen de conscience. Or, la contrition n’est pas la cause de la connaissance, mais son effet. Car ce n’est pas parce quelqu’un est foulé aux pieds qu’il reconnait la somme de ses péchés. C’est plutôt le contraire. C’est parce qu’il se voit recouvert de nombreux péchés qu’il se châtie, qu’il s’angoisse, qu’il se désole. Exemple. Dans les choses corporelles, nous ne somme pas remplis d’infirmités et de maladies, parce que nous pleurons. Mais nous pleurons parce que nous nous voyons remplis d’infirmités et de maladies. Les hommes sont chargés de crimes non parce qu’ils craignent le supplice, et qu’à la vue de la partie transversale de la croix et du juge, ils sont terrifiés, et que c’est pour cela qu’ils sont remplis de vols, de rapines, et d’homicides. Au contraire, ils tremblent et son terrifiés parce qu’ils connaissent leurs crimes. Nos adversaires parlent donc à contre sens quand ils affirment que, par la contrition, nous sommes spoliés de toutes nos bonnes œuvres, et remplis de péchés et de malédictions.

Ensuite, en ce qui a trait à l’autre fondement, on ne peut rien dire de plus absurde. Ne disent-ils pas que la contrition d’avant la foi certaine en la rémission des péchés, est une fuite de Dieu, un frémissement contre Dieu, un chemin qui mène au désespoir, et une ruine sempiternelle ? Surtout contre des adversaires qui soutiennent qu’elle vient de Dieu, comme elle précède la foi. Car, dans le lieu cité, Kemnitius déclare que la contrition est une œuvre du Saint Esprit en nous, et non du libre arbitre. Et les luthériens mous comme les Saxons rigides disent (dans le colloque d’Altemburgensis, ci-haut cité) que la contrition est une œuvre bonne, mais de Dieu, non de l’homme, car l’homme pâtit et n’agit pas quand il est terrifié. 

Or, si la contrition est une œuvre de Dieu, comment peut-elle être une fuite de Dieu, un frémissement contre Dieu, un chemin qui mène au désespoir, et une ruine sempiternelle ? Ces œuvres, ce n’est pas de Dieu qu’elles sont dignes, mais du diable. À moins qu’avec les manichéens, vous fassiez du démon un dieu. Ensuite, les ninivites ne doutaient-ils pas de la rémission des péchés quand ils disaient : Qui sait s’il se détournera de son projet, et nous pardonnera ? Et cependant, bouleversés et terrifiés par la prédication de Jonas, ils ne fuyaient pas Dieu, ils ne grinçaient pas des dents contre lui, mais ils s’efforçaient à l’apaiser par des œuvres de pénitence, et imploraient par là sa miséricorde. On peut donc en conclure que, même sans la foi certaine de la rémission des péchés, la vraie contrition n’est pas une fuite de Dieu, ne remplit pas non plus l’homme de péchés, et ne le dépouille pas des bonnes œuvres, mais est plutôt un puissant sacrifice pour Dieu, un antidote pour les péchés, et un chemin vers la grâce et le salut.

« La componction, dit saint Ephrem, (dans le livre sur le jugement dernier, chapitre 5), est la santé de l’âme, l’illumination de l’esprit. La componction nous acquiert la rémission des fautes, et fait habiter en nous le Fils unique, Jésus. » Et plus bas : « Grande est la vertu des larmes. Les larmes qui sont selon Dieu prévalent énormément. » Et saint Jean Chrysostome (dans son homélie 5 sur la pénitence, dit : « La pénitence est le médicament qui éteint le péché, un don du ciel, une vertu admirable, la grâce qui l’emporte sur la puissance des lois. » C’est de la même façon que parles les anciens pères. Il n’y a as lieu ici de les citer tous, puisqu’ils ont plusieurs fois témoigné à la louange de la pénitence ou de la contrition.

Nous admettons que la contrition ne peut pas exister sans aucun espoir de pardon; mais, nous soutenons qu’elle le peut sans cette assurance chimérique de pardon des péchés que requièrent les luthériens. Car, nous suivons saint Cyprien, qui parle ainsi dans son sermon sur ceux qui sont tombés pendant la persécution : « Ne désespérant pas de la miséricorde de Dieu, mais ne revendiquant pas déjà le pardon. » Le concile de Trente (session 6, chapitre 9) ne pense pas autrement que saint Cyprien. Il déteste la foi oiseuse des hérétiques, qui enseignent qu’il faut croire de foi certaine que les péchés sont remis. Et, dans la session 14, chapitre 4, il affirme qu’à la vraie contrition doit être uni l’espoir d’obtenir la miséricorde de Dieu.

CHAPITRE 3

On ne peut avoir la contrition sans un don spécial de Dieu

La contrition que nous avons démontré être une action libre, procède-t-elle du libre arbitre de façon à ce qu’elle puisse exister, sans une grâce spéciale de Dieu qui prévient et aide le cœur humain ? Il n’y aurait sur ce point aucune controverse, si les adversaires cessaient de calomnier. Il y eut, certes, autrefois, avec les pélagiens un dur affrontement à ce sujet. Car ( au témoignage de saint Augustin, dans son livre sur les hérésies, chapitre 88, et dans l’épitre 106), ils enseignaient que la grâce qui nous libère de l’impiété était donnée selon nos mérites. Les catholiques, au contraire, ont toujours soutenu que la conversion à la pénitence était prévenue et inspirée par la grâce de Dieu. Et à notre époque, nous convenons, avec les luthériens, que la pénitence, et donc, la contrition est un don de Dieu, et qu’elle ne peut être obtenue sans la grâce de Dieu, par les seules forces de la nature. 

Cependant, parce que Martin Kemnitius (de par examen, chapitre 4, sur la pénitence, page 963) a eu l’insolence d’écrire que le concile de Trente a voulu stabiliser le dogme qui attribue aux forces humaines, sans une aide spéciale de Dieu, une pénitence qui est une disposition suffisante pour la remise des péchés, nous croyons nécessaire de présenter d’abord les témoignages du concile de Trente, des théologiens récents, de toute l’église, et de confirmer le tout par des textes de l’Écritures et des anciens pères. Dans la session 6, chapitre 5, le concile de Trente déclare ceci : « Le saint synode déclare ensuite que, dans les adultes, le début de la justification doit provenir de la grâce prévenante de Dieu par le Christ Jésus » Et dans le chapitre 6 : « Ils sont disposés à la justice en étant stimulés et aidés par la grâce divine, et concevant la foi par l’audition, ils sont mus librement vers Dieu. » 

Ensuite, au chapitre 14 : « Ceux qui, par le péché, se sont éloignés de la grâce de la justification reçue, peuvent être justifiés de nouveau, quand, invités par Dieu, ils voient, par le sacrement de la pénitence, en vertu du mérite du Christ, à récupérer la grâce perdue. » Et plus bas, dans le canon 3 : « Si quelqu’un dit que, sans l’aide et l’inspiration prévenante du Saint-Esprit, l’homme peut croire, espérer, aimer et se repentir comme il le faut, de façon à ce que la grâce de la justification lui soit conférée, qu’il soit anathème. » Ensuite, à la session 14, chapitre 4, non seulement nous ne lisons pas ce qu’a inventé Kemnitius, à savoir que la contrition peut être conçue par les seules forces du libre arbitre, mais cette contrition imparfaite qu’on appelle attrition, est déclarée par le concile être un don de Dieu, et une impulsion du Saint-Esprit. 

Ce n’est pas seulement le concile de Trente qui professe cette foi, mais aussi de très célèbres académies, dans des articles imprimés. Nous avons encore les articles des théologiens parisiens de 1542 contre les luthériens. Voici le deuxième de leurs articles : « Avec la même constance dans la foi, il faut tenir qu’il y a dans l’homme, un libre arbitre, par lequel il peut agir bien ou mal, et par lequel, s’il est mort dans le péché, il peut, avec l’aide de Dieu, se relever à la grâce. » Nous avons conservé aussi les articles des docteurs de Louvain édités un peu après, contre les mêmes ennemis de l’Église, dont voici le septième : « Il faut tenir d’une foi assurée que l’homme possède un libre arbitre, avec lequel il peut mal agir, ou bien agir avec la grâce de Dieu, se repentir et, avec l’aide de Dieu, obtenir la rémission des péchés, après avoir perdu la grâce en péchant ». Les théologiens scolastiques les plus anciens ont écrit dans le même sens, car sur ceux qui vivent aujourd’hui, on ne peut avoir aucun doute.

Non seulement saint Thomas (1 2 quest 109, art 6 et 7), saint Bonaventure (2 livre des sentences, dist 28, art 2 quest 1, et dist 30, quest 1), et Grégoire d’Arimensis, ( 2 sent dist 26, quest 1), et Marsilius, dans le même livre (question 17), et beaucoup d’autres, ont écrit en mots clairs et nets sur cette question, mais aussi Scot, que Kemnitius accuse nommément, reconnait, non dans un seul livre, la nécessité de l’aide divin pour concevoir la pénitence. En effet, (dans la 1 sentence dist 44, question unique), il écrit que tout pécheur peut être sauvé, queDieu peut le prévenir par sa grâce. Et (dans 4, dist 14, quest 3), il nie que par les seules forces de la nature, l’homme puisse connaitre que le péché doit être détesté en tant qu’il offense Dieu et nous détourne de lui. Et, dans le même livre (dist 22, art 2, à la fin), il reconnait que la pénitence est inspirée par Dieu. Dans son opuscule sur la justification, question 11, Vega explique comment il faut entendre les passages de Scot qui semblent contredire les textes cités.

