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Monseigneur Louis-Gaston de Ségur
Causeries sur le Protestantisme d'Aujourd'hui
version pdf google 22ème édition 1870 => 265 pages
PREMIERE PARTIE--DEUXIEME PARTIE--TROISIEME PARTIE
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DEUXIEME PARTIE
Chapitre 1. En quel sens l'Eglise peut avoir besoin de réforme. p.65
Chapitre 2. Est-il possible que Dieu ait choisi Luther et Calvin pour réformer la religion ? p.
Chapitre3 . Les apôtres du protestantisme ont-ils fourni la
preuve de leur mission prétendue ? p.69
Chapitre 4. Comment l'Eglise possède la preuve divine par
excellence p.71
Chapitre 5. Les réformateurs jugés par oua- mômes p.73
Chapitre 6. Les divisions du protestantisme p.77
Chapitre7. Divisions religieuses des catholiques p.
Chapitre 8. Comment l'enseignement de l'Eglise est la
vraie règle de la foi p.84
Chapitre 9. Commemt la sainte Bible n'est pas et ne peut
être la règle de notre foi p.87
Chapitre 10. Le protestantisme n'est pas et ne peut pas être
la religion du peuple p.90
Chapitre 11. Comment il est impossible à un protestant de
savoir si la Bible qu'il lit est la parole de Dieu p.92
Chapitre 12. Jusqu'où peut mener le principe protestant
qui donne la Bible comme règle de la foi p.97
Chapitre 13. L'Eglise catholique défend-elle la lecture de
la Bible? p.98
Chapitre 14. La Bible, toute la Bible, rien que la Bible p.103
Chapitre 15. Le prêtre catholique et les pasteurs protestants p.110
Chapitre 16. Pourquoi les prêtres catholiques ne se marient pas comme les pasteurs protestants p.113
 
 

Chapitre 1. En quel sens l’Église peut avoir besoin de réforme.
 

Tout fort et tout vigoureux que vous soyez, cher lecteur, il peut vous arriver d'éprouver quelque dérangement de santé qui, n'altérant en rien la bonté de votre constitution, exige cependant que vous purifiez votre sang, et que vous recouriez aux remèdes. Seulement pour que les remèdes produisent un bon effet, il faut qu'il soient administrés avec science et prudence ; laissez faire les médecins qui sont établis pour cela, et n'allez pas vous mettre entre les mains de charlatans hâbleurs qui ruineront votre santé et vous enverront au cimetière. C'est ainsi que l’Église, toute divine qu'elle est, peut avoir besoin de réformes. l’Église est la société des disciples de Jésus-Christ. Le Christ a promis d'être avec son Église jusqu'à la fin monde, pour la conserver dans la vraie foi et dans la vraie morale. L’Église est donc, par l'assistance de Notre-Seigneur, infaillible et sainte.

Mais l’Église est composée d'hommes : le Pape, les évêques, les prêtres, sont des hommes; et, malgré la sainteté intrinsèque de leur ministère, ils conservent les imperfections et les faiblesses humaines. Cela suffit pour faire comprendre en quel sens l’Église a toujours eu et aura toujours besoin de réformes. Elle n’a rien à rectifier dans  l'enseignement de sa foi qui est divine invariable ; elle n'a rien à redresser dans sa morale qui est sainte ni dans les sacrements par lesquels elle sanctifie les hommes; mais elle a besoin de rappeler sans cesse à la règle ceux de ses enfants, et même de ses ministres qui, n'étant que trop faillibles, négligent ou violent l'observation de ses lois.

Depuis dix-huit cents ans les Papes et les Conciles ont, travaillé sans relâche à réformer les divers points de discipline qui venaient successivement à défaillir. Telle a été en particulier, l'œuvre du célèbre Concile de Trente, qui a effectivement reformé l’Église.

Luther et ses compagnons ont, dans cette question, confondu le fond avec la forme, ce qui est divin et immuable avec ce qui est humain et susceptible de changements. Ils prétendu réformer le dogme, la règle de la foi, la règle des mœurs ; et, au lieu d'une vraie réforme, ils n'ont enfanté qu'une révolution désastreuse qui a tout déformé et tout emporté.

Ce n'étaient pas  des médecins, mais des charlatans; sous prétexte d'une dent gâtée, ils ont arraché toute la mâchoire ; au lieu de purger, ils ont empoisonné.
 

Chapitre 2 Est-il possible que Dieu ait choisi Luther et Calvin pour réformer la religion.

Dieu est saint; donc il n'a pu choisir ni Luther, ni Calvin, ni Zwingli, ni Henri VIII, les autres pour réformer son Église.

« Jamais, dit l'historien protestant Gobbett (Histoire de la Réformation protestante, ch. 7, n. 200), jamais le monde ne vit, dans un même siècle, une collection de misérables tels que Luther, Zwingli, Calvin, etc.; le seul point de doctrine sur lequel ils étaient d'accord était l’inutilité des bonnes œuvres, et leur vie sert à prouver combien ils étaient sincères dans principe. »
 

Luther, malgré l'ardeur de son éloquence populaire et la vigoureuse trempe de son esprit, n'est, en définitive, qu'un mauvais prêtre, c'est-à-dire, ce qu'il y a de plus dégradé.

Calvin, ecclésiastique aussi, a été convaincu des mœurs infâmes contre nature et, comme tel, marqué par le bourreau (Ce fait semble acquis à l’histoire. Un auteur catholique ayant reproché aux calvinistes ces honteux stigmates de leur patriarche, le calviniste Whitacker eut l’effronterie sacrilège de répondre : «Si Calvin a été stigmatisé, saint Paul et bien d’autres l’ont été de même.»).

Zwingli, curé d'Einsiedlen, a publiquement avoué, en présence de son évêque, que depuis de longues années il cédait à ses passions honteuses, et que désormais il prenait femme officiellement pour légaliser sa position.

Tous les saints de la réforme sont de ce calibre. Chacun sait la pureté sans tache et la douceur évangélique d'Henri VIII, le réformateur de l'Angleterre. Ce misérable, vrai Barbe-bleue, eut six femmes à qui il faisait couper tête à mesure qu'il était dégoûté d'elles. Sa fille, la reine vierge Élisabeth, qui consomma l'œuvre d'Henri VIII, n'a pas été moins célèbre sous les mêmes rapports. La même hache a pu couper la tête des maîtresses du père et des amants de la fille.

Calvin, en particulier, mérite notre attention à nous autres Français. C’est lui qui a introduit le protestantisme dans notre patrie. Personne ne l’a mieux dépeint que le protestant calviniste Galiffe, dans ses Notices généalogiques (T.III, pp. 21 et suivantes.) publiées à Genève même en 1836 : « Ce nom criminellement fameux, dit-il, qui dressa l’étendard de l’intolérance la plus féroce, des superstitions les plus grossières et des dogmes le plus impies ; épouvantable apôtre, à l’inquisition de qui rien ne pouvait échapper ; qui, dans les deux années 1558 et 1559, fit exécuter quatre cent quatorze jugements en matière criminelle, etc. » M. Galiffe l’appelle, en outre, un buveur de sang, et prouve chacune de ses assertions par les écrits même de Calvin et par les Archives publiques et authentiques de Genève.

Quant à Luther, moine apostat, vivant en concubinage avec une religieuse défroquée, les protestants l'ont jugé avec une sévérité non moins significative. La vie de Luther, après son apostasie, ne fut autre que celle d'un libertin tout occupé des plaisirs de la table et de brutales jouissances, si bien qu'il était passé en proverbe, lorsqu'on voulait se permettre quelque débauche, de dire : « Aujourd'hui nous vivrons à la Luther, » comme le rapporte l'écrivain protestant Bénédict Morgenstern &(Traité de l’Eglise, page 21, vers le milieu : « Si quando volunt indulgere genio, nonvereantur inter se dicere : Hodie lutheranice vivemus. »). Les propos de table de Luther, que l'on trouve encore dans quelques librairies (...), sur la liste des ouvrages obscènes, respirent un tel cynisme qu’il est impossible de les citer. Tout le monde connaît cette ignoble prière écrite de la main même de Luther, dont l’authenticité n’a jamais été mise en doute, et qui se termine par ces incroyables paroles : « Bien boire et bien manger est le vrai moyen d’être heureux. »

Et l’on voudrait nous faire croire que des êtres pareils ont été envoyés aux chrétiens par Notre-Seigneur Jésus-Christ pour rappeler l’Église à sa pureté primitive ! Allons donc ! Autant vaudrait dire avec les Turcs : Dieu est Dieu, et Mahomet est son Prophète ! Le bon sens doit ici parler plus haut que tous les mensonges historiques par lesquels on a essayé de réhabiliter ces prétendus réformateurs.
 

L’Église Catholique a pour fondateur Notre-Seigneur Jésus-Christ, et pour Apôtres saint
Pierre, saint Paul, saint Jean, etc.

Le protestantisme a pour fondateur Luther, et pour apôtres Calvin, Zwingli et consorts. Jugez et choisissez.
 

Chapitre 3 Les apôtres du protestantisme ont-ils fourni la preuve de leur mission prétendue.
 

Il est deux signes infaillibles pour reconnaître si un homme qui se présente pour réformer l’Église, est vraiment l'envoyé
de Dieu. Ces deux signes sont la sainteté et le don des miracles.

Pour la sainteté, n’en parlons pas quand il s’agit de Luther et de Calvin. On sait à quoi s’en tenir sur leur compte, et les protestants instruits et honnêtes ne peuvent que rougir lorsqu’on remue devant eux ces honteux souvenirs.

Quant aux miracles, ils auraient bien voulu en faire ; mais on ne fait pas des miracles comme on fait des sectes. Érasme, ce railleur si mordant, faisant remarquer déjà « qu’à eux tous ils n’avaient encore pu redresser un cheval boiteux. »

Calvin voulut une fois cependant essayer un petit miracle ; malheureusement le coup manqua. Il avait payé un homme pour faire le mort, afin de le ressusciter ensuite; quand il arriva, suivi de la foule curieuse à laquelle il avait modestement annoncé cette preuve postiche de sa mission, la justice de Dieu avait frappé le compère, et Calvin manqua mourir de peur en le trouvant vraiment mort dans son lit. Cette histoire est connue de tous et parfaitement authentique.

Luther, lui, s’en tirait d’une autre manière ; il répondait par un torrent d’injures quand on lui demandait de prouver par quelque œuvre miraculeuse qu’il parlait de la part de Dieu, et appelait âne, turc, chien, porc endiablé, le malencontreux questionneur.

Le miracle, aussi bien que la sainteté, a manqué aux pères de la Reforme ; ce n’est donc pas Dieu qui les a envoyé.

Mais quel est alors l’esprit qui les a animés de son souffle puissant ? C’est l’esprit d’orgueil, l’esprit de luxure, l’esprit révolutionnaire, qui s’élève sans cesse contre le Christ et contre l’œuvre du Christ ; l’esprit infernal, qui enfanta toutes les hérésies, et qui est le véritable père de l’anarchie protestante. Vox ex patre diabolo estis (Saint Jean, 8,44).

Chapitre 4. Comment l’Église possède la preuve divine par excellence.

Cette preuve, qui supplée à toutes les autres, qui les surpasse toutes par l’évidence de sa lumière, c’est le MIRACLE. Notre-Seigneur n’a pour ainsi dire, invoqué que cette preuve pour faire admettre à ses Apôtres et à ses Disciples, puis à ses contradicteurs, le mystère de sa divinité. « Si vous ne croyez pas à mes paroles, croyez du moins à mes miracles. Les miracles que je fais rendent témoignage de moi. »
 

Les ennemis de Jésus confessaient la réalité de ses prodiges, et frémissaient de rage en en voyant ses effets. Cet homme, disaient ils, fait une foule de miracles et il entraîne tout le monde. Le miracle suprême de la Résurrection constaté par l’évidence des yeux et du toucher, a seul pu réduire l’incrédulité obstinée des Apôtres après la Passion, et en particulier celle de saint Thomas, qui ne se prosterna devant le Christ vainqueur qu’après avoir mis ses doigts  dans les plaies de ses mains et de ses pieds, et sa main dans la plaie toujours ouverte de son divin cœur.