Nous n’aurons pas un grand effort à faire pour prouver par la révélation, contre les hérétiques, la vérité de cette sentence catholique. D’abord, les psaumes de David en sont pleins : « Convertis-nous, Dieu, notre salut. » (psaume 84). « Dieu des vertus, convertis-nous. » psaume 79. « J’ai erré comme une brebis qui périt. Cherche ton serviteur. » Psaume 118. Ensuite Jérémie (chapitre 31) : « Convertis-moi, Seigneur, et je serai converti.» Et un peu après : « Après que tu m’as converti, j’ai fait pénitence. » Commentant ce passage, saint Jérôme écrit : « Vois quelle est la grandeur de l’aide de Dieu, et la fragilité de l’humaine condition. Nous n’arriverons même pas à faire pénitence si Dieu ne nous convertit pas, et s’il ne nous soutient pas de son aide. » Dans le chapitre 36 d’Ezéchiel, le Seigneur dit en plusieurs paroles : « J’enlèverai le cœur de pierre de votre chair, et je vous donnerai un cœur de chair. » Ce qui n’est certes rien d’autre que le don de la contrition et de la vraie pénitence. Ajoutons qu’en Luc 22, le Seigneur s’est retourné pour regarder Pierre, et que ce regard excita en lui une telle contrition qu’il se mit tout de suite à pleurer amèrement. Commentant ce texte, saint Ambroise (livre 9 sur saint Luc), écrit : « Ceux que Jésus regarde pleurent leur faute. Pierre a renié sans pleurer, parce que le Seigneur ne le regardait pas. Il a renié une seconde fois sans pleurer, parce que le Seigneur ne le regardait pas encore. Il renia une troisième fois, et le Seigneur le regarde. Alors, il pleura amèrement. »

Ensuite, pour laisser tomber les autres, quoi de plus clair que ce témoignage de saint Paul, qui, dans sa deuxième épitre à Timothée, (chapitre 2) avertit de corriger avec modestie ceux qui résistent à la vérité : « Car, il peut arriver que Dieu leur donne la pénitence pour connaitre la vérité, et qu’ils se déprennent des filets du diable qui les tiennent captifs. » Citant ce texte (livre 5, chapitre 3, contre Julien), saint Augustin écrit : « Qu’il accorde la patience qui nous est nécessaire, jusqu’à ce qu’il donne à quelqu’un de faire pénitence. » Et (dans le livre à Pierre sur la foi, chapitre 34), il fait ce commentaire sur ce même texte, lui, ou saint Fulgence : « Tiens très fermement, et ne doute nullement que personne ne peut faire pénitence sans que Dieu l’ait illuminé, et l’ait converti par sa miséricorde gratuite. »

Se présentent maintenant des définitions très claires de l’ancienne église. D’abord, dans le synode de Palestine, dans lequel Pélage a été forcé d’anathématiser ses erreurs, voici ce qui, parmi d’autres choses, a été déclaré, au témoignage de saint Augustin (épitre 106) : «La pénitence est un don de Dieu. » Ensuite, dans le concile d’Orange 2 (canon 4), on explique de nouveau que c’est par l’infusion et l’opération du Saint-Esprit en nous que non seulement nous sommes purgés des péchés, mais que voulons être purgés. C’est ainsi qu’enseignèrent les plus savants des papes, comme saint Innocent, saint Célestin et saint Léon. Saint Innocent, dans son épitre au concile de Carthage, confirme que « nous avons besoin de l’aide de Dieu pour retourner dans la voie droite. » Saint Célestin (dans son épitre aux évêques des Gaules, canon 11), prouve la même chose avec les prières de l’Église, par lesquelles nous demandons à Dieu de donner la foi aux infidèles, et de conférer le remède de la pénitence aux tombés. Et aussi avec l’action de grâce que nous rendons à Dieu pour l’illumination des infidèles, et le redressement des tombés. Saint Léon (dans son épitre 91 à l’évêque Théodore), dit : « Nous croyons que la pénitence est conçue de l’inspiration de Dieu, selon l’apôtre qui dit : « Au cas où Dieu leur donnerait la pénitence. » Cela devrait suffire.

CHAPITRE 4

Dans la contrition est incluse la haine ou la détestation du péché commis.

La troisième controverse. Est-ce que la contrition inclut la haine ou la détestation du péché commis ?

Au début de sa défection de l’église catholique, Luther, parmi plusieurs hérésies paradoxales, excogita même et enseigna que la haine de la vie passée n’était pas une vraie contrition ou pénitence , mais seulement l’amour de la justice, et une nouvelle vie. Parlant, dans son sermon sur la pénitence, de la contrition qui est préparée par la discussion, la réflexion, et la détestation des péchés, par laquelle quelqu’un se remémore ses années dans l’amertume de son âme, il dit : « Cette tristesse fait de lui un hypocrite, et même un plus grand pécheur. » Et bien qu’en essayant de prouver cela, un peu après, il ne semble pas condamner totalement la détestation du péché, mais seulement celle qui nait de la peur servile, cependant, dans les paroles qui suivent, il condamne ouvertement et absolument la détestation du péché, quand il dit : « Tu devras parler au confesseur plus de ton amour de la justice que de ta haine du péché. Tu dois penser beaucoup plus et même seulement à comment rende bonne la vie future, plutôt qu’à regretter et pleurer tes péchés. Car, il est très vrai le proverbe et supérieur à toute doctrine sur la contrition jusqu’ici donnée : « la meilleure pénitence est une nouvelle vie. » Tu vois donc que la seule chose dont il ordonne de se soucier, c’est comment vivre une bonne vie, et non comment haïr les péchés passés.

Le même Luther (dans une épitre à Jean Staupicius, vicaire de l’ordre de saint Augustin (que l’on trouve dans le premier tome de ses œuvres), n’écrit pas obscurément que le nom de pénitence ne signifie pas la haine ou la détestation de la vie passée, mais l’amour de la justice. Car, « elle n’a rien d’amer et d’acerbe, mais est agréable et très douce ». Ensuite, au sujet de la première conclusion de ses résolutions : « Donc, l’Écriture n’a pas coutume d’appeler pénitence la douleur, mais le changement d’idée et de conduite. » 

Mais, tous les luthériens semblent avoir rejeté ce paradoxe de Luther. Et, pour ne citer que celui-là, Kemnitius (2 par, examen, page 954), parle ainsi : « Vient ensuite de là une douleur de la conscience qui s’attriste gravement d’avoir péché, et d’avoir offensé Dieu par ses péchés. Il commence donc à détester le péché etc. » C’est ainsi que parle aussi Jean Calvin (livre 3, chapitre 4, verset 2) : « Je considère que chacun s’applique constamment et intensément à pleurer ses péchés, et qu’il progresse de plus en plus dans la détestation et la haine de ses péchés. »

Cette vérité que même les adversaires sont obligés de reconnaitre, doit être confirmée par l’Écriture, la tradition, et par le que le témoignage nous avons d’un jugement naturel. D’abord, par l’Écriture. Dieu rappelle souvent à la mémoire des pécheurs leurs péchés, pour aucune autre raison que pour qu’ils y repensent, et qu’en y repensant, ils les détestent. En Genèse 3, le Seigneur a dit à la femme : « Pourquoi as-tu fait cela ? ». Et en Genèse 4, le même Seigneur a dit à Caïn : « Qu’as-tu fait ? » En Juges 2, le Seigneur interpelle le peuple par un ange : « Vous n’avez pas voulu écouter ma voix. Pourquoi avez-vous fait cela ? » IsaÏe LV111 : « Crie sans arrêt. Comme une trompette amplifie ta voix. Annonce au peuple ses crimes, et la maison de Jacob ses péchés. » Jérémie 7 : « Et j’ai envoyé vers vous tous mes serviteurs les prophètes pendant le jour. Me levant à la pointe du jour pour les envoyer, et ils ne m’écoutèrent pas. » Et, au chapitre 8, expliquant ce dont Dieu se plaint, il dit : « Nul ne fait pénitence de ses péchés, en disant : qu’est-ce que j’ai fait ? » 

Tu vois là clairement que la pénitence porte sur la détestation des péchés passés. Ézéchiel 16 : « Fais connaitre à Jérusalem ses abominations ! » Joël 2 : « Convertissez-vous à moi de tout votre cœur, dans le jeûne, les pleurs, les lamentations, et déchirez vos coeurs ! » Il n’est que trop évident que les pleurs, le jeûne et les lamentations et le déchirement du cœur ne se rapportent pas à une nouvelle vie, mais à des péchés commis. Ensuite, tous les prophètes s’évertuaient surtout à ce que, par leurs exhortations, ils incitent les Juifs à reconnaître leurs péchés, et à les détester. 

Dans le nouveau testament, le Christ n’a pas agi autrement que les prophètes. Il reprochait constamment aux scribes et aux pharisiens leurs péchés, comme dans Matthieu 23. De même, saint Pierre Actes 2 et 3, saint Étienne, Actes 7, saint Paul Actes 13. Ils demandent aux Juifs de se souvenir de leurs péchés, et surtout d’avoir tué le Christ.

Des exemples d’Écriture enseignent la même chose. Job dit de lui-même : « J’ai dit une parole. Puissé-je ne l’avoir pas dite ! » Et, au chapitre XL11 : « J’ai parlé sottement. » Et un peu après : « Voilà ce que je me reproche. Et je fais pénitence dans la poussière et la cendre. » Ne voyons-nous pas, par l’exemple de Job, que la pénitence porte sur des péchés passés ? David, psaume L : « Je connais mon iniquité, et mon péché est toujours contre moi. » Ézéchias (dans Isaïe 38) : « Je me rappellerai toutes mes années dans l’amertume de mon âme. » Quand donc Luther, dans son sermon sur la pénitence, blâme ceux qui se rappellent leurs péchés dans l’amertume de leur âme, c’est Ézéchias qu’il blâme, car il blâme ses propres paroles. La femme pécheresse (dans Luc 7), qui baignait de ses larmes les pieds du Sauveur, ne pleurait pas la nouvelle vie, mais ses péchés passés. Sains Pierre aussi, (Luc 22) pleura amèrement pour rien d’autre que parce qu’en reniant son Seigneur, il avait commis un grave crime.

Se présentent maintenant, d’autres témoignages des anciens pères. Saint Cyprien, dans son sermon sur les tombés, près de la fin : « Vous, frères, dont la crainte de Dieu est vive, et dont l’âme établie dans les ruines se souvient de son mal, examinez vos péchés dans le repentir et la douleur, reconnaissez le crime très grave que vous avez commis, ouvrez les yeux de votre cœur pour comprendre votre faute. » Saint Grégoire de Naziance, (dans son sermon sur le saintes lumières), écrit qu’il reçoit des pénitents, s’il les voit verser des larmes. Saint Ambroise (livre 2, chapitre 10), écrit : « Pendant que nous nous lamentons, nous excluons que doivent être commis les crimes commis; et, de la condamnation de la faute, se fait une discipline d’innocence. » Saint Jean Chrysostome (livre 1, sur la componction du cœur, près de la fin) : « Quel besoin avons-nous des forces du corps quand nous voulons broyer notre cœur. La seule chose qui nous est demandée c’est de nous rappeler nos péchés, d’ avoir devant les yeux notre âme, et la conscience de nos actions passées pour, par ce moyen, supplier le Seigneur et avoir toujours bien en vue la géhenne. » Saint Jérôme (dans son commentaire du chapitre 31 de Jérémie) écrit, en expliquant : « quand j’ai connu, j’ai frappé mon fémur, » : « Avoir frappé le fémur avec la main est le signe d’une âme qui se désole, qui pleure sur son erreur passée. » Et plus bas : « Y a-t-il un temps qui n’en soit pas un de notre confusion, si nous nous rappelons nos anciens péchés, et si nous gardons en mémoire tout ce que nous avons fait de mal ? »