Le miracle, l'œuvre surhumaine et absolument divine, telle est donc la grande preuve de Jésus-Christ.  Telle est aussi la grande  preuve de son Église.

l’Église catholique non-seulement produit incessamment des miracles par la vertu du Christ vivant dans ses saints, mais elle est elle-même un miracle vivant, public, permanent, qui surpasse toute démonstration savante ; un miracle accessible à l’intelligence du pauvre et de l'ignorant, aussi bien qu'à celle du docteur et du philosophe Saint Augustin le proclamait hautement dès les premiers siècles de la foi : «  L'établissement du Christianisme dans le monde sans de grands miracles serait lui-même le plus grand et le plus étonnant de tous les miracles."

Les Apôtres, et, pendant trois ou quatre siècles, leurs disciple», ressuscitèrent les morts, guérirent les malades, rendirent 1a vue aux aveugles, l'ouïe aux sourds, le mouvement aux paralytiques. Avec le seul signe de la croix, ils firent tomber les idoles, crouler les temples impurs des faux dieux; et malgré trois siècles de carnage, malgré la fureur humaine que le miracle lui-même ne pouvait subjuguer, l’Église catholique, apostolique et romaine sortit des catacombes, victorieuse de l’humanité.

Elle était donc elle-même un grand miracle, c'est-à-dire une œuvre évidemment surhumaine et qui attestait la toute puissance de Dieu. Aussi s'est-elle avancée à travers les siècles, portant sur son front le témoignage divin, s'affirmant comme le Christ s’est affirmé et n'ayant pas même besoin de se prouver.

Le fait divin de son existence et spécialement de sa Papauté souveraine "prend à chaque siècle nouveau des proportions plus gigantesques. Que dirait saint Irénée, s'il revenait au monde au XXIème siècle, lui qui déjà, à la fin du second, invoquait cette durée de l’Église romaine au milieu des contradictions, comme une preuve péremptoire de sa divine origine.

L’Église est donc un miracle toujours vivant, et son existence est, je le répète, la grande preuve de sa divinité. Que les pauvres pasteurs hérétiques crient et se débattent tant qu'ils voudront devant ce fait divin. Comme les Scribes devant Jésus ressuscitant Lazare, ils demeurent écrasés par la taille surhumaine du géant catholique.

 
& tableau des différences (à suivre)
Chapitre 5. Les réformateurs jugés par eux-mêmes.
 

Il est encore des protestants restés fidèles à la mémoire de leurs grands réformateurs et fort chatouilleux en ce qui les touche de près ou de loin. Pareils aux fils de Noé, ils jettent un manteau sur les turpitudes de leurs pères, et poussent des cris d'indignation dès qu'on se permet de voir en Luther et en Calvin autre chose que de saintes gens. Ils accusent journellement les écrivains catholiques de mensonge, d'invention, de calomnie et Luther et Calvin restent pour eux blancs comme des agneaux, en dépit de l'histoire.

Pour montrer ce que valent de semblable accusations et ce que définitivement il faut penser de ces apôtres d’un nouveau genre, je vais tout simplement transcrire les jugements que les chefs de la Réforme ont portés les uns des autres : comme ils se connaissaient réciproquement mieux que personne, nous allons avoir des portraits d’après nature.

Commençons par Luther : à tout seigneur tout honneur. Voici comment nous le dépeint Calvin, son digne collègue :
« Véritablement Luther est fort vicieux ; plût à Dieu qu'il eût pris soin de réprimer davantage son incontinence ! plût à Dieu qu'il eût songé davantage à reconnaître ses vices! » — « Quand je lis un livre de Luther, dit Zwingli (Œuvres   de Zwingli, t. II, p.474.), il me semble voir un pourceau immonde grogner en flairant par-ci par-là les fleurs d'un beau jardin ; c'est avec la même impureté, la même ignorance de la théologie, la même inconvenance, que Luther parle de Dieu et des choses saintes.  A quoi Luther répond sur le même ton : « Zwingli s’imagine être un soleil pour éclairer le monde, mais il ne répand pas plus de lumière que… stercus in lucerna. » &

Voyons comment a été jugé Calvin par  ses frères en réformation, par ceux qui devaient avoir le plus d'intérêt à pallier ses défauts : « Calvin, dit Volmar (Voir Freundelfeld, Tableau analytique de l’histoire universelle, t. II, p. 369.), son premier professeur, Calvin est violent et pervers ; tant mieux, voilà l'homme qu'il nous faut pour avancer nos affaires. » Bucer, moine apostat et prêtre marié, ajoute (Ibid: «  Scriptor maledicendi studio infectus, canis rabitus. ») : « Calvin est un vrai chien enragé ; cet homme est mauvais… Garde toi, ô lecteur chrétien ! des livres de Calvin. » — Et Théodore de Bèze, le disciple chéri de Calvin, voulez-vous savoir comment il traite son maître ? «  Calvin n'a jamais pu se former ni à la tempérance ni à des habitudes honnêtes, ni à la véracité ; est demeuré enfoncé dans la boue."

Zwingli, au dire de son disciple Bullinger, fut chassé de sa paroisse à cause de ses débauches ; prêtre et curé, il se maria publiquement à l'imitation de Luther. « Si l'on vous dit, écrit-il dans une de ses lettres, que je pèche par orgueil, par gourmandise et par impureté, croyez-le sans peine ; car je suis sujet à ces vices et à bien' d'autres encore. » Luther disait de lui qu'il était satanisé, insatanisé, sursatanisé et qu'on devait absolument désespérer du salut de son âme (Hospinien, Hist. des Sacram., II, p. 187.).

Et ce pieux personnage dont nous trouvons  si souvent l'éloge dans les publications protestantes, le grand Théodore de Bèze, comment les amis les plus fervents de la Réforme l’ont-ils apprécié ? « Qui ne s'étonnera, dit le protestant Heshussius (Heshussius, traduction de Florimond, p. 1048.), de l'incroyable impudence de ce monstre, dont la vie sale et infâme est connue de toute la France par ses épigrammes plus que cynique ? Et néanmoins vous diriez, à l’entendre, que c’est quelque saint homme, un autre Job ou un nouvel anachorète du désert, voire plus grand que saint Jean et saint Paul, tant il trompette partout son exil, ses labeurs, sa pureté et l'admirable sainteté de sa vie. » -« Cet homme, dit un autre écrivain de la même secte, Schlussemberg, cet homme obscène, pareil à un démon incarné, tout pétri d'artifice et d'impiété, ne sait vomir que des blasphèmes satiriques... »

Quelques instants avant d'être frappé d'apoplexie, Luther résumait ces témoignage et écrivait de sa propre main : En vérité nous sommes des gueux.

Mais je m'arrête ; il faudrait des volumes pour retracer tous les reproches et tous les injures grossières que ces prétendus réformateurs se jetaient réciproquement à la face ; d’ailleurs, la plupart des citations qui nous resteraient à faire sont de nature à n’être pas mises sous les yeux d’un lecteur honnête. Que les fils de Luther et de ses compagnons ne viennent donc plus crier à la calomnie lorsque de temps en temps une voix catholique s'élève pour juger leurs pères et les flétrir. Jamais l’Église, qui les a chassés de son sein, n'a trouvé pour les condamner des formules aussi écrasantes que celles qu’ils nous fournissent eux-mêmes et dont nous venons de rappeler quelques-unes.

Les protestants aimeraient mieux qu'on laissât dans l'oubli ou dans l'obscurité ces révélations si peu honorables et si significatives; je comprends que leur orgueil en souffre, mais devant les efforts incessants de la propagande protestante, n'est-il pas nécessaire que la lumière se fasse et que justice soit rendue ?
 

Chapitre 6.Les divisions du Protestantisme.

Depuis dix-huit cents ans, l’Église catholique, apostolique et romaine, fondée par le Christ et gouvernée en son nom par saint Pierre et les Souverains-Pontifes, ses successeurs, conserve l'unité la plus intacte dans l’enseignement de la foi et dans la pratique de la religion. Dès l'origine, une foule de novateurs ont essayé d’introduire leurs idées particulières dans le sein de cette grande Eglise ; mais elle les a rejetés successivement, et sa doctrine, éternellement vivante, est restée une et vierge.

Depuis trois cents ans que la révolution protestante a éclaté, elle a suivi une voie absolument opposée. Dans le passé, le protestantisme regarde comme ses pères les gnostiques, les ariens, les manichéens, les nestoriens, les iconoclastes, les albigeois, les hussites et tous les hérétiques les plus scandaleux. De même qu'un cadavre produit des vers, ainsi ce cadavre de religion, continuant des traditions si peu glorieuses, n'a cessé de produire jusqu'à nos jours des centaines et des milliers de sectes qui pullulent dans son sein. Elles y dévorent les âmes et s'y dévorent réciproquement. Ce serait une chose matériellement impossible de donner le Chiffrées exact des sectes protestantes : la statistique d'hier ne serait plus vraie aujourd'hui; elles naissent et meurent comme des mouches. « Le protestantisme, disait déjà en 1743, le pasteur protestant Frœreisein 1, ressemble à un ver coupé en morceaux qui remuent tant qu’il leur reste quelque force, mais qui perdent insensiblement la vie, et avec elle le mouvement. »

D'ailleurs, qu'est-ce qu'une secte protestante ?

-En vertu du libre examen, chacun de ses membres ne peut il pas, ne doit-il passe se regarder  comme absolument indépendant, et briser bi l’unité factice du groupe auquel il est censé appartenir? Autant de religions que de sectes, autant de sectes que de têtes, et, dans chacune de ces têtes, autant de croyances que de caprices, telle est l'unité protestante. « Depuis le lendemain de la Réforme, disait en gémissant le pasteur Vinet, il y a protestants, mais il n'y a pas de protestantisme. »

Dernièrement, un de nos grands journaux reproduisait, d'après une feuille américaine, la liste nombreuse, et cependant incomplète, des sectes qui se partagent le seul Etat de New-York : « Anabaptistes, baptistes, nouveaux baptistes, baptistes libres, baptistes séparés, baptistes rigoureux, baptistes libéraux, baptistes paisibles, baptistes petits-enfants, baptistes gloire, halleluiahs, baptistes chrétiens, baptistes au bras de fer, baptistes généraux, baptistes particuliers, baptistes du septième jour, baptisées écossais, baptistes de la nouvelle communion générale, baptistes nègres, indépendants ou puritains, cameroniens, crispites ou frisés, cambellites ou réformés, dunkers, libres penseurs, haldanites, huntingdoniens, irvingiens, inghanites, sauteurs, chrétiens bibliques, glassites
 

1. Froereisen, Discours prononcé lors de son installation comme pasteur à Strasbourg.
ou sandomonians, anciens presbytériens, nouveaux presbytériens, écossais, congrégationalistes, quakers ou, amis, unitairiens, sociniens, moraves ou frères de l’unité, méthodistes ou wesleyens, méthodistes primitif; wesleyens réformés, calvinistes méthodiste français, originaux connexistes, nouveau connexistes, swedenborgiens, frères de swedenborgiens, frères de Plymouth, chrétiens rebaptisés, mormons, kellytes, muggletoniens, romaniens perfecionnalistes, méthodistes rogessiens, secklers, universalistes, marcheurs, rothfieldistes, disciples-amis libres où agapémonites, luthériens, protestants français réformés, allemands protestants allemands réformés, catholiques allemands ou disciples de Ronge,  nouveaux illuminés, anglicans anglais, anglicans allemands, anglicans français, etc. etc.." Quelle fécondité !

Je ne crois pas qu'en France nous soyons aussi riches. Nous n’avons que des réformes, des protestants de la confession d'Augsbourg, des méthodistes, des anabaptistes, des baptistes, des piétistes, des unitairiens, des latitudinaristes, des darbystes, des irvingiens… Je dois dire cependant que je ne connais pas toute la richesse des variétés de protestantisme français, vu que les pasteurs affectent ordinairement une touchante fraternité, et ne se disputent, autant que possible, qu’à huis clos, cachant soigneusement aux regards ce que l'un d'eux, M. Baum, pasteur protestant d'Alsace, appelle indiscrètement les entre-mangeries pastorales 1. Ils ont peur du bon sens français, qui tirerait bien vite de leurs variations et divisions la célèbre conséquence dont se servit jadis Tertullien contre l’hérésiarque Marcion : Tu varies donc tu erres.

Combien grande et majestueuse s'élève la sainte Eglise catholique avec sa hiérarchie gardienne de son unité, à côté de ces intestines discussions, de ce morcellement sans fin.

« Qui a jamais vu, dit un vieux et naïf auteur 2, un régiment de soldats marcher dans un bel ordre, le capitaine cuirassé, en tête, suivi des mousquetaires, puis des arquebusiers suivis eux-mêmes du reste de la troupe, les tambours battant en mesure ; et qui voit après une bande de marmousets, cheminant par les rues avec des épées de bois au côté et des échalas sur l'épaule, donnant du tambour sur un chaudron, chacun commandant son compagnon : celui là voit dans les premiers l'ordre de la vraie Eglise, et dans les seconds le désordre de ces églises bâtardes qui voudraient contrefaire la vraie. »
 

Chapitre 7.Que faut-il penser de la liberté de penser.

La liberté de penser est un non-sens. Nous ne sommes pas plus libres de penser sans règle que d’agir sans règle. Sous peine de désordre et damnation, nous devons penser la vérité et la vérité seule, comme nous devons faire le bien et seulement le bien. N’est-ce pas évident ?

Qui est libre de penser que cinq et cinq ne font pas dix ? Qui est libre de penser que la partie est plus grande que le tout, que le vice ne vaut pas mieux que la vertu, que Charlemagne n’a pas existé, etc. ? Et pourquoi personne ne peut-il avoir cette liberté, sinon parce que ce sont là des vérités ?

Ce principe universel qui régit l’intelligence humaine, s’applique en premier lieu, et avec toute sa force, à ce qu’il y a de plus important dans l’ordre des vérités, je veux dire aux vérités religieuses. Les mystères de la foi chrétienne, les dogmes catholiques de la trinité, de l’Incarnation divine, de la déchéance originelle, de la Rédemption, de la grâce, de l’Eglise, de l’éternité du feu de l’enfer et du bonheur du paradis, etc., etc. ; en un mot, tous les dogmes qui composent l’enseignement catholique sont imposés à notre intelligence parce que ce sont des vérités et que nous ne sommes pas libres de
___________________
1. Le principe de légalité et la conscience confessionnelle de certains pasteurs soi-disant luthériens, par J. G. Baum, p. 1.
2. Florimond de Rémond, Hisloire de la naissance et des progrès de l'hérésie.

discuter la vérité, à plus forte raison de ne pas l’admettre. Nous sommes sûrs que ce sont des vérités parce que Dieu les a révélées par son Fils Jésus-Christ, qui en a lui-même confié le dépôt et l’infaillible enseignement à son Eglise. La liberté de penser, qui est l’âme du protestantisme, aussi bien que de la philosophie rationaliste moderne, est donc une de ces impossibilités que la légèreté d’une raison superficielle peut seule regarder comme admissible. Pour un bon esprit qui ne se paye pas des mots, cette liberté de penser est tout simplement une absurdité, et, qui plus est, un péché.

Il en est de même de la liberté de conscience, de la liberté de tout dire et de tout faire ; liberté, soit ! mais libertés qui vous mènent droit en enfer, si on ne les règle pas selon l’enseignement divin du Christ et de son Eglise.

L’autorité catholique, loin de détruire la pensée humaine, la protège et la vivifie. C’est l’autorité de la vérité, dont l’immutabilité n’est pas celle de la borne qui arrête l’essor, mais le garde-fou qui prévient les écarts. L’autorité de l’Eglise est le garde-fou de l’intelligence humaine en ce qui touche directement ou indirectement la religion, c’est-à dire en toutes sortes de doctrines religieuses, philosophiques, scientifiques, politiques, etc.

Dans l’Eglise seule l’esprit humain, abrité par l’autorité, trouve la véritable liberté de penser.
 

Chapitre 8 Divisions religieuses des catholiques.

Au sein de l'unité catholique, on se divise parfois sur des questions religieuses ; on discute, on écrit pour et contre. Les impies qui ne comprennent pas ces luttes en tirent d’injustes conséquences contre la religion elle-même. Mais ces divisions ont-elles la portée qu'on leur prête ? Ont-elles le moindre rapport avec les divisions religieuses des protestants ?

En aucune manière. Les catholiques ont tous la même foi, parce qu'ils ont tous le même principe de foi qui est l’obéissance à l'enseignement de l’Église. Ils sont absolument d'accord sur le dogme
proprement dit. C'est sur le dogme, au contraire que se divisent les sectes protestantes. Leur prétention de se réunir sur un terrain commun qu'elles appellent les points fondamentaux est une illusion démentie par les faits. Elles sont d'accord sur rien, sinon sur l’existence de Dieu. Sur les sept cents pasteurs qui prêchent l'hérésie et attaquent l’Église en France, M. de Gasparin constatait naguère qu'il y en avait cinq cents qui ne croyaient pas en la divinité de Jésus-Christ, en la Sainte-Trinité, à la régénération baptismale, etc. Il y en a beaucoup qui, à la suite du professeur Schœrer théologien de Genève, ne croient plus à l'inspiration de la Bible. C'est donc précisément sur les points fondamentaux et seuls fondamentaux, que les protestants sont séparés, ainsi que le grand Bossuet le constatait il y a deux siècles.

Les catholiques, au contraire, n'entrent et ne peuvent entrer en discussion que sur des points de doctrine que l’Église ne proposa pas à leur croyance, et que l'on appelle pour cette raison des opinions. Toute opinion est libre et diffère en cela des croyances. Etant libre de soutenir leurs opinions, les catholiques, les docteurs, quelquefois même les évêques expriment et défendent des sentiments opposés les uns aux autres. De ces luttes doctrinales jaillissent d'ordinaire des lumières précieuses, et leur ensemble enrichit la science théologique qui n'est; pas le simple catéchisme de la foi, mais bien le travail de l’esprit humain sur les inébranlables et magnifiques données de la foi.

Si l’Église juge à propos, dans sa sagesse, de définir quelques-unes de ces doctrines, les catholiques
cessent de les pouvoir discuter et ils croient. L'opinion est devenue un dogme, et ce qui était subjectivement douteux est désormais certain.

Les divisions des catholiques portent encore et surtout sur des appréciations de conduite. Les uns,
par exemple, croient préférable pour le bien de la religion que les ennemies de l’Église soient attaqués de front, qu’on ne pactise point avec eux, et qu'on repousse avec énergie leurs attaques et leurs erreurs ; les autres appellent cette conduite de la violence, de l'imprudence ; ils entendent autrement la charité et croient qu'on doit essayer d'apprivoiser les loups.
 
Qui ne voit que nos divisions en ce point laissent complètement intacte notre unité religieuse? C'est cependant ce qui scandalise si profondément ces bons pasteurs protestants, si amis de l'unité, de la vérité et de la charité. Pauvres gens, qui voient la petite paille dans notre œil et oublient la| poutre qui crève le leur.
 

Chapitre 9 Comment l'enseignement de l’Église est la vraie règle de la foi.
 

On entend par règle de foi ce qui détermine les chrétiens à admettre, telle, ou telle doctrine, et à rejeter telle ou telle autre. |

Or, quelle est cette règle à laquelle nous devons nous conformer pour fixer nos croyances ? Quelle est la vraie règle de là foi ?

Ici, comme toujours, les protestants sont en désaccord avec l’Église catholique. Quinze cents ans après la prédication des Apôtres, Luther découvrit dans sa tête que tout le monde s'était trompé jusqu'à lui, et que la vraie, la seule règle de foi des chrétiens, c'était la Bible. Les protestants admettent tous ce principe que nous examinerons plus loin. Constatons en attendant ce que tous les chrétiens ont cru depuis les Apôtres jusqu'à Luther, ce que nous croyons encore maintenant, à l'exemple de nos pères, et ce que les chrétiens croiront après nous, jusqu'à la fin des temps. N

Notre-Seigneur a choisi douze hommes entre ses disciples et les a envoyés au monde pour enseigner en son nom et par son autorité la religion chrétienne : « Toute puissance m'a été donnée au ciel et sur la terre ; allez donc, enseignez toutes les nations, apprenez-leur à observer toutes mes lois. Prêchez l'Evangile à toute créature. Celui qui vous écoute m'écoute, et celui qui vous méprise me méprise. Et voici que moi-même je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde 1. »

Cette dernière parole du Fils de Dieu montre clairement que la puissance spirituelle et la mission des Apôtres doivent demeurer dans l’Eglise comme un ministère permanent, jusqu'à la fin des siècles. Or, s'il est un fait historique irrécusable, c'est que depuis les Apôtres jusqu'à nos jours, les pasteurs de l’Église catholique, qui remontent par une succession légitime et non interrompue jusqu’à saint Pierre et aux Apôtres, ont exercé et exercent encore ce ministère.

Et quel est ce ministère ? quelle est cette puissance qui vient de Jésus-Christ même et par laquelle des hommes faillibles nous enseignent infailliblement, nous conduisent infailliblement dans la voie du salut ? C'est ce qu'on appelle l'autorité de l’Église, c'est-à-dire l'autorité du Souverain-Pontife, successeur de saint Pierre, chef de l’Église, et l’autorité des Evêques, auxiliaires du Pape dans la grande œuvre de la sanctification des hommes.
 

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1. Saint Mathieu, 28. Saint Luc, 10; Saint Marc, 16.
 
 

Cette autorité divine, bien qu'elle soit confiée à des hommes, est la vraie, la seule règle de la foi. C'est là ce qu'ont cru tous les siècles chrétiens ; c'est là ce qu'ont enseigné tous les Docteurs, tous les Pères de l’Église. Ce que nous devons croire, c'est ce que le Pape et les Evêques enseignent ; ce que nous devons rejeter, c'est ce que le Pape et les Evêques condamnent et rejettent. Quand une doctrine est douteuse, c'est au tribunal du Pape et des Evêques que nous devons nous adresser pour savoir à quoi nous en tenir; et c'est de là seulement, c'est de ce tribunal toujours vivant et toujours assisté de Dieu, qu'émanent les jugements sur les choses de la religion et en particulier sur le vrai sens des Ecritures.

Telle est la règle de la foi de tous les chrétiens, règle d'institution divine que nul né peut rejeter sciemment, sous peine de perdre son âme. « Qui vous méprise me méprise ! Tel est le principe inébranlable de l'unité et de la vie de l’Église. C'est grâce à lui que depuis dix-huit siècles, les catholiques ont toujours la même croyance.