Saint Augustin (enchiridion, chapitre 65) : « Dans l’action de la pénitence, on ne doit pas tant mesurer le temps par la durée que par la douleur, car Dieu ne méprise pas un cœur humilié et contrit. » De même, au sermon 7 sur le temps : « Ne ont une pénitence certaine que la haine du péché et l’amour de Dieu. Quand tu fais pénitence en trouvant amer dans ton âme ce que tu as trouvé doux dans la vie; quand fait souffrir ton esprit ce qui délectait ton corps, tu te lamentes comme il faut devant Dieu, en disant : « J’ai péché contre toi seul. » De plus, elle est très pertinente la définition communément reçue : « La pénitence c’est pleurer les péchés commis, et ne pas perpétrer ce que l’on doit pleurer. » Elle est de saint Grégoire (homélie 34 sur les évangiles). Il en a aussi parlé dans sa pastorale (3 par, chapitre 31) : « Il faut avertir ceux qui se reconnaissent pécheurs sans pleurer, de ne pas estimer que leur sont remis des péchés qui, même s’ils ne sont pas multipliés par les actes, n’ont été purifiés par aucune pleur. »

Et même si on consulte le jugement de la raison, on ne pourra avoir aucun doute que la pénitence ou la contrition inclue la haine des fautes passées. Car, naturelle est la syndérèse qui flagelle dans le cœur les choses mal faites , même si ces choses ne sont ni punies ni connues à l’extérieur. Et chez les Gentils, on dit que sont agités par des furies, ceux qui se sont souillés par des crimes graves. En somme, on n’arrive pas à comprendre comment quelqu’un pourrait abandonner les péchés et mener une vie meilleure avant que ses actions passées aient commencé à lui déplaire. Car, comment pourrait-on quitter ce qui nous plait, si ce n’est parce que ce qui nous plaisait ne nous plait plus. « Personne, comme dit saint Augustin (homélie 27, livre 50), ne choisit une vie nouvelle sans se repentir de l’ancienne ».

CHAPITRE 5

On réfute les objections 

Les arguments de Luther ne pèsent pas lourd sur la balance. Il nous objectait d’abord le mot grec pénitence (metanoia) qui, selon Lactance, signifie résipiscence. Mais il est oiseux de considérer l’étymologie d’un nom plutôt que son usage. Car, le même Lactance (au livre 6, chapitre 24 des institutions divines, où il dit que le mot metanoia signifie résipiscence), ajoute que « font vraiment résipiscence ceux qui se repentent de leur erreur, et qui se punissent de leur folie » Et Tertullien qui (dans le livre 2 contre Marcion) nous a légué que le nom grec de la pénitence ne vient pas de la confession de la faute, mais d’un changement d’idée ou de conduite. Dans son livre sur la pénitence, il enseigne que la pénitence exige une vraie haine du péché, une détestation de la vie passée, la confession des péchés, des œuvres pénibles, et d’autres choses de ce genre. Et Ausonius (que nous avons cité dans le livre 1) enseigne que Metanoea est une déesse qui exige des peines pour ce qui a été fait et pour ce qui n’a pas été fait. Ensuite Aristote (livre 3, chapitre 1 sur les mœurs), enseigne très clairement que la pénitence se rapporte à un fait passé. Car, quand il a voulu montrer que n’était pas involontaire ce que quelqu’un fait pas ignorance, il s’est servi de l’argument suivant : les hommes ne se repentent pas toujours pour ce qu’ils ont fait; et ils ne s’attristent pas quand ils viennent à savoir ce qu’ils ont fait.

Le deuxième argument de Luther. Une phrase des Proverbes : « La meilleure pénitence est une nouvelle vie. » Et il s’étonne grandement de ce que le pape Léon ait eu l’idée de condamner ce proverbe, car les proverbes sont considérés très vrais par tous. Or, le pape n’a pas condamné le proverbe, mais l’explication fautive du proverbe donnée par Luther. Car, les hommes ne veulent par faire dire à ce proverbe que, pour la pénitence, rien d’autre n’est exigé qu’une meilleure vie. Mais qu’une meilleure vie est certainement le signe et la preuve d’une vraie pénitence. Car ceux qui pleurent leurs péchés de façon à y retourner bientôt, ou sans les avoir abandonnés, ne tirent aucun profit de leurs pleurs. C’est ce qu’a magnifiquement enseigné le Saint-Esprit par l’Ecclésiastique, chapitre 34 : « Celui qui est baptisé par un mort et le touche de nouveau, quel profit tire-t-il de ce lavement ? Il en est ainsi de celui qui jeûne à cause de ses péchés, en les commettant encore, à quoi profitera son humiliation ? » Et saint Grégoire (homélie 31 sur les évangiles) : « Celui qui déplore des péchés pour pouvoir en commettre d’autres, ignore la pénitence, ou fait semblant de jeuner. » Et (dans son livre sur le soin pastorel, par 3, chap 31), il dit qu’ils se lavent pour rien en pleurant ceux qui, après leurs larmes, commettent les mêmes fautes. Et, dans son épitre au patricien Theotista, (livre 3, épitre 39), il réfute très bien l’erreur de ceux qui enseignaient que, pour n’importe lequel péché, il fallait faire une pénitence de trois ans, et qu’ensuite, on vit dans les voluptés.

Et le proverbe en question est très bien expliqué par saint Ambroise ou quiconque est l’auteur de leurs commentaires, (au chapitre 2 de la deuxième épitre de saint Paul aux Corinthiens) : « La vraie pénitence c’est cesser de pécher, car on prouve qu’on a vraiment pleuré sur soi quand on cesse de pécher ».

La troisième objection. Des paroles de saint Paul (Gal 6, 1) : « Car, dans le Christ Jésus, ni la circoncision ni le prépuce ne valent quelque chose, mais une nouvelle créature ». Réponse. Saint Paul n’oppose pas la pénitence à une nouvelle créature, puisque la pénitence est le chemin qui mène à une nouvelle créature; mais à la circoncision qui, après l’avènement du Christ, n’a, pas plus que le prépuce, aucun pouvoir dans la justification. Saint Paul ne dirait donc jamais : ni le baptême ni la pénitence ne valent quelque chose , mais une nouvelle créature. On ne doit pas non plus opposer saint Paul au saint Pierre qui disait en prêchant (Actes 8) : « Faites pénitence, et que chacun de vous soit baptisé ! » Et (Actes 8) à Simon le mage : « Fais pénitence de ton iniquité ! » Saint Paul répugnerait encore moins à saint Jean Baptiste et au Christ, qui ont dit en prêchant : « Faites pénitence ! » 

Ajoutons que (dans l’épitre aux Galates), il ne semble pas parler de la justification du péché, mais des œuvres des justifiés. Voici, en effet, quel en est le sens : à ceux qui sont, dans le Christ, justifiés et renés à une autre vie, est nécessaire la foi qui opère par l’amour, (comme il le dit au même endroit) pour qu’ils vivent saintement, sobrement et pieusement dans ce siècle. Ils ne seront exposés à aucun péril s’ils ont un prépuce, et ne retireront aucun profit s’ils sont circoncis. En conséquence, ce texte n’apporte aucun soutien à l’erreur de Luther. Et n’appartient pas à la pénitence les choses qui se rapportent à ceux qui ont à être justifiés, et qui ne le sont pas encore.

La quatrième. On pourrait objecter, en faveur de Luther, le passage suivant de Saint Paul aux Corinthiens 2, chapitre 7, verset 10 : « La tristesse qui est selon Dieu opère la pénitence pour un salut stable. » Ici, saint Paul semble séparer la tristesse de la pénitence, comme si la pénitence n’ incluait pas la tristesse, même si elle en provient. Et c’est ce que confirment les paroles qui suivent. Expliquant ce qu’est la pénitence que la tristesse a engendrée, saint Paul ne parle de rien d’autre que des œuvres bonnes qu’on peut appeler une nouvelle vie : « Voici, dit-il, ce qu’est pour vous se contrister selon Dieu, non l’inquiétude qu’il opère en vous, mais la défense, l’indignation, la crainte, le désir, l’émulation, la vindicte ». 

Mais la réponse n’est pas difficile à trouver. Car, par tristesse, l’apôtre n’entend pas la douleur d’avoir péché, qui est une partie de la pénitence, mais la tristesse qui nait de l’objurgation qui conduit à la pénitence, c’est-à-dire à la détestation du péché. C’est ce que nous avons montré dans le livre précédent (au chapitre 19). Et dans ces autres mots : « Voilà ce que c’est pour vous vous contrister », saint Paul n’explique pas non plus ce qu’est la pénitence, mais plutôt les effets et les fruits de la pénitence. Ajoutons que si saint Paul expliquait la pénitence dans ce texte, l’erreur de Luther ne pourrait pas en tirer de profit, car Luther n’aurait rien à gagner si, parmi les autres actes, on énumérait l’indignation et la vindicte, lesquels ne peuvent porter que sur des actes passés.

Cinquièmement. On pourrait objecter qu’il semble stupide de ne pas vouloir que soit fait ce qui ne peut pas ne pas être fait. Ceux qui se désolent à cause d’un péché passé, que désirent-ils, que veulent-ils d’autre que n’avoir pas péché ? Que n’ait pas péché celui qui a péché, cela ne peut en aucune façon se faire. Il semblerait donc suffire de penser à entreprendre une bonne vie plutôt qu’à nourrir de l’anxiété pour des maux passés. Voici ce que nous répondons à cela. C’est une chose manifestement stupide de désirer d’une volonté absolue quelque chose qui ne peut exister pour aucune raison. Donc, ceux qui se lamentent de leurs péchés ne disent pas (s’ils sont sains d’esprit) : je préfère pécher, mais à une condition : je ne voudrais pas pécher si la chose était possible. Et comme cela a pu se faire de temps en temps, et que par ma faute il n’est pas arrivé que je ne pèche pas, j’ai donc raison de m’attrister, et je m’accuse et me reproche d’avoir péché. Nous n’avons pas non plus à prouver qu’Adrien (question 1 de la pénitence), enseigne qu’une volonté conditionnelle ne peut pas avoir de volonté de choses impossibles. Car, si elle peut avoir un désir, comme elle reconnait, d’une chose commise, pourquoi pas une volonté conditionnelle (si ça peut se faire) que cette chose ne soit pas commise, si un autre désir fait naturellement naitre cette volonté conditionnelle. 