Les protestants, au contraire , privés de cette règle divine, « flottent, comme dit saint Paul, à tout vent de doctrine, » et, malgré la Bible qu'ils ont entre les mains, croient aujourd'hui ce qu'ils rejetaient hier, rejetteront demain ce qu'ils croient aujourd'hui, et finissent par ne rien croire du tout.

Examinons maintenant, en quelques mots, la prétention des protestants de substituer, à cette autorité invariable et toujours vivante de l’Église, un livre, divin sans aucun doute, mais muet et inanimé comme sont tous les livres, et qui ne peut réclamer quand on se trompe sur le sens des paroles sacrées qu'il contient.
 

Chapitre 10.Comment la saints Bible n'est pas et ne peut pas être la règle de notre foi.

La Bible est véritablement la parole de Dieu. Nous le savons tout aussi bien et même beaucoup mieux que les protestants. Tout ce qui est dans la Bible est d'enseignement divin ; et cependant la Bible n'est pas et ne peut pas être la règle de notre foi, dans le sens que prétendent les protestants.

Pourquoi ?

1° La Bible ne peut pas être la règle de notre foi, parce que Jésus-Christ n'a pas dit à ses Apôtres : Allez et colportez des Bibles, mais bien : « Allez et enseignez toutes les nations ; qui vous écoute, m'écoute. » « Le christianisme, dit le protestant Lessing 1, était déjà répandu avant qu'aucun des évangélistes se mit à écrire le vie de Jésus. On disait le Pater avant qu'il fut écrit dans saint Matthieu, car Jésus-Christ lui-même l'avait appris à ses disciples qui l’avaient transmis aux premiers chrétien, on baptisait au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, avant que la formule du baptême eût été écrite par le même saint Mathieu dans son Evangile, car Jésus-Christ l'avait prescrite verbalement à ses Apôtres. »

Cette première preuve, qui est une preuve de fait, en vaut, bien une autre, et les protestants n'ont jamais rien trouvé de raisonnable à y opposer.
 

l. Lessing,. Beiträge für Geschichte und litteratur, t. 4, p. 182.
 
 

2° La Bible ne peut pas être la règle de notre foi, parce qu'il suffit de parcourir les livres saints, et en particulier le Nouveau Testament, pour s'apercevoir que ces livres ne sont pas un catéchisme, c'est-à-dire un enseignement religieux clair et complet. Les Evangiles, les Actes des Apôtres, et en général les livres historiques, sont simplement des récits présentés à l’édification des fidèles ; les
Epîtres de saint Paul et des autres Apôtres sont des fragments détachés, traitant de tel et tel point de
doctrine en particulier ; le plus souvent ce sont des réponses à des questions spéciales ou bien des allusions à certaines erreurs qui n'existent plus. Les Psaumes sont avant tout des prières, et les livres des Prophètes sont l'annonce de l’avènement du Christ et des grandes destinées de son Eglise. Jamais les Apôtres et les autres auteurs inspirés n'ont prétendu donner, dans ces fragments écrits, un code d'enseignement complet, une formule de croyance. Cela est évident et saute aux yeux à la première lecture.

« Les Apôtres, dit le célèbre protestant Grotius, n'ont pas eu l'intention d'exposer tout au long dans leurs épitres les doctrines nécessaires au salut ; ils les écrivaient occasionnellement au sujet de questions qui se présentaient à eux 1. »

3° La Bible ne peut pas être la règle de notre foi, parce qu'elle renferme une foule de passages difficiles qui, par leur profondeur divine, échappe aux intelligences les plus lumineuses. Les efforts des docteurs de l’Église pour en pénétrer le sens, efforts souvent déçus, montrent assez combien les
saintes Ecritures, sont difficiles à comprendre. « Approfondir le sens des Ecritures, dit Luther lui-même, est chose impossible ; nous ne pouvons qu'en effleurer la superficie ; en comprendre le sens serait merveille. Que les théologiens disent et fassent tout ce qu'ils voudront, pénétrer le mystère de la parole divine sera toujours une entreprise au dessus de notre intelligence. Ses sentences sont le souffle de l'Esprit de Dieu : donc elles défient l’intelligence de l'homme (Voir Audin, Vie de Luther, t. 2, p. 339). »

Que faut-il donc penser d'une règle de foi qui, de l’aveu de Luther et d'une foule de protestants, au lieu d'expliquer la foi, a besoin elle-même de difficiles et longues explications? Du reste, les protestants ne seraient pas bienvenus à nier les difficultés de l'interprétation de la Bible ; leurs interminables disputes et dissidences sur presque tous les textes de ce saint livre parlent assez haut. Il est même remarquable de voir que ce sont les passages les plus simples et les plus clairs des Ecritures qui ont soulevé parmi eux le plus de disputes et de divisions- On a compté plus de deux cents interprétations protestantes de la parole de Notre-Seigneur à la sainte Cène : «  Ceci est mon corps ! »

4° Enfin, la parole de Dieu dans la Bible n'est pas et ne peut pas être la règle de la foi des chrétiens, parce que, si cela était, la religion chrétienne ne serait pas faite pour les pauvres et les petits, c'est-à-dire pour ceux que Jésus a déclarés les enfants privilégiés de son amour.

Ce point vaut la peine d’être traité à part.
 

Chapitre 11.Le protestantisme n'est pas et ne peut pas être la religion du peuple.

Non, le protestantisme n'est pas fait pour le peuple. Jésus aime les pauvres et les humbles ; or, le protestantisme en donnant la lecture de la Bible comme règle fondamentale de la foi chrétienne, exclut le peuple du christianisme. En effet, les pauvres, ou bien ne savent pas lire (H.Grotius, lettre 582) ? Ou bien n’ont
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3. Or, il est à noter que pendant quinze siècles, c’est-dire jusqu’à l’invention de l’imprimerie, presque personne ne savait lire dans le peuple. Tous ces pauvres gens auraient donc vécu sans moyen d’arriver à la foi ! C’est absurde.

pas le temps de lire, absorbés qu’ils sont par le travail des mains, et qu’est-ce qu’un livre pour qui
ne sait pas lire ? Si le protestantisme a raison, si pour faire son salut il faut lire la Bible, « alors, dit encore le luthérien Lessing, combien je vous plains, vous tous qui êtes nés dans des pays dont la langue ne sait point parler la Bible 1 ;  vous qui, nés dans les conditions de société où l'on manque de toutes connaissances, ne savez pas lire la Bible ! Vous croyez être chrétiens parce que vous êtes baptisés ? Malheureux! Ne voyez-vous pas qu'il est aussi nécessaire au salut de savoir lire que d'avoir reçu le baptême ? Et encore j'ai grande peur qu'il vous faille apprendre l'hébreu, si vous voulez être bien assurés de sauver votre âme. »

Lors même que tous les pauvres sauraient lire, en seraient-ils beaucoup plus avancés pour cela ? Ne se verraient-ils pas arrêtés à chaque verset comme nous disions tout à l’heure.  Et qu'on ne dise pas qu'il suffît au peuple que les pasteurs lisent et expliquent une fois par semaine l’Écriture sainte dans
leurs prêches ! Ces explications ne sont que des opinions personnelles, qui ne reposent sur aucune autorité et qui varient suivant le caprice de chacun. Ce n'est plus la parole de Dieu, c'est la parole de M. X*** ou de M. Z***, ce qui est bien différent.

Que le peuple sache ou ne sache pas lire, il est donc absolument impossible que la Bible soit la règle de sa foi. Dieu, en donnant la Bible comme règle de foi, aurait exclu de son Église et du salut éternel presque tous les hommes ; ce qui est une impiété et ce que personne ne croira jamais.

Donc le protestantisme qui veut nous dire : « Prenez et lisez ma Bible ; passez-vous de l’Église et des prêtres ; contentez-vous de la seule parole de Dieu contenue dans l’Écriture, » ne peut pas être la religion du peuple, et par conséquent ne peut pas être et n'est pas le vrai christianisme, la religion de tous.

 
Chapitre 12. Comment il est impossible à un protestant de savoir si la Bible qu'il lit est la parole de Dieu.
 

Je défie tous les protestants passés, présents et futurs, de me démontrer, sans faire brèche à leurs principes, que la Bible est vraiment la parole de Dieu.

Pour moi, catholique, la question est résolue. Je sais ce qu'est le sainte Ecriture. l’Église de Dieu, l'autorité infaillible, et vivante que Jésus-Christ a instituée sur la terre pour me faire connaître et pratiquer la vraie foi, me présente les livres saints et me dit, au nom de Jésus-Christ : Ces livres sont les écrits des Prophètes et des Apôtres. Non-seulement ils sont authentiques, c'est-à-dire écrits par les auteurs auxquels on les attribue, mais ils sont inspirés, c'est-à-dire écrits avec l'assistance de l'Esprit-Saint, et ils renferment vraiment la parole de Dieu. — Je crois à l'enseignement de l’Église, et, logique dans ma foi, je dis et je crois que la Bible est la parole de Dieu.

Mais le protestant, qui rejette l'autorité de l’Eglise, ne peut plus raisonner ainsi. Avec la Bible à la main, il demeure sans réponse, quand on lui demande pourquoi il a foi à ce qu'elle contient.
 

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1) a été constaté par des rapports scientifiques émanant de savants protestants qu'il est absolument impossible de traduire là
Bible en certains idiomes, qui n'ont pas d'expressions pour rendre la plupart des idées exprimées dans le saint livre. — Voilà donc des nations entières qui ne pourront jamais arriver à la foi, si la foi doit se former par la lecture de la Bible !

1. Les livres de la Bible sont-ils authentiques ? Demanderai-je d'abord aux protestants ; comment savez-vous qu'ils sont écrits par les Prophètes et par les Apôtres dont ils portent les noms ?

Ici naissent dés questions historiques fort embrouillées et dont plusieurs, on peut le dire, sont
inextricables. « Chaque individu, dit le professeur protestant Shœrer 1, est appelé ici à se prononcer sur des matières au sujet desquelles les docteurs doutent et diffèrent; le plus simple des fidèles doit, avant d'être sûr de sa foi, résoudre des questions d’authenticité de critique et d’histoire…En vérité, voilà une assiette bien solide pour la foi des fidèles ! voilà une règle bien accessible à la masse du peuple chrétien ! " — Nous autres catholiques, nous n’avons pas besoin d'entrer dans ce dédale;
l’ Eglise nous affirme une authenticité dont elle transmet d'âge en âge la certitude à ses enfants.

2. Mais en admettant, par impossible, qu'un protestant. puisse savoir certainement que tous les livres de la Bible ont été écrits par les saints auteurs auxquels ils sont attribués, comment saura-t-il qu'ils sont vraiment inspirés et que ce ne sont pas de bon livres ordinaires?

Il est très-possible que saint Paul, saint Jean, saint Matthieu, aient écrit une foule de lettres et peut-être même des ouvrages religieux qui n'étaient point inspirés du tout. Comment saurez- vous, en dehors de ce jugement infaillible de l’Église, si tel ou tel écrit de ces auteurs est inspiré on ne l'est pas ?

Direz-vous que le Saint-Esprit, qui assiste tous les chrétiens, vous fait reconnaître les livres inspirés? Comment se fait-il alors que parmi vous, on soit si peu d'accord sur ce point, que Luther rejette tel livre que vénère Calvin, et que les protestants de nos jours admettent des livres que méprisaient leurs pères, le livre de Tobie, par exemple, de Ruth, d'Esther; l’épître de l’Apôtre saint Jacques, celle de saint Paul aux Hébreux, etc. ? Sur les quatre Evangiles eux-mêmes les protestants ne peuvent s'accorder, et de nos jours encore tel pasteur ne reconnaît que l'Evangile de saint Mathieu, tel autre le seul Evangile de saint Jean.