Il est certain que ceux qui pleurent un ami mort, ne le pleurent pas parce qu’ils l’aiment, mais parce qu’ils ne veulent pas avoir perdu celui qu’ils aiment. Et, quand David disait (2 Rois 18. 33) : « Absalon, mon fils, qui m’a assigné de mourir pour toi ? » Qu’est-ce que cela peut bien signifier d’autre qu’il désirait, si la chose était possible, racheter, par sa mort, la mort de son fils. Et quand l’apôtre Paul disait : « Nous ne voulons pas être dépouillés, mais être revêtus d’en haut. » (Corinthiens 5, 4), il ne voulait pas d’une volonté absolue ne pas mourir, puisque, dans un autre passage, il ajoute : « Nous avons la bonne volonté de pérégriner loin du corps, et d’être présent devant le Seigneur, Philippes 1, 23. « le désir d’être dissous, et d’être avec le Christ « . Mais, il voulait, il la chose était possible, que l’homme ne fut pas tombé dans cette nécessité d’avoir à mourir. Le Christ voulait, lui aussi, si la chose était possible, que ce calice s’éloigne de lui, même s’il n’ignorait pas qu’il avait été déjà statué et prescrit par le Père qu’il bût. Et puis, Aristote lui-même, (livre 3 sur les mœurs, chapitre 2), nie le choix de choses impossibles, mais il en concède une volonté conditionnelle. Car, personne ne choisit de toujours vivre, comme cela est impossible, ce qui n’empêche pas chacun de vouloir ne pas mourir, si c’était possible.

CHAPITRE 6

Dans la contrition est inclus le propos de bien vivre 

Quatrième question. La contrition inclut-elle le propos de bien vivre, ou seulement la détestation du péché ? Les hérétiques de notre époque parlent différemment sur cette question. Ceux pour qui la contrition vient après la foi, comme Luther dans tous les textes que nous avons cités plus haut, et Calvin (livre 3, chapitre 3), admettent facilement que le propos de bien vivre appartient à la contrition. Ceux qui veulent que la contrition soit antérieure à la foi, et divisent la pénitence entre contrition et foi, ceux-là définissent la contrition par les seules terreurs de la conscience, et par la détestation des péchés. Ils enseignent que le propos de bien vivre est un fruit de la foi et non une partie de la contrition. C’est cette sentence que la plus grande partie des luthériens me semblent avoir adoptée. Les textes allégués sont dans le premier chapitre 1 de ce livre, et dans le chapitre 18 du livre précédent.

Les écrivains catholiques conviennent tous en ceci que, pour une vraie pénitence, sont requises la détestation des péchés et la décision de mieux vivre. Là où ils différent, c’est en ceci : ce propos est-il expressément et formellement nécessaire, ou n’est-il que virtuel et implicite ? Car nul ne peut douter que celui qui déteste sincèrement ses péchés, et s’attriste de les avoir commis, ne veuille en même temps, au moins implicitement et virtuellement (pour parler ainsi) changer en mieux. Les anciens théologiens, comme Pierre Lombard, (livre 4, dist 14 et 15) , Alexandre Hales (dans sa somme théologique par 3, question 69, m 9 art 2), saint Thomas d’Aquin (4 sent, dist 17, quest 2, art 1 et 3, part question 86 art 2, et livre contre les Gentils, chap 158, et livre 4, chapitre 72), et Scot, Durand, Albert, (4 sent dist 14, ou 17) enseignent tous que, avec la détestation du péché, le propos de bien vivre fait partie de la contrition. Et même s’ils ne font pas de distinction entre un propos formel et un propos virtuel, ils indiquent suffisamment qu’ils parlent d’un propos formel. C’est ce qu’ont enseigné plus clairement encore, un peu après, le pape Hadrien 6, (dans le cinquième quodlibet, (n’importe quoi) article 3), Thomas Cajetan, (dans ses additions à la troisième partie de saint Thomas, quest 1, art 1), Dominique a Soto (4 sent dist 17, question 2, art 1), et Melchior Cano (dans sa relecture de la pénitence, para 1).

Ne manquèrent pas cependant quelques dissidents, qui se contentèrent d’un propos virtuel inclus dans la détestation des péchés. Ils nièrent même que le propos formel était nécessaire, et qu’il était inclus dans la notion même de contrition. On trouve parmi eux Jean Major, Jacques Almaynus, (dans 4 sent dist 14, quest 1), et ceux qui les ont suivis, André Vega (livre 17, chapitre 21 sur le concile de Trente.) Or, pour nous, la voie commune et foulée par les anciens pères, est toujours la plus sure et la plus valable. Il nous faudra donc prouver qu’à la contrition, est requis un propos explicite et formel de meilleure vie. D’abord, par les lettres divines (Amos 5) : « Haïssez le mal, et aimez le bien etc. » Isaïe 1 : « Lavez-vous, soyez purs, enlevez le mal de vos pensées, reposez-vous des actions perverses, apprenez à bien faire. » Et un peu après : « Si vous péchés sont rouges , ils deviendront blancs comme neige. » Tu vois ici une promesse de rémission des péchés après des bonnes œuvres commencés par le désir et la décision. » 

De même Ézéchiel 18 : « Si un impie fait pénitence de tous les péchés qu’il a commis, garde tous mes commandements, est juste dans ses jugements et pratique la justice, je ne me souviendrai plus de toutes ses iniquités. » Dans ce texte, les mots (et gardera tous mes préceptes) semblent devoir être référés à un désir et un propos d’observer les commandements, et non à l’observance elle-même. Car, comment tous les commandements pourraient-ils être observés en une heure, ou une journée ? Il ne faut pas non plus penser que la rémission des péchés se fera longtemps attendre, puisque le même prophète dit, au chapitre 33 : « Quel que soit le jour où un pécheur se tournera vers moi », il obtiendra l’indulgence.

C’est à ce passage qu’essaie de répondre le Véga dont nous avons parlé plus haut. Il dit trois choses. La première. Il nous objecte des paroles de ce chapitre : « Convertissez-vous, et faites pénitence de toutes vos iniquités, et l’iniquité ne sera pas pour vous une cause de ruine. » « Il promet là la rémission des péchés, sans faire aucune mention de la décision de mieux vivre ». Je réponds que ce texte nous est plutôt favorable, car, quand le prophète a dit : convertissez-vous et faites pénitence, il explique tout de suite après ce que veut dire se convertir et faire pénitence, quand il dit : « Projetez loin de vous toutes vos prévarications, toutes celles dans lesquelles vous avez prévariqué, et faites-vous un cœur et un esprit nouveau. » Ne vois-tu pas qu’il parle clairement et distinctement des deux choses que nous disons être requises dans la vraie pénitence ou contrition. 

La deuxième chose de Vega. Il ajoute ces paroles : « Et il a gardé tous les préceptes. » Le prophète aurait ajouté cela pour que nous comprenions qu’il est nécessaire, en plus de la pénitence pour les choses commises, de ne pas ajouter de nouveaux péchés, selon saint Grégoire (homélie 34 sur les évangiles) : « Si quelqu’un pleure ses péchés de luxure, quel profit en retirera-t-il, s’il respire encore l’air enflammé de l’avarice ? S’il pleure les fautes que la colère lui a fait commettre, mais continue à jalouser et à envier les autres, quel profit en retirera-t-il ? » 

Mais cette réponse est exclue d’avance par le mot « tous ». Ne dit-il pas : Si l’impie fait pénitence de tous ses péchés ? Donc, celui qui fait pénitence de tous ses péchés, serait averti en vain de se garder de commettre d’autres péchés pendant qu’il en pleure certains ? Il ne peut pas non plus se faire qu’au moment où quelqu’un se consume d’avarice ou d’envie, il pleure les fautes non seulement de la colère, mais de tous ses vices. 

La troisième chose de Vega. Il répond que « ces paroles : « Et gardera tous les préceptes », ont été placées contre les erreurs de ceux qui, après la pénitence, pensent qu’il est licite de retourner aux crimes du passé. Qu’Ezéchiel ne veut rien d’autre que, après la justification obtenue par la pénitence, on demeure dans la justice ». Mais, ce qui répugne à cette explication c’est que le prophète a démontré assez clairement que ces deux choses, la pénitence pour les péchés et l’observance des commandements, dans le désir et la réalité, sont un chemin qui mène à la justification. Et qu’ils doivent donc être antérieurs à la rémission des péchés. Car, voici ce qu’ dit : « Si l’impie fait pénitence de tous ses péchés, et garde tous les préceptes… il vivra de vie, il ne mourra pas, et je ne me souviendrai plus de toutes ses iniquités. » Ce texte réfute clairement l’erreur des luthériens qui placent après la justification, le propos d’une nouvelle obéissance. 

Tous les textes de l’Écriture qui décrivent la pénitence par la conversion, comme celui de Job 2 : « Convertissez-vous à moi de tout votre cœur, dans les larmes et le jeûne », confirment ouvertement notre sentence. La conversion à Dieu est la même chose que la volonté de plaire à Dieu par l’observance des commandements. Comme le détournement de Dieu est la même chose que la volonté de prévariquer. Et comme sans conversion il ne peut pas y avoir de contrition, il ne peut pas y en avoir non plus sans le propos de plaire à Dieu par l’observance de ses commandements. L’apôtre ne dit-il pas aux Éphésiens (4) : « Déposez votre vieil homme qui corrompt selon les désirs de l’erreur. Renouvelez-vous par le principe spirituel de votre âme, et revêtez l’homme nouveau. » Nous avons déjà présenté ce qu’en pense saint Grégoire. Dans son homélie 31 sur les évangiles, il dit que la vraie pénitence consiste à pleurer ses péchés, et à ne plus commettre ceux que l’on doit pleurer. Cette définition a été reçue par les théologiens à l’unanimité.

Des exemples tirés des choses humaines peuvent être aussi pertinents. Quand, après une offense, les maîtres ou les parents reçoivent en grâce leurs serviteurs ou leurs enfants, ils n’exigent pas moins le propos d’une meilleure vie que la confession de la faute. Mais ce qui me pousse surtout à embrasser et à défendre cette sentence c’est l’autorité des sacrosaints conciles de Florence et de Trente. Dans le concile de Florence, (instruction aux Arméniens), et dans le concile de Trente (session 14, chapitre 4), la contrition est expliquée comme étant la douleur d’un péché commis, avec la ferme décision de ne plus pécher de nouveau. 

On ne peut pas répondre non plus que le concile parle d’un propos implicite. Car, comme un propos implicite ne peut en aucune façon être séparé de la détestation des péchés, le concile aurait ajouté pour rien ces paroles : « avec la décision de ne plus pécher de nouveau. » Car, à quoi servirait cette expression, si le propos n’était pas expressément requis ? Si les conciles avaient statué que la contrition est la détestation d’un péché commis, avec le propos implicite de ne plus pécher, il n’y a personne qui ne jugerait pas superflu la partie postérieure de la définition, puisque on ne trouve jamais de détestation des péchés sans ce propos implicite. Donc, ou ces paroles doivent être entendues d’un propos formel, ou, ce qui est absurde, elles sont mises là pour rien.