Cette question fondamentale s'il en est, de la certitude de l'inspiration des livres saints, arrête et
arrêtera toujours le protestant dès le premier pas qu'il voudra faire dans la voie du raisonnement. C'est une difficulté mortelle pour le protestantisme.

Aussi, bien des protestants qui veulent raisonner leur foi, voyant tout leur édifice religieux reposer sur une base qui, pour eux, est nécessairement douteuse, perdent peu a peu ce qui leur restait de croyance et tombent dans le rationalisme ou dans l'indifférence.

3. Terminons en ajoutant une troisième réflexion : Lors même qu'un protestant pourrait arriver à la certitude de l'authenticité et de, l’inspiration de la Bible, comment saura-t-il que la traduction dont il se sert et qu'il distribue autour de lui est parfaitement fidèle, et ne donne pas, comme il arrive souvent, le sens erroné du traducteur pour le sens véritable et incompris de l’original ?

Il est peu d'hommes qui sachent l'hébreu assez du moins pour le parfaitement traduire ; et d'ailleurs, on ignore en quelle langue certains de nos livres saints ont été originairement écrits.

L'autorité de l’Eglise nous tient lieu, je le répète, de toutes ces recherches impossibles. Mais les pauvres protestants, en face de ces difficultés insurmontables pour eux, ou bien abandonnent la partie et ne s'occupent plus de la Bible, ni de la foi, ni de la religion, ou bien leurs études non dirigées leur donnent le vertige, et, sans guide dans ce labyrinthe, ils arrivent par la voie du doute à la négation de toute vérité; ou bien enfin, conservant, sans la raisonner, leur foi à la sainte Ecriture,
 

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l La Critique et la Foi, par E. Schœrer de Genève

il laissent là le libre examen, et, sur le témoignage de la tradition catholique, ils croient à
l'inspiration divine de la Bible que le protestantisme est impuissant à leur démontrer. Ceux-là sont, en ce point, catholiques sans le savoir, et fort heureusement beaucoup en sont là.

Chaque fois qu'un protestant invoque l'autorité de la Bible, il invoque, à son insu, l'autorité de la sainte Eglise catholique, sans l'attestation infaillible de laquelle la démonstration de l'inspiration divine des Ecritures est impossible. «  Evangeliis non crederem, disait saint Augustin au 4ème siècle, nisi me commoveret Ecclesiœ catholicae auctoritas. » -« Je ne. croirais point aux Evangiles, si l'autorité de l’Église catholique ne me forçait d'y croire. »
 
 
 

Chapitre 13. Jusqu'où peut mener le principe protestant qui donne la Bible comme règle de foi.
 

Si la Bible, interprétée selon la prétendue inspiration de chaque lecteur, était la règle de la foi, chacun serait obligé en conscience à croire et à faire ce qu'il découvrirait dans sa Bible.

Or, d'après ce principe, qui est, on ne peut le nier, le grand principe du protestantisme, les protestants ne peuvent qu'approuver les abominables et impures folies de tant de sectes prétendues évangéliques qui, depuis les anabaptistes jusqu'aux mormons, osent appuyer leurs infamies sur des textes incompris de l'Ecriture. Bien plus, ils sont obligés de reconnaître pour leurs frères légitimes,
pour de bons et logiques protestants, ces mormons, ces anabaptistes, ces ignobles sectaires qui sont l'opprobre de l'humanité.

Que d'impudicités ne se sont point autorisées de cette parole du Seigneur: « Croissez et multipliez! » «  Les anabaptistes de Munster, et après eux bien d'autres, en conclurent la légitimité de la polygamie. C'est sur je ne sais quel passage de l'Evangile que Luther, Bucer et Mélanchton, s'appuyèrent pour permettre à Philippe, landgrave de Hesse, d'avoir deux femmes à la fois.

Toujours au nom de l'Ecriture, de la parole de Dieu, Luther poussa les paysans de l'Allemagne à se révolter contre les princes, puis, effrayé de son propre ouvrage, excita les princes à massacrer les paysans. Jean de Leyde découvrit en lisant la Bible qu'il devait épouser, onze femmes à la fois ; Hermann y vit qu'il était le Messie envoyé de Dieu; Nicolas, que tout ce qui a rapport à la foi n'est pas nécessaire, et qu'il faut vivre dans le péché, afin que la grâce abonde; Simpson prétend y lire qu'il faut marcher tout nu dans les rues, pour montrer aux riches qu'ils doivent être dépouillés de tout; Richard Hill trouve dans la Bible que l'adultère et l'homicide sont des œuvres qui opèrent pour le bien, et il ajoute que si ces crimes sont unis à l'inceste, ils rendent plus saints sur la terre et plus joyeux dans le Ciel.

De l'aveu même des protestants honnêtes, il n'est point de crime et d'abomination qui n'ait trouvé sa prétendue justification dans un texte de l'Ecriture, interprété en dehors de l'autorité tutélaire de l’Église.

Que faut-il penser d’un principe qui à de pareilles conséquences?
 
 
 

Chapitre 14. l’Église catholique défend-elle la lecture de la Bible ?
 

l’Église, qui a reçu des mains de Dieu le trésor des saintes Ecritures, n'a pas de plus grand désir que de voir ses enfants se nourrir de la divine parole, et en méditer les oracles. Néanmoins elle entoure cette lecture excellente de certaines précautions que la foi et l’expérience prescrivent également à sa prudence maternelle.

Elle se souvient que Satan s'est servi de l’Ecriture sainte pour tenter le Christ au désert et que les Scribes et les Pharisiens ne combattaient Jésus et ses Apôtres qu'au nom de la parole de Dieu. Elle se rappelle que son premier Pontife, le prince des Apôtres, parlant des Ecritures inspirées, enseignait « qu'il s'y rencontre des passages difficiles à comprendre, que des hommes sans doctrine et à l'esprit changeant dépravent ainsi que le reste des Ecritures pour leur propre ruine 1. » Et c'est l'Ecriture elle-même qui oblige l’Église à donner avec prudence l'aliment divin à ses enfants. L'expérience se joint à la foi, en cette matière si grave ; et l'exemple de tous les hérétiques et en particulier des hérétiques modernes lui a fait voir que cette lecture de la Bible pourrait, dans de certaines conditions, et spécialement dans les traductions en langue vulgaire, être fort dangereuse. Elle a donc tracé des règles très simples et très sages destinées, non pas à empêcher cette lecture sanctifiante, mais à en écarter les dangers.

La première de ces règles est de recevoir des pasteurs légitimes de l’Église, et d'eux seuls, le texte et l'interprétation de l’Ecriture, de peur, comme l’ajoute l’Apôtre saint Pierre que, « ballottés par
l’erreur des faux docteurs, les chrétiens ne déchoient de cette solidité de doctrine qui est leur bien propre; ne insipienium errore traducti excidatis a propria firmitate. »

Puis l’Eglise ordonne que l'on se serve de certaines traductions de l'Ecriture sainte examinées avec soin et approuvées par l'autorité ecclésiastique; et, de la sorte, les fidèles sont assurés que ce qu'ils lisent est bien la parole de Dieu, et non pas la parole humaine de quelque traducteur ignorant ou perfide. l’Église veut en outre, que l’on consulte cette même autorité qui seule peut juger, si l'on est dans les dispositions convenables d'esprit et de cœur pour tirer profit de cette sainte lecture. Le simple énoncé de ces règles pratiques suffît pour en faire comprendre la profonde sagesse. Elles ne
sont pas seulement sages, elles sont nécessaires.

l’Église montre par là combien elle a plus de souci de la sainte parole de Dieu que ces téméraires novateurs qui, sous prétexte de la mettre à la portée de tous, l'ont jetée dans la boue et l'ont indignement profanée. l’Église catholique seule respecte la Bible, parce que seule elle en comprend la sainteté et le véritable usage.

Ajoutons ici, ce que plusieurs ignorent, qu'on lit beaucoup plus l’Ecriture sainte dans l’Eglise catholique que chez les protestante, du moins chez ceux de France. A la Messe, on lit chaque jour des fragments de l’Ancien Testament ou des Epitres des Apôtres, et les passages les plus saillants du saint Evangile. Beaucoup de catholiques portent habituellement sur eux le Nouveau Testament ou du moins les quatre Evangiles, et cette pieuse pratique est de règle dans les séminaires. Il est peu de prêtres qui, chaque jour, ne consacrent un certain temps à la lecture et à la méditation de l’Ecriture sainte. Je ne sais si MM. les pasteurs lisent beaucoup l'Ecriture, mais je puis affirmer que leurs, ouailles né la lisent guère. Dans beaucoup de familles protestantes, les parents en défendent,

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1. « ... In quibus sunt quaedam difficilia intellectu quae indocti et instabiles dépravant, sicut et cœteras Scripturas, ad sua ipsorum perditionem. » (2e Ep. de S. Pierre, ch. 3,v. 16.)
 

et certes avec raison, la lecture à leurs enfants, à cause des nombreux passages qui ne peuvent être mis prudemment sous les yeux d'un jeune homme ou d'une jeune fille.

L'Ecriture est avant tout le livre sacerdotal,  le livre des prêtres ; les prêtres qui sont chargés d'enseigner et de sanctifier les autres fidèles la reçoivent comme leur dépôt le plus précieux après l'Eucharistie. Ils l'expliquent au peuple et en nourrissent les âmes tout en s'en nourrissant eux-mêmes les premiers. Ils ont mission de la faire aimer et respecter de tous, de la donner à chacun selon ses besoins spirituels, et de conserver ainsi à la parole de Dieu son caractère, essentiel qui est d’être lumière et vie.

Les saints prêtres et les vrais chrétiens ont pour le livre des Ecritures des respects et un amour qui ne se peuvent dire. Saint Charles Borromée, le grand Archevêque de Milan, le grand Réformateur du clergé d'Italie au 16ème siècle, ne lisait la Bible qu'à genoux, la tête nue ; et on l’a vu demeurer
quatre heures de suite absorbé dans ce divin travail. Saint Philippe de Néri, baignait de ses larmes les pages sacrées qu'il savait par cœur. Il en était de même de saint François de Sales et de saint Vincent de Paul. M. Olier, le réformateur de la discipline ecclésiastique en France, entourait le livre de la Bible d'une vénération merveilleuse. Il l'avait fait magnifiquement relier en argent massif; Il ne le posait jamais à côté de ses autres livres. Avant de l'ouvrir il se revêtait de son surplis, et, comme saint Charles, ne le lisait qu'à genoux, malgré ses infirmités. La pieuse compagnie de Saint-Sulpice, qui dirige une grande partie de nos séminaires de France, inspire ces mêmes sentiments de
religion aux jeunes ecclésiastiques qu'elle a mission de former et s'empressent de suivre une direction aussi catholique.

Jésus est la manne cachée des Ecriture. Bienheureux est celui qui l'y cherche et l'y trouve. Bienheureuse est l'âme fidèle qui,  à la lumière de la sainte Eglise et de la vraie foi, et dans un esprit de piété, d'amour et de sanctification, scrute l'adorable parole de Dieu et en fait avec le Sacrement de l'autel l'aliment substantiel d'une vraie et solide piété !
 
 

Chapitre 15. Pourquoi les Sociétés Bibliques sont condamnés par l’Eglise.
 
Un catholique fort pieux, qui trouve dans la méditation de la sainte Ecriture un puissant aliment pour sa vie religieuse, me demandait si les Sociétés Bibliques, en répandant à foison les exemplaires de la Bible, ne faisaient pas en somme une chose utile aux âmes et n’étaient pas, sans le savoir, les auxiliaires de l’Eglise catholique. Il s’étonnait que le Pape Grégoire XVI les eût flétries solennellement et les eût appelés des pestes.

« Le Pape dit à ce sujet le docteur Léo, protestant allemand, d’un esprit élevé, le Pape a appelé les Sociétés Bibliques des pestes, et, pour ma part  si j’étais Pape et Italien, j’en ferais bien autant. Ayons donc la bonne foi d’examiner un peu ce que les émissaires des Sociétés protestantes anglaises font dans les pays catholiques avec un manque d’égards et de pudeur qui ne connaît pas des bornes ; comment tous les moyens leur sont bons pour répandre la Bible ; comment ils la répandent sans le moindre jugement entre les mains des hommes les moins aptes a comprendre ; comment ils sèment des doctrines qui font entrer la confusion dans les esprits, qui blessent la moralité, ébranlent l’autorité sociale et l’ordre ecclésiastique et qui n’ont en résumé qu’une action révolutionnaire. Les Sociétés Bibliques, dans ces derniers temps, ont servi d’instrument aux auteurs des machinations exécrables qui ont bouleversé l’Italie. Le zèle protestant de l’Angleterre fraie en outre un chemin à la politique et au commerce anglais qui s’introduisent en Italie, la Bible à la main. La Bible est la peau de brebis sous laquelle se cache le loup. »

Voilà la question jugée par un protestant. La Bible protestant n’est qu’une peau hypocrite dont affublent à la fois l’incrédulité et la révolution.
 

Chapitre 16 La Bible, toute la Bible, rien que la Bible.
 

Voilà ce que le menu peuple protestant, comme les grands docteurs, ne cesse de crier aux
catholiques. La Bible, c'est toute la religion ! Lisez la Bible, et vous êtes sûrs d'y trouver la foi et le salut ! Voulez-vous vous débarrasser de toutes les superstitions romaines, lisez la Bible ! Aspirez
vous à une religion commode, facile et dégagée de pratiques gênantes, ayez une Bible ! Voulez-vous compter pour un converti et un élu de Dieu, acceptez une Bible !

Tout faux et impossible que soit ce principe qui fait d'un livre diversement interprété l'unique règle de foi, on serait tenté de croire qu'au moins les protestants le respectent et le prennent au sérieux. Il n'en est rien, et nous n'avons qu'à ouvrir la Bible pour y trouver entre le texte sacré et les doctrines
protestantes de flagrantes contradictions sur
les points les plus importants :

Croyances et pratiques protestantes.
 
Les ministres disent : Il n'y à point d'autre autorité en religion que la Bible. C'est à elle seule qu'il faut croira. Tout enseignement qui vient par l'homme, si ce n'est pas le texte de la Bible, est usurpation et mensonge. "

Textes de la sainte Ecriture.

Jésus-Christ dit aux douze apôtres : «  Ainsi que mon Père m'a envoyé, moi je vous envoie. " (Saint
Jean 4, 58. ) — « Toute puissance m'a été donnée dans le ciel et sur la terre : allez donc et instruisez tous les peuples,... leur apprenant à observer tout ce que je vous ai commandé." (Saint Mathieu 28, 18.) — « Qui vous écoute m'écoute; qui, vous méprise me méprise." (Saint- -Luc 10, 16.)

Les ministres disent :

« En religion, on ne doit obéir à personne qu'à la Bible, à la pure parole de Dieu. »

Et saint Paul: « Obéissez à vos conducteurs et soyez soumis à leur autorité ; car ce sont eux qui
veillent pour; le bien de vos âmes, comme devant en rendre compte. » (Hébr. 8,17.)

 Les ministres disent :

« Les évêques sont de trop, leur ministère est usurpé. »
 

Saint Paul dit aux évêques :

« Le Saint-Esprit vous a établis évêques pour gouverner l’Eglise de Dieu. » (Act. 20, 28. )
 

Les ministres disent:

« L'Ecriture est facile à saisir, et en la lisant, on est à l’abri de toute erreur. »

Saint Pierre dit en parlant des épîtres de saint Paul : « Dans ces lettres il y a quelques endroits difficiles à entendre, que des hommes ignorants et légers détournent, aussi bien que les autres Ecritures, a des mauvais sens, pour leur propre ruine. » (2 Pierre 3,16.)
 

Le Sauveur, on le sait, n'a rien écrit ; il n'a point recommandé à ses Apôtres d'écrire ; il n’a laissé aucune parole pour indiquer aux chrétiens qu'ils devraient lire ce qu'écriraient les Apôtres. Aussi, dans la primitive Eglise, on priait, on jeûnait, on recevait le baptême, la sainte communion, on pratiquait la religion entière et on obtenait le salut sans lire l’Evangile, qui n'était pas encore écrit. Cette petite remarque, que nous avons déjà faite et sur laquelle nous insistons, infirme passablement le grand dogme protestant qu'il faut nécessairement lire l'Ecriture pour connaître la religion et être sauvé, — Qu'a donc « fait Jésus-Christ pour établir et maintenir la religion ? Il a ordonné aux Apôtres de la prêcher : tout est là. Les Apôtres ont jugé utile de mettre en écrit quelques-uns de leurs enseignements et les traits les plus saillants de la vie du divin Maître : c'est ce qui forme l'Evangile. Le reste, ils ont continué à l'enseigner de vive voix, sans l'écrire : c'est la Tradition. Ainsi la tradition a une autorité divine, aussi bien que l’Evangile. Venons maintenait aux textes, et voyons si le dire des ministres s'accorde avec le dire de l'Ecriture :

Les ministres disent :

« Nous ne voulons point de tradition.

Saint Paul dit :

« Gardez les traditions que vous avez recueillies soit de mes discours, soit de mes lettres. » (2 Thess. 2, 14.)

Les ministres disent :

« Tout ce que Jésus a fait et dit se trouve dans son Evangile. »

Saint Jean dit en terminant son Evangile :

« Jésus a fait encore beaucoup d’autres choses. » (21,25.)

Les ministres disent :

« Il n’y a pas d’autre doctrine des Apôtres que ce qu’ils ont écrit. »

Saint Paul dit à l’évêque Timothée :

« Ce que vous avez appris de moi devant plusieurs témoins, donnez- le en dépôt à des hommes
fidèles, qui soient eux-mêmes capables d'en instruire d'autres." (2 Tim.2,2.) Et saint Jean : « Quoique j'eusse plusieurs choses à vous, écrire, je n'ai' point voulu le faire sur du papier et avec de
l'encre, espérant vous aller voir et vous en entretenir de vive voix. »

Les ministres disent :

«  La justification et le salut de l'homme s'obtiennent par la foi seule. Les œuvres sont inutiles et sans efficacité. »

Saint Jacques dit :

« Mes frères, que servira-t-il à quelqu'un d'avoir la foi, s'il n a pas les œuvres? La foi pourra-t-elle le sauver ? Aussi la foi qui n'a point les œuvres est morte en elle-même... Notre père Abraham ne fut-il pas justifié par les œuvres, lorsqu'il offrit son fils Isaac sur l'autel?... Vous voyez donc que c'est par les œuvres que l'homme est justifié, et non pas seulement par la foi. » (2, 14 et suiv.)

Aux jours de la Réforme, un peintre fit le tableau de l’institution du saint Sacrement. On voyait au milieu le divin Sauveur distribuant la Communion aux Apôtres en prononçant la parole sacrée : Ceci est mon corps ; — à droite, un peu plus bas, Luther donnait la cène aux siens, en disant : Ceci contient mon corps; — à gauche, Calvin faisait la même chose, en disant : Ceci est la figure de mon
corps. Au fond, l’artiste avait écrit en grosses lettres : Auquel des trois faut-il croire ? Ce tableau fut plus éloquent que de longs discours.

Les ministres disent :

« Le Sauveur n'a point voulu donner sa chair à manger ; c’est là une erreur forgée par l’Eglise romaine. »

Notre-Seigneur Jésus-Christ dit en saint Jean 6,48 et suivants :

« Je suis le pain vivant, qui suis descendu du ciel… Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement ; et, le pain que je donnerai, c'est ma chair pour la vie du monde… »  Les Juifs disputaient donc entre eux, disant : Comment celui-ci peut-il nous donner sa chair à manger ?...Et Jésus leur dit : « En vérité, en vérité, je vous le dis : Si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme, et ne buvez son sang, vous n'aurez point la vie en vous, car ma chair est vraiment une nourriture, et mon sang est vraiment un breuvage. »

Les ministres disent :

« Dieu seul remet les péchés. Il n’a pas communiqué aux hommes le pouvoir de les remettre. »

Et Jésus-Christ dit à ses envoyés : «  Recevez l’Esprit-Saint; les péchés seront remis à qui vous les
remettrez, ils seront retenus à qui vous les retiendrez. » (Saint Jean, 20, 22.)
— " Tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans les cieux." (Saint Matthieu, 18, 18.)

Il serait facile de poursuivre cette confrontation d'où ressort avec évidence l'opposition qui règne en une foule de points entre renseignement des pasteurs et cette parole de Dieu qu'ils font profession de vénérer et d'accepter tout entière. Que devient, devant ces preuves incontestables, la fameuse devise des protestants : la Bible, toute la Bible ?

Aussi bien des protestants, à la vue de ces inconséquences, vont jusqu'à rejeter entièrement la Bible sur laquelle ils ne peuvent plus appuyer leurs doctrines? Une foule de pasteurs la considèrent

comme un livre purement humain. « On ne peut nier, dit M.Goquerel 1, que les livres Saints contiennent des contradictions et des erreurs de fait. »-« Pour la majorité des protestants, disait dans une adresse au roi de Prusse le Magistrat de Berlin au nom du protestantisme - berlinois, l’Ecriture et les livres symboliques sont des témoignages sur le travail de formation du christianisme, des
Œuvres purement humaines ; là ne réside point la vérité absolue 2. »

Et, pour achever le tableau, le professeur Schœrer, de Genève, adversaire déclaré de l'inspiration de la Bible, appelle les saintes Ecritures : UNE VENTRILOQUIE CABALISTIQUE 3.

Et voilà ce que les protestants ont fait de la Bible !
 

Chapitre 17 Le prêtre catholique et les ministres protestants.
 

On se fait ordinairement, du moins en France, idée la plus fausse des pasteurs protestants. On les regarde comme des espèces de prêtres, revêtus d’un caractère spécial et sacré qui les distingue des autres protestants et leur donne sur ceux-ci de l’autorité en matière de religion. Grâce à ce préjugé, connu et exploité par les ministres, on oppose le protestantisme avec ses pasteurs à l’Église avec ses prêtres. Or, cette idée pèche par la base, et il est bon d'y porter la lumière.

Qu'est-ce en effet qu'un prêtre ?

Un prêtre est un homme consacré exclusivement à Dieu par le sacrement de l'Ordre qu'il reçoit par l'imposition des mains de l'Évêque, et qui lui donne, au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, un caractère inviolable et saint, le pouvoir et le devoir d'enseigner aux hommes la religion, de célébrer le Sacrifice eucharistique, de remettre les péchés et de sanctifier ainsi le peuple fidèle. Par le sacrement de l'Ordre, le prêtre reçoit une participation à la puissance de Jésus-Christ sur les âmes. Il est fait prêtre pour toujours, et il reste prêtre, lors même qu'il voudrait ne plus l'être, de telle sorte que son pouvoir et la sainteté de son ministère sont absolument indépendants de ses qualités personnelles.

Voyons maintenant ce que c'est qu'un ministre protestant.

Définition difficile, car le ministre protestant, aussi bien que le protestantisme, est un vrai Protée qui échappe toujours à qui croit le tenir ; ce qui et vrai de lui à Paris n'est plus vrai à Londres ; si vous le définissez nettement à Londres, votre définition ne vaut plus rien à Berlin, et ainsi de suite.