Et que dire de ce que, dans le même chapitre 4, le concile de Trente ajoute, un peu après, que le propos d’une vie nouvelle est principalement contenu dans la contrition, quand il dit : « Le saint synode déclare donc que la contrition n’est pas seulement la cessation des péchés et le propos d’une nouvelle vie, mais qu’elle contient aussi la haine des anciens péchés. » De plus, comme la détestation des péchés inclut le propos implicite et virtuel de ne plus pécher, à l’inverse, le propose de ne pas pécher inclut une détestation implicite et virtuelle des péchés. Voilà pourquoi, si la détestation d’un péché commis sans le propos formel de ne plus pécher de nouveau suffit à la justification, suffira aussi le propos de ne plus pécher de nouveau sans la détestation formelle d’un péché commis. On ne peut donner aucune raison pour prouver que ces choses ne sont pas semblables. Et Vega lui-même, au lieu cité, nie correctement que l’impie puisse être justifié sans la détestation formelle d’un péché commis, par le seul propos de ne plus pécher, ou par la seule détestation des péchés (sans ferme propos). Il faut maintenant répondre aux objections qu’on fait à Vega.

CHAPITRE 7

On réfute les objections

La première objection contient les exemples de plusieurs auteurs qui, forts du témoignage de l’Écriture et des pères, semblent soutenir que la justification s’opère sans le propos formel d’une vie meilleure. Dans les Rois 2, chapitre 12, David a été justifié tout de suite après avoir dit de cœur et de bouche : j’ai péché. En parlant de cela, dans son homélie 41, saint Augustin écrit : « Trois syllabes seulement, mais de ces trois syllabes, la flamme du sacrifice est montée au ciel devant Dieu ». Et saint Jean Chrysostome (homélie 9 sur la pénitence) : « Dis j’ai péché, et tu t’es acquitté de ton péché. » De Manasse, (2 paralippom), nous ne lisons rien d’autre qu’il a fait pénitence, et qu’il a prié le Seigneur. Au sujet des Ninivites, (Jonas 3) nous avons une conversion des péchés par le jeûne, le sac et la prière. Aucune mention n’est faite d’un changement de vie. On pourrait dire la même chose de l’enfant prodigue (Luc 15) et du publicain (Luc 28). 

Je réponds que nous ne pouvons pas déduire des exemples allégués que David, Manassé et les autres ont été justifiés sans aucun propos de vie meilleure. Car, même si David n’avait pas dit j’ai péché, il faudrait quand même croire que ce mot a été prononcé par lui d’une manière ou d’une autre, comme d’ailleurs il le fallait pour que suive si subitement la justification. Car, ce n’est pas le premier venu qui sera justifié seulement en disant j’ai péché. Ne savons-nous pas (par Matthieu 27) que Judas a dit : « J’ ai péché en livrant le sang du juste, » sans pourtant avoir été justifié ? C’est donc par une conversion parfaite à Dieu que David s’est changé intérieurement. Il eut donc et la douleur d’avoir péché, et le propos de ne plus pécher, que devant Nathan il n’a exprimé que par un mot, mais dans ses psaumes, par plusieurs.

Au sujet de Manassé, puisque l’Écriture dit de lui qu’il a fait grandement pénitence, qu’est-ce qui empêche d’entendre par ce mot de pénitence, non seulement la douleur d’avoir péché, mais aussi le propos d’une vie meilleure, ainsi que les œuvres de la pénitence ? Quant à la conversion des Ninivites obtenue par les menaces de Jonas, je ne vois pas pourquoi il faudrait la restreindre à la seule détestation du péché, puisque les œuvres de pénitence que nous lisons qu’ils ont faites ne pouvaient pas être effectuées sans le propos de bien vivre. Le publicain, ensuite, et le fils prodigue, de quel front auraient-ils demandé le pardon s’ils n’avaient pas décidé de ne plus offenser celui à qui ils demandaient le pardon. 

Et, pour que tu comprennes qu’on ne peut pas, par les seules paroles, juger des intentions d’un pénitent, réfléchis à ce que l’apôtre a dit quand il a été appelé par le Christ, et qu’il a été converti et justifié par cet appel. Il n’a pas dit qu’il avait péché et qu’il détestait ses péchés, mais seulement : « Seigneur, que veux-tu que je fasse ? » (Actes 9, 6). Donc, comme on ne peut pas en déduire que saint Paul n’a pas eu la douleur de ses péchés, même s’il n’en a rien exprimé par ses paroles, ni non plus le propos de mieux faire, on ne peut pas non plus déduire des paroles de David et de Manassé qu’ils n’ont pas eu le propos de mieux vivre, ni non plus la détestation de leurs péchés, même s’ils n’en ont rien dit.

La deuxième objection. « La contrition ou la pénitence, si on suppose la foi et l’espérance, suffit à un chrétien, par la grâce de Dieu, pour obtenir le pardon. Or, la contrition n’inclut proprement que l’acte par lequel nous ne voulons plus offenser Dieu. Donc, sans décision formelle d’éviter désormais les péchés, nous pouvons être justifiés par la seule détestation des péchés commis. » Il prouve l’assomption par deux arguments. Le premier. Parce que le nom de pénitence, tant en grec qu’en latin, se rapporte au passé et non au futur. Le deuxième. Parce que le propos d’éviter les péchés est proprement un acte de charité, ou d’obéissance, et non de pénitence. 

Je réponds que l’assomption de l’argument est fausse. Car, les conciles de Florence et de Trente, cités plus haut, mettent ouvertement dans la définition de la contrition le propos de ne plus pécher. Et enseignent la même chose saint Grégoire, et tous les théologiens qui définissent ainsi la pénitence : « La pénitence consiste à pleurer ses péchés, et à ne plus commettre les péchés qu’on doit pleurer. » Et saint Thomas, que nous suivons dans cette partie de la pénitence, écrit (dans 3 par somme, quest 87, art 1) : « Appartient à la notion de vraie pénitence que l’homme non seulement s’afflige des péchés commis, mais aussi qu’il se propose de ne plus les commettre. » Et il confirme la même chose en réponse au premier, et ailleurs, en plusieurs endroits.

Ce qu’on nous oppose au sujet du nom de la pénitence est d’une grande ineptie. Car, comme nous l’avons déjà dit au moins deux fois, ce n’est pas tant l’étymologie de ce mot qu’il faut suivre que l’emploi que l’Écriture et les pères en ont fait. Et n’est pas vrai non plus ce qu’il nous oppose à savoir que le mot grec metanoian n’est pas tourné ver le passé, mais vers le futur. Car Tertullien, qui était un expert en langue grecque, (dans son livre 2 contre Marcion), affirme le contraire quand il écrit : « En grec, le nom pénitence ne tire pas son nom de la confession d’un délit, mais d’un changement de vie. » En effet, si tu regardes l’étymologie du mot metanoian, tu ne trouveras rien d’autre que « savoir après coup ».Il se rapporte donc plus au futur qu’au passé. Mais, comme je l’ai dit, ce sont des futilités. 

Il ajoutait ensuite pour prouver son assomption, que le propos de se garder des péchés est un acte de charité ou d’obéissance, mais non de pénitence. On peut facilement lui retourner la question. Car l’acte aussi par lequel nous ne voulons pas offenser Dieu est un acte de charité, si on le considère dans l’absolu. Donc, comme un acte par lequel nous ne voulons pas offenser Dieu est un acte de charité ou d’obéissance, et cependant, en tant qu’il est référé à l’effacement d’un péché et à la réconciliation avec Dieu , est un acte de pénitence, de la même façon le propos d’éviter le péché relève entièrement de la charité et de l’obéissance, puisqu’il convient aussi aux justes, qui n’ont pas besoin de pénitence. Cependant, en tant qu’il est assumé par quelqu’un qui a péché pour compenser l’injure faite à Dieu, et réintégrer l’amitié divine, c’est un acte de pénitence. La pénitence, comme saint Thomas l’enseigne (3 par quest 85 art 3), est une partie de la justice potentielle, dont l’office propre est de compenser l’injure faite à Dieu, pour que suive la réconciliation. L’Injure est compensée par la détestation du péché, la décision d’observer les commandements, et de faire toutes les autres choses que Dieu requiert.

La troisième objection. « Si cet argument prouve quelque chose, il prouvera aussi que la décision d’éviter les péchés, dans laquelle est contenue la douleur virtuelle d’avoir péché dans le passé, suffit à la réconciliation, sans une douleur formelle et distincte pour les s péchés passés » . Ce que pourtant nie, en propres termes, celui dont nous réfutons maintenant les arguments. Je dis donc qu’il ne peut se faire que soit dans l’âme une vraie douleur pour les péchés commis sans que naisse aussitôt le propos d’éviter les péchés futurs. Comme il ne peut se faire, à l’inverse, que, par une vraie charité, quelqu’un prenne la décision de ne plus pécher à l’avenir, sans que se lève aussitôt la douleur d’avoir commis des péchés non encore pardonnés par la miséricorde de Dieu. Ne sera pas non plus une vraie contrition celle qui produit la douleur des péchés passés , sans ferme propos de ne plus pécher. Ne sera non plus une vraie charité celle qui, dans celui qui est conscient de péchés mortels, engendre un amour de la justice sans la haine du péché.

La quatrième objection. « Pour les hommes bons, la détestation véhémente des péchés ne peut jamais, à elle seule, procurer la rémission des péchés. Dieu est de loin meilleur que les hommes. Et il n’est pas crédible que le Christ ait voulu attendre que saint Pierre prenne la décision de ne plus jamais pécher. Il lui a plutôt remis immédiatement son péché quand il l’a vu pleurer amèrement ». Je réponds que les bons connaissent les hommes par la seule confession et détestation de la faute, car ils ne doutent pas que ceux qu’ils voient détester leurs fautes à ce point aient déjà conçu dans leur cœur le désir de ne plus pécher. Car, en cas contraire, c’est par des tourments qu’ils arrachent cette promesse. Quand saint Pierre a commencé à pleurer, il est croyable qu’il ait détesté son péché, qu’il ait conçu le désir de ne plus pécher, et qu’il ait demandé pardon à Dieu avec son cœur, si non avec sa bouche. C’est ce que nous et les autres expérimentons. Quand la componction nous saisit, nous détestons et pleurons sincèrement nos péchés.

La cinquième objection. « La demande du pardon avec le déplaisir d’avoir péché suffit à l’obtention de la rémission des péchés, même sans le propos formel d’éviter les péchés. Isaïe LV : « Que l’impie quitte sa voie, et l’homme méchant ses pensées, et qu’il retourne au Seigneur. » Qui ne voit que deux choses seulement sont requises de l’impie pour obtenir de Dieu la miséricorde, la détestation de ses péchés, et l’humble demande de pardon ? Voici ce qui dit saint Ambroise (livre7, chapitre 66, sur saint Luc) : « Il est facile d’être réconcilié quand on demande intensément. » 

Je réponds que, souvent, la divine Écriture attribue la vertu de justification et même du salut, à diverses choses. Non parce que ces choses suffisent à elles seules pour justifier ou sauver, mais parce qu’elles ont le pouvoir de conduire à la justification et au salut, si les autres ne font pas défaut. C’est ce que nous lisons dans Romains 111 : « Nous pensons que l’homme est justifié par la foi. » Eccl 1 : « La crainte du Seigneur expulse le péché. » Romains 7 : « Nous avons été sauvés par l’espérance. » Luc 7 : « Beaucoup de péchés lui sont remis parce qu’elle a beaucoup aimé. » Tobie 12 : « L’aumône libère de la mort, et c’est elle qui purge des péchés. » Tite 3 : « Il nous a sauvés par le lavement de la régénération. » Jacques 1 : « Recevez la parole qui peut sauver vos âmes. » Nous lisons souvent dans l’Écriture, des phrases de ce genre. Et pourtant, il n’y en a aucun qui en conclue que seule la crainte, seule l’espérance, seule l’aumône, seule la parole, seule la foi ou la dilection puisse suffire au salut, sans les autres choses qui sont requises à cette fin. Même si, l’Écriture attribuait, à quelque part, la justification à la détestation des péchés ou à la prière, on ne serait pas en droit de conclure qu’elles suffisent à elles seules, en l’absence des autres.

Ajoutons que dans les paroles d’Isaïe citées, on ne voit pas pourquoi ce n’est pas le propos de bien vivre qui est recommandé, plutôt que la détestation des péchés. Car, ces paroles : que l’impie quitte sa voie, ne semble pas vouloir dire que l’impie doive pleurer ses péchés, mais plutôt qu’il cesse de pécher et qu’il entreprenne une nouvelle vie, car c’est cela quitter sa voie : non suivre le chemin foulé par ses pas, mais choisir une autre route. Pour une raison semblable, les paroles suivantes (et qu’il retourne au Seigneur) que signifient-elles d’autre, je le demande, que l’impie s’efforce d’aimer Dieu et de lui plaire ? Or, cela ne peut pas se faire sans la ferme décision d’observer les commandements. Car, le Seigneur a dit en saint Jean 14 : « Si vous m’aimez, vous observerez mes commandements. »

La sixième objection. « Il peut arriver que, pressé par une mort subite, quelqu’un se souvienne des péchés qu’il a commis, qu’il les pleure en criant : Seigneur, prends pitié, sans pouvoir, en aucune façon, penser au futur, ou prendre une décision pour l’avenir. Sera-t-il privé du pardon ? Y a-t-il rien de plus rigide, de plus dur ? On ne lit pas que le bienheureux larron qui a été crucifié avec Jésus ait eu le propos d’une vie meilleure, mais qu’il a seulement détesté ses péchés, qu’il s’est seulement réfugié dans la miséricorde du Christ. » (Luc 23). « Il faut donc , dans le sacrement de pénitence, absoudre de tous ses péchés quelqu’un qui montre des signes de douleur, même s’il ne montre aucun propos de meilleure vie. » 

Réponse. Je ne concède pas facilement que, poussé par un vrai amour de Dieu, quelqu’un pleure ses péchés , et en demande le pardon, sans qu’il se propose, au moins en pensée, à ne plus offenser Dieu. Et il n’y a pas de danger qu’on oublie ce ferme propos, car non seulement la charité, mais la nature elle-même suggère qu’on ne peut pas établir de paix avec Dieu sans une ferme décision de ne plus pécher de nouveau. Quant au bon larron, il est vrai qu’on ne lit pas qu’il ait détesté ses péchés et qu’il se soit proposé de ne plus pécher, mais qu’il a seulement reconnu qu’il était justement puni. Mais, il a dit au Christ : « Souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton royaume. » Par la façon dont il a demandé le pardon, nous déduisons qu’il était rempli d’une vraie foi, et d’une ardente charité envers Dieu, et qu’en un temps très court, il a manifesté tout ce qui était requis à une pénitence interne légitime. Ensuite, ceux qui montrent des signes de douleur, même s’ils ne peuvent pas parler, sont absouts correctement dans l’église, car on juge, non sans raison, qu’ils détestent vraiment leurs péchés, et qu’ils ont le ferme désir de les rejeter.

La septième objection. « Les anciens pères et le concile de Trente (session 6, chapitre 14), quand ils appellent la pénitence, la seconde arche après le baptême, ont certainement pensé à la détestation des péchés. Il peut donc se faire que quelqu’un soit justifié par la seule détestation des péchés, sans la décision de ne plus pécher ». Je réponds que ni les pères ni le synode n’ont appliqué l’image de la seconde arche à la seule détestation des péchés, mais à la pénitence totale et intégrale. Bien plus, le concile de Trente n’a pas tant appelé la seconde arche pénitence que sacrement de pénitence.

CHAPITRE 8

La contrition est tout à fait nécessaire pour la justification

La cinquième controverse porte sur la nécessité de la contrition. Nous parlons, ici, de la contrition en général qui comprend autant la contrition parfaite, qui est la contrition proprement dite, que la contrition imparfaite, qui est l’attrition. Et nous voulons qu’il soit question d’une nécessité non seulement de moyen, mais de précepte.

Luther et Calvin ne reconnaissent aucune contrition qui précède la justification. Car, Calvin enseigne que toute la pénitence est le fruit de la foi justifiante, comme nous l’avons montré plus haut (au livre 3, chapitre 3, verset 1). Sans l’ombre d’un doute, il enseigne qu’aucune partie de la pénitence, donc, ni la contrition, n’est nécessaire à la justification. Dans l’assertion de ses articles, Luther semble, à certains, avoir nié la nécessité de la contrition, en ces mots de l’article 11 : « Si tu reçois l’absolution d’un prêtre, crois fortement que tu es absous, et tu le seras, quoi qu’il en soit de ta contrition. » 

Mais cependant, dans l’article 12, il affirme qu’il est impossible que quelqu’un soit vraiment absout sans contrition : « Si, par impossible, le pénitent qui confesse ses péchés n’avait pas la contrition, ou si le prêtre absolvait non sérieusement, mais par jeu, il sera vraiment absout, s’il croit qu’il est véritablement absout. » Et, un peu après, il déclare pourquoi la chose est impossible : parce que la foi ne peut pas exister sans la contrition : « J’ai dit par impossible, comme on l’a suffisamment dit plus haut, la foi ne peut pas exister sans la contrition, car la foi n’est pas infusée sans une grande concussion de l’âme. » Luther ne nie donc pas la contrition dans l’absolu, mais il nie qu’elle soit nécessaire à la rémission des péchés, car il la fait passer après la foi qui, selon lui, est seule à justifier, comme il le répète souvent dans ces mêmes articles.

Ne manquent pas, cependant, parmi les disciples de Luther, des auteurs qui enseignent que la contrition est nécessaire avant la confession. Martin Kemnitius, par exemple, (2 par de l’examen, page 901) : « Il n’y aucune controverse entre nous sur le point suivant : personne ne peut être réconcilié à Dieu et bénéficier de la rémission des péchés sans faire pénitence. » Et, un peu après, il dit que la contrition est un moyen d’acquérir la justification. Puis, il ajoute ces mots : « À ceux qui sont ainsi terrifiés et contrits, la contrition est un moyen d’acquérir la justification. » Il répète la même chose aux pages 956, 957 : « La contrition est nécessaire, mais elle n’est pas un mérite. » Et plus bas : « C’est un commandement divin que celui qui veut évangéliser évangélise les pauvres, et que celui qui veut assainir assainisse les contrits de cœur. » Philippe dit la même chose (dans les lieux édités à la fin, au mot contrition), et tous ceux, parmi les luthériens, qui veulent que la contrition soit la première partie de la pénitence, et la foi la dernière. Laissons cela de côté, et formulons deux propositions, conformément à la sentence commune des théologiens catholiques.

La première proposition. La contrition, au moins imparfaite, est tout à fait nécessaire aux adultes, de nécessité de moyen, pour obtenir la rémission des péchés et la justification. Il est assez évident que cette proposition vient tout droit du concile de Trente (session 6, chapitre 14, et session 14, chapitre 4). Car, quand le concile dit que, en tout temps, la contrition a été nécessaire à la justification, il parle de la nécessité de moyen, car les choses qui ne sont nécessaires que de nécessité de précepte, on n’a pas coutume de les prescrire si universellement, et en tout temps.

On prouve cette proposition avec les paroles du Seigneur en Luc 13 : « Si vous ne faites pénitence, vous périrez tous semblablement. » Ces paroles sont si claires qu’elles ne laissent place à aucun doute. Prouvent la même chose ces paroles de Pierre, actes 3 : « Faites pénitence et convertissez-vous, pour que soient effacés vos péchés. » Et ces paroles de saint Paul aux Romains 2 : « Ignores-tu que la bénignité de Dieu t’amène à la pénitence ? Selon la dureté de ton cœur impénitent , tu as thésaurisé pour toi la colère, pour le jour de la colère et de la révélation du juste jugement de Dieu. » Et ces paroles du Christ dans le chapitre 2 de l’Apocalypse : « Souviens-toi t’où tu es tombé, fais pénitence, et fais les premières œuvres. Sinon je viendrai bientôt, et j’enlèverai le candélabre de son lieu, à moins que tu ne fasses pénitence. » Ensuite Ézéchiel (chapitre 18) ne prêche rien d’autre aux pécheurs que de faire pénitence, s’ils veulent être sauvés. Enseignent la même chose tous les pères qui appellent la pénitence la seconde arche après le baptême, dont nous avons recueilli les témoignages dans le premier livre. On peut y ajouter un témoignage de saint Augustin qui (sans son épitre 48 à Vincent) parle ainsi à la fin de la lettre : « Pense que personne ne peut, sans la pénitence, passer de l’erreur à la vérité, de la commission d’un péché grand ou petit au pardon de ce péché. »

La seconde proposition. Nous avons un précepte divin qui porte sur la contrition. On peut d’abord prouver cela par ce qui précède. Toutes les choses qui sont nécessaires de nécessité de moyen sont nécessaires aussi de nécessité de précepte, même si toutes les choses qui sont nécessaires de nécessité de précepte, ne sont pas nécessaires aussi de nécessité de moyen. Car, les hommes sont tenus d’adhérer nécessairement aux choses sans lesquelles ils ne peuvent pas être sauvés. Ensuite, il y a dans l’Écriture, des textes manifestes qui indiquent le précepte de la pénitence. Joël 1 : « Convertissez-vous à moi, et déchirez vos cœurs ». Matthieu 3 : « Faites pénitence » Ézéchiel 18 : « Projetez loin de vous les dépravations, et faites-vous un cœur neuf. » Apocalypse 2 : « Fais pénitence. »

On peut ajouter que l’observation des commandements est un moyen de salut suffisant. Car, à celui qui lui demandait : « J’obtiendrai la vie éternelle en faisant quoi ? », le Seigneur a répondu : « Tu connais les commandements. » Et plus clairement encore en Matthieu , 19 : « Si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements. » En effet, si, en plus de l’observation des commandements, quelque chose d’autre était requis pour obtenir la vie éternelle, le Seigneur aurait moins instruit ce jeune homme, qu’il l’aurait induit en erreur. Il faut donc ou que nous ayons un mandat sur la contrition pour affirmer ce que nous affirmons, ou que la contrition n’est pas nécessaire au salut, ce qui est faux, comme nous l’avons déjà montré. On ne peut pas non plus répondre que le Christ a dit ces choses aux justes et non aux pécheurs, comme si l’observation des commandements suffisait au salut des justes, et non au salut des pécheurs. Car, le Seigneur parle en général, et sans faire d’exceptions. Et bien que ce jeune homme à qui le Seigneur a parlé en Luc 18, ait été bon et juste, (comme on peut en juger par le chapitre 10 de saint Marc), cependant le scribe qui, en Luc 10, a posé au Seigneur la même question, et qui a reçu la même réponse, était un pécheur, puisqu’il questionnait pour tenter le Seigneur, non pour apprendre quelque chose. 

De plus, on ne peut douter que nous soyons tenus par un précepte divin de ne pas négliger les choses qui sont nécessaires à la vie, et à la santé corporelle. Il n’échapperait pas au péché d’homicide celui qui refuserait de prendre de la nourriture, pendant tout le temps où il ne peut vivra sans s’alimenter. À combien plus forte raison sommes-nous tenus de prendre les moyens sans lesquels la vie de l’âme ne peut pas être entretenue. Il appert donc que l’impénitence est non seulement un péché, mais un péché très grave, et, à un point tel que certains estimèrent que le péché contre l’Esprit n’était rien d’autre que l’impénitence finale. 

Et l’Écriture accuse souvent les impénitents, et leur fait des menaces de grandes peines. Le Psaume XCX1V : « Aujourd’hui, si vous entendez sa voie, n’endurcissez pas vos cœurs. » Psaume 4 : « Jusques à quand, lourds de cœur ? » Proverbes 1 : « Parce que j’ai appelé et que vous avez résisté, je rirai à votre destruction. » Zacharie 1 : « Ne soyez donc pas comme vos pères auxquels prêchaient les prophètes en disant : détournez-vous de vos voies mauvaises, et de vos méchantes pensées. Et ils n’écoutèrent pas, et ils n’en tinrent pas compte. » Matthieu 23 : « Combien de fois j’ai voulu réunir vos fils …et vous n’avez pas voulu. » Romains 2 : « Selon la dureté de ton cœur impénitent, tu as thésaurisé pour toi la colère ». 

Si c’est un péché nouveau de ne pas vouloir se convertir, de ne pas vouloir faire pénitence, de ne pas obtenir par la contrition le pardon de ses péchés, il s’ensuit certainement qu’il y a un nouveau précepte par lequel nous sommes tenus de nous convertir à Dieu, et de susciter en nous la contrition. En conséquence, Tertullien a tout à fait raison de prouver (dans son livre sur la pénitence) que la pénitence est un bien parce qu’elle est prescrite par Dieu : « Est-ce une bonne chose de faire pénitence, oui ou non ? Pourquoi hésites-tu ? Dieu l’a prescrite. » Mais, pour donner une plus ample information, je réfuterai des objections que les catholiques, et non les hérétiques ont coutume de faire.

CHAPITRE 9

On réfute d’autres objections 

La première. Le baptême, comme d’ailleurs tous les autre sacrements, confère la grâce à ceux qui n’y mettent pas d’obstacle. Or, il ne met pas d’obstacle celui qui prend la décision de mener une meilleure vie, et qui ne se complait dans aucun péché, même s’il ne déteste pas réellement le péché. Je réponds qu’on ne peut certes pas dire qu’il ne met pas d’obstacle celui qui se présente à un sacrement sans les dispositions requises. Autrement, ce n’est pas seulement sans la détestation du péché, mais aussi sans la foi que quelqu’un pourrait être justifié par le baptême. La pénitence qui, sans la détestation du péché, est nulle, est une disposition pour le baptême. L’apôtre Paul enseigne (dans les Actes 2) : « Faites pénitence, et que chacun de vous se fasse baptiser. » 

Ce que le concile de Trente a récemment déclaré (sessionm6, chapitre 6), saint Thomas l’avaient enseigné avant ( 3 par question 86, art 2, à 1), ainsi que les autres théologiens communément. Car, celui qui, par sa propre volonté, s’est détourné de Dieu par le péché, ne peut, pense-t-on , se disposer à recevoir la grâce de Dieu que si, par sa propre volonté, il se retourne vers Dieu. Il ne sera cependant pas nécessaire que la pénitence qui précède le baptême, contienne la contrition parfaite qui efface tous les péchés sans la réception réelle du sacrement. Car, comme le baptême est le sacrement de la régénération et de la rénovation, et qu’il a le pouvoir de justifier et de rénover, il n’exige pas un homme déjà justifié par la contrition parfaite. Et c’est peut-être ce que voulait dire l’auteur des commentaires sur Paul qui sont attribués à saint Ambroise, quand il expliqua le chapitre X1 aux Romains : « Les dons de Dieu sont sans la pénitence. » Il a laissé par écrit que la grâce de Dieu dans le baptême ne requiert ni gémissement, ni pleurs, mais seulement une profession qui vient du cœur. En parlant ainsi, cet auteur ne rejette, pour le futur baptisé, ni la détestation du péché ni la pénitence, mais seulement la contrition parfaite qui, sans action externe, est à peine repérée.

La seconde objection. « La charité semble suffire, à elle seule, à la justification et au salut, même si aucune contrition ou pénitence n’est repérée. Car, dit le proverbe X, 12 : « La charité recouvre tous les péchés. » Je réponds que la vraie charité suffit certainement au salut et à la justification, même sans pénitence et contrition. Car, où se trouve la charité, là est la justice, et le péché mortel est nécessairement absent. Car, « celui qui aime accomplit la loi » . (Romains 13, 8). Or, celui qui accomplit la loi est juste, et il ne manque rien à son salut éternel, selon Matthieu 19 : « Si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements. » Voilà pourquoi saint Augustin a eu raison de dire (au traité 5 sur l’épitre de saint Jean) : « Seul l’amour fait la distinction entre les fils de Dieu et les fils du diable. » Et plus bas : « Voilà quelle est la perle précieuse, sans laquelle rien de ce que tu possèdes ne t’est utile. Car, si tu n’as que celle-là, elle te suffit. » Et aussi saint Jean (au témoignage de saint Jérôme, dans son commentaire du chapitre 6 de l’épitre aux Galates, ) a prononcé cette sentence au sujet du précepte de charité : « C’est le précepte du Seigneur, et s’il n’y a que lui, il suffit. » Cependant, la vraie charité ne peut en aucune façon exister sans contrition dans celui qui a conscience d’avoir commis un péché mortel. Voilà pourquoi, même si la charité suffit à elle seule, les théologiens ont raison d’enseigner que, pour un grand pécheur, la contrition est un moyen nécessaire à la justification et au salut.

Exemple. La foi et l’espérance sont nécessaires, même si (au témoignage de saint Augustin) la charité seule suffit. Car, sans foi et sans espérance, la charité est nulle. Donc, on dit que seule la charité suffit parce qu’elle n’est jamais seule, parce qu’en partie elle suit le chœur des autres vertus, en partie elle le précède. Et c’est ce que dit saint Thomas (3 par quest 84, art 5, 2) quand il nie que sans la pénitence la charité puisse suffire. Et il en donne la raison : la charité requiert la pénitence ou elle l’effectue. Car, comment quelqu’un peut-il vraiment aimer Dieu s’il ne déteste pas le péché qui le prive de la grâce du Christ. 

Mais quelques-uns objectent que « l’esprit d’un homme peut se trouver si rapidement tourné vers Dieu, qu’il n’a pas le loisir de contempler ses péchés. Les pécheurs aussi sont ravis par Dieu, qui leur permet certes de produire un acte d’amour, par lequel ils offrent à Dieu leur mort, mais, troublés par la crainte présente, ils ne peuvent penser à leurs péchés passés. Ils sont même si oublieux de leurs péchés, que, sans miracle, ils ne peuvent pas les rappeler à leur mémoire. » 

Le premier et le deuxième membre de leur doute, ils peuvent l’expliquer sans difficulté. Car, ceux qui ont conscience d’un péché mortel, ne pensent d’abord à rien d’autre, quand ils se retournent vers Dieu, qu’à leurs péchés. Car, alors, quelqu’un sent au maximum le stimulus de la conscience, quand il commence à plaire à celui qu’il a offensé en péchant, et dont il désire la grâce. C’est ce que nous expérimentons aussi dans les choses humaines. Ceux qui ne font pas grand cas de l’amitié de quelqu’un oublient facilement les injures qu’ils lui ont faites. Mais quand ils veulent se réconcilier, alors reviennent à la mémoire toutes les injures. Il en va de même pour une mort imminente ou un martyre. Non seulement elle n’empêche pas le souvenir des péchés, mais elle le suscite. C’est ce que saint Jean Chrysostome explique joliment dans son homélie sur Lazare, par l’exemple des frères de Joseph qui, quand ils avaient déjà oublié l’injure qu’ils lui avaient infligée, dirent, quand l’angoisse s’empara d’eux : « Nous méritons de souffrir ainsi, parce que nous avons péché envers notre frère. » Genèse VL2, 21. Et saint Cyprien montre la même chose (dans son sermon sur les tombés) par l’exemple des trois enfants. Il dit : « Ananias, Azarias et Misael , enfants illustres et nobles, tant qu’ils firent leur confession à Dieu, ils ne cessèrent chanter ni dans entre les flammes, ni dans l’incendie d’une fournaise ardente.