Cependant, au milieu de cette variété prodigieuse d’espèces, demeure le genre qui, vu dans son ensemble, a été défini de la sorte par le comte de Maistre : « Un pasteur protestant est un monsieur habillé de noir qui débite en chaire, le dimanche, des propos honnêtes. »

Pour moi, je dirai avec plus de vérité : Un ministre hérétique est un homme qui se donne la coupable mission d'attaquer, au nom de l'Evangile, l’Église de Jésus-Christ, et de répandre ou d'entretenir l'erreur au milieu des hommes.
 

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1. Lien, 6 mai 1852.
2. Mémoire sur l’instruction publique en Allemagne, par E. Rendu.
3. La Critique et la foi, p.20-22.
 
 

Je dis qu'il se donne cette mission, car Dieu ne la lui donne pas. Dieu a envoyé aux hommes des pasteurs de son Eglise et il est avec eux jusqu'à la fin des siècles; voilà la mission divine, la seule vraie mission pastorale et évangélique. Les impositions de mains, les nominations de consistoires, les traitements du gouvernement, ne peuvent donner une mission divine ; rien ne remplace le Saint-Esprit non plus que le sacrement de l'Ordre.

Je dis, en outre, que le ministre hérétique est coupable et très-coupable ; car il attaque l’œuvre de Jésus-Christ, il attaque la vraie foi, et il tombe sous l’anathème prononcé par saint Paul contre tout homme qui prêche une doctrine opposée à celle de l’Église. Qu’il le veuille ou non, qu'il soit ou non de bonne foi le ministre protestant fait l'œuvre du démon, en enlevant aux chrétiens la foi qui est le fondement du salut.

Les vertus que peuvent avoir les pasteurs hérétiques ne changent rien à la question ; c'est leur ministère qui est pervers et non leur personne. S'ils ont des qualités et des talents, accordons-leur une estime personnelle, soit ; mais leur œuvre anticatholique n'en reste pas moins une détestable impiété, digne de la répulsion de toute âme chrétienne. Les esprits superficiels confondent ordinairement ces deux choses ; la forme leur fait oublier le fond ; l'homme leur fait oublier l'hérétique.

Savez-vous ce qui fait en réalité la force des pasteurs protestants ? Ce ne sont ni leurs paroles, ni leurs doctrines, ni leurs vertus, c'est cet instinct catholique, profondément vrai, que les protestants ont conservé malgré eux, d'une autorité visible, vivante, enseignante, en matière de religion. Ici comme toujours le protestant vit de 'ce qu'il prend au catholicisme. Ce qui est déplorable, c'est de voir de pauvres âmes, souvent bonnes et honnêtes, livrées à la direction d'hommes sans croyances fixes, changeant à tout vent de doctrine, et qui très-souvent ne croient plus même en Notre-Seigneur Jésus-Christ.

C'est faire injure au sacerdoce catholique que de lui assimiler les pasteurs des sectes protestantes ; de même que le protestantisme n'est pas une religion, quoi qu'on en dise, de même ses ministres n'ont pas l’autorité des prêtres quoi qu'ils fassent tout ce qu'ils peuvent pour en avoir l'air 1.
 
 

Chapitre 18.En quel sens le prêtre est le médiateur entre Dieu et les hommes.
 

Fort souvent les ministres protestants, à la suite de Rousseau et de Voltaire,  reprochent aux prêtres catholiques de se placer entre Dieu et l’homme et intercepter les communications du créateur avec sa créature. Ce reproche serait fondé si les prêtres se plaçaient là sans mission aucune, comme font effectivement MM. les pasteurs. Les prêtres n’usurpent pas, mais ils exercent un droit et un devoir, en obéissant à Celui qui les a envoyé pour prêcher la religion véritable, pour combattre les erreurs,
 
 

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1. Je crois inutile d’établir tel la comparaison entre nos missionnaires et ce que l’on appelle les missionnaires protestants. Tout le monde connaît la nullité religieuse de ces prétendues missions qui se préoccupent beaucoup plus du commerce anglais, du coton et de l’opinion, que de la gloire de Dieu. Leur principal résultat au point de vue de la foi est de contrarier le zèle de nos apôtres-martyrs.
Pour sauver et sanctifier les âmes, pour absoudre les pécheurs, pour dispenser aux fidèles les mystères de Dieu.

Les prêtres ministres de l’Eglise, n’interceptent pas plus les communications de Jésus-Christ avec les âmes que l’humanité adorable du Sauveur n’interceptait, aux jours de l’Incarnation, la communication de la Divinité avec le monde. Tout au contraire, par son humanité Dieu parlait aux hommes, les enseignait, les bénissait, et cette humanité était le moyen divinement institué pour établir la religion, c’est-à-dire le lien qui unit l’homme à Dieu.

Or, le mystère de l’Eglise étant sur la terre la continuation et l’extension du mystère de l’Incarnation, il n’est pas étonnant que Jésus-Christ, remonté aux cieux et invisible en sa gloire, se serve encore de l’humanité pour accomplir son œuvre.

C’est par ses prêtres qu’il exerce sa puissance ; il est tout dans ses prêtres, qui ne sont rien que par lui. C’est par le Pape qu’il gouverne et enseigne infailliblement son Eglise, c’est par les Evêques et par les prêtres qu’il est le Pasteur des âmes ; et quand les protestants accusent l’Eglise d’usurper les droits de Dieu, ils montrent une complète inintelligence du mystère du salut.
 
 
 

Chapitre 19.De la science et des controverses des ministres protestants.
 

Les ministres protestants semblent au premier abord assez instruits en religion ; mais une épreuve un peu suivie dévoile le peu de solidité de ce savoir, c’est presque toujours un savoir vraiment protestant, c’est à dire, négatif ; c’est une érudition belliqueuse et uniquement belliqueuse, qui a pour objet non pas l’amour sanctifiant de la vérité, mais la haine fort peu sanctifiante de tout ce qui est catholique.

Dans les disputes et controverses, on les voit arriver avec un luxe incroyable de livres, de citations, de textes, de faits, de dates ; et la plupart des auditeurs, éblouis par ce feu d’artifice sont tentés de prendre ces messieurs pour des vrais savants.

Il n’en est rien. Quelques-uns, je le sais, font exception et sont des hommes vraiment distingués et travailleurs. Tels sont en particulier certains Allemands et plusieurs membres de ce qu’on appelle en Angleterre la haute Eglise, que leurs études rapprochent chaque jour davantage de la foi catholique. Tout en rendant hommage aux hommes doctes et amis de la vérité, il faut reconnaître qu’ils sont en petit nombre, principalement dans les rangs des ministres protestants de France. L’érudition de ces derniers se compose, en général, d’un certain nombre de passages des Pères, altérés ou bien détournés de leur vrai sens ; de faits plus ou moins authentiques et qui paraissent contredire quelques dogmes ou quelques pratiques de l’Eglise ; enfin d’une grêle de textes incompris de la Bible. Inutile de dire que vingt fois et cent fois ces objections, toujours les mêmes depuis Luther, ont été victorieusement réfutées par nos grands controversistes, tels que Bellarmin, le docte Suarez, saint François de Sales, Fénelon, Bossuet, etc. Faute de mieux, on y revient toujours et l’on y trouve toujours un nouveau goût.

On conçoit qu’à moins d’avoir fait des études spéciales, et à moins d’être doués d’une mémoire extraordinaire, un catholique instruit et même un prêtre peuvent facilement, dans une discussion, être arrêtés par une de ces citations à effet. Le moindre examen, la moindre recherche leur donnerait bien vite la solution de la difficulté, mais dans la discussion on ne leur laisse pas le temps d’aller aux sources et on représente leur embarras momentané comme une défaite.

Cette observation fait comprendre pourquoi l’Eglise, tout assurée qu’elle est de la vérité divine de sa doctrine et de l’inanité des assertions hérétiques, ordonne à ses enfants d’aborder avec un e grande réserve les controverses avec les ministres protestants et nous défend d’assister aux prêches, ainsi que de lire sans une autorisation spéciale les livres hérétiques. Ce n’est pas crainte, c’est prudence : prudence est mère de sûreté.
 

Chapitre 20.Pourquoi les prêtres catholiques ne se marient pas comme les ministres protestants.
 

Un jour un ministre protestant reprochait à un jeune étudiant son inconduite :

« Cela vous est facile à dire, Monsieur, répondit celui-ci. Luther a déclaré qu'il était aussi impossible de se passer du mariage que d'habits et de nourriture, et c'est d'après cet avis que vous vous êtes marié. J'en ferais bien autant, si j'en avais les moyens ; mais je n'ai que vingt ans, le gouvernement et les sociétés évangéliques ne me donnent pas comme à vous de quoi défrayer un ménage, et en attendant je m’arrange comme je peux. »

Je serais curieux de savoir ce qu'a pu répondre à cet argument un pasteur marié, et marié en vertu du principe protestant que le célibat est contre nature.

Un prêtre catholique aurait répondu comme saint Paul : Imitatores mei estote, sicut et ego Christi. — Imitez-moi, de même que moi j'imite le Christ ; «  soyez chastes comme je suis chaste » ; et ne dites pas que cela est impossible, car ce que je puis faire, vous pouvez le faire aussi.

C'est le célibat qui permet aux prêtres de se donner entièrement à leur saint ministère.
En embrassant l’état ecclésiastique ils s'obligent, de plein gré et après une longue épreuve, à garder la parfaite continence ; et bien que cette obligation ne soit pas d'institution divine, elle néanmoins d'une merveilleuse sagesse. l’Église a bien su ce qu'elle faisait en changeant en précepte absolu pour ses prêtres le conseil évangélique et apostolique du célibat 1, et le démon sait bien ce qu'il fait aussi lorsqu'il réclame contre cette salutaire institution.

Si nos prêtres étaient mariés, croyez-vous qu'ils se sacrifieraient comme ils le font chaque jour ? Croyez-vous qu’ils n'y regarderaient pas à deux fois avant d'aller auprès d'un malade atteint d'une fièvre contagieuse, avant de donner à leur prochain les dernières économies de leur bourse ? Le premier prochain d'un homme marié, n'est-ce point sa femme et son enfant ?

C'est du reste une idée à laquelle on ne se fera jamais chez nous que celle d'un prêtre marié. Le sacerdoce chrétien et le pot-au-feu conjugal ne vont pas de pair. Le pastorat protestant, qui n'est
cependant qu'une caricature de ce sacerdoce, traîne après lui son ménage comme un boulet ridicule.
 

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1. Il est bon de faire observer ici que si, dans les premiers siècles, l’Église a permis quelquefois l'ordination d'hommes mariés, elle n’a jamais autorisé à se marier un homme déjà ordonné prêtre.

Rien de plus grotesque que ce que raconte de lui-même, dans ses Mémoires 1 récemment publiés un certain pasteur nommé M.Bost. Le récit de ses courses apostoliques, de ses prédications, de ses vocations diverses et de ses changements de convictions, est entrelardé de niaises histoires de soucis matrimoniaux de marmites et de batterie de cuisine. Avec sa femme, onze enfants, deux servantes, un piano et des serins, le malheureux apôtre promène pendant quinze ou vingt ans treize mille livres (textuel) de bagages évangéliques.

Comme cela rappelle le christianisme primitif, saint Paul et son bâton !
 

Chapitre 21.Comme quoi Notre-Seigneur et ses Apôtres ne sont pas du même avis que les ministres protestants sur le célibat religieux.
 

Il est peu de questions aussi clairement résolues par la Bible que la question du célibat religieux. L’Eglise ne fait que répéter à la lettre ce qu’enseignent sur ce point délicat le Sauveur, et après lui le grand Apôtre saint Paul.