Au sujet du troisième vrai membre du doute, j’estime que nous avons, dans ce passage, ce que certains enseignent sur la contrition virtuelle. Car, même si je suis d’avis que la contrition formelle est ordinairement requise, je pense que, dans deux cas, la contrition virtuelle suffit. Le premier. Quand, après un sérieux examen de conscience, quelqu’un ne peut pas se souvenir d’avoir péché, ou d’avoir commis des péchés mortels. Quand donc quelqu’un n’a pas conscience d’avoir commis un péché mortel, … alors, il est croyable qu’un homme puisse être justifié de ses péchés occultes, par un acte de contrition dans lequel est contenue virtuellement la contrition. La raison en est, d’abord, que s’il en était autrement, on dirait inutilement avec David (Psaume 18, 13) : « Purifie-moi de mes péchés occultes. » Car, si, sans contrition formelle, aucun péché ne pouvait être remis, il s’ensuivrait certainement, puisqu’on ne peut pas avoir une contrition formelle de péchés occultes, que, pour aucune raison, on ne pourrait être libéré de péchés occultes. Pourquoi donc prierions-nous ainsi, si ce que nous demandons ne peut pas être accordé ?

De plus, comme nous le lisons en Luc 13 : « À moins que vous ne fassiez pénitence, vous périrez-tous! », nous lisons aussi en Jean 3 : « Si quelqu’un ne renait de l’eau et de l’Esprit Saint, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu. » Et en Jean 6 : « Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’Homme, vous n’aurez pas la vie en vous ! » Or, tous admettent que la réception réelle du baptême et de l’eucharistie peut être remplacée par le désir de l’un et de l’autre. À ce sujet, saint Augustin écrit (dans son épitre 48 à Vincent) que saint Cyprien ou a corrigé son erreur, ou la couverte par l’ardeur de sa charité, ou le père céleste l’en a purgé par le glaive de sa passion. » Et saint Thomas (3 par quest 87, art 1) explique longuement qu’un déplaisir virtuel ne suffit pas à la rémission d’un péché mortel, à moins que ce ne soit pour des péchés qui ont été oubliés après un examen de conscience sérieux. Il admet donc, dans ce texte, que, pour effacer des crimes dont on ne se souvient plus, un déplaisir virtuel suffit. Cela vaut pour tous ceux qui, par la maladie, (alzheimer), la vieillesse ou une autre cause ont perdu le souvenir de leurs péchés.

La troisième objection s’oppose à l’autre proposition qui portait sur le précepte de la contrition. « L’impénitence n’est pas un péché spécial, mais une circonstance de tous les péchés, comme saint Thomas l’enseigne (2 2 quest 14, art 2. Il ne peut donc pas y avoir de précepte spécial sur la pénitence. » Je réponds que l’impénitence est parfois un péché spécial et parfois une circonstance d’un autre péché. Elle est un péché spécial quand vient le temps où on est tenu de faire pénitence, et que nous refusons de le faire. Le précepte de faire pénitence n’oblige pas en tout temps, puisqu’il est un précepte affirmatif, mais seulement en certains temps, comme quand on est en danger de mort, ou quand on doit aller à la confesse, ou quand, par une inspiration spéciale, Dieu nous invite à faire pénitence, selon le psaume XC1V : « Aujourd’hui, si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs. » 

Mais, en dehors de ces temps, l’impénitence n’est pas tant un péché nouveau, que la circonstance d’un péché commis. Car, tant que quelqu’un demeure dans le péché, aussi longtemps on peut le dire impénitent, et il rend plus difficile son retour à la grâce de Dieu. C’est donc de cette pénitence-là dont parlait saint Thomas dans le texte allégué. Le même auteur ( 3 par question 84, art 7, a 1) reconnait qu’il existe un précepte naturel de faire pénitence. Et (à la question 85, art 2), il confirme qu’existe un précepte spécial sur la pénitence. Vous trouverez dans nos livres des disputes complètes sur ces choses.

CHAPITRE 10

La quantité de la contrition 

Voici la sixième controverse. Quelle grandeur doit avoir cette tristesse qu’engendrent nos péchés, pour qu’elle suffise à la justification des péchés ? C’est ici que triomphent et qu’exultent nos adversaires. Car, ils estiment avoir repéré une faille, qui leur permet de blâmer, aux applaudissements de la foule, la doctrine catholique sur la pénitence, quelque chose qui, pour eux, est semblable à un chemin qui mène au désespoir, et qui rend les hommes incertains de leur justification. Martin Kemnitius (2 par, examen , page 963, écrit que « le concile de Trente exige pour la justification une contrition rendue parfaite par la charité ». Et avec Scot, il prouve que, « pour être parfaite, une contrition doit avoir un certain degré d’intensité, et doit durer un certain temps. Or, comme on ne peut en aucune façon établir quel est ce degré d’intensité, ni déterminer la longueur du temps, tout devient douteux et confus ». Il ajoute aussi, qu’ « à partir du témoignage des autres scolastiques, la contrition doit procéder de la charité. Or, Dieu doit être aimé plus que toutes les créatures. Même les saints, ajoute-t-il, ne peuvent atteindre cette perfection pendant leur vie terrestre ». Et il conclut de cela à la page suivante : « Il est donc impossible d’avoir une contrition suffisante, puisqu’elle doit être parfaite. Et elle ne peut faire que des hypocrites ou des désespérés. Car, une conscience qui demeure toujours incertaine de la suffisance et de la perfection de sa contrition, n’aura jamais de certitude, et doutera toujours de la rémission de ses péchés et de sa réconciliation avec Dieu. »

Jean Calvin écrit dans le même style (livre 3, chapitre 4, verset 2) : « Ils exigent comme contrition due, une contrition juste et pleine. Mais, ils ne précisent pas quel degré doit avoir la contrition de quelqu’un pour qu’il soit sur de son pardon. » Et plus bas : « Mais quand on exige un degré de douleur qui correspond à la grandeur d’une faute, et qui est placée dans une balance avec la confiance du pardon, les consciences misérables sont, par ces moyens extravagants, torturées et troublées quand elles voient qu’on leur impose une contrition des péchés qui est due. Et ils n’ont aucune idée de la mesure d’une dette qu’ils ont à fixer eux-mêmes afin de la rembourser. » Et, au verset 3 : « S’ils veulent m’accuser de calomnie, qu’ils ne se gênent pas, et qu’ils montrent que, par la doctrine de cette contrition, quelqu’un n’est pas poussé au désespoir, ou n’oppose pas au jugement de Dieu, une douleur simulée à la place d’une vraie douleur. » Heshusius n’a pas écrit des choses différentes dans son livre sur les six cents erreurs des pontifes (titre 9, numéros 25, et 28).

Quant à nous, nous présentons deux choses dans cette dispute. Nous démontrerons d’abord que ce que nous reprochent nos adversaires convient parfaitement à eux, à savoir de conduire les pénitents au désespoir. Ensuite, nous expliquerons brièvement la doctrine commune des scolastiques sur le degré de contrition. Nos adversaires reconnaissent, y compris Calvin et Kemnitius, qu’une contrition sérieuse et véhémente est nécessaire. Kemnitius (2 par examen, page 942) : « C’est une question difficile celle qui porte sur la façon dont la pénitence doit agir pour que nous soyons certains d’obtenir la réconciliation et la rémission des péchés. Car, si la pénitence n’agit pas correctement, le pécheur n’obtient pas la rémission des péchés qu’il recherche. » Ensuite, (à la page 953), expliquant comment agit une vraie pénitence, il écrit : « À ceux qui font une pénitence vraie et sérieuse, est tout à fait nécessaire la contrition. » Et, à la page 954, il enseigne que la contrition doit être vive et véhémente : « De là suit la douleur de la conscience de celui qui s’attriste d’avoir gravement péché, et d’avoir offensé Dieu par ses péchés. »

Calvin (livre 3, chapitre 4, verset 2 : « Je confesse que c’est sérieusement et intensément que quelqu’un doit pleurer ses péchés dans l’amertume de son âme, afin de parvenir à une plus grande haine et un plus grand déplaisir de ces péchés. » Et, au verset 3 : « Nous avons déjà dit ailleurs qu’on ne peut jamais, sans pénitence, obtenir la rémission des péchés; que seulement ceux qui sont affligés et blessés par la conscience de leurs péchés peuvent sincèrement implorer la miséricorde de Dieu. » 

Même si dans d’autres passages, ils affirment en protestant qu’ils ne font pas de la contrition une cause ou un mérite de la rémission des péchés, ou se glorifient, comme Calvin, d’avoir enlevé aux âmes les tourments qui naissent d’une contrition due, il apparait clairement de ce qu’ils enseignent que personne n’est justifié sans une contrition vraie, sérieuse et sincère, que cette contrition soit une cause de la justification, ou seulement une condition, ou quelque chose d’autre, ce qui n’appartient pas à notre sujet.

Ce qu’est une contrition vraie et sérieuse, sans laquelle les péchés ne sont pas remis, nous ne pouvons pas l’apprendre mieux et plus surement que dans l’Écriture. Or, l’Écriture requiert partout une contrition qui vient du cœur. Comme est le vrai amour de Dieu, duquel la contrition provient. Deutéronome 4, 29 : « Quant tu chercheras le Seigneur tu le trouveras , si tu le cherches de tout ton cœur, et de toute la tribulation de ton âme. » Deutéronome 30, 12 : « Si, conduit par le remords, tu reviens au Seigneur de tout ton cœur et de toute ton âme, il aura pitié de toi. » 111 Rois, 8. 47. 48. 50 : « S’ils pèchent contre toi et reviennent à toi de tout leur cœur et de toute leur âme, tu seras propice à ton peuple. » 11 Parap 30, 18, 19 : « Le Seigneur qui est bon, sera propice à tous ceux qui le chercheront de tout leur cœur. » Jérémie 30, 13 : « Cherchez et vous me trouverez, quand vous me chercherez de tout votre cœur. » Joël, 2, 12, 13 : « Tournez-vous vers moi de tout votre cœur dans les jeûnes, les pleurs, les lamentations, et déchirez vos cœurs. »

Les adversaires doivent donc admettre, qu’ils le veuillent ou non, que sans la contrition parfaite, celle qui vient du cœur, les péchés ne sont pas remis. Ils soutiennent que cette contrition, comme cet amour de Dieu qui vient de tout le cœur, est impossible en cette vie, et qu’aucun des saints ne l’a eue, comme d’après les textes que nous avons cités, tous peuvent s’en rendre compte, s’ils lisent leurs livres. Il s’ensuit donc ou que la rémission des péchés soit absolument impossible, qu’il ne reste rien d’autre aux pécheurs que le désespoir, si est vraie la doctrine de Calvin et de Kemnitius. Car, je le demande, quel espoir de salut peut concevoir celui qui estime impossible une contrition qui vient de tout le cœur, qui ne peut pas nier que c’est cette contrition qui est la seule vraie contrition; et qui est persuadé que sans vraie contrition, les péchés ne peuvent pas lui être remis ?