Les Pharisiens venaient d’interroger Jésus sur le mariage, et Notre-Seigneur en avait proclamé hautement l’indissolubilité. Les Apôtres effrayés de la dure condition des gens mariés, lui parlent à leur tour : « Si telle est, lui disent-ils, la condition de l’homme avec son épouse, il vaut mieux ne pas se marier, non expedit nubere. » Jésus leur répond : « Tous ne comprennent point cette parole, mais ceux-là seulement à qui il a été donné de la comprendre : non omnes capiunt verbum istud, sed quibus datum est. » Et il ajoute : »Il en est qui se privent du mariage pour gagner le royaume des cieux ; que celui-là entende qui peut entendre : sunt qui eunuchi facti sunt propter regnum cœlorum; qui potest capere capiat 2. »

Il paraît que MM. les ministres quoique évangéliques, ne sont pas de ceux à qui il est donné de comprendre, quibus datum est, et que nos prêtres, bien que papistes, ignorants de la pure parole de Dieu, comprennent le conseil du Maitre et on assez de cœur pour le pratiquer.

Saint Paul expose non moins nettement la doctrine de la virginité et du célibat dans sa première épître aux Corinthiens, au chapitre 7. Il l’a si bien formulée que Mme de Gasparin, dans son Zèle anticatholique, déclare, avec une ingénuité ineffable, qu’il est évident que les passages de cette épître relatifs au célibat ne sont pas inspirés. L’inspiration reprend, dit-elle, dès que saint Paul passe à un autre sujet.

L’Apôtre donc dit en toutes lettres : « Quant aux vierges, je n’ai point de précepte du Seigneur ; c’est un conseil que je donne comme ayant obtenu moi-même miséricorde, afin d’être fidèle. » C’est qu’enseigne aussi l’Eglise catholique ; elle n’oblige personne à garder le célibat. Elle fait, il est vrai, de ce conseil, une loi stricte pour les ministres, mais elle n’oblige aucun homme à embrasser le sacerdoce ; et lorsqu’un chrétien a l’intention de se faire prêtre, c’est avec une volonté parfaitement libre (et une entière spontanéité qu’il accepte la condition de la chasteté parfaite.

La raison de cette conduite de l’Eglise se trouve encore dans saint Paul. Après avoir montré que le mariage est bon et honorable, Il ajoute : « Je veux que vous soyez exempts de soucis ; celui qui n’a

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1. Mémoires pouvant servir à l’histoire du réveil religieux des Eglises protestantes de la Suisse et de la France, et à l’intelligence des principales questions théologiques et ecclésiastiques de nos jours, etc. etc. par A. Bost, ministre protestant.
2. Saint Matthieu, ch.14, vers. 10 et suivants.
point de femme a souci de ce qui est du Seigneur, comment il plaira au Seigneur. Celui qui a une femme a souci de ce qui est du monde, comment il plaira à sa femme, et il est divisé. Et la femme non mariée, ainsi que la vierge, pense à ce qui est du Seigneur pour être sainte de corps et d’esprit ; mais celle qui est mariée pense à ce qui est du monde, comment elle plaira à son mari ; » L’Apôtre conclut : « Donc celui qui marie sa fille fait bien ; celui qui ne la marie pas FAIT MIEUX. » Bene facit ; MELIUS FACIT.

Voilà la question admirablement résumée. Le mariage est bon ; le célibat est meilleur. Qu’ont à répondre à cela le ministres ? Ce n’est pas moi qui parle, c’est la Bible. En réalité, disons-le, ils se soucient fort peu de la Bible, mais ils détestent de tout leur cœur les prêtres, vrais ministres de l’Evangile. Ils voudraient les marier pour les humaniser et les deprêtiser ; ils sont désolés de ne pouvoir leur enlever ce célibat angélique qui les couronne d’une auréole sainte et qui leur attire à si juste titre la confiance et la vénération des peuples.

Les rusés Philistins voudraient encore, au moyen de Dalila, enlever la force de Samson. Instruit par l’exemple du premier Samson, le second ne donne pas dans le piège ; il rejette Dalila et livre aux ennemis du peuple de Dieu les combats indomptables de la foi.

Chapitre 22. Les Jésuites.

Calvin regardait les Pères de la Compagnie de Jésus comme ses plus redoutables adversaires, et disait qu’il fallait avant tout se débarrasser d’eux. « Il faut les tuer, écrivait-il impudemment, et, si cela ne peut se faire commodément, il faut les chasser ou du moins les écraser sous nos mensonges et nos calomnies 1. »

Les fils de Calvin, et plus tard ceux de Voltaire, ont recueilli avec une fidélité édifiante ce pieux enseignement, et ils ont si bien fait, ils ont si bien menti, si puissamment  si impudemment calomnié les Jésuites, qu’ils sont parvenus à croire en effet à une foule des gens que ces saints prêtres ne sont que des impostures, des hypocrites, des fourbes, des conspirateurs, des traites, des obscurantistes, des assassins, des hommes pervers et dangereux.

Est-il nécessaire de dire que les Jésuites ne sont rien de tout cela ? Ce sont de graves et admirables religieux, brûlants de zèle, infatigables au service de l’Eglise et des âmes, toujours prêts à toutes sortes de bonnes œuvres ; ils sont dans l’Eglise ce que sont dans notre armée les troupes d’élite. Les protestants et les impies le savent à merveille : aussi les détestent-ils et les calomnient-ils depuis trois siècles de tout leur cœur, de toutes leurs forces et de toute leur âmes.

Je pourrais citer ici en faveur de la Compagnie de Jésus une foule de témoignages tombés de plumes protestantes non suspectes. Je m’en tiendrai à un seul, aussi piquant et spirituel que péremptoire. C’est la réponse que fit notre bon vieux roi Henry IV au Parlement et à l’Université de Paris qui, en novembre 1603, avait accusé devant le roi les Pères Jésuites de tous les crimes dont on les a toujours et imperturbablement accusés depuis.

« Je vous sais de bon gré, dit Henry IV avec son bon sens et sa fine malice, je vous sais de bon gré du soin que vous avez de ma personne et de mon Etat. La Sorbonne a condamné les Jésuites, dites-vous ; mais  ç’a été, comme vous, avant que de les connaître ; et si l’ancienne Sorbonne n’en a pas voulu par jalousie, la nouvelle y a fait ses études et s’en loue.

1. « Jésuite vero qui se maxime nobis opponunt, aut necandi, aut si hoc comode fleri non potest, ejiciendi, aut certe mendaciis et calumniis oprimendi sunt. »
Vous dites qu’en votre parlement les plus doctes n’ont rien appris chez-eux ; si les plus doctes sont les plus vieux, il est vrai, car ils avaient étudié avant que les Jésuites fussent connus en France. Si chez vous l’on apprend mieux qu’ailleurs, d’où vient que, par leur absence, votre Université s’est rendu déserte, et qu’on les va chercher, nonobstant tous vos arrêts, à Douai, à Pont-à Mousson et hors le royaume ?

« Ils attirent, dites-vous encore, les enfants qui ont l’esprit bon, et choisissent les meilleurs, -et c’est de quoi je les estime ; ne faisons-nous pas choix des meilleurs soldats pour la guerre ?

« Vous dites : Ils entrent comme ils peuvent. –Aussi font bien les autres, et je suis moi-même entré comme j’ai pu en mon royaume ; mais il faut avouer que leur patience est grande, et pour moi je l’admire, car avec patience et bonne vie ils viennent à bout de toutes choses.

« Vous dites qu’ils sont grands observateurs de leurs institut : c’est ce qui les maintiendra. Aussi n’ai-je voulu changer en rien leurs règles, ainsi les y veux maintenir.

« Pour les ecclésiastiques, qui se formalisent d’eux, c’est de tout temps que l’ignorance en a voulu à la science, et j’ai connu que, quand j’ai parlé de les rétablir, deux sortes de personnes s’y opposaient particulièrement : ceux de la religion prétendue réformé et les ecclésiastiques mal vivants. Et c’est ce qui me les a fait estimer davantage. »

Les Jésuites ont été calomniés et persécutés ; ils le seront jusqu’à la fin ; car leur saint fondateur a demandé pour eux en mourant la couronne promise par le Seigneur en sa huitième béatitude, au sermon de la montagne : « Bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, parce que le royaume du ciel est à eux ! Bienheureux serez-vous lorsque les hommes vous haïront et vous persécuteront, et diront en mentant contre vous toute sorte de mal, et rejetteront votre nom comme mauvais, à cause de moi et de l’Evangile ! Réjouissez-vous et glorifiez-vous en ce jour, car votre récompense est grande dans le ciel ! »

Voilà l’histoire de Jésuites tracée d’avance. La haine spéciale que leur vouent les impies et les hérétiques est leur plus magnifique éloge.
 

Chapitre 23. Les mariages mixtes.
 

On appelle mariage mixte l’union d’un catholique avec une protestante ou d’un protestant avec une catholique.

L’Eglise voit avec douleur ces sortes de mariages. Ils attestent d’ordinaire une grande indifférence en matière de religion et ont bien souvent pour conséquence l’éducation hérétique des enfants qui naissent. J’avoue, pour ma part, que je ne conçois pas un chrétien, un catholique assez peu soucieux des choses divines pour choisir une femme hérétique comme compagne de toute sa vie, comme mère de ses enfants, comme directrice de son intérieur.

L’Eglise montre, par tous les moyens possibles, combien lui répugnent ces sortes d’unions. Non-seulement elle ne les entoure pas de la majesté accoutumée des pompes nuptiales, mais elle défend expressément à ses prêtres d’y prendre une autre part que celle de simple témoin ; c’est pour cela que ces mariages se contractent hors de l’église, dans la sacristie, sans aucune bénédiction ni prière, en présence du prêtre revêtu seulement de la soutane, sans surplis et sans étole. Et encore faut-il que les deux futurs conjoints, la partie hérétique aussi bien que la partie catholique, s’engagent préalablement, et sous le sceau du serment le plus solennel, à élever dans la religion catholique tous les enfants qui pourraient naître de ce mariage, les filles comme les garçons. Sans ce serment, l’Eglise se refuse absolument aux mariages mixtes.

Toutes les fois que vous verrez des enfants issus d’un mariage mixte élevés dans le protestantisme, vous pouvez être assurés que c’est là le fruit d’un parjure.

Lorsque toutes les conditions requises pour ces unions regrettables sont remplies et que le mariage a été contracté en présence du prêtre, il est bon que l’on sache qu’il est interdit aux catholiques d’aller se présenter, comme on le fait quelquefois, devant le pasteur protestant. Ce serait communiquer avec les hérétiques in sacris, c’est à dire dans les choses saintes, et faire une concession coupable à l’hérésie. Une fois marié à l’Eglise catholique, qu’allez-vous chercher au temple ? ce n’est pas le lien conjugal, puisque vous êtes déjà marié ; si vous allez au temple pour entendre lire quelques passages de la Bible relatifs aux devoirs des époux, ce n’est pas la peine de commettre un péché de scandale, et vous pouvez les lire vous-même une fois rentré chez vous.

On sait que les protestants ne regardent pas le mariage comme un sacrement, et si MM. les pasteurs ont conservé l’usage de faire venir les mariés au temple, c’est que cette cérémonie, inutile sans cela, leur rapporte de bons et beaux écus.

C’est l’affaiblissement de la foi qui amène les mariages mixtes. Pour qu’un chrétien descende à une pareille mésalliance religieuse, il faut qu’il ait le sentiment de la dignité catholique.

Le mariage est un sacrement duquel dépendent bien souvent le bonheur et le salut de l’époux et de l’épouse. Malheur à ceux qui ne le contractent point selon Dieu et préfèrent à leur foi des arrangements de famille et de fortune, ou des caprices de sentiments.
(fin de la 2ème partie)
 
 
 

